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15/09/2016 | FRANCE | N°15/02766

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 15 septembre 2016, 15/02766


R.G : 15/02766









Décision du

Tribunal de Commerce de ROANNE

Au fond

du 25 mars 2015



RG : 2014l00234

ch n°





SELARL MJ SYNERGIE



C/



[I]

[I]

[I]

LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL DE LYON





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 15 Septembre 2016











APPELAN

TE :



SELARL MJ SYNERGIE représentée par Maître [L] [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA TRANSPORTS [I], société immatriculée au RCS de ROANNE sous le numéro 406 580 019, dont le siège social est [Adresse 13]



nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de ...

R.G : 15/02766

Décision du

Tribunal de Commerce de ROANNE

Au fond

du 25 mars 2015

RG : 2014l00234

ch n°

SELARL MJ SYNERGIE

C/

[I]

[I]

[I]

LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL DE LYON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 15 Septembre 2016

APPELANTE :

SELARL MJ SYNERGIE représentée par Maître [L] [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA TRANSPORTS [I], société immatriculée au RCS de ROANNE sous le numéro 406 580 019, dont le siège social est [Adresse 13]

nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de ROANNE du 20 février 2013

domiciliée

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

Assistée de la SCP BES SAUVAIGO associés avocats au barreau de LYON

INTIMES :

M. [U] [I]

né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 11]

demeurant

[Adresse 12]

[Localité 9]

Représenté par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON

Assisté de Me Olivier GARDETTE, avocat au barreau de LYON

M. [E] [I]

né le [Date naissance 5] 1948 à [Localité 11]

demeurant

[Adresse 13]

[Localité 11]

Représenté par de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON

Assisté de Me Olivier GARDETTE, avocat au barreau de LYON

M. [P] [I]

né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 11]

demeurant

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté la SELAS DFP & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

Mme LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL DE LYON

[Adresse 1]

[Localité 8]

représentée par Thierry RICARD, substitut général

******

Date de clôture de l'instruction : 22 Mars 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Juin 2016

Date de mise à disposition : 15 Septembre 2016

Composition de la Cour lors des débats :

- Christine DEVALETTE, président

- Hélène HOMS, conseiller

- Pierre BARDOUX, conseiller

assistés pendant les débats de Jocelyne PITIOT, greffier

en présence lors des débats de Thierry RICARD substitut général

A l'audience, Christine DEVALETTE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Christine DEVALETTE, président

- Hélène HOMS, conseiller

- Pierre BARDOUX, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Christine DEVALETTE, président, et par Jocelyne PITIOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La S.A. TRANSPORTS [I] était une entreprise familiale de transport, immatriculée au RCS de Roanne depuis 1965, exerçant essentiellement comme commissionnaire et transporteur longue distance .

En 2009, la société TRANSPORTS [I] a rencontré des difficultés financières et a modifié sa structure afin d'apporter le patrimoine immobilier de la SCI [I] et d'être dirigée sous forme d'un directoire placé sous le contrôle d'un conseil de surveillance, [E] [I], qui était alors président du conseil d'administration, devenant président du conseil de surveillance, [U] [I], qui était directeur général, devenant membre et président du directoire et [P] [I] étant nommé en qualité de membre du directoire. Une tentative de rapprochement avec un potentiel acquéreur, Monsieur [T], des transports LACHAL, a échoué en novembre 2012

Par jugement du 28 novembre 2012, le tribunal de commerce de Roanne a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société TRANSPORTS [I], après déclaration de cessation des paiements le 26 novembre 2012 par [U] [I], Maître [X] [D] [F] étant désigné en qualité d'administrateur et la SELARL MJ SYNERGIE en qualité de mandataire judiciaire. La date de cessation des paiements a été provisoirement fixée à la date de la déclaration et l'entreprise comptait 78 salariés.

Pendant la période d'observation, le mandataire judiciaire a établi un rapport soulignant un laisser aller décisionnel et une carence de management remontant à 2009. L'expert comptable du CE a établi également une note dans le même sens.

Par jugement du 20 février 2013, la procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire, la SELARL MJ SYNERGIE étant nommée en qualité de liquidateur, et le tribunal, par ce même jugement a désigné la société EUREX en qualité de technicien.

Par ordonnance du 23 mai 2013, le juge commissaire a confirmé cette désignation .

Suite au rapport rendu par la société EUREX, la SELARL MJ SYNERGIE, considérant que des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif avaient été commises par [E], [U] et [P] [I], les a assignés devant le tribunal de commerce de Roanne sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce aux fins de les voir condamner à payer chacun la somme de 900.000 € à titre de provision sur l'insuffisance d'actif .

Le 12 mai 2014, le juge commissaire a rendu dans un rapport, un avis favorable aux poursuites des dirigeants sur le fondement de l'article L651-2 et suivants, rapport communiqué aux intéressés.

