AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 15/05038
SAS COMPOSE
C/
[R]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX
du 04 Juin 2015
RG : F 14/00179
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2016
APPELANTE :
SAS COMPOSE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Pierre COMBES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[L] [R]
né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Non comparant, représenté par Mme [R] [X], Délégué syndical muni d'un double pouvoir
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Juin 2016
Présidée par Michel SORNAY, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Michel SORNAY, président
- Didier JOLY, conseiller
- Natacha LAVILLE, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 07 Octobre 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
[L] [R], qui est né le [Date naissance 1] 1954, a été engagé à compter du 1er octobre 1990 par la SAS COMPOSE, société spécialisée dans la conception la fabrication de moules pour l'injection des plastiques et des composites.
Au dernier état de la collaboration, [L] [R] exerçait dans cette entreprise les fonctions d'ajusteur niveau 3 coefficient 240, et percevait un salaire brut moyen sur les 12 derniers mois de 2900,87 euros par mois.
Son contrat de travail était soumis à la convention collective de la métallurgie de l'Ain.
A l'occasion de son départ volontaire à la retraite à l'âge de 60 ans révolus le 31 mai 2014, il a perçu une indemnité brute de 8 702,61 euros, calculée conformément à l'article 11 de l'Accord national du 10 juillet 1970 sur la mensualisation du personnel ouvrier conclu dans la branche de la métallurgie, modifié par avenants des 19 décembre 2003, 3 mars 2006 et 21 juin 2010, et comportant les dispositions suivantes :
Le départ volontaire à la retraite ouvre droit pour le salarié à une indemnité de départ à la retraite, qui ne sera pas inférieure au barème ci-après :
- 0,5 mois après 2 ans ;
- 1 mois après 5 ans ;
- 2 mois après 10 ans ;
- 3 mois après 20 ans ;
- 4 mois après 30 ans ;
- 5 mois après 35 ans ;
- 6 mois après 40 ans.
Le salaire de référence servant au calcul de l'indemnité de départ à la retraite est le même que celui servant au calcul de l'indemnité de licenciement. L'ancienneté du salarié est appréciée à la date de fin du délai de prévenance, exécuté ou non.
Par lettre du 22 août 2014, [L] [R] a contesté le montant de cette indemnité de départ en retraite et réclamé l'application de l'article 54 de la convention collective de la métallurgie de l'Ain qui prévoit, en cas de départ à la retraite des salariés âgés d'au moins 60 ans et remplissant les conditions pour obtenir la liquidation d'une pension de vieillesse à taux plein, une indemnité égale au montant de l'indemnité de licenciement, soit (article 53) :
'à partir de 2 années d'ancienneté jusqu'à 5 années d'ancienneté, l/10eme de mois par année d'ancienneté à compter de la date d'entrée dans l'entreprise ;
à partir de 5 années d'ancienneté, l/5éme de mois par année entière d'ancienneté à compter de la date d'entrée dans l'entreprise ;
pour les mensuels ayant plus de 15 ans d'ancienneté, il sera ajouté au chiffre précédent 1/10ème de mois par année entière d'ancienneté au delà de 15 ans.
L'indemnité de licenciement ne sera pas inférieure à 2 mois de rémunération lorsque le mensuel sera âgé de 50 ans et plus et comptera au moins 8 ans d'ancienneté. [...]
L'indemnité de congédiement sera calculée sur la base de la moyenne des rémunérations des 12 derniers mois de présence du mensuel congédié, compte tenu de la durée effective du travail au cours de cette période.'
La société COMPOSE a répondu le 4 septembre 2014 que s'agissant d'un départ volontaire en retraite, le calcul de l'indemnité en cause était conforme à l'accord de branche du 21 juin 2010.
L'article 11 de l'Accord national du 10 juillet 1970 contient en effet les dispositions suivantes :
'Les dispositions du présent article 11 ont un caractère impératif au sens des articles L. 2252-1, alinéa 1, et L. 2253-3, alinéa 2, du code du travail, sauf pour les clauses conclues entre le 25 juin 2008 et le 21 juin 2010, relatives au départ volontaire à la retraite, figurant dans les conventions et accords collectifs.
