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08/11/2016 | FRANCE | N°15/00690

France | France, Cour d'appel de Lyon, Sécurité sociale, 08 novembre 2016, 15/00690


AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE



COLLÉGIALE



RG : 15/00690





SOCIETE KEOLIS LYON (PM : M.[J])



C/

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

CPAM DU RHÔNE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON

du 13 Janvier 2015

RG : 20111532











COUR D'APPEL DE LYON



Sécurité sociale



ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2016

















APPELANTE :



SOCIETE KEOLIS LYON

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Maladie professionnelle de Monsieur [J]



représentée par Me Christophe BIDAL de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Elodie BOSSUOT-QUIN de la SCP JOSEPH AG...

AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE

COLLÉGIALE

RG : 15/00690

SOCIETE KEOLIS LYON (PM : M.[J])

C/

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

CPAM DU RHÔNE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON

du 13 Janvier 2015

RG : 20111532

COUR D'APPEL DE LYON

Sécurité sociale

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2016

APPELANTE :

SOCIETE KEOLIS LYON

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Maladie professionnelle de Monsieur [J]

représentée par Me Christophe BIDAL de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Elodie BOSSUOT-QUIN de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au même barreau

INTIMÉS :

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Subrogé dans les droits de M.[A] [J]

représenté par Monsieur [Z] [C], muni d'un pouvoir

CPAM DU RHÔNE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par madame [F] [P], munie d'un pouvoir

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Septembre 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Marie-Christine DE LA SALLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 08 Novembre 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS - PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [A] [J] a travaillé en qualité de mécanicien au sein de la société KEOLIS de 1967 à 2006.

Il a été atteint d'un cancer pulmonaire diagnostiqué le 3 Mai 2009 et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône a reconnu le caractère professionnel de cette pathologie le 4 Mai 2010, lui attribuant un taux d'IPP de 70 %.

Monsieur [A] [J] a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante

( FIVA ) en indemnisation en raison de la pathologie professionnelle prise en charge et a accepté le 21 Juillet 2010 la première offre d'indemnisation se décomposant comme suit :

- préjudice moral : 34 000,00 Euros

- pretium doloris 22 500,00 Euros

- préjudice d'agrément 20 500,00 Euros

- préjudice esthétique 1 000,00 Euros

TOTAL :78.000, 00 Euros

Le FIVA a adressé à Monsieur [J] le 9 février 2011 une 2ème offre d'indemnisation

pour la réparation des préjudices patrimoniaux pour un montant de 10 919,25 Euros que Monsieur [J] a accepté le 14 Février 2011.

Agissant en qualité de subrogé dans les droits de Monsieur [J] en vertu de la loi du 23 Décembre 2000, le FIVA a saisi le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale par requête en date du 5 Octobre 2011 aux fins de voir dire et juger que la maladie professionnelle dont souffre Monsieur [J] est imputable à la faute inexcusable de son employeur.

Selon jugement en date du 13 janvier 2015, le TASS de LYON a :

- Déclaré que la demande du FIVA subrogée dans les droits de Monsieur [J] est recevable ;

- Déclaré que la maladie professionnelle dont est atteint Monsieur [J] est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société KEOLIS ;

- Fixé à son maximum la majoration de l'indemnité en capital attribuée par la Caisse Primaire d' Assurance Maladie du Rhône conformément aux dispositions de l' article L.452-2 al 2 du Code de la Sécurité Sociale ;

- Dit que la Caisse Primaire d' Assurance Maladie devra verser la majoration de rente au FIVA

(arriérés puis arrérages futurs) jusqu'à épuisement, d'une somme de 10 919,25 Euros en capital ;

- Dit que la majoration de rente devra suivre l'évolution du taux d'IPP de Monsieur [A] [J];

- Déclaré qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de la maladie professionnelle due à l' amiante le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant ;

- Fixé l'indemnisation des préjudices personnels subis par Monsieur [A] [J] à un montant total de 78 000 euros,

- Condamné la Caisse Primaire d' Assurance Maladie du Rhône à verser au FIVA la somme de 78 000,00 Euros en réparation des préjudices personnels de Monsieur [A] [J];

- Constaté que la société KEOLIS ne soulève aucun moyen d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée et qu'en conséquence une telle décision lui est opposable au même titre que les conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;

Débouté la société KEOLIS du surplus de ses demandes ;

- Débouté le FIVA de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile;

- Statué sans frais ni dépens.

