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07/10/2016 | FRANCE | N°15/04932

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 07 octobre 2016, 15/04932


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 15/04932





Association ORSAC



C/

[N]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 04 Juin 2015

RG : F 13/00216

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2016





APPELANTE :



Association ORSAC

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL C

APSTAN RHONE- ALPES, avocat au barreau de LYON





INTIMÉ :



[D] [N]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Comparant en personne, assisté de Me Christian PERRET de la SELARL SELARL LEGI 01 PERRET-VA...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 15/04932

Association ORSAC

C/

[N]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 04 Juin 2015

RG : F 13/00216

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2016

APPELANTE :

Association ORSAC

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE- ALPES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[D] [N]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Comparant en personne, assisté de Me Christian PERRET de la SELARL SELARL LEGI 01 PERRET-VARVIER-TRIGON, avocat au barreau de l'AIN substitué par Me Johann FOUBERT, avocat au barreau de l'AIN

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Juin 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel SORNAY, Président

Didier JOLY, Conseiller

Natacha LAVILLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 07 Octobre 2016, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président, et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Le Centre médical [Établissement 1] est un établissement de santé situé à [Localité 2] qui est géré depuis le mois de novembre 2009 par l'association ORSAC, appelante, et l'était précédemment par l'association L''UVRE LYONNAISE DES HÔPITAUX CLIMATIQUES exerçant sous le nom du Centre médical [Établissement 1].

Cet établissement relève de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951.

Le Centre médical [Établissement 1] a embauché [D] [N] à compter du 1er mars 2000 en qualité d'aide-soignant dans le cadre initial d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.

[D] [N] a été victime d'un accident du travail qui lui a occasionné une incapacité permanente de 15 % et ce salarié est donc passé à un temps partiel de 80 % par un avenant à son contrat de travail daté du 7 mars 2005.

Un litige a opposé la direction du Centre médical [Établissement 1] à plusieurs salariés travaillant de nuit, dont [D] [N], au sujet notamment de la majoration des heures supplémentaires de nuit.

[D] [N] a saisi le 18 janvier 2008 le Conseil de prud'hommes de Belley, parallèlement à des procédures similaires intentées contre l'employeur par plusieurs autres de ses collègues travaillant de nuit dans l'entreprise, d'une action en paiement de diverses sommes au titre notamment :

' de la récupération des jours fériés, et des congés payés y afférents,

' d'heures complémentaires dues pour dépassement de la durée du travail sur la période du 14 mars 2005 au 1er juin 2008,

' d'une prime d'assiduité,

' et de dommages-intérêts pour préjudice moral.

L'audience de conciliation qui s'est déroulée le 13 mars 2008 était présidée par [Q] [O], conseiller prud'homme salarié.

Par courrier du 6 mai suivant, ce dernier a en outre écrit au Centre médical [Établissement 1], au nom et pour le compte de l'intéressé et de 4 autres salariés du centre ayant également attrait leur employeur devant le conseil de prud'hommes, pour apporter diverses précisions et argumentations au soutien des demandes des salariés.

Lors de l'audience du bureau de jugement le 18 juin 2009, le Centre médical [Établissement 1] a soulevé avant toute défense au fond la nullité de la procédure en cours, au motif que [Q] [O] ne pouvait être à la fois juge et partie sans violer un principe fondamental du droit.

Par jugement du 22 octobre 2009, le Conseil de prud'hommes de Belley a considéré ne pas pouvoir statuer sur les demandes de [D] [N] et a, par application de l'article 340 du code de procédure civile, ordonné la transmission du dossier au Premier président de la Cour d'appel de Lyon aux fins de désignation d'une juridiction de renvoi.

L'employeur a interjeté appel de cette décision le 18 novembre 2009.

*

Par arrêt du 29 juillet 2010, la Cour d'appel de Lyon a :

'déclaré l'appel recevable,

'dit et jugé diffamatoires à l'égard du conseil de l'employeur certains propos tenus par monsieur [U] [I], conseiller du salarié assistant [D] [N], en page 5 des conclusions déposées pour le compte de ce dernier,

'ordonné à [U] [I] de retirer lesdits propos, l'intéressé étant condamné à payer au conseil de l'employeur la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts ;

'annulé la procédure, y compris le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Belley le 22 octobre 2010,

'débouté [D] [N] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

'renvoyé l'affaire et les parties pour être statué au fond à l'audience du 10 février 2011,

' sursis à statuer sur la demande formulée par le Centre médical [Établissement 1] au titre de l'article 700 du code de procédure civile jusqu'à l'arrêt se prononçant au fond.

Lors des débats au fond devant la cour d'appel intervenu en suite de ce premier arrêt, [D] [N] sollicitait la condamnation de l'association ORSAC à lui payer les sommes suivantes :

'5766,93 euros à titre de rappel de salaire pour heures complémentaires de 2005 à 2010,

'7140,35 euros à titre de rappel de salaire pour jours fériés non récupérés,

'1290,73 euros au titre des indemnités de congés payées y afférentes,

'1064,85 euros au titre de la prime d'assiduité sur la période 2005 à 2010,

'10'000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

'1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 17 juin 2011, la Cour d'appel de Lyon a :

'débouté [D] [N] de l'ensemble de ces demandes ;

'dit n'y avoir lieu application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné [D] [N] aux dépens de première instance et d'appel.