En outre, lors d'une prochaine réunion paritaire, les organisations signataires des conventions collectives territoriales de la métallurgie devront intégrer, en l'état, les dispositions du présent article 11 dans lesdites conventions collectives, afin d'en assurer la bonne application, au regard, notamment, des articles L. 1237-9 et L. 1237-10 du code du travail.'
Le 5 novembre 2014, [L] [R] a saisi le Conseil de prud'hommes d'Oyonnax d'une demande de rappel d'indemnité de départ à la retraite de 10'244,51 euros, outre 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 4 juin 2015, le conseil de prud'hommes d'Oyonnax a :
'constaté que l'article 54 de la convention collective de la métallurgie de l'Ain n'a pas été abrogé et qu'il est plus favorable que l'article 11 de l'accord national ;
'condamné la société COMPOSE à payer à [L] [R] la somme de 10'733,22 euros à titre de complément d'indemnité de départ à la retraite, outre les intérêts de droit compter du présent jugement ;
'condamné la société COMPOSE à payer à [L] [R] la somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
'ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
'condamné la société COMPOSE aux dépens.
La SAS COMPOSE a interjeté appel de cette décision le 18 juin 2015.
***
Au terme de ses dernières conclusions, la SAS COMPOSE demande la cour d'appel d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter [L] [R] de l'intégralité de ses demandes, estimant :
' d'une part que les partenaires sociaux parties à l'accord national de la métallurgie sur la mensualisation du 10 juillet 1970 ayant négocié l'avenant à cet accord du 21 juin 2010 ont une volonté claire et d'un équivoque de conférer à cet avenant un caractère impératif quant aux modalités de calcul de l'indemnité départ en retraite dans les industries métallurgiques,
'et d'autre part que les dispositions de l'article 11 de l'accord national du 11 juillet 70 précité sont plus favorables aux salariés que les dispositions de l'article 54 de la convention collective de la métallurgie de l'Ain et doivent donc bien être appliquées en l'espèce.
Pour sa part, [L] [R], demande dans ses dernières conclusions à la cour d'appel de :
'juger recevable bien-fondé l'argumentation développée par [L] [R] ;
'relever la rédaction en vigueur de l'article 54 de la convention collective de la métallurgie du département de l'Ain relatif à l'indemnité de départ en retraite,
'constater le caractère globalement plus favorable de ses dispositions par rapport à celles de l'article 11 de l'accord national du 10 juillet 1970, notamment ce qui concerne le mode de calcul de l'indemnité de départ en retraite ;
'constater le paiement incomplet de l'indemnité de départ à la retraite de [L] [R] selon les dispositions de l'article 54 de la convention départementale de la métallurgie de l'Ain ;
'confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Oyonnax du 4 juin 2015 en toutes ses dispositions, et par conséquent:
'condamner la SAS COMPOSE à payer à [L] [R] la somme de 10'733,22 euros à titre de complément d'indemnité de départ à la retraite, sur le fondement des dispositions de l'article 54 de la convention collective de la métallurgie du département de l'Ain ;
'condamner la SAS COMPOSE à verser à [L] [R] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure supplémentaires en appel, en sus de la somme de 1000 € octroyée par le conseil de prud'hommes au titre des frais de première instance ;
'condamner la SAS COMPOSE aux entiers frais et dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Selon l'article L 132-13 du code du travail, en vigueur à la date de l'avenant du 19 décembre 2003 à l'Accord national du 10 juillet 1970, s'il vient à être conclu une convention ou un accord de niveau supérieur à la convention ou à l'accord intervenu, les parties adaptent celles des clauses de leur convention ou accord antérieur qui seraient moins favorables aux salariés.