La société KEOLIS LYON a relevé appel de cette décision selon déclaration au greffe du 23 janvier 2015 et demande à la cour:

Au principal

Infirmant le jugement entrepris,,

Débouter le FIVA de sa demande en d'une faute inexcusable faute pour lui de rapporter la preuve du caractère professionnel de la maladie de Monsieur [J],

A titre subsidiaire,

Avant dire droit, commettre tel médecin expert choisi sur la liste nationale des experts avec mission de se faire remettre le dossier médical de Monsieur [J], décrire la nature de la maladie déclarée par ce dernier, dire si elle est conforme au libellé du tableau n°30 bis des maladies professionnelles, dire s'il existe un lien de causalité entre la pathologie diagnostiquée et l'activité professionnelle et dire si cette pathologie peut avoir une cause totalement étrangère au travail, du tout dresser un rapport qui sera déposé au Greffe de la Cour pour être statué ce que de droit.

Subsidiairement,

Infirmant le jugement entrepris,

Débouter le FIVA de sa demande en reconnaissance d'une faute inexcusable faute pour lui de rapporter la preuve de la conscience du danger, et de l'absence de mesures prises pour préserver Monsieur [J] du risque,

Débouter le FIVA des demandes formulées en réparation des souffrances physiques et morales de Monsieur [J],

A titre subsidiaire, imputer le Montant de la rente sur le montant de l'indemnité allouée en réparation des souffrances physiques et morales résultant du déficit fonctionnel permanent,

Débouter le FIVA de la demande-formulée en réparation du préjudice d'agrément de Monsieur [J],

Dans l'hypothèse où, par impossible la Cour débouterait la société KEOLIS de ses demandes et confirmerait le jugement rendu parle Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON, il lui est demandé de l'infirmer, en tout état de cause, en ses dispositions relatives à la fixation et au versement de la majoration de la rente allouée à Monsieur [J], son taux d'IPP ayant été porté à 100 % à compter du 2 octobre 2015.

Rappelant l'évolution de la réglementation en matière d'amiante et la jurisprudence relative à la faute inexcusable, la société KEOLIS venant aux droit de la société SLTC rappelle qu'elle n'a jamais produit ni transformé de l'amiante et ne l'a jamais utilisé comme matière première, de sorte qu'elle ne relève pas à l'évidence des industries de l'amiante, même si elle reconnaît que cette matière a été utilisée comme garniture de freins.

Elle estime en outre qu'il n'est pas démontré qu'elle avait conscience du risque inhérent à l'inhalation des fibres d'amiante, de sorte que sa responsabilité n'est pas susceptible d'être engagée.

Elle ajoute qu'elle avait, à l'époque, recueilli des avis favorables du médecin du travail quant au risque pour les ouvriers préposés à l'entretien des freins des véhicules et avait, à la suite de ces notes, décidé des précautions à prendre dès le 4 mai 1977, effectuant des contrôles d'empoussièrement et organisant des approvisionnements de segments de freins pré percés.

Elle estime également démontrer avoir satisfait à son obligation de sécurité de résultat pour la période postérieure à 1996.

Elle rappelle que Monsieur [J] a été employé aux ateliers du dépôt Alsace du 1er octobre 1964 au 31 juillet 1967 en qualité d'apprenti ajusteur puis jusqu'en 1982 en tant qu'ajusteur, enfin à partir de 1982 jusqu'au 30 juin 2006 en qualité de mécanicien poids-lourds mais que l'exposition à l'amiante telle qu'alléguée à cessé après 1996.

Le FIVA conclut à la confirmation du jugement déféré mais y ajoutant, suite à l'aggravation de l'état de santé de Monsieur [J] demande que l'indemnité forfaitaire visée à l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale soit fixée à la somme de 18 263,54 euros et que l'indemnisation de ses préjudices personnels soit portée à celle de 31 300 €, enfin que la société KEOLIS LYON soit condamnée aux frais non recouvrables.

Invoquant les dispositions légales et réglementaires qui régissent la reconnaissance d'une maladie professionnelle ainsi que les connaissances médicales actuelles relatives au rôle de l' amiante et/ou du tabac dans la survenance des cancers bronchiques, le FIVA, soutient que c'est à juste titre que la maladie contractée par Monsieur [J] a été reconnue et prise en charge au titre de la législation professionnelle.