Par arrêt du 25 octobre 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation, saisie par le Centre médical [Établissement 1] d'un pourvoi contre l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel de Lyon le 29 juillet 2010, a cassé et annulé cet arrêt au motif que la décision de transmission au président de la juridiction immédiatement supérieure prévue par l'article 352, alinéa 2, du code de procédure civile est une simple mesure d'administration judiciaire qui n'est susceptible d'aucun recours, et que la cour d'appel aurait dû déclarer d'office l'appel irrecevable.

Aucun pourvoi en cassation n'a été formé par les parties à l'encontre de l'arrêt précité du 17 juin 2011 rendu par la cour d'appel de Lyon.

*

Considérant que le jugement rendu le 22 octobre 2009 par le Conseil de prud'hommes de Belley avait ainsi repris sa force juridique, le conseil du salarié a saisi le 17 avril 2013 le Premier président de la Cour d'appel de Lyon d'une demande de désignation du Conseil de prud'hommes de renvoi.

Par une ordonnance du 14 mai 2013, le Premier président de la Cour d'appel de Lyon, considérant que la Cour de cassation avait cassé et annulé les arrêts précités des 29 juillet 2010 et 17 juin 2011, a renvoyé l'affaire devant le Conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse pour y être jugée au fond.

*

Devant cette juridiction, [D] [N] a demandé à ce conseil de prud'hommes de :

'déclarer ses demandes recevables et fondées,

'condamner l'association ORSAC, venant aux droits de l'association gérant le Centre médical [Établissement 1], à lui payer les sommes suivantes :

* 2874,31 euros au titre des heures complémentaires accomplies par lui entre mars 2005 et mars 2009, outre 287,43 euros au titre des congés payés y afférents ;

* 3115,26 euros au titre de ses heures supplémentaires entre avril 2009 et mai 2011, outre 311,53 euros au titre des congés payés y afférents ;

* 2527,83 euros au titre des heures de réunion et de formation réalisées dans le cadre de son mandat de délégué du personnel et de son mandat de membre du CHSCT ;

* 503,59 euros à titre d'indemnité kilométrique correspondant au remboursement de tous les trajets qu'il a effectués depuis son domicile, avec son véhicule, pour se rendre aux dites réunions et formations dans le cadre de ses mandats ;

* 1500 € à titre d'indemnité pour non-respect des amplitudes de repos suite aux heures de réunions et de formations réalisées dans le cadre de son mandat de délégué du personnel et de son mandat de membre du CHSCT ;

* 263,13 euros au titre de l'indemnité compensatrice des visites médicales obligatoires ;

* 2421 € à titre d'indemnité compensatrice de jours fériés;

* 4000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect du règlement de ces heures de travail effectif;

* 4000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

' dire et juger que l'avertissement prononcé le 24 avril 2013 à l'encontre de [D] [N] est purement et simplement infondé, et ainsi qu'il est sans objet ;

' condamner l'association ORSAC à payer à [D] [N] la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

' rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires de l'association ORSAC ;

' condamner l'association ORSAC aux entiers dépens.

Pour sa part, l'association ORSAC demandait au Conseil de prud'hommes :

'à titre principal, de dire et juger que les demandes présentées étaient irrecevables compte-tenu des effets de la cassation prononcée le 25 octobre 2011,

'à titre subsidiaire, de dire et juger que

* la procédure prud'homale engagée par [D] [N] était nulle,

'à titre infiniment subsidiaire,

*constater que [D] [N] a bien été rempli de ses droits,

*dire et juger l'avertissement du 24 avril 2013, fondé et justifié,

*en conséquence débouter [D] [N] de toutes ses demandes ;

'en tout état de cause, condamner [D] [N] au paiement d'une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement du 17 décembre 2014, le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse a :

'rejeté l'exception de nullité de la procédure soulevée avant toute défense au fond par le défendeur ;

' ordonné la réouverture des débats aux fins d'entendre les parties sur les points suivants :

*organisation de l'activité de [D] [N] dans le cadre de son emploi à temps partiel,

*temps nécessaire aux visites médicales, leur calcul, leur paiement, leur compensation,

*heures supplémentaires de nuit, leur calcul, leur paiement, leur compensation,

*heures de délégation, leur calcul, leur paiement, leur compensation,

*heures de travail les jours fériés, leur calcul, leur paiement, leur compensation ;

' renvoyé l'affaire à l'audience de jugement du jeudi 2 avril 2015 à 14 heures ;

' réservé les dépens.

Cette décision n'a pas été frappée d'appel par les parties.