Il en résulte que le législateur n'a pas entendu régler les conflits entre des dispositions de conventions collectives ou d'accords de niveaux différents en conférant une autorité supérieure à la convention de branche ou à l'accord professionnel dont le champ d'application territorial ou professionnel est le plus étendu, ayant au contraire choisi le principe de faveur comme instrument de résolution des conflits.
Le caractère impératif attaché à une convention ou à un accord professionnel ou interprofessionnel couvrant un champ d'application territorial ou professionnel plus large n'emporte donc pas abrogation des dispositions plus favorables aux salariés d'une convention ou d'un accord collectif antérieur ayant le même objet ou la même cause qui, en l'absence d'accord de révision, demeurent applicables.
En cas de concours de conventions collectives, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable d'entre eux pouvant seul être accordé.
Dans ce cadre, la détermination du régime le plus favorable doit résulter d'une appréciation globale avantage par avantage, le caractère plus avantageux devant alors être apprécié globalement pour l'ensemble du personnel et non en fonction de la situation particulière de chaque salarié.
Aucune conséquence ne peut donc être tirée de ce que l'application de la Convention collective de la métallurgie de l'Ain serait plus favorable à [L] [R] à titre personnel.
L'application distributive de l'Accord national du 10 juillet 1970 modifié et de la Convention collective de la métallurgie de l'Ain étant prohibée, la condition d'ouverture du droit à l'indemnité de départ liée à l'âge et le montant de l'indemnité résultant de l'ancienneté doivent être inclus dans les termes de la comparaison.
En 2014, date à laquelle il convient de se placer puisqu'elle est celle du départ de [L] [R], des salariés nés après ce dernier pouvaient partir à la retraite avant l'âge de 60 ans s'ils justifiaient d'une durée totale d'assurance, d'une durée déterminée de cotisation et d'un certain nombre de trimestres cotisés avant leur seizième ou dix-septième anniversaire, conditions qui n'étaient pas hors de portée dans la branche de la métallurgie.
Il en résulte qu'en 2014, le nombre de bénéficiaires potentiels de l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'Accord national était plus important, dans la mesure où :
-l'avenant du 3 mars 2006 à l'Accord national du 10 juillet 1970 a réduit de 10 ans à 2 ans l'ancienneté requise pour l'ouverture du droit,
- l'avenant du 21 juin 2010 a fait disparaître toute référence à un âge déterminé de départ à la retraite, tandis que la Convention collective de la métallurgie de l'Ain, qui exige aussi une ancienneté de 2 ans, impose que le salarié qui demande la liquidation de sa pension de vieillesse à taux plein ait au moins 60 ans.
Ainsi, en présence de deux dispositifs conventionnels ayant le même objet, l'un ouvert à un plus grand nombre de salariés, l'autre plus généreux pour des salariés moins nombreux, il est conforme au caractère collectif du statut en résultant de considérer que l'avantage le plus favorable est celui dont le plus grand nombre de salariés a vocation à bénéficier.
il s'agit ici de l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'article 11 modifié de l'Accord national du 10 juillet 1970 sur la mensualisation du personnel ouvrier conclu dans la branche de la métallurgie.
En conséquence, [L] [R] n'est pas fondé à solliciter un rappel d'indemnité de départ à la retraite par application de la Convention collective de la métallurgie de l'Ain, et le jugement qui a ainsi accueilli à tort sa demande doit être infirmé en toutes ses dispositions.
Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par [L] [R] .
Vu les données du litige, il ne parait pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge intégrale des frais de procédure et honoraires qu'elle a dû exposer pour la présente instance.
Il n'y a donc pas lieu en l'espèce de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré rendu entre les parties le 4 juin 2015 et, statuant à nouveau,
DÉCLARE [L] [R] recevable mais mal fondé en sa demande en paiement d'un complément d'indemnité de départ à la retraite ;
En conséquence, l'en DÉBOUTE et le CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel ;
DIT n'y avoir lieu en l'espèce l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président
Gaétan PILLIEMichel SORNAY