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04/10/2016 | FRANCE | N°15/01773

France | France, Cour d'appel de Lyon, Sécurité sociale, 04 octobre 2016, 15/01773


AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE



COLLÉGIALE



RG : 15/01773





CPAM DU RHÔNE



C/

[A]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON

du 04 Février 2015

RG : 20121420











COUR D'APPEL DE LYON



Sécurité sociale



ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2016

















APPELANTE :



CPAM DU RHÔNE

Service contentieu

x

[Adresse 1]



représentée par madame [V] [F], munie d'un pouvoir







INTIMÉE :



[N] [A]

née le [Date naissance 1]/1968

[Adresse 2]

[Adresse 3]



représentée par Me Soraya GUEZLANE, avocat au barreau de LYON











DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 30 Août 2016





COMPOSITIO...

AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE

COLLÉGIALE

RG : 15/01773

CPAM DU RHÔNE

C/

[A]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON

du 04 Février 2015

RG : 20121420

COUR D'APPEL DE LYON

Sécurité sociale

ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2016

APPELANTE :

CPAM DU RHÔNE

Service contentieux

[Adresse 1]

représentée par madame [V] [F], munie d'un pouvoir

INTIMÉE :

[N] [A]

née le [Date naissance 1]/1968

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par Me Soraya GUEZLANE, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 30 Août 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Marie-Christine DE LA SALLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Octobre 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAIT, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 19 mai 1998, Mme [A] [N] a été engagée en qualité de vendeuse par la société PARFUMERIE DOUGLAS exerçant son activité dans la galerie marchande d'AUCHAN à CALUIRE.

En janvier 2005, elle a accédé au statut de cadre, coefficient 250.

Se plaignant de harcèlement moral, Mme [A] [N] a adressé un courrier en date du 6 décembre 2010 à sa directrice, madame [P] avec copie à l'inspection du travail en répertoriant les faits de harcèlement.

Le 8 décembre 2010 vers 19 h 30, Madame [P] lui a demandé de venir dans son bureau pour avoir un entretien avec une tierce personne.

Le lendemain Mme [A] [N] a été mise en arrêt de travail maladie.

Presque 10 mois plus tard, le 6 octobre 2011, Mme [A] [N] a établi une déclaration d'accident du travail réglementaire au motif qu'elle aurait subi une agression hiérarchique lors de l'entretien du 8.12.10 en fin de journée dans le bureau de sa directrice au cours duquel un homme inconnu lui aurait proposé soit un licenciement soit une rupture conventionnelle de contrat après 12 ans de travail sans faute et avec promotion et qu' elle serait sortie de l'entretien paralysée et anéantie.

En l'absence de certificat médical initial, la caisse a procédé au classement du dossier par courrier du 14 novembre 2011.

Mme [A] [N] a alors envoyé un certificat médical initial à la CPAM réceptionné le 6 mars 2012, établi le 22 février 2012 par le docteur [V] et portant les mentions : « 09/12/2010 duplicata » et « annule et remplace l'arrêt maladie du 9/12/2010 », et relève un état dépressif caractérisé avec anxiété généralisée par traumatisme au travail (8 décembre 2010 à 19h35) nécessitant un mois d'arrêt de travail.

La caisse a diligenté une enquête administrative d'où il ressort d'une part que Madame [A] se plaignait de l'arrivée de la fille de la directrice, appelée à prendre à terme la place de sa mère et qui n'aurait eu de cesse de la critiquer, que son état de santé se dégradait au point qu'elle se rendait au travail dans un état d'angoisse et que l'entretien du 8 décembre 2010 qui n'était précédé d'aucun avertissement formel l'aurait plongée dans un état de sidération la conduisant à un effondrement psychologique.

La caisse relève par ailleurs que l'employeur a formulé des réserves tenant à la tardiveté de la déclaration d'accident du travail, effectué plus de 15 mois après le prétendu accident, qu'il a contesté le récit de la salariée et a affirmé qu'il s'agissait d'un entretien ayant pour objet la situation de cette dernière suite à son courrier du 6 décembre 2010 d'une situation de harcèlement, que l'échange se déroulait en présence de M. [T], directeur des ressources humaines du groupe ORAPI appelé pour aider à la résolution du différend, qui n'a exercé ni pression ni agressivité envers la salariée et que son départ de l'entreprise n' avait été envisagé que si les conditions d'une poursuite saine et fructueuse de la collaboration n'étaient pas possibles.

La caisse a notifié à Mme [A] une décision de refus de prise en charge l'accident dans le cadre de la législation professionnelle qui a été confirmée par la commission de recours amiable le 21 novembre 2012.

Par jugement du 4 février 2015 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon a reconnu le caractère professionnel de l'accident dont a été victime Mme [A] le 8 décembre 2010 et a renvoyé la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône à régulariser la situation de la victime au regard des prestations auxquelles celle-ci peut prétendre.

Le tribunal a estimé que l'entretien du 8.12.10 a constitué le facteur déclenchant de la brutale altération de l'état psychologique de madame [A] constatées médicalement dès le lendemain et que la présomption d'imputabilité doit s'appliquer

La CPAM a interjeté appel de la décision.

Elle relève qu'il ressort de l'enquête et des éléments factuels transmis lors des débats que c'est à la suite de son courrier du 6 décembre 2010 évoquant des griefs de harcèlement moral à son employeur qu'elle a été conviée le 8 décembre 2010 à 19 h30 dans le bureau de Mme [P] avec le directeur des ressources humaines qui lui a été présenté en tant que tel et qu'il n'est pas établi que cet entretien avait pour but de la licencier, mais de faire le point sur la situation.