Par jugement rendu le 14 juin 2015, aujourd'hui seul déféré à la présente cour, le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse a :

'condamné l'association ORSAC pour son établissement [Établissement 1] à payer à [D] [N] les sommes suivantes :

*2874,31 euros au titre des heures supplémentaires accomplies entre mars 2005 et mars 2009 ;

*287,43 euros au titre des congés payés y afférents ;

*3115,26 euros au titre des heures supplémentaires accomplies entre avril 2009 et mai 2011 ;

*311,53 euros au titre des congés payés y afférents ;

*2527,83 euros au titre des heures de réunions et de formations réalisées dans le cadre de son mandat de délégué du personnel et de son mandat de membre du CHSCT ;

*503,59 euros au titre des indemnités kilométriques correspondant au remboursement de tous les trajets qu'il a effectués depuis son domicile, avec son véhicule, pour se rendre aux dites réunions et formations de délégation ;

*1500 € au titre de l'indemnité pour non-respect des amplitudes de repos suite aux heures de réunions et de formations réalisées dans le cadre de son mandat de délégué du personnel et de son mandat de membre du CHSCT ;

*263,13 euros au titre de l'indemnité compensatrice des visites médicales obligatoires ;

*2421 € au titre de l'indemnité compensatrice de jours fériés ;

*4000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

*1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'débouté [D] [N] du surplus de ses demandes ;

'débouté l'association ORSAC de ses demandes reconventionnelles ;

'dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;

'condamné l'association ORSAC aux entiers dépens.

L'association ORSAC a interjeté le 16 juin 2015, un appel général de cette décision, appel dont la Cour de céans est aujourd'hui saisie.

*

Par ses dernières conclusions, parvenues au greffe le 25 mai 2016, l'association ORSAC demande à la Cour d'appel de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et en conséquence de :

' à titre principal,

' dire et juger que la procédure prud'homale engagée par [D] [N] est nulle pour vice de fond non susceptible de régularisation, et débouter en conséquence [D] [N] de toutes ses demandes ;

' À titre subsidiaire,

' constater que [D] [N] a totalement été débouté de ses réclamations par la cour d'appel de Lyon en son arrêt du 17 juin 2011, qu'il n'a pas jugé utile de contester par un pourvoi en cassation ;

' À titre très subsidiaire,

' constater que [D] [N] a bien été rempli de ses droits,

'dire et juger que l'avertissement du 24 avril 2013 est fondé et justifié,

'en conséquence, débouter [D] [N] de toutes ses demandes,

' En tout état de cause,

'condamner [D] [N] au paiement d'une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions, parvenues au greffe le 9 juin 2016, [D] [N] demande à la Cour d'appel de:

' confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse 17 décembre 2014 en ce qu'il a débouté l'association ORSAC de ses demandes reconventionnelles et l'a condamnée à lui payer les sommes suivantes :

*2874,31 euros au titre des heures supplémentaires entre mars 2005 et mars 2009 ;

*287,43 euros au titre des congés payés y afférents ;

*3115,26 euros au titre des heures supplémentaires entre avril 2009 et mai 2011 ;

*311,53 euros au titre des congés payés y afférents ;

*2527,83 euros au titre des heures de réunion et de formation réalisées dans le cadre de son mandat de délégué du personnel et de son mandat de membre du CHSCT ;

*503,59 euros au titre des indemnités kilométriques correspondant au remboursement de tous les trajets qu'il a effectués depuis son domicile, avec son véhicule, pour se rendre aux dites réunions et formation de délégation ;

*1500 € au titre de l'indemnité pour non-respect des amplitudes de repos suite aux heures de réunion et de formation réalisée dans le cadre de son mandat de délégué du personnel et de son mandat de membre du CHSCT ;

*263,13 euros au titre de l'indemnité compensatrice des visites médicales obligatoires ;

*2421 € au titre de l'indemnité compensatrice de jours fériés ;

*4000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

*1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'infirmer pour le surplus le jugement déféré et, jugeant à nouveau,

*dire et juger qu'en application des dispositions de l'article 1153'1 du Code civil, les sommes dues par l'association ORSAC à [D] [N] porteront intérêt au taux légal à compter du 18 janvier 2008, date de la saisine par le demandeur du conseil de prud'hommes de Belley, pour le montant global de 13'300,49 euros,

*condamner l'association ORSAC à payer et porter à [D] [N] la somme de 8400 € à titre d'indemnité légale pour travail dissimulé prévu par l'article 8223'1 du code du travail ;

*dire et juger que l'avertissement prononcé le 24 avril 2013 à l'encontre de [D] [N] et purement et simplement infondé, et ainsi qu'il est sans objet ;

*condamner l'association ORSAC à payer à [D] [N] la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

*condamner l'association ORSAC aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1.' Sur la demande d'annulation de la procédure prud'homale pour nullité de fond :

L'association ORSAC demande à la Cour d'appel d'annuler, sur le fondement des articles 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L 1453'2 et L 1453'3 du code du travail, l'intégralité de la procédure initiée par [D] [N], pour vice de fond non susceptible de régularisation, aux motifs que :

'le conseil de prud'hommes de Belley, sans aucune justification valable, n'a pas souhaité se prononcer sur les litiges qui lui étaient soumis, et a ainsi commis de fait un véritable déni de justice ;

'l'intervention de [Q] [O] dans la procédure en qualité de défenseur, voire de représentant des salariés, après avoir présidé l'audience de conciliation du conseil de prud'hommes de Belley, constitue une violation du principe fondamental du droit selon laquelle nul ne peut être juge et partie, ce qui entraîne selon l'employeur la nullité de l'intégralité de la procédure - à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes -, et ce pour vice de fond, sans régularisation possible ;

'l'intervention, en qualité de conseiller du salarié au soutien des intérêts de [D] [N], de [U] [I], qui était le président du conseil de prud'hommes de Belley au moment de l'introduction de la présente instance devant cette juridiction, s'est faite en violation de l'article L1453'3 du code du travail qui prohibe expressément une telle intervention même après la cessation du mandat de conseiller prud'homme de l'intéressé, entraîne également la nullité de l'intégralité de la procédure pour vice de fond sans régularisation possible.