Le FIVA soutient également que la société KEOLIS a commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle dont Monsieur [J] a été victime et fait valoir sur ce second point que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger de l'amiante au regard de dispositions législatives et réglementaires anciennes en matière de protection contre les maladies respiratoires des salariés, de l'existence d'un tableau des maladies professionnelles créé dès 1945 , des connaissances scientifiques disponibles, constituées des nombreux rapports et études publiés depuis le début du XX ème siècle, de l'importance, l'organisation, la nature de l'activité de la société KEOLIS, qui montrent qu'à l'époque de l'exposition de Monsieur [J], la société disposant d'un parc de véhicules de transport en communs considérables, nécessitant entretien et réparation et donc intervention sur des matériaux amiantés, disposant également de services appropriés

( médical, juridique, technique), ne pouvait ignorer les effets sur la santé des salariés exposés à ces matériaux mais n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver la santé de Monsieur [J], la Cour de Cassation définissant les " mesures nécessaires" par la mise en place de mesures efficaces propres à éviter la réalisation du risque.

Le FIVA indique que les éléments versés sur ce point aux débats révèlent que Monsieur [J] n'a bénéficié d' aucune mesure de protection respiratoire particulière avant 1977 alors que le risque amiante était pourtant identifié depuis fort longtemps, les pièces produites ne concernant pas l'atelier où travaillait Monsieur [J] lequel a finalement bénéficié d'équipements de protection individuelle qu'à partir de 1997 ;

Le FIVA estime donc que la faute inexcusable de la société KEOLIS est donc caractérisée.

Le FIVA ajoute au sujet de l'indemnisation des préjudices subis qu'il résulte des termes mêmes de l' article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale, que les préjudices indemnisés par le capital ou la rente visés aux articles L.434-1 et L.434-2 du Code de la Sécurité Sociale ainsi que leur majoration en cas de faute inexcusable sont totalement distincts des préjudices visés à l' article L.452-3 de sorte que subrogé dans les droits de la victime est fondé , il est fondé à solliciter l'indemnisation de ces préjudices y compris le préjudice d'anxiété.

Il indique par ailleurs que l'état de Monsieur [J] s'étant aggravé, il est fondé à demander en cause d'appel, que soit fixée à son maximum l'indemnité forfaitaire et qu'une indemnisation complémentaire des préjudices personnels subis par Monsieur [J] soit fixée à hauteur de 31 300 euros, soit 15 300 euros au titre du préjudice moral, 8000 euros au titre des souffrances physiques et 8000 euros au titre du préjudice d'agrément, que la CPAM du RHONE soit condamnée au paiement de cette somme complémentaire et la société KEOLIS condamnée au paiement de la somme de 2000 euros au titre des frais non recouvrables.

Aux termes de ses conclusions et de ses observations orales, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Lyon précise que la rente servie à Monsieur [J] est désormais fixée à hauteur de 100 % et s'en rapporte à l' appréciation de la Cour d'Appel quant à la demande de reconnaissance de la faute inexcusable et si ce point devait être confirmée, demande la confirmation du jugement déféré sur l'intégralité des sommes qu'elle a avancées.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont soutenues lors de l'audience;

MOTIVATION :

Sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [J] :

La société KEOLIS conteste à titre principal le caractère professionnel de la maladie dont Monsieur [J] a sollicité la prise en charge par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et sur ce point se contente d'affirmer que l'exposition à l'amiante serait totalement étrangère à l'apparition du cancer bronchopulmonaire et que cette maladie aurait été causée de manière exclusive par la consommation de tabac par la victime.

Or, comme l'ont justement relevé les premiers juges par des motifs pertinents que la cour adopte, d'une part, il est démontré que la Caisse Primaire a, au vu des éléments médicaux et administratifs recueillis établi l'exposition à la poussière d'amiante durant la vie professionnelle de Monsieur [J] et d'autre part, l'employeur ne démontre pas, alors que la preuve lui en incombe, que l'activité exercée est totalement étrangère à la pathologie déclarée, ni que celle-ci a pour origine exclusive une cause totalement étrangère au travail.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a confirmé la prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle.

Sur la reconnaissance de la faute inexcusable .

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires à l'en préserver.