Par jugement en date du 25 mars 2015, le tribunal de commerce de Roanne a :

- déclaré nulles les opérations d'expertise, annulé le rapport du groupe EUREX et l'a écarté des débats,

- débouté le mandataire liquidateur de sa demande tendant à voir condamner in solidum chacun de Messieurs [U], [P] et [E] [I] à lui payer ès qualités les sommes avancées en son assignation à titre de provision sur insuffisance d'actif,

- constaté que Messieurs [U] et [E] [I] ont retiré de leurs comptes courants des sommes leur permettant d'échapper au sort réservé à l'ensemble des autres créanciers,

- condamné Monsieur [E] [I] à payer à la SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités, la somme de 16.000 €,

- condamné Monsieur [U] [I] à payer à la SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités, la somme de 20.000 €,

- écarté des débats l'attestation sur l'honneur de Monsieur [G] [C] et rejeté la demande de son audition en qualité de témoin,

- déclaré mal fondée et irrecevable l'action engagée par la SELARL MJ SYNERGIE à l'encontre de Monsieur [P] [I],

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné solidairement Messieurs [U] et [E] [I] à verser la somme de 3.000 € à la SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités, au titre de l'article 700 du CPC,

- condamné la SELARL MJ SYNERGIE à verser à Monsieur [P] [I] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- rejeté comme inutile et non fondé toutes autres demandes fins et conclusions des parties,

- dit que les dépens de l'instance seront tirés en frais privilégiés de la procédure.

Par déclaration reçue le 30 mars 2015, la SELARL MJ SYNERGIE a relevé appel de ce jugement, intimant [U], [E] et [P] [I] ainsi que Madame la Procureure Générale.

Dans ses dernières conclusions, déposées le 6 janvier 2016, la SELARL MJ SYNERGIE demande à la cour de :

- dire la SELARL MJ SYNERGIE, Mandataires Judiciaires, représentée par Maître [L] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA TRANSPORTS [I], recevable et fondé en son appel et en ses conclusions,

- dire Messieurs [U], [P] et [E] [I] mal fondés en leurs conclusions,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que le paiement préférentiel effectué par Messieurs [U] et [E] [I] via le remboursement d'une partie de leurs comptes courants d'associés est constitutif d'une faute de gestion et est entré en voie de condamnation à ce titre, le réformer pour le surplus,

- débouter Messieurs [U] et [E] [I] de leur demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu des fautes de gestion à leur encontre au titre du remboursement d'une partie de leurs comptes courants d'associés,

le réformant pour le surplus,

- constater que l'ordonnance de Madame le Juge Commissaire en date du 23 mai 2015 désignant le technicien est définitive, de même que le jugement du Tribunal de Commerce de Roanne en date du 20 février 2013,

- débouter les consorts [I] de l'intégralité de leurs demandes de nullité et autres constats ou demande de rejet des débats,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à nullité du rapport établi par le Cabinet CADECO mandaté par le Comité d'Entreprise de la société TRANSPORTS PERONNET,

- constater que les fautes de gestion opposées par la liquidation judiciaire sont avérées,

- condamner Monsieur [U] [I] à payer à la SELARL MJ SYNERGIE, Mandataires Judiciaires, représentée par Maître [L] [J], ès qualités, la somme de 900.000 € au titre de l'insuffisance d'actif de la SA TRANSPORTS [I],

- condamner Monsieur [P] [I] à payer à la SELARL MJ SYNERGIE- Mandataires Judiciaires, représentée par Maître [L] [J], ès qualités, la somme de 900.000 € au titre de l'insuffisance d'actif de la SA TRANSPORTS [I],

- condamner Monsieur [E] [I] à payer à la SELARL MJ SYNERGIE- Mandataires Judiciaires, représentée par Maître [L] [J], ès qualités, la somme de 900.000 € au titre de l'insuffisance d'actif de la SA TRANSPORTS [I],

- en tant que de besoin, prononcer leur condamnation solidaire,

- condamner in solidum Messieurs [U], [P] et [E] [I] à payer à la SELARL MJ SYNERGIE, Mandataires Judiciaires, représentée par Maître [L] [J], ès qualités, la somme de 12.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, Avocats,

- débouter les consorts [I] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

La SELARL MJ SYNERGIE fait valoir que tant le jugement du tribunal de commerce de Roanne du 20 février 2013 que l'ordonnance du juge commissaire du 23 mai 2013 sont devenues définitives, notamment en l'absence de toute voie de recours ouverte aux consorts [I] en application de l'article L. 661-1 du code de commerce, de sorte qu'aucune nullité ne saurait être excipée dans le cadre de la présente instance, sur les conditions de désignation du technicien.

Elle affirme que la mission du technicien désigné par le juge commissaire au visa de l'article L621-4 du code de commerce, n'a pas à être effectuée de manière contradictoire, cette mesure n'étant pas une expertise judiciaire, et soutient que le rapport du technicien a été versé aux débats et soumis au contradictoire

Elle prétend que le rapport du cabinet CADECO est également valable puisque ce cabinet a été mandaté par le comité d'entreprise, qui a pour président le dirigeant de la société TRANSPORTS [I].