Il apparaît toutefois que cette exception de nullité de la procédure n'a pas été tranchée par le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse le 4 juin 2015, seul aujourd'hui déféré à la censure de la Cour d'appel, mais bien par une précédente décision de ce conseil de prud'hommes rendue le 17 décembre 2014 et dont ni [D] [N], ni l'association ORSAC n'a jugé opportun d'interjeter appel.

Il en résulte que cette décision est revêtue de l'autorité de la chose jugée à l'égard des deux parties en ce qu'elle a débouté l'association ORSAC 'CENTRE MÉDICAL [Établissement 1] de son exception de nullité de la procédure diligentée devant le conseil de prud'hommes de Belley.

L'association ORSAC est donc aujourd'hui irrecevable à soulever à nouveau cette exception de nullité de fond dans le cadre de la présente procédure d'appel d'un tout autre jugement.

2.' Sur la fin de non-recevoir tirée de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 17 juin 2011:

Par cet arrêt, la cour d'appel de Lyon, statuant au fond, a débouté [D] [N] de :

' sa demande de rappel de salaire pour heures complémentaires et/ou supplémentaires dues pour la période de 2005 à 2010, outre les congés payés y afférents,

' sa demande de rappel de salaire pour jours fériés non payés ni récupérés,

' sa demande en paiement des indemnités de congés payés y afférents,

' sa demande en paiement d'une prime d'assiduité sur la période 2005 à 2010,

' et sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Aucune des parties n'ayant formé le pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt, cette décision a aujourd'hui sur ces différents points l'autorité de la chose jugée, au sens de l'article 1351 du code civil.

Ainsi, la cour ne peut que, par application de l'article 122 du code de procédure civile, déclarer irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt les demandes formulées par [D] [N] dans le cadre de la présente procédure d'appel, en paiement des sommes suivantes :

*2874,31 euros au titre des heures complémentaires lui restant dues pour la période allant de mars 2005 à mars 2009, outre les congés payés y afférents ;

*3115,26 euros au titre des heures supplémentaires lui restant dues pour la période allant du 3 avril 2009 au 31 mai 2011, outre les congés payés y afférents, du moins pour la partie de ces heures effectuées entre le 3 avril 2009 et le 31 décembre 2010, sur laquelle l'arrêt précité du 17 juin 2011 a déjà statué ;

*2421 € au titre de l'indemnité compensatrice de jours fériés non récupérés ;

*la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral afférent à ces heures complémentaires et supplémentaires effectuées de mars 2005 au 31 décembre 2010.

[D] [N] sera par contre déclaré recevable pour la totalité du surplus de ses prétentions, qui n'ont ainsi pas le même objet que celles déjà rejetées par l'arrêt du 17 juin 2011.

2.- Sur la rémunération des temps de visites médicales :

En sa qualité de salarié travaillant de nuit, [D] [N] était tenu de subir une visite médicale obligatoire au moins tous les 6 mois comme prévu par l'article L 3122'42 du code du travail.

Or l'article R 4624'28 du même code dispose que :

'Le temps nécessité par ses examens médicaux, y compris des examens complémentaires, est soit pris sur les heures de travail des salariés sans qu'aucune retenue de salaire puisse être opérée, soit rémunéré comme temps de travail normal lorsque ses examens ne peuvent avoir lieu pendant les heures de travail.

Le temps et les frais de transport nécessités par ses examens sont pris en charge par l'employeur.'

[D] [N] fait valoir qu'il a bénéficié de 14 visites médicales auprès du médecin du travail durant la période allant du 10 septembre 2004 au à fin 2013, et sollicite à ce titre la condamnation l'association ORSAC à lui payer un rappel de salaire de 263,13 euros correspondant aux heures supplémentaires qu'il a consacrées à ces 14 visites médicales et au remboursement des frais de trajet correspondants, ces visites constituant des heures de jour assimilées à un temps de travail effectif, que l'employeur refuse de lui rémunérer.

Pour s'opposer à cette demande, l'employeur fait valoir que ces heures faites en dehors des horaires de nuit étaient régulièrement saisies en plus du temps de travail et étaient bien mentionnées dans les compteurs d'heures à récupérer.

En ce sens, l'association ORSAC verse aux débats une pièce n° 11 intitulée 'édition des régularisations' établie par l'employeur le 13 janvier 2014 sur son logiciel de gestion des temps OCTIME, qui mentionne effectivement à la date du 10 décembre 2010 une heure de repos compensatoire supplémentaire correspondant au rendez-vous que [D] [N] a eu ce jour-là avec la médecine du travail.

Au soutien de sa demande, [D] [N] produit un certificat établi le 20 décembre 2011 par le docteur [F], médecin du travail, dont il résulte qu'il a au cours de la période 2004-2011 bénéficié de 12 visites médicales, et en particulier depuis 2006 des deux visites médicales annuelles légalement obligatoires pour les travailleurs de nuit.

Ceci laisse présumer qu'il en a également bénéficié au cours des années 2012 et 2013 comme il le soutient, même si ces visites ne figurent bien évidemment pas sur le certificat établi par le médecin le 20 décembre 2011.