La victime d'une maladie professionnelle peut désormais se prévaloir de cette obligation de sécurité de résultat mise à la charge de l'employeur, sans que le manquement revête nécessairement un caractère de gravité exceptionnelle, l'employeur ne pouvant s'exonérer de sa responsabilité qu'à la condition de démontrer qu'il n'avait pas ou ne pouvait avoir conscience du danger et avait pris toutes les mesures nécessaires de nature à préserver le salarié du danger.

Pour contester sa responsabilité, la société KEOLIS déclare en premier lieu qu'elle n'est ni utilisatrice, ni transformatrice d'amiante, en second lieu affirme que ce sont les décrets de 1996, dont le décret du 22 Mai 1996 qui a créé le tableau numéro 30Bis intitulé " cancer bronchopulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante" et qui a intégré à ce tableau un certain nombre de travaux susceptibles de provoquer la maladie, qui marqueraient le point de départ de la prise de conscience des dangers de l'amiante pour l'exercice de son activité.

La société KEOLIS soutient aussi qu'antérieurement aux dispositions spécifiques du décret du 17 Août 1977 concernant l'amiante, elle ignorait les risques liés à l'amiante.

Or, comme l'ont justement relevé les premiers juges par des motifs pertinents que le cour adopte, il est établi qu'au cours de son activité au sein de la société KEOLIS, Monsieur [J] a été amené en sa qualité de mécanicien poids lourds, à effectuer notamment le montage et le démontage des freins, éléments mécaniques revêtus de garnitures à base d'amiante dont les fibres volatiles s'échappaient lorsque le mécanicien procédait en particulier au changement des garnitures.

L'exposition au risque de l'amiante a d'ailleurs été expressément reconnue par l'employeur qui a établi une attestation d'exposition du salarié à un agent cancérogène et qui ne peut donc prétendre ignorer que les interventions de maintenance sur les éléments en amiante étaient obligatoires et régulières ni contester que les fibres dangereuses étaient effectivement libérées par suite du démontage nécessaire d'éléments mécaniques en contenant, ce qui constitue une activité importante de la société de transport en charge de la maintenance et de la réparation de ses véhicules.

Les premiers juges ont encore justement relevé, pour répondre à l'argumentation de la société KEOLIS sur ce point, que ni la carence de l'Etat dans son pouvoir normatif, ni la carence alléguée de l'administration en particulier des services de prévention de l'assurance maladie ou de la médecine du travail du travail ne dispensaient en effet l'employeur de prendre lui même, avant 1994 les mesures de prévention et de protection qu'imposaient le situation et les textes tout d'abord généraux, puis spécifiques, en vigueur.

Enfin, analysant les éléments versés aux débats par la société KEOLIS pour démontrer qu'elle ne pouvait avoir conscience du danger lié à l'inhalation de poussières d'amiante auxquelles les salariés, en particulier les mécaniciens poids-lourds étaient exposés, les premiers juges ont également justement retenu qu'il est établi que l'employeur avait parfaitement conscience du risque inhérent à l'inhalation de fibres d'amiante auquel les mécaniciens étaient exposés et n'a pas pris les mesures nécessaires et suffisantes pour préserver les salariés du risque lié à l'inhalation de poussières d'amiante dont il avait ou aurait du avoir conscience.

La faute inexcusable de la société TCL devenue KEOLIS est donc caractérisée et la décision déférée sera donc confirmée de ce chef.

Sur la demande relative à la majoration du taux de rente

Seule la faute inexcusable de la victime qui se définit comme la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience autorise à réduire la majoration de la rente.

En l' espèce, compte tenu des circonstances de la survenue de la maladie précédemment décrites, Monsieur [J] est en droit de percevoir la majoration de la rente, visée à l'article L. 452-2 du Code de la Sécurité Sociale , au taux maximum.

La majoration devra suivre l'évolution du taux d'incapacité permanente, en cas d'aggravation de l'état de santé de la victime.

De même, en cas de décès de la victime résultant des conséquences de la maladie professionnelle, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant.