Elle estime enfin qu'il n'y avait pas lieu d'écarter le courrier adressé par Monsieur [C] car il s'agissait d'un courrier adressé au liquidateur, en dehors de tout contentieux, afin de permettre à [P] [I] de justifier auprès de l'AGS, qu'il occupait des fonctions techniques.

Sur l'insuffisance d'actif, qui n'est pas contestée, elle indique qu'elle s'élève à ce jour à

3.636.746,86 € sauf réalisation d'un bien évalué entre 300 000 et 500 000 € et solde de compte client de 40.000 €.

Sur la situation de dirigeant de fait ou de droit, elle soutient que [U] et [P] [I] ont qualité de dirigeants de droit de la société TRANSPORTS [I] en ce qu'ils sont membres du directoire de cette société, organe collégial de direction. Elle soutient également qu'en tant que membre du directoire, [P] [I] était bien un mandataire social, le fait qu'il ne se soit jamais investi dans sa mission étant indifférent et étant même une circonstance aggravante lui conférant la qualité de dirigeant de paille.

Elle indique que [E] [I] était président du conseil d'administration jusqu'au 30 avril 2009 et que, s'il est ensuite devenu président du conseil de surveillance, il a continué à s'occuper des affaires de la société comme s'il la dirigeait encore, de sorte qu'il a la qualité de dirigeant de fait. Il a ainsi signé un prêt pour la société, des contrats de location, les comptes à déposer au tribunal de commerce, les PV de délibération du directoire...

Concernant les fautes de gestion, elle prétend que les intimés ont commis une première faute de gestion en abandonnant la direction de la société, se contentant de venir signer les chèques et documents lorsque nécessaire et de rechercher de la trésorerie, sans aucune tentative de restructuration, ceci au travers de la recherche de refinancement d'actifs (dépôts successifs de dossiers CCSF) ou de délais de paiement obtenus auprès des organismes fiscaux et sociaux, cet abandon coïncidant avec le départ en retraite de Monsieur [U] [I] et Monsieur [E] [I] et laissant les 78 salariés dont les salariés cadres, s'autogérer.

Elle estime que les intimés ont également commis une faute de gestion en poursuivant une exploitation déficitaire, la société TRANSPORTS [I] étant structurellement déficitaire depuis l'exercice 2009, avec une valeur ajoutée ne suffisant plus à payer les salaires et cette poursuite ayant créé, notamment sur l'année 2012, un nouveau passif de plus de 859.204,84 €, sans mesure de restructuration ou demande d'une procédure de sauvegarde, leur seule préoccupation ayant été une recherche effrénée de trésorerie, de délais de paiement, de maintien des fonds propres pour pouvoir poursuivre l'activité de transporteur, de vente d'actifs, notamment des véhicules, pour les louer ensuite à l'acheteur, ce qui a accru le passif ou de biens immobiliers à des prix très bas au profit de [E] ou [U] [I], ce à la veille du dépôt de bilan.

Elle soutient que le remboursement préférentiel par les consorts [I] d'une partie de leurs comptes courants d'associés, à la veille de la déclaration de cessation de paiement, constitue une faute de gestion, tout comme la perception par ceux-ci de salaires excessifs au regard de la situation financière de la société TRANSPORTS [I] et eu égard au désintérêt total des dirigeants dans la marche de l'entreprise, ces derniers ayant fait valoir leurs droits à la retraite.

Elle expose enfin que les consorts [I] ont commis une faute de gestion en laissant s'accumuler les dettes fiscales et sociales à hauteur de 451.422,43 € dans des proportions telles qu'elles ne pouvaient être honorées, cette absence de règlement ne pouvant leur échapper eu égard à la situation de la société.

Elle considère que l'intégralité de l'insuffisance d'actif constatée ne peut être rattachée à la seule crise subie par le milieu des transports mais à ces nombreuses fautes de gestion qui ont accru le passif de 800.000 €.

Dans leurs dernières conclusions, déposées le 6 octobre 2015, [U] et [E] [I] demandent à la cour de :

rejetant toutes demandes, fins et conclusions contraires,

- réformer le jugement en ses dispositions défavorables à Messieurs [E] [U] [I], dans les conditions ci-après,

- constater que l'organisation d'une mesure d'instruction confiée à un expert a été demandée lors des débats ayant abouti au jugement du 20 février 2013 par le ministère public et les 'organes de la procédure',

- constater que l'administrateur judiciaire était [X] [D] [F] le mandataire judiciaire MJ SYNERGIE, le juge commissaire Madame [N],

- dire et juger que la mesure ordonnée par le Tribunal dans son jugement précité est une expertise judiciaire qui a été confiée à un expert judiciaire, peu important la terminologie erronée consistant à utiliser le mot 'technicien',

- constater que le liquidateur en violation articles 480 et 500 du CPC, a présenté une requête au Juge Commissaire Madame [N], pourtant présente à l'audience ayant abouti au jugement précité et elle-même organe de la procédure, qu'elle a cru devoir faire droit à sa demande aux fins de désignation d'un technicien au mépris, en méconnaissance, et en tout cas en portant atteinte à la souveraineté et à l'autorité de chose jugée, du jugement du 20 février 2013, et donc elle aussi en violation articles 480 et 500 du CPC,