La matérialité des visites médicales en cause n'étant pas contestée, la cour estime pouvoir ici retenir le décompte détaillé établi par [D] [N] (en sa pièce numéro 32) des sommes dont l'association ORSAC lui reste redevable au titre de ces temps de visites médicales pour un total de 197,09 € bruts, en en déduisant la somme de 12,70 € correspondant à la visite médicale du 10 décembre 2010, qui est la seule pour laquelle l'employeur produit des éléments laissant présumer qu'elle a été récupérée, soit un solde restant dû au salarié de 184,39 €.

En outre, [D] [N] est fondé à solliciter l'octroi de la somme de 66,04 € à titre de remboursement de ses frais de trajet pour ces 14 visites médicales, sur la base du calcul établi par le salarié en page 26 de ses conclusions et qui n'est l'objet d'aucune contestation motivée de la part de l'appelante.

L'association ORSAC sera donc condamnée à payer ces sommes à l'intimé, pour un total de 250,43 euros.

3.'Sur les heures supplémentaires de nuit dues pour la période allant du 1er janvier au 31 mai 2011 :

[D] [N] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 3115,26 euros, outre les congés payés y afférents, au titre des heures supplémentaires qu'il dit avoir accomplies entre le 3 avril 2009 et le 31 mai 2011.

Cette demande n'est toutefois recevable que pour la période allant du 1er janvier au 31 mai 2011, la cour d'appel ayant déjà statué définitivement sur les années antérieures par une précédente décision.

[D] [N] expose que les aides-soignants et infirmières de nuit du Centre médical [Établissement 1] exécutaient à cette époque leur contrat de travail dans le cadre de cycles de 14 jours, comme prévu par la convention collective applicable, ce qui les amenait pour un temps plein à travailler à chaque cycle durant 7 nuits de 11 heures chacune (de 20h15 à 7h15, avec une pause de 30 minutes en cours de nuit), et donc à accomplir 77 heures de travail par quatorzaine.

Or l'article 05.06.2 de la convention collective, qui fixe un régime de majoration spécifique des heures supplémentaires pour les salariés soumis un cycle de travail sur 2 semaines, est ainsi rédigé :

'Lorsque l'aménagement du temps de travail est établi sur 2 semaines, les heures supplémentaires sont majorées dans les conditions suivantes :

- 25 % de la 71e heure à la 78e heure par deux semaines consécutives ;

- 50 % au-delà de la 78e heure par deux semaines consécutives ;

- 100 % pour les heures supplémentaires effectuées la nuit ainsi que les dimanches et jours fériés étant précisé, d'une part, que les heures supplémentaires de nuit donnant droit à la majoration de 100 % ci-dessus indiquée sont les heures supplémentaires effectuées, de 22 heures à 6 heures, d'autre part, que les majorations pour heures supplémentaires effectuées la nuit ainsi que les dimanches et jours fériés ne se cumulent pas avec les indemnités prévues en cas de travail de nuit ou de travail les dimanches et jours fériés.

Sont bénéficiaires de la majoration de 100 % prévue ci-dessus les salariés dont le coefficient de base conventionnel (majoré de l'ancienneté) est inférieur ou égal au coefficient 493. Les salariés dont le coefficient de base conventionnel (majoré de l'ancienneté) est supérieur à 493 doivent percevoir une majoration limitée à celle dont bénéficient les salariés classés au coefficient 493.

Lorsque l'aménagement du temps de travail n'est pas établi sur 2 semaines, les heures supplémentaires s'apprécient compte-tenu des modes d'aménagement du temps de travail retenu, sans préjudice du taux conventionnel en vigueur.'

[D] [N] expose qu'il travaillait à l'époque 11 heures par nuit de 20h15 à 7h15 et ce, sept nuits par quatorzaine, mais que son contrat de travail prévoyant un temps partiel à 80 %, il aurait dû ne travailler que 10 heures par nuit et donc n'effectuer que 70 heures par quatorzaine au lieu des 77 heures réellement travaillées, d'où sa demande au titre des heures complémentaires.

L'association ORSAC expose toutefois dans ses conclusions qu'en réalité [D] [N], à temps partiel depuis décembre 2004, devait un temps de travail 212 heures par mois qu'il accomplissait sur la base d'un cycle de 4 semaines, et non de 2 semaines comme il le prétend aujourd'hui.

Cette allégation apparaît fondée au vu des plannings versés aux débats par les parties, étant observé que [D] [N] ne s'est même pas, dans ses dernières écritures pourtant postérieures à celle de l'employeur, donné la peine de s'expliquer sur ce point, bien qu'il soit essentiel au raisonnement qu'il soutient.

En l'état de ces éléments et du caractère pour le moins confus des plannings versés aux débats tant par le salarié que par l'employeur, la cour ne peut que constater que [D] [N] ne produit pas en l'état d'éléments de preuve de nature à laisser présumer qu'il a effectivement réalisé les heures complémentaires et/ou supplémentaires non rémunérées dont il réclame aujourd'hui le paiement au titre des 5 premiers mois de l'année 2011.

Sa demande de ce chef sera donc rejetée comme mal fondée.

4.'Sur la demande indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :

L' article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l'article L. 8221-5, 2° du même code dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Aux termes de l' article L.8223-1 du code du travail , le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Cependant, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes et ouvrant droit à indemnité forfaitaire n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, [D] [N] sollicite la condamnation de son employeur à lui payer une somme de 8400 € à titre d'indemnité légale pour travail dissimulé prévu par l'article L8223'1 précité.

