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28/09/2016 | FRANCE | N°14/06375

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 28 septembre 2016, 14/06375


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/06375





[W]



C/

SASU LBA THIVEL







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Juillet 2014

RG : 13/01869











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2016













APPELANT :



[K] [W]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]

(69)

[Adresse 1]

[Localité 2]



comparant en personne, assisté de Me Alexandre FURNO de la SELARL LEXAVOCATS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SASU LBA THIVEL

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Olivier GELLER de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES,...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/06375

[W]

C/

SASU LBA THIVEL

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Juillet 2014

RG : 13/01869

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2016

APPELANT :

[K] [W]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1] (69)

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Alexandre FURNO de la SELARL LEXAVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SASU LBA THIVEL

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Olivier GELLER de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Mai 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel BUSSIERE, Président

Agnès THAUNAT, Conseiller

Didier PODEVIN, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Septembre 2016, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier PODEVIN, Conseiller, Michel BUSSIERE, Président, empêché et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Attendu que M. [W] a été engagé à compter du 21 avril 1992 par la société LBA Thivel, spécialisée dans le commerce de la quincaillerie en gros et de détail, en qualité de VRP exclusif ; qu'il était principalement chargé de représenter les articles de quincaillerie commercialisée par la dite société auprès des administrations et collectivités territoriales dans le département du Rhône puis celui de l'Ain ; que le contrat prévoyait également une clause de non-concurrence pour une durée d'un an assorti d'une contrepartie pécuniaire

Attendu qu'un nouvel employé commercial été désigné par lettre du 30 avril 2007 pour visiter les administrations dans le département du Rhône et que M. [W], constatant l'atteinte à son exclusivité dans son secteur, a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre rédigée comme suit :

« ...Je fais suite à la lettre que je vous ai remise en main propre le 9 mai 2007, et à notre entretien subséquent.

Je suis au regret de constater que votre décision de modifier mon contrat de travail est demeurée inchangée en dépit de mon opposition motivée. En effet, le nouveau commercial que vous avez recruté en vue de lui confier une partie de mon secteur est à pied d'oeuvre dans l'entreprise.

Dans ces conditions, vos graves manquements contractuels, à savoir l'atteinte à l'exclusivité dont je bénéficie en qualité de VRP statutaire, la modification sans mon consentement de mon secteur de prospection et consécutivement de ma rémunération, rendent impossible la poursuite de notre collaboration.

En conséquence, et dans le prolongement de mon courrier précité du 9 écoulé, je suis contraint de prendre acte, par la présente, de la rupture de mon contrat de travail, à vos torts, étant rappelé que cette prise d'acte entraîne la cessation immédiate dudit contrat de travail.

Vous voudrez donc bien me faire parvenir dans les plus brefs délais le règlement de mes droits, ainsi que les documents de rupture.

Je vous informe par ailleurs saisir le conseil de Prud'hommes aux fins d'une part de voir analyser cette prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec toutes conséquences que de droit, et d'autre part, de voir prononcer la nullité de la clause de non concurrence en raison de sa non-conformité à l'article 17 de l'ANI des VRP... »

Attendu que par jugement n° RG F 13/01869 daté du 10 juillet 2014, le conseil de prud'hommes de Lyon, section encadrement, a statué ainsi :

- Se déclare compétent sur la demande relative à la violation de la clause de non concurrence

- Confirme la validité de la clause de non concurrence et déboute M. [W] de ses demandes à ce titre

- Dit que la rupture du contrat de travail de M. [W] repose sur une démission et ne peut donc être assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et déboute M. [W] de ses demandes liées à la rupture de son contrat de travail

- Déboute M. [W] du surplus de ses demandes.

- Condamne M. [W] à régler à la société LBA Thivel :

* 5 000 € au titre de la violation de la clause de non concurrence

* 18 953 € nets au titre de la répétition de la contrepartie financière de la clause de non concurrence

10 000 € au titre des dommages-intérêts liés à l'exécution déloyale du contrat de travail

* 9 941,25 € nets au titre du préavis de démission non effectué

* 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Déboute la partie défenderesse du surplus de ses demandes

- Laisse à la charge de M. [W] les éventuels dépens y inclus les frais d'exécution de la présente décision, selon les termes du code de procédure civile

Attendu que par déclaration reçue au greffe le 25 juillet 2014 M. [W], (l'appelant) a déclaré interjeter appel du jugement précité à l'encontre de la SASU LBA Thivel (l'intimée)

Attendu que par conclusions déposées au soutien de ses observations orales à l'audience, M. [W], appelant, demande de :

- dire & juger recevable et bien fondé son appel

- infirmer le jugement déféré dans l'ensemble de ses dispositions et statuant à nouveau - dire & juger que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Condamner en conséquence la société LBA Thivel au paiement des sommes suivantes :