- constater que le juge commissaire à la demande du liquidateur a désigné le même cabinet, avec la même mission que celle donnée par le Tribunal,

en conséquence,

- dire sans effet et inopérante la désignation du cabinet EUREX comme technicien par ordonnance du juge commissaire alors que le Tribunal avait désigné le même aux fins d'expertise judiciaire, comme expert judiciaire,

- constater que l'expert judiciaire a procédé à ses opérations sans aucune contradiction, sans jamais rencontrer, ni questionner les dirigeants et sans leur permettre de contribuer à la manifestation de la vérité en lui apportant documentation, explications et renseignements nécessaires à l'exécution de sa mission, et sans non plus interroger les conseils professionnels entourant historiquement la société des transports [I] (avocat conseil juridique, expert-comptable, commissaire aux comptes, etc.),

- confirmer le jugement, notamment sur ce point, au besoin par substitution ou complément de motifs,

y ajoutant,

vu le jugement LIABEUF et SAPIN du 9 novembre 2012,

- constater que l'administrateur judiciaire était (pour cette société ) [X] [D] [F], le mandataire judiciaire MJ SYNERGIE, le juge commissaire Madame [N], constituant dès lors les mêmes organes de la procédure que dans la liquidation judiciaire des transports [I],

- constater que l'expert-comptable conseil de LIABEUF et SAPIN est le Groupe EUREX en la personne de Monsieur [A],

- constater que l'expert judiciaire désigné par le tribunal à la demande des organes de la procédure est le Groupe EUREX en la personne de Monsieur [A],

- prendre acte que LIABEUF et SAPIN a été de tout temps un concurrent acharné historique des TRANSPORTS [I],

- dire et juger que l'expert judiciaire ainsi désigné ne satisfaisait pas aux règles minimales d'impartialité objective et qu'il était même en situation de grave conflit d'intérêts ce qu'il a dissimulé au Tribunal,

- dire et juger qu'il s'agit là d'une atteinte majeure aux règles du procès équitable laquelle vicie fondamentalement outre la désignation de cet intervenant de Justice, ses opérations et donc son rapport,

en conséquence,

- déclarer de plus fort nulles les opérations d'expertise et annuler de plus fort le rapport du groupe EUREX et l'écarter des débats,

- déclarer dénué de toute force probante le rapport de CADECO mandaté par le comité d'entreprise à qui il fait des offres de services en première page de son document, après avoir constaté qu'il ne résulte pas de ses investigations qu'il ait même rencontré les dirigeants, le cabinet d'expertise comptable, le commissaire aux comptes et qu'il ait entendu d'autres personnes que celles issues de la 'représentation du personnel',

- écarter des débats pour violation de l'article 202 du code de procédure civile le document titré 'attestation sur l'honneur' établi par [G] [C] et produit par [P] [I] en première instance sous le n° 12 de sa communication, puis repris par opportunisme par le liquidateur devant la Cour,

- confirmer le jugement notamment sur ce point au besoin par substitution ou complément de motifs,

subsidiairement,

- prendre acte que Messieurs [E] et [U] [I] découvrent au mois de février 2014 les propos mensongers tenus par [G] [C] qui semble avoir été l'interlocuteur privilégié de 'l'expert' du comité d'entreprise CADECO et de l'administrateur judiciaire,

- sauf à avoir déclaré d'emblée dénuée de toute force probante cette 'attestation sur l'honneur', ordonner au vu des articles 204 et suivants l'audition en qualité de témoin de Monsieur [G] [C] pour qu'il donne notamment toutes explications utiles sur l'origine de son expression 'direction fantôme' et sur l'affirmation selon laquelle 'le comité d'entreprise a toujours été exclu du fonctionnement interne de l'entreprise', et pour qu'il donne toutes précisions utiles sur les discussions qu'il a pu avoir et les informations qu'il a données à CADECO et sur l'origine, les raisons et les conséquences de ses 'discussions' avec tel syndicat non représentatif dans l'entreprise,

- dire et juger qu'aucune faute de gestion causale d'une insuffisance d'actif au sens de l'article L.651-2 du code de commerce n'est démontrée contre Messieurs [E] et [U] [I],

- faisant droit à l'appel incident, après avoir constaté que la date de cessation des paiements avait été définitivement fixée par le jugement d'ouverture, réformer le jugement en ce qu'il a condamné Messieurs [E] et [U] [I] à rembourser à la liquidation judiciaire respectivement 16.000 € et 20.000 €, faute de démonstration d'une faute de gestion et d'un lien de causalité avec l'insuffisance d'actif prétendue,

en conséquence,

- débouter MJ SYNERGIE de l'ensemble de ses demandes comme injustifiées et non fondées,

- la condamner à payer aux exposants conjointement la somme de 10.000 € HT sur le fondement de l'article 700 du CPC et les dépens.