Elle fait valoir que l'agression hiérarchique déclarée par Mme [A] comme un fait générateur de l'accident du travail n'est pas avérée et qu'aucun propos agressif ou humiliant stigmatisant un comportement anormal n'a été matérialisé lors de cet échange.

Elle estime donc qu' il n'y a pas eu d'événement soudain et brutal qui relèverait du droit de la sécurité sociale.

D'autre part, elle fait valoir que les certificats médicaux ont été établis à posteriori au titre de la législation professionnelle à compter de février 2012 et qu'ils font état de « souffrance morale » et d'état dépressif » par « traumatismes » au travail, en reprenant les propres déclarations de l'intéressée.

La CPAM estime donc que les propres déclarations de Madame [A] ne sont corroborées par aucun élément objectif lui permettant de bénéficier de la présomption et qu'elle ne rapporte pas non plus la preuve du fait accidentel survenu au temps et au vu du travail en relation avec l'état pathologique décrite sur les différents certificats médicaux et qu'au surplus la société Douglas n'a été informée par la caisse que le 15 mars 2012, soit 15 mois après ledit accident, par la transmission de la déclaration d'accident du travail rédigée par l'intéressée, alors que celle-ci a déposé un dossier de demande de reconnaissance maladie professionnelle.

Par conclusions en réponse, Mme [A] demande la confirmation du jugement.

Elle soutient que son action est recevable, que l'enquête effectuée par la caisse est incomplète en ce que M. [T] n'a pas été entendu.

Elle fait valoir que son courrier du 6 décembre 2010 n'avait pour objectif que d'obtenir le respect de ses droits et qu'il n'est pas contesté par Madame [P] que le 8 décembre 2010 à 19 h30, elle a convoqué la salariée dans son bureau en présence du directeur des ressources humaines, alors qu'elle n'était ni prévenue ni assistée et que le seul sujet abordé a été la rupture conventionnelle de licenciement, qu'elle établit donc la matérialité d'une lésion psychique subie sur le lieu de travail pendant le travail.

Par ailleurs, elle relève que la caisse ne peut renverser la présomption d'imputabilité puisque elle ne démontre pas que la lésion de Mme [A] aurait une cause étrangère au travail,

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions écrites qui ont été soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L 411-1 du code de la sécurité sociale répute accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, l'accident se définissant par une action violente et soudaine à l'origine d'une lésion corporelle ou psychique.

Il appartient donc au salarié, lorsqu'il invoque une lésion psychique d'apporter la preuve d'une brutale altération de ses facultés mentales, en relation avec un événement soudain, précisément localisé dans le temps.

En l'espèce, madame [A] soutient que l'entretien qui a eu lieu le 8.12.10 à 19 h 30 alors qu'elle n'était ni prévenue ni assistée dans le bureau de madame [P] avec le directeur des ressources humaines et au cours duquel il n'a été question que de son départ de l'entreprise constitue une 'agression hiérarchique' qui a déclenché la brutale altération de son état psychologique.

Mais il convient de rappeler que l'avant-veille de cet entretien, madame [A] avait écrit une lettre de 3 pages à son employeur avec copie à l'inspecteur du travail se plaignant d'une dégradation de ses conditions de travail depuis l'arrivée de la fille de la directrice.

Elle concluait son courrier ainsi :

'... Je vis très mal cette situation qui s'installe depuis un an. Je ne supporte plus ces rapports professionnels pervers vécus au quotidien qui m'atteignent dans ma propre estime. Cette douleur lancinante me taraude jour et nuit ayant des répercussions physiques et psychologiques dévastatrices.

Cette situation me déprime et j'en viens à la conclusion que je suis victime de harcèlement moral.

Je veux que cela cesse.'

Par ailleurs, il ressort du témoignage de madame [T] [S] que dès le matin du 8.12.10 madame [A] prévoyait un entretien avec sa hiérarchie suite à son courrier et que vers midi elle était déjà dans un état de stress particulièrement important.

Ainsi vers 19 h 30, lorsque sa directrice lui propose cet entretien que madame [A] a provoqué sur un sujet l'affectant particulièrement, elle ne peut soutenir que la proposition même de cet entretien informel qu'elle prévoyait participe à une action violente et soudaine.

Or elle n'allègue aucun propos insultant ou humiliant stigmatisant un comportement anormal de son employeur lors de cet entretien qui a duré 10 minutes et la seule évocation d'un éventuel licenciement ou d'une rupture conventionnelle résultant de son courrier du 6.12.10 ne peut constituer en soi une agression hiérarchique.

Ainsi il ressort des différents éléments du dossier que cet entretien, caractérisé par madame [A] comme une agression hiérarchique ne résulte que de l'exercice normal du pouvoir de direction de son employeur suite au courrier de celle-ci en date du 6.12.10.

Par ailleurs les lésions de madame [A] sont la résultante du ressenti de la dégradation de ses conditions de travail et cet entretien ne peut être à l'origine de l'état pathologique décrit sur les différents certificats médicaux.

Enfin il y a lieu de rappeler que madame [A] a attendu 15 mois pour faire une déclaration initiale d'accident du travail.

C'est donc à juste titre que la CPAM a refusé la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident dont madame [A] déclare avoir été victime le 8.12.10

La décision du conseil de prud'hommes sera donc infirmé en totalité.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

DIT que c'est à bon droit que la CPAM a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle, l'accident déclaré le 8.12.10 par madame [A] [N],

DEBOUTE madame [N] [A] [N] de ses demandes

Y ajoutant

Rappelle que la procédure est sans frais ni dépens,

Dispense l'appelante du paiement du droit institué par l'article R.144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.

LA GREFFIÈRELE PRESIDENT

Malika CHINOUNE Elisabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 15/01773
Date de la décision : 04/10/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon 51, arrêt n°15/01773 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-04;15.01773 ?
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