En l'espèce, il est justifié par le FIVA que la taux d'incapacité permanente de Monsieur [J] fixé initialement à 70 %, a été porté à 100 % à compter du 2 octobre 2015, de sorte que celui-ci est en droit de percevoir l'indemnité forfaitaire visée à l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale et qui est égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de la consolidation, soit 18 263,54 euros ( valeur au 1er avril 2014); toutefois, le FIVA ayant versé une somme globale de 10 919,25 euros au titre du préjudice fonctionnel, cette somme devra être versée au FIVA par la Caisse et venir en déduction de l'indemnité forfaitaire due à Monsieur [J], de sorte que la Caisse devra verser :

- à la victime : 7344,29 euros,

- au FIVA : 10 919,25 euros.

Il convient d'ajouter à la décision déférée sur ce point.

Sur l' indemnisation des préjudices ;

Indépendamment de la majoration de sa rente, le salarié victime d'un accident ou d'une maladie imputable à la faute inexcusable de son employeur a droit de demander, en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, la réparation de son préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées , de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que de son préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelles; le Conseil constitutionnel a précisé dans sa décision du 10 juin 2010, que cette indemnisation devait être étendue à l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Sont réparables en application de ces dispositions, les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent.

Monsieur [J] est atteint d'un cancer broncho-pulmonaire qui a été diagnostiqué le 3 Mai 2009 et a conduit à la fixation d'un taux d' IPP de 70 % puis désormais de 100 %.

Monsieur [J] était âgé de 59 ans lorsque la maladie a été diagnostiquée, et devait donc prendre sa retraite dans un délai rapproché.

Le FIVA a versé à Monsieur [J] une somme totale acceptée de 78 000 Euros au titre des différents préjudices subis, visés à l' article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale, cette somme se décomposant comme suit :

- 34 000 Euros au titre du préjudice moral,

- 22 500 Euros au titre des souffrances physiques,

- 20 500 Euros au titre du préjudice d'agrément ,

- 1 000 Euros au titre du préjudice esthétique.

Il apparaît en l'espèce que le tribunal a, au vu des pièces médicales produites par le FIVA ainsi que des explications fournies à l'audience, fixé, par des motifs pertinents que la cour adopte, les préjudices subis par Monsieur [J], au titre des différents chefs de préjudices , que ce soit le préjudice moral, les souffrances endurées, le préjudice d'agrément et le préjudice esthétique à la somme globale de 78 000 euros.

Toutefois, l'aggravation de l'état de santé de Monsieur [J] telle que justifiée par le FIVA , motive, comme le demande ce dernier, de fixer une indemnisation complémentaire de certains de ces chefs de préjudices.

Il est ainsi justifié que le préjudice moral soit majoré d'un complément de 15 300 euros, les souffrances physiques de 8000 euros et le préjudice d'agrément de 8000 euros.

Il sera donc fait droit à la demande du FIVA subrogé dans les droits de Monsieur [J], tendant à la condamnation de la Caisse Primaire d' Assurance Maladie du Rhône à lui verser la somme totale de 31 300 euros au titre de l'indemnisation des préjudices personnels subis par Monsieur [J].

Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile :

Il serait inéquitable de laisser à la charge du FIVA les frais irrépétibles non compris dans les dépens et la société KEOLIS sera donc condamnée au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile à payer au FIVA la somme de 1500 euros.

La procédure étant gratuite et sans frais devant les juridictions de la sécurité sociale en vertu de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, la demande relative aux dépens est dénuée d'objet.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME la jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON en date du 13 janvier 2015 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

FIXE à son maximum l'indemnité forfaitaire visée à l'article L 452-3 alinéa 1er du code de la sécurité sociale et DIT que cette indemnité sera versée par la CPAM du RHONE au FIVA à hauteur de 10 919,25 euros et à Monsieur [A] [J] à hauteur de 7344,29 euros,

FIXE l'indemnisation complémentaire des préjudices personnels de Monsieur [A] [J] à la somme de 31 300 euros se décomposant comme suit:

préjudice moral : complément de 15 300 euros,

souffrances physiques : complément de 8000 euros,

préjudice d'agrément : complément de 8000 euros,

DIT que la CPAM du RHONE devra verser cette somme complémentaire de 31 300 euros au FIVA en sa qualité de créancier subrogé,

CONDAMNE la société KEOLIS LYON à payer au FIVA une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à dépens ou à paiement de droit.

LA GREFFIÈRELA PRESIDENTE

Malika CHINOUNE Elizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 15/00690
Date de la décision : 08/11/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon 51, arrêt n°15/00690 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-08;15.00690 ?
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