[U] et [E] [I] font valoir que le jugement a bien ordonné une expertise judiciaire, soumise au principe de la contradiction, que l'ordonnance désignant la même personne, cette fois comme technicien est redondante et porte atteinte à la souveraineté du jugement; que le rapport d'Eurex a été déposé sans respect du contradictoire et que de surcroît, le dirigeant de ce cabinet d'expertise comptable, Monsieur [A] était l'expert comptable de la société LIABEUF & SAPIN, elle-même en liquidation judiciaire, concurrent historique de la société TRANSPORTS [I], ce qui présente, selon eux un risque de graves conflits d'intérêts.

Ils lui contestent toute force probante, faute d'impartialité et de pertinence de ses observations, alors que le commissaire aux comptes n'a jamais cru bon de déclencher une procédure d'alerte, non plus que le cabinet d'expertise comptable. Ils relèvent l'irrégularité de l'attestation de Monsieur [C], dont s'empare désormais le liquidateur, et qui a été le seul interlocuteur du cabinet CADECO.

Ils font valoir que la situation de la société s'est fortement dégradée suite à la crise économique de 2009 qui a tout particulièrement impacté le domaine du transport (2500 disparitions d'entreprises par an), suite à la très grande concurrence d'autres pays européens et à la réduction de commandes d'un client important MANITOVOC POTAIN représentant 25% du chiffre d'affaires, et que leur projet était d'assurer la transition avec un repreneur, plus jeune, apportant un nouveau potentiel d'exploitation et d'activité.

Ils réfutent les assertions d'absence de prospection commerciale, dans un secteur laminé, et de laisser aller du management décisionnel et affirment qu'il ont été amenés à faire valoir leurs droits à la retraite dans le but de soulager par la suppression de leur rémunération, la masse salariale de l'entreprise, cette mesure étant une des mesures de restructuration prises dès 2009.

Ils prétendent que même s'il avaient normalement fait valoir leur droit à la retraite à 63 ou 65 ans, après 40 ans d'activité, ils n'ont pas abandonné l'entreprise puisqu'ils ont continué à être présents et à travailler au sein de l'entreprise jusqu'en 2012, la direction de l'entreprise étant, par ailleurs, structurée, et les dirigeants accompagnés d'un personnel d'encadrement, dont [P] [I] auquel il est réclamé 900.000 €.

Ils soutiennent avoir recherché des solutions pour améliorer la situation de la société en récapitalisant l'entreprise, en recherchant de la trésorerie, en essayant de maintenir l'activité, en réduisant les coûts, et en recherchant un repreneur.

Ils exposent, concernant leur appel incident, que les comptes 2012 n'ayant pas été vérifiés, certifiés ni approuvés, il se pose une question de preuve des mouvements affectant les comptes courants et considèrent que les très modestes retraits de compte courant qui leur sont reprochés, face aux considérables apports qu'ils ont été amenés à faire depuis plusieurs années, et à leur rémunération très faible (1.200 € au 1er juillet 2012, pour [E] [I], aucune rémunération pour [U] [I] )sont sans lien de causalité avec l'insuffisance d'actif.

Dans ses dernières conclusions, déposées le 3 décembre 2015, [P] [I] demande à la cour de :

- accueillir l'appel, le dire non fondé,

- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal de commerce de ROANNE au profit de Monsieur [P] [I], en date du 25 mars 2005 en ce qu'il a déclaré nulles les opérations d'expertise, déclaré mal fondé et irrecevable, l'action engagée par la SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités, à l'encontre de Monsieur [P] [I], débouté le mandataire de ses demandes à ce titre et l'a condamné à payer une somme de 1.000 € au titre de l'article 700 à Monsieur [P] [I],

- rejeter toutes les demandes, fins et prétentions contraires,

- dire et juger que Monsieur [P] [I] ne peut se voir reprocher aucune faute de gestion, n'ayant jamais participé à cette dernière,

- dire et juger que Monsieur [P] [I] ne disposait pas d'une majorité suffisante pour convoquer le directoire ou infléchir les décisions prises par ce dernier,

- dire et juger que Monsieur [P] [I] occupait des fonctions bénévoles de membre du directoire et que sa responsabilité doit être appréciée avec moins de sévérité s'agissant des fautes d'abstention qui auraient pu être commises et des conséquences de ces dernières,

y ajoutant,

- condamner de la SELARL MJ SYNERGIE à lui payer et porter la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SELARL MJ SYNERGIE aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Me NIORD, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

[P] [I] fait valoir qu'il était salarié comme responsable adjoint d'exploitation et qu'il n'a jamais, nonobstant ses fonctions de membre du directoire, participé à la gestion de la société, comme l'atteste notamment l'absence de procuration sur les comptes bancaires, et qu'il ne peut lui être reproché d'avoir été dirigeant de paille dès lors que ses fonctions de membre du directoire ne lui permettaient pas de s'opposer aux décisions prises par les autres membres du directoire, d'où il résulte que même une obstruction systématique ou constructive n'aurait pas permis de bloquer le fonctionnement de cet organe

Il fait également valoir qu'il ne peut lui être reproché un défaut de vérification des actions menées par le président du directoire alors que ces fonctions et cette mission appartenaient au conseil de surveillance.