* Dommages-intérêts (licenciement sans cause réelle et sérieuse) : 60.000 €

* indemnité compensatrice de préavis : 11.037,27 €

* Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 1.103,72 €

Indemnité spéciale de rupture : 9.428,56 €

* Indemnité conventionnelle de rupture : 6.913,00 €

* Délivrance des documents de rupture rectifiés sous astreinte de 100,00 € par jour de retard ;

- dire & juger que l'engagement de non concurrence qui lui a été imposé est entaché de nullité

- condamner en conséquence la société LBA Thivel au paiement de la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour application d'un engagement de non concurrence nul

- débouter la société LBA Thivel de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles

- Condamner la société LBA Thivel au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner la société LBA Thivel aux entiers dépens de l'instance

Attendu que par conclusions déposées au soutien de ses observations orales à l'audience, la SASU LBA Thivel, intimée, demande de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes

reconventionnellement et sur les quanta

- Condamner M. [W] au versement du préavis de démission pour un montant de

9 941.25 € nets

- Condamner M. [W] au versement de la somme de 20 000 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

- Condamner M. [W] à répéter les sommes qu'il a perçues au titre de la contrepartie pécuniaire à la clause de non concurrence, soit 18 953 € nets

- Condamner M. [W] à verser à la société LBA la somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non concurrence

- Condamner M. [W] à verser à la société LBA la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- lui laisser la charge des entiers dépens de l'instance

Attendu que l'affaire a été plaidée à l'audience du 10 mai 2016

Attendu qu'il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs faits, moyens et prétentions

SUR CE

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée

Sur la rupture du contrat de travail

Attendu que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de M. [W] en retenant que la prise d'acte était prématurée car la société LBA Thivel pouvait à tout moment changer ses projets, que M. [W] n'apportait pas d'arguments sur des éventuels préjudices subis et qu'il n'avait pas relancé son employeur à la suite du courrier de réponse de celui-ci ; qu'il a donc analysé la prise d'acte de rupture en démission de la part du salarié

Attendu cependant que par lettre du 30 avril 2007, la société LBA Thivel confirmait à M. [W] l'arrivée d'un nouvel agent commercial pour visiter les administrations clientes de la société car le secteur de M. [W] comportait un nombre important de clients qu'il ne visitait que partiellement et que l'employeur invoquait le contrat de travail permettant de confier à un nouvel agent tous les clients qui n'avaient pas été visités au moins deux fois l'année dernière, soit environ huit cents clients sur mille qui lui étaient affectés et qu'il était demandé à M. [W] de choisir les branches de clients qu'il abandonnerait

Attendu que par lettre du 30 mai 2007, la société LBA Thivel confirmait qu'elle envisageait simplement de mettre en 'uvre l'article 4 du contrat de travail mais qu'au jour de la prise d'acte de la rupture de contrat de travail par M. [W], aucun client n'avait été attribué au nouvel agent commercial

Attendu que le contrat de travail de M. [W], modifié le 1er avril 1998, contient la clause suivante : « Il est expressément convenu que la société se réserve le droit de faire visiter par une autre personne les clients qui n'ont pas été visités au moins deux fois par an par Mr [W]. Monsieur [W] ne pourra se prévaloir d'un préjudice quelconque. »

Attendu cependant qu'il résulte des termes de la lettre du 30 avril 2007 précitée que la société LBA Thivel avait pris une décision définitive d'adjoindre un agent commercial à M. [W], et sur le même secteur, puisqu'il lui était expressément demandé de dire quelles branches de clients (lycées, collèges, écoles, mairies, villes et services techniques, cliniques, hôpitaux, maisons de retraite, HLM, armée, majo ou foyers) il décidait d'abandonner ; qu'il résulte des termes mêmes de ce courrier que la perte de l'exclusivité de M. [W] sur le département du Rhône et la modification du contrat de travail étaient déjà acquises ; que la motivation des premiers juges ne peut donc pas être confirmée

Attendu que contrairement à ce que soutient M. [W], la modification de son secteur d'activité ne résulte pas d'une décision unilatérale de l'employeur mais relève de l'application de son contrat de travail, dès lors que l'employeur justifie de ce qu'en 2006, M. [W] n'avait visité que 299 clients alors que son portefeuille contenait environ 940 prospects selon l'employeur et 800 selon l'employé ; que quel que soit le chiffre retenu, il est certain qu'au cours de l'année de référence, M. [W] n'avait pas visité au moins deux fois tous ses clients comme le confirme le tableau présenté par l'employeur en pièce 13

Attendu en conséquence que la décision de l'employeur est justifiée par la mise en 'uvre de l'article 4 du contrat de travail de M. [W] et que la lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit être analysée comme une lettre de démission ; que la décision contestée sera alors confirmée sur ce point mais par substitution de motifs avec maintien de l'évaluation de l'indemnité au titre du préavis de démission non effectué correctement appréciée