Cette demande sera toutefois déclarée mal fondée, [D] [N] ne démontrant pas avoir accompli des heures complémentaires ou supplémentaires qui n'ont pas été déclarées ou mentionnées sur ses bulletins de paye, ni accompli un quelconque travail dissimulé.

5.- Sur le règlement des heures de délégation et de formation :

Il est constant que [D] [N] a été élu membre du CHSCT de l'association ORSAC par délégation unique le 25 octobre 2010 et qu'il est également délégué du personnel de cette entreprise.

Il fait valoir que dans le cadre de ses mandats, il est tenu d'effectuer de nombreuses heures de réunions et des heures de formations qui se déroulent pendant la journée, alors qu'il effectue normalement ses horaires habituels de travail de nuit, si bien que l'employeur ne considère pas ces heures de délégation ou de représentation comme un temps de travail effectif de nuit et refuse le rémunérer à ce titre.

En défense, l'association ORSAC fait valoir que l'intéressé n'a jamais souhaité être rémunéré pour les heures passées en délégation et en formation, préférant bénéficier d'heures de récupération à ce titre. Elle estime que chaque réunion ou heure de délégation a fait l'objet d'un crédit 'd'heures à récupérer'conformément aux bons de délégation transmis par [D] [N] et affirme que ce crédit est pris en compte dans le tableau récapitulatif des régularisations qu'elle verse aux débats.

[D] [N] fait toutefois valoir que le tableau produit par l'employeur relatif aux réunions professionnelles auxquelles il a participé est incomplet, l'association ORSAC ayant omis de prendre en considération 36 réunions qu'il énumère en détail aux pages 21 et 22 de ses dernières conclusions.

Il résulte des pièces du dossier et en particulier celles figurant aux numéros 28 et 29 du salarié que [D] [N] a effectivement été présent lors de bon nombre de ces 36 réunions. La cour ne peut que constater que l'employeur, en dépit des conclusions claires du salarié sur ce point, ne s'explique pas sur le défaut de prise en compte de ces réunions dans ses tableaux, et ne justifie pas en l'état que ces heures de délégation, réunion ou formation de [D] [N] ont été soit réellement récupérées par lui, soit effectivement payées.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'association ORSAC à ce titre à payer à [D] [N] la somme de 2527,83 euros, outre 503,59 euros au titre des remboursements des frais trajets qui ne font l'objet d'aucune contestation spécifique et motivée.

6.'Sur le non-respect par l'employeur de l'amplitude de repos :

[D] [N] fait valoir qu'il est arrivé que les heures de délégation qu'il a dû consacrer aux réunions interviennent parfois pendant ses jours de repos compensateur pour travail de nuit, et qu'à ce titre il aurait dû s'en voir octroyer l'équivalent en heures de repos, ce que l'employeur a omis de faire.

En ce sens, il produit en pièce 31 une liste des réunions auxquelles il a assisté dans le cadre de ses mandats lors de journée où il était censé être en repos compensateur sans que l'employeur lui ait accordé une contrepartie en repos à cette activité.

Pour s'opposer à cette demande, l'association ORSAC soutient que 'dès lors que l'intéressé ne pouvait bénéficier d'un repos quotidien, il lui a été octroyé un repos complémentaire équivalent au nombre de manquantes et ce conformément aux dispositions conventionnelles applicables', et qu'il résulte de ses plannings figurant dans ses pièces 17 et 18 que [D] [N] a ainsi récupéré 10 heures en novembre 2011,10 heures en septembre 2012, et 40 heures en octobre 2012.

La consultation des plannings OCTIME versées aux débats par l'employeur (pièces 17 et 18) ne permet absolument pas de savoir si ces repos compensateurs correspondent effectivement à la totalité des heures de repos compensateur auxquelles ce salarié pouvait prétendre, et ce d'autant moins que l'employeur ne justifie pas avoir pris en considération la totalité des heures de délégation que [D] [N] démontre avoir accomplies dans le cadre des 36 réunions précitées.

Le non-respect des heures d'amplitude de repos acquises par [D] [N] par application de l'article L3122'39 du code du travail constitue de la part de l'employeur un manquement à son obligation, prévue par l'article L 4121'1 du code du travail, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ce manquement de l'employeur à son obligation de sécurité a causé à [D] [N] un préjudice que les premiers juges ont pertinemment évalué à 1500 €, somme justement allouée au salarié à titre de dommages-intérêts. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

7.'Sur la demande d'annulation de l'avertissement prononcé le 24 avril 2013 :

L'article L1331-1 du code du travail dispose que: 'Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.'

Il ressort par ailleurs des articles L1332-1 et L1332-2 du code du travail :

- qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction;

- que l'employeur doit fournir au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction;

- qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles;

- que si un doute subsiste, il profite au salarié; que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise ;

Enfin l'article L 1332'4 du même code dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Par courrier recommandé daté du 10 avril 2013, l'association ORSAC a convoqué [D] [N] à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, entretien fixé au 17 avril 2013.

L'employeur a notifié à [D] [N] par courrier recommandé du 24 avril 2013 un avertissement ainsi motivé :

« Faisant suite à notre entretien du 17 avril 2013, au cours duquel vous étiez assisté d'un délégué du personnel, je vous notifie par la présente un avertissement.