Il considère subsidiairement qu'il ne peut lui être réclamé la même somme que celle réclamée à [E] et [U] [I] puisque la faute d'abstention qui lui est reprochée n'a pas pu contribuer dans les mêmes proportions à l'insuffisance d'actif que les fautes de commission reprochées à ces derniers.

Il estime que la situation de la société est surtout liée à la conjoncture économique qui a entraîné des difficultés récurrentes pour les entreprises de transport et expose que la société a été contrainte de trouver des ressources, en cédant sa flotte pour ensuite la louer, et en obtenant des moratoires pour le paiement des dettes fiscales, pour assurer le paiement des salaires. Il indique qu'il ne pouvait être mis en oeuvre de plans sociaux faute de fonds suffisants, en raison de la baisse des commandes, notamment du client MANITOWOC POTAIN

Il soutient que le rapport du cabinet EUREX, tiers enquêteur, a été diligenté de manière non contradictoire sans que le président du directoire ou les dirigeants de la société d'une manière générale ne soient appelés à en discuter les motifs, de sorte que celui-ci doit être écarté des débats.

Il expose qu'il exerçait les fonctions de membre du directoire sans percevoir aucune rémunération ni être titulaire d'un pouvoir sur les comptes, de sorte que sa responsabilité doit être appréciée moins sévèrement, au regard de l'article 1992 du code civil, s'agissant d'un mandataire bénévole qui n'a pu avoir aucune influence dans les décisions de gestion, donc sur l'insuffisance d'actifs.

Dans ses observations du 2 octobre 2015, le Ministère Public prie la cour de suivre les conclusions formées par la SELARL MJ SYNERGIE, Mandataires Judiciaires, notamment en comblement de l'insuffisance d'actif à hauteur de 900.000 € pour les fautes de gestion de Messieurs [I], intimés.

A l'audience, le Parquet s'en est remis à l'appréciation de la Cour sur l'importance d' l'insuffisance d'actif devant être mis à la charge des consorts [I], au moins in solidum.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 mars 2016.

MOTIFS DE LA DECISION

Il est rappelé que la cour n'a pas à formuler de constatations qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 53 du code de procédure.

Sur les demandes relatives au rapport EUREX, au rapport CADECO, à l'attestation [C]

Il n'est pas demandé la nullité du jugement ni de l'ordonnance du juge commissaire, décisions, qui, comme le note la société appelante, sont définitives comme n'ayant fait l'objet d'aucun recours, de sorte que les discussions sur l'incompétence du tribunal de commerce à prononcer une telle mesure ou sur le caractère redondant ou confirmatif de l'ordonnance du juge commissaire n'ont aucune pertinence.

Il est demandé la nullité du rapport EUREX pour défaut de contradictoire et d'impartialité, le premier motif de nullité ayant été accueilli par le tribunal de commerce, alors que le jugement, encore une fois définitif qui a désigné ce cabinet, et qui est seul visé par le rapport, désigne tant dans ses motifs que dans son dispositif, ce cabinet en tant que technicien pour vérifier les comptes et documents comptables de la société et pour apporter l'éclairage qui s'impose afin de comprendre les motifs de la déconfiture de cette société et de donner toutes informations sur les opérations comptables réalisées avant l'ouverture de la procédure, peu important que dans les réquisitions du ministère public, ait été inexactement employé le terme d''expert'

Cette mission technique qui entre dans le champ des dispositions de l'article L621-9 du codede commerce, n'est pas une expertise judiciaire au sens des articles 263 et suivants du code de procédure civile, et n'est pas soumise à ce titre, dans son déroulement, au principe du contradictoire, seul comptant, pour la préservation de ce principe que le rapport soit versé aux débats et soumis à la contradiction des parties.

Le jugement qui, pour ce motif, a prononcé la nullité du rapport EUREX, doit être infirmé.

Les intimés ne caractérisent pas, par ailleurs,le défaut d'impartialité qui entacherait ce rapport, ce qui, au demeurant n'emporterait pas la nullité du rapport mais sa mise à l'écart éventuelle, par le fait que le cabinet qui a été désigné serait dirigé par l'expert comptable d'une société de transport concurrente qui, d'ailleurs, a, elle-même, été placée en liquidation judiciaire.

Concernant le rapport CADECO, mandaté par le comité d'entreprise, il n'y a pas lieu de l'écarter des débats, s'agissant d'un élément d'information parmi d'autres qui a été soumis au contradictoire des parties. Il en est de même de l'attestation de Monsieur [C], délégué syndical, qui ne répond certes pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile, mais dont il appartient à la cour de déterminer, s'agissant d'un élément de preuve, si elle présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.

Le jugement qui a écarté cette attestation des débats, doit être infirmé mais confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande dans le même sens des consorts [I], concernant le rapport CADECO.