Sur la clause de non-concurrence

Attendu que le conseil de prud'hommes, après avoir constaté la démission de M. [W], a confirmé la validité de la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail de M. [W] et constaté que ce dernier avait violé cette clause en effectuant des démarches commerciales et concluant des contrats avec plusieurs de ses anciens clients comme cela a été constaté par procès-verbaux d'huissier de justice

Attendu que la clause de non-concurrence figurant à l'article 12 du contrat de travail de M. [W] est libellée comme suit : « Pendant un an à compter de la résiliation pour quelque cause que ce soit du présent contrat, M. [W] s'engage à ne pas représenter une entreprise fabriquant ou commercialisant des produits similaires à ceux dont la représentation lui a été confiée par ce contrat, ni même à s'intéresser directement ou indirectement et à quelque titre que ce soit à une telle entreprise. Cette interdiction s'applique à tous les secteurs visités (par) M. [W] pour le compte de la société... »

Attendu que M. [W] soutient que cette clause est nulle puisqu'elle lui interdirait de commercialiser des produits de quincaillerie aux particuliers, artisan et entreprises privées qui ne faisaient pas partie de la clientèle qui lui était attribuée par le contrat de travail précité

Attendu que la société LBA Thivel rappelle que le contrat de travail stipule bien que la clause de non-concurrence ne concerne que les secteurs visités par M. [W]

Attendu qu'il résulte des pièces produites par l'employeur, notamment deux procès-verbaux de constat établis par la SCP [T] et [M], huissier de justice à Lyon, que la société ECPK constituée par M. [W] avec d'autres associés pour commercialiser des articles de quincaillerie, avait des relations commerciales avec la ville de Villeurbanne ainsi qu'avec la société des Laboratoires Boiron qui avait été précédemment visitée par M. [W] en qualité de VRP de la société LBA Thivel ; que dans ces conditions les premiers juges ont constaté à juste titre la violation de la clause de non-concurrence par M. [W] dès lors que la commune de [Localité 4] notamment relevait bien du secteur administratif dans le département du Rhône tel que mentionné à l'avenant au contrat de travail daté du 1er juillet 2003

Attendu que l'action en violation d'une clause de non-concurrence est différente de l'action en concurrence déloyale, étant rappelé que la clause de non-concurrence emporte obligation pour l'employeur de rémunérer son ancien collaborateur

Attendu en conséquence qu'après avoir relevé que M. [W] avait démissionné de son poste et qu'il n'avait pas respecté la cause de non-concurrence, le conseil de prud'hommes a parfaitement évalué l'indemnisation due au titre de la violation de cette clause contractuelle et de la répétition de la contrepartie financière de cette clause ; que ces chiffres seront confirmés

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Attendu que les premiers juges, relevant que M. [W] avait exécuté son contrat de travail de manière déloyale en consacrant son temps à une entreprise personnelle concurrente, l'ont condamné à verser une somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts

Attendu cependant que les faits ont déjà été indemnisés au titre de la violation de la clause de non-concurrence et il n'y a pas lieu de mettre une indemnisation à ce titre à la charge de M. [W] ; que le jugement sera donc réformé sur ce point

Attendu que l'appelant qui succombe à titre principal supportera les entiers dépens

PAR CES MOTIFS

Statuant après en avoir délibéré, publiquement, en matière sociale, en dernier ressort et contradictoirement

Déclare l'appel recevable

Confirme le jugement entrepris en qu'il a :

- retenu sa compétence sur la demande relative à la violation de la clause de non concurrence

- Confirmé la validité de la clause de non concurrence et débouté M. [W] de ses demandes à ce titre

- Dit que la rupture du contrat de travail de M. [W] repose sur une démission et ne peut donc être assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et débouté M. [W] de ses demandes liées à ta rupture de son contrat de travail

- Condamné M. [W] à régler à la société LBA Thivel les sommes de :

* 5 000 € au titre de la violation de la clause de non concurrence

* 18 953 € nets au titre de la répétition de la contrepartie financière de la clause de non concurrence

* 9 941,25 € nets au titre du préavis de démission non effectué

* 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

L'infirme en ses autres dispositions et statuant à nouveau

Déboute la SASU LBA Thivel de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et de ses autres demandes

Y ajoutant

Condamne M. [W] à payer à la SASU LBA Thivel la somme de 3000 € (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute M. [W] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne M. [W] aux entiers dépens de l'instance.

Le greffierPour Mr BUSSIERE, Président empêché

Sophie MascrierDidier PODEVIN,

Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 14/06375
Date de la décision : 28/09/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°14/06375 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-28;14.06375 ?
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