Lors de la réunion des représentants du personnel du 28 mars 2013, vous avez prêté à notre Directrice Adjointe des propos et échanges mensongers et abusifs à propos de la précédente réunion consacrée à l'ordre des congés annuels.

Vous avez dit que notre Directrice Adjointe aurait tenu des propos lors de cette réunion, tels que ' les Arabes, les Portugais, y'en a marre, dehors'', ce qui est totalement mensonger et ce qui a fortement choqué les représentants du personnel, également présents à ces deux réunions, qui s'inscrivent également faux contre ces propos mensongers.

Vous avez également rapporté des propos similaires auprès de salariés.

Lors de notre entretien du 17 avril dernier, vous minimisez la gravité et la portée de vos propos.

Vos allégations excessives et abusives pouvant s'assimiler à des propos discriminatoires sont inacceptables, de même que votre discrédit appuyé et virulent à l'égard de notre Directrice Adjointe.

Il vous appartient de respecter les règles de loyauté et de respect dans les échanges, ce que j'ai déjà été amené à vous rappeler, par courrier du 28 février 2013.

Conformément aux dispositions du règlement intérieur, je vous notifie par la présente un avertissement au sens de l'article L 1332'2 du code du travail et vous demande de bien vouloir en tenir compte à l'avenir. »

[D] [N] ayant contesté cet avertissement par courrier non daté figurant en pièce 37 du salarié, le directeur de l'établissement a maintenu cette sanction disciplinaire par lettre recommandée du 30 mai 2013.

Ainsi, il est reproché par l'employeur à [D] [N] d'avoir manqué à son devoir de loyauté envers son employeur en accusant mensongèrement à deux reprises Madame [U], directrice adjointe de l'établissement, d'avoir tenu lors de la réunion des délégués du personnel du 28 février 2013 des propos xénophobes :

'd'abord lors de la réunion suivante des délégués du personnel qui s'est tenue le 28 mars 2013,

'puis lors de discussions avec certains salariés de l'établissement.

Force est de constater qu'aucune des parties ne verse aux débats le compte rendu de la réunion litigieuse des délégués du personnel du 28 mars 2013, et que l'employeur ne produit aucun document ni témoignage établissant que [D] [N] aurait tenu de tels propos à l'encontre de la directrice adjointe lors de cette réunion. Ce premier reproche n'est donc pas fondé.

Par contre, l'association ORSAC produit un courrier que lui ont adressé le 8 avril 2013 trois autres délégués du personnel, Mesdames [P], [B] et [Z], ainsi rédigé :

« Madame, Monsieur,

par la présente, nous vous confirmons avoir abordé volontairement lors de la réunion DP du 28/03/2013'16h30 les propos colportés par Monsieur [D] [N] dans l'établissement, propos auquel nous n'adhérons absolument pas.

En effet, suite à la réunion DP du 28 février au cours de laquelle nous avions abordé l'étalement des congés et les nouveaux plannings, Mr [N] a colporté dans l'établissement que Madame [U] aurait dit : 'les arabes, les portugais, y'en a marre, dehors'' propos totalement faux et de plus non respectueux que nous ne cautionnons pas. »

Il est toutefois relevé que dès son courrier précité de contestation de l'avertissement, [D] [N] a exposé que dans le cadre de la réunion des délégués du personnel du 28 février 2013 concernant l'organisation des plannings, la sous-directrice avait dit 'qu'on ne pouvait pas prendre en compte les Portugais, le ramadan, et que si [V] n'était pas content il n'avait qu'à partir', et qu'il s'était en réalité contenté de rapporter cette phrase aux salariés lorsqu'il leur avait fait un compte rendu oral de cette réunion, exerçant en cela simplement son rôle de représentant syndical.

[D] [N] verse aux débats en pièce 39 un écrit (dont la copie produite a les marges quelque peu tronquées) émanant de [T] [C] et [N] [H] ainsi rédigé :

« Par la présente, [T] [C] et moi-même [N] [H] attestons la restitution mots à mots mentionnée ci-après de propos cités en réunion DP du 28 (février) 2013 et dont Mr [D] [N] a rendu compte oralement aux salariés de [Établissement 1] en notre présence :

'de toute façon, on ne peut pas prendre en compte les Portugais, le ramadan, et si (...) n'est pas content : il n'a qu'à partir'

Nous avons à l'égard de notre élu DP [D] [N] une totale confiance et il est important (pour) nous qu'il puisse exercer sereinement sa fonction de DP au sein de l'établissement [Établissement 1] »

En l'état de ce témoignage, la cour ne peut que constater que l'employeur n'a pas jugé opportun de verser aux débats d'attestation émanant d'autres personnes ayant assisté à la réunion du 28 février 2013 susceptibles de venir remettre en cause la réalité des propos que [D] [N] reproche à la directrice adjointe d'avoir tenus lors de cette séance.

Ceci laisse présumer que ce cadre de l'établissement a bien tenu ces propos à cette occasion, dans un contexte qui peut d'ailleurs éventuellement se comprendre tant l'organisation du planning d'un établissement de ce genre peut éventuellement être compliquée.