Sur les fautes de gestion reprochées aux consorts [I] au visa de l'article L651 -2 du code de commerce

Aux termes de cet article 'lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.

L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire. C'est au liquidateur de démontrer ces fautes de gestion et en quoi elles ont contribué à l'insuffisance d'actif.

Concernant l'insuffisance d'actif de la société TRANSPORTS [I] celle-ci s'élève en l'état et sans contestation à la somme de 3 636 746,86 €, sous réserve d'un solde de compte client à recouvrer d'environ 40.000 € et d'un bien immobilier à réaliser d'une valeur de 300 à 500.000€, étant rappelé que les intimés sont appelés en comblement,chacun et non in solidum, pour 900.000 €.

Concernant les dirigeants recherchés, il est constant que, depuis 2009, Monsieur [U] [I], président du directoire et [P] [I], membre du directoire, avaient tous deux la qualité de dirigeant de droit, et que Monsieur [E] [I], président du conseil d'administration jusqu'en 2009, est devenu président du conseil de surveillance à partir de cette date.

Ce dernier qualifié de dirigeant de fait ne conteste pas cette qualification qui est corroborée par ses propres déclarations sur son passage quotidien à l'entreprise pour signer les documents, et surtout par la signature d'un prêt en janvier 2012 consenti à la société [I] TRANSPORTS, par la signature des contrats de locations de véhicules, des comptes à déposer au greffe, des PV de délibération du Directoire, dont il ne faisait pas partie, toutes circonstances démontrant que malgré sa retraite, Monsieur [E] [I] a accompli des actes positifs de direction, au même titre que son frère [U] [I].

Par rapport à ces deux décisionnaires, Monsieur [P] [I], leur fils et neveu, est qualifié de dirigeant de droit ou d'homme de paille par le liquidateur. Même salarié en tant que responsable technique ne disposant pas de véritable pouvoir d'opposition au sein du directoire, il est resté en effet un membre de cette direction collégiale jusqu'au 30 avril 2012, et si son défaut d'implication dans la direction de l'entreprise est reconnu par tous, y compris par Messieurs [E] et [U] [I] dans leurs écritures (en page 22 ), cette abstention peut être sanctionnée dans la mesure où elle a pu contribuer, d'une quelconque manière, à l'insuffisance d'actif, ce qu'il reste au liquidateur à démontrer.

L'absence de contestation par Messieurs [E] et [U] [I] de la non direction effective de l'entreprise par Monsieur [P] [I], ce dont témoigne également Monsieur [C], rend, au passage, parfaitement inutile la comparution personnelle de ce dernier.

Or, Monsieur [P] [I], indique, sans être contedit sur ce point par ses père et oncle, ni surtout, par le liquidateur, qu'il ne disposait d'aucune procuration sur les comptes, qu'il n'a souscrit aucun acte engageant la société TRANSPORTS [I], qu'il ne disposait au sein du directoire, composé de trois personnes et réuni, selon les statuts, à la demande de son président ou de la majorité d'entre eux, d'aucun pouvoir d'opposition ou d'impulsion sur les décisions prises par cet organe exécutif, ni d'aucun devoir de surveillance, incombant en revanche au conseil de surveillance.

Sa seule abstention à s'impliquer dans un mandat social exercé à titre gratuit et purement honorifique, en présence de deux dirigeants historiques, à l'égard desquels il était lié par un devoir de loyauté et un lien de subordination du fait de son contrat de travail, ne suffit pas à démontrer, sa contribution personnelle, même passive, à l'insuffisance d'actifs de celle-ci.

Le jugement qui a débouté la société MJ SYNERGIE de son action dirigée contre [P] [I] doit être confirmé.

Concernant les fautes de gestion reprochées à Messieur [E] et [U] [I]

Il est tout d'abord reproché à ces derniers un laisser aller progressif du management décisionnel depuis 2009, date où pour la première fois, a été constatée une perte nette de 349.287 €, ce, jusqu'au jugement de conversion.

Or à partir de cette date, plusieurs orientations ont été prises, tel le changement de forme sociale de la société TRANSPORTS [I], certes avec les mêmes dirigeants de fait, pour tenir compte de l'âge de [E] [I], ou le renforcement en novembre 2009 des capitaux propres de la société par l'apport net de 713.000 € par fusion du bien immobilier de la SCI familiale [I], apport pour lequel l'expert désigné en cours de période d'observation en décembre 2012, propose une évaluation de 425.000 € sans indication toutefois de sa valeur au moment de l'apport, ou la diminution des charges salariales par le départ en retraite de [E] [I] en 2009 et la diminution progressive de sa rémunération de 7.500 € à 1.200 € par mois, la recherche enfin d'un repreneur, par les pourparlers avec Monsieur [T], de la société de transport LACHAL comme candidat à la reprise, qui s'est maintenu dans cette posture jusqu'en novembre 2012.