Dès lors et en l'état, il y a tout lieu de penser que ces propos ont bien été tenus par Madame [U] lors de la réunion de février 2013 dans les termes rapportés par [D] [N], et rien ne démontre que ce dernier les ait déformés lors de la discussion à ce sujet au cours de la réunion suivante des délégués du personnel intervenu le 28 mars 2013.

Par ailleurs en ce qui concerne le compte rendu de la réunion de février 2013 fait par [D] [N] aux salariés de l'entreprise, le courrier précité de Mesdames [P], [B] et [Z] n'est pas suffisamment précis et circonstancié pour mettre à néant l'attestation établie par [T] [C] et [N] [H], qui conforte pleinement la version donnée des faits par l'intimé.

En l'état de ces éléments contradictoires, la cour estime que l'association ORSAC ne rapporte pas à ce jour la preuve de ce que [D] [N] a effectivement prêté à sa directrice adjointe les propos mentionnés par la lettre d'avertissement, que ce soit lors de la réunion des délégués du personnel du 28 mars 2013 ou lors de ses discussions avec les salariés de l'entreprise.

L'avertissement litigieux sera donc annulé, faute de démonstration par l'employeur du manquement de [D] [N] à son devoir de loyauté envers lui.

8.'Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive

[D] [N] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné l'association ORSAC lui verser la somme de 4000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Dans la mesure où ses prétentions dans le cas de la présente instance avèrent très largement mal fondées, la résistance de l'employeur ne saurait être qualifiée d'abusive, ni donner lieu à l'octroi de quelconques dommages-intérêts de ce chef.

9.' Sur les intérêts légaux

[D] [N] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser les intérêts légaux sur les diverses sommes au paiement desquelles l'association ORSAC est condamnée par le présent arrêt, et cela à compter du 18 janvier 2008, date la saisine par le demandeur du conseil de prud'hommes de BELLEY par application des dispositions de l'article 1153'1 du code civil.

Il apparaît toutefois que la cour, dans le présent arrêt, n'a fait droit aux prétentions de [D] [N] qu'en ce qui concerne des demandes que ce dernier n'avait pas présentées lors de l'instance initiale devant le conseil de prud'hommes de BELLEY, et qu'il n'a en réalité formalisées que devant le Conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse après la désignation de ce dernier par le Premier président.

Les sommes allouées par le présent arrêt porteront donc intérêt au taux légal à compter :

'en ce qui concerne l'indemnisation des temps de visites médicales et des temps de délégation non payés ni récupérés, et les remboursements des frais de trajet afférents à ces visites médicales et à ces temps de délégation : à compter du 15 octobre 2013, date de réception par le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse des premières conclusions de [D] [N] par lesquelles ce dernier avait présenté ces demandes, ces conclusions valant première mise en demeure dont il soit justifié, au sens de l'article 1153 du code civil ;

'en ce qui concerne les dommages-intérêts pour non-respect des amplitudes de repos, cette créance indemnitaire ne portera intérêts qu'à compter du jugement déféré du 4 juin 2015, conformément aux dispositions de l'article 1153'1 du même code.

10.'Sur les demandes accessoires

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront intégralement supportés par l'association ORSAC .

Vu les données du litige, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'elles ont exposés pour la présente instance, tant devant les premiers juges que devant la cour.

Il y a donc pas lieu de faire droit aux demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

DÉCLARE l'association ORSAC irrecevable en son exception de nullité de la procédure prud'homale pour irrégularité de fond ;

DÉCLARE [D] [N] irrecevable en:

*sa demande de rappel de salaire au titre des heures complémentaires lui restant dû pour la période allant de mars 2005 à mars 2009, outre les congés payés y afférents ;

*sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires lui restant dues pour la période allant du 3 avril 2009 au 31 décembre 2010, outre les congés payés y afférents ;

*sa demande d'indemnité compensatrice pour jours fériés non récupérés ;

*sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral afférente à ces heures complémentaires et supplémentaires effectuées de mars 2005 au 31 décembre 2010 ;

CONFIRME le jugement déféré rendu par le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse le 4 juin 2015 en ce qu'il a condamné l'association ORSAC à payer à [D] [N] les sommes suivantes :

' 2 527,83 euros à titre de rappel de salaire pour heures de délégation (réunions et formations) dans le cadre de son mandat délégué du personnel et de son mandat de membre du CHSCT ;

'503,59 euros à titre de remboursement de ses frais trajets occasionnés par ces réunions et formations ;

' 1500 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des amplitudes de repos ;

PRÉCISE que cette dernière somme portera intérêt au taux légal à compter du jugement du 4 juin 2015, et que les 2 précédentes porteront intérêt au taux légal à compter du 15 octobre 2013 ;

INFIRME pour le surplus le jugement déféré, et, statuant à nouveau et y ajoutant :

CONDAMNE l'association ORSAC à payer à [D] [N] la somme de 250,43 euros à titre de rappel de salaires pour les visites médicales et de remboursement de ses frais de trajet occasionnés par ces visites, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2013;

DÉCLARE mal fondé l'avertissement disciplinaire notifiée le 24 avril 2013 par l'association ORSAC à [D] [N] , et en conséquence en prononce l'annulation ;

DIT n'y avoir lieu en l'espèce à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'association ORSAC aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 15/04932
Date de la décision : 07/10/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°15/04932 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-07;15.04932 ?
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