Rapprochées dans le même temps de la crise économique qui a frappé toutes les entreprises de transport et de la perte brutale fin 2010 de 25 à 30 % du chiffre d'affaires représenté par le client MANITOVOC POTAIN, relevée par l'administrateur judiciaire dans son rapport à l'audience du 20 février 2013, ces orientations, pour inefficaces qu'elles aient pu être, en l'absence de prospection commerciale dans un secteur déjà exhangue et d'aboutissement du projet de cession, ne constituent pas des fautes de gestion caractérisées ou un abandon managérial comme le prétend le liquidateur, sachant que l'état de cessation des paiements est définitivement fixé à la date initiale du 26 novembre 2012.

En revanche à partir de janvier 2012 et jusqu'à cette date, les consorts [I] ont commis des fautes de gestion qui ont contribué à l'insuffisance d'actif en ce qu'elles ont accru ce passif sur cette seule période de 859 284,84 €, ainsi qu'il ressort du passif déclaré relatif à cette seule année 2012 (Créances URSSAF, DGPF de [Localité 6], Hermey Renault Trucks, créances fournisseurs notamment Gas oil, télépéages, sous traitants... )

En effet, nonobstant l'absence de procédure d'alerte déclenchée par le commissaire aux comptes ou de mises en garde de l'expert comptable, les consorts [I] ont poursuivi pendant toute une année encore, une exploitation devenue gravement déficitaire, avec un chiffre d'affaires en baisse de 600.000 € et un résultat d'exploitation de - 408 000 €, alors qu'aucune chance d'apurement et de redressement n'était plus possible, que le projet de cession n'était toujours pas concrétisé, et qu'au lieu d'envisager de se placer sous la protection du tribunal de commerce par une mesure de sauvegarde, ils ont continué à rechercher pour la troisième fois, un moratoire de dettes fiscales, ce qui comme l'a souligné la commission n'est pas un mode normal de gestion des dettes car générant de nouvelles majorations, à souscrire le 18 janvier 2012, un prêt de 80 000 €, immédiatement absorbé par les salaires, à signer, après cession du matériel roulant, 11 nouveaux contrats de location de ce même matériel, ce qui a certes dégagé de la trésorerie immédiate mais a généré, dans des proportions plus importantes encore, les charges locatives.

Dans le même temps, et même si la société TRANSPORT [I] ne disposait pas de trésorerie pour s'engager dans un plan social, la charge salariale a augmenté en 2012 (de 29,66% en 2011 à 30,68% en 2012 ), le salaire de Monsieur [U] [I] est notamment resté inchangé à 7500 €, par mois, des cessions d'actifs, non précisément identifiées, ont eu lieu entre le 10 mai 2012 et le 19 octobre 2012 au profit de Messieurs [E] et [U] [I], dont le moins qu'on puisse dire est que leur utilité n'est pas démontrée, et ces derniers ont procédé à des remboursements partiels de leur compte courant d'associé, courant octobre et novembre 2012, à des dates où la société TRANSPORTS [I] ne pouvait plus payer ses autres créanciers et se trouvait à la veille du dépôt de bilan.

Même si ces paiements préférentiels n'ont pas pu contribuer à l'insuffisance d'actif, comme l'a inexactement retenu le tribunal de commerce qui n'était pas saisi d'une demande à ce titre, il reste que les autres fautes de gestion ci-dessus relevées et indistinctement commises par Messieurs [E] et [U] [I] ont contribué à l'accroissement de ce passif de 800 000 € sur la période considérée, dans une proportion qui doit être fixée, compte tenu des autres facteurs économiques, à 300 000 €, somme que ces derniers sont condamnés, in solidum, à verser à la Selarl MJ Synergie, outre une indemnité de procédure de 10 000 €.

L'équité commande qu'il ne soit pas fait droit à la demande d'indemnité de procédure de Monsieur [P] [I].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris, excepté

-en ce qu'il a annulé le rapport EUREX et écarté l'attestation de Monsieur [C], - en ce qu'il a débouté la Selarl MJ SYNERGIE de ses demandes dirigées contre Messieurs [E] et [U] [I] à titre de provision sur l'insuffisance d'actif mais les a condamnés à payer respectivement les sommes de 16.000 € et 20.000 € au titre des retraits effectués sur leur compte courant d'associé;

Et statuant à nouveau sur ces chefs infirmés ;

Déboute les consorts [I] de leur demande d'annulation du rapport technique EUREX et de mise à l'écart de l'attestation [C];

Condamne in solidum Monsieur [E] [I] et Monsieur [U] [I] à payer à la MJ SYNERGIE, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société TRANSPORTS [I], la somme de 300.000 € au titre de l'insuffisance d'actif de cette société;

Y ajoutant,

Condamne in solidum Messieurs [E] et [U] [I] à payer à la Selarl MJ SYNERGIE, ès qualités, la somme de 10.000 € à titre d'indemnité de procédure ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne in solidum Messieurs [E] et [U] [I] aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 15/02766
Date de la décision : 15/09/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon 3A, arrêt n°15/02766 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-15;15.02766 ?
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