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08/07/2016 | FRANCE | N°15/04230

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 08 juillet 2016, 15/04230


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 15/04230





SOCIETE ROCLE AUTOMOBILES



C/

[G]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 26 Mars 2015

RG : F 13/01015











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 08 JUILLET 2016







APPELANTE :



SOCIETE ROCLE AUTOMOBILES

[Adresse 1]

[Adresse 1]r>


représentée par Me Baptiste BERARD de la SELARL BERARD - CALLIES ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[D] [G]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



comparant en personne, assisté de Me Laétitia PEYRARD, av...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 15/04230

SOCIETE ROCLE AUTOMOBILES

C/

[G]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 26 Mars 2015

RG : F 13/01015

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 08 JUILLET 2016

APPELANTE :

SOCIETE ROCLE AUTOMOBILES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Baptiste BERARD de la SELARL BERARD - CALLIES ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[D] [G]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Laétitia PEYRARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Avril 2016

Présidée par Jean-Louis BERNAUD, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Jean-Louis BERNAUD, président

- Chantal THEUREY-PARISOT, conseiller

- Marie-Christine DE LA SALLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 08 Juillet 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Louis BERNAUD, Président et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Monsieur [D] [G] a été embauché par la société ROCLE AUTOMOBILES le 1er février 2000 en qualité de mécanicien dépanneur.

Le 3 juillet 2013 Monsieur [G] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable en vue d'une mesure de licenciement.

Après l'entretien préalable, qui s'est déroulé le 15 juillet 2013, Monsieur [G] a été licencié pour faute grave par lettre du 19 juillet 2013.

Il lui a été reproché d'avoir démonté et dérobé diverses pièces d'un véhicule d'occasion destiné à la revente qu'il était chargé de transporter dans un autre établissement de l'entreprise.

Monsieur [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne le 18 novembre 2013 d'une demande en paiement de diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires (16'940,80 euros), de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, d'indemnité de préavis, d'indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (41'500 euros) et de dommages et intérêts pour travail dissimulé (13'761,54 euros).

Il a également sollicité la remise de documents de fin de contrat rectifiés.

Par jugement du 26 mars 2015 le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne, faisant intégralement droit aux demandes du salarié, a dit et jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société ROCLE AUTOMOBILES à payer à Monsieur [G] les sommes de':

16'940,80 euros, outre congés payés afférents, à titre de rappel d'heures supplémentaires,

1481,78 euros, outre congés payés afférents, à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire,

4587,18 euros , outre congés payés afférents, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

7370,06 euro à titre d'indemnité de licenciement,

41'500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

13'761,54 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a également ordonné la remise d'un certificat de travail et d'une attestation POLE EMPLOI rectifiés et a condamné la société ROCLE AUTOMOBILES à rembourser les indemnités de chômage payées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités.

La société ROCLE AUTOMOBILES a relevé appel de cette décision par lettre recommandée du 18 mai 2015.

Vu les conclusions soutenues à l'audience du 28 avril 2016 par la SA ROCLE AUTOMOBILES qui demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de dire et juger que le licenciement de Monsieur [G] repose sur une faute grave, de dire et juger que ce dernier n'a pas effectué d'heures supplémentaires non réglées, en conséquence de rejeter l'ensemble des demandes formées par Monsieur [G] et de le condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 1500 euros

Vu les conclusions soutenues à l'audience du 28 avril 2016 par Monsieur [D] [G] qui sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation de la société appelante à lui payer une nouvelle indemnité de 2500 euros pour frais irrépétibles.

*

* *

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le licenciement

Après un entretien préalable qui s'est déroulé le 15 juillet 2013, la société ROCLE AUTOMOBILES a notifié à Monsieur [G] son licenciement pour faute grave par lettre du 19 juillet 2013.

Il a été reproché en substance au salarié d'avoir «'démonté et volé'» un certain nombre de pièces sur un véhicule en état de marche qui lui avait été confié pour un transport vers un autre site en vue de sa revente, d'avoir détourné et conservé le véhicule durant tout le week-end des 29 et 30 juin 2013 pour le dépouiller de divers éléments de carrosserie et de moteur, bien au-delà des feux arrière et des verins de coffre dont le prélèvement a été reconnu, d'avoir reconnu lors de l'entretien préalable que les pièces avaient été prélevées sans autorisation, ce qui constitue un vol, et d'avoir menti en déclarant que les éléments prélevés étaient destinés à la réparation du véhicule de sa s'ur.

Monsieur [G] soutient qu'aucune preuve n'est apportée par l'employeur de la faute grave alléguée alors':

que le véhicule Renault SCENIC destiné à la casse est resté stationné dans la rue derrière le garage pendant le week-end et n'a pas été transporté à son domicile,

que le lundi matin au moment de procéder à l'enlèvement il a constaté que le véhicule était « désossé », dès lors qu'il manquait la face avant, le radiateur, le compteur kilométrique, l'échappement et que les roues avaient été remplacées,

qu'il est d'usage dans l'entreprise que les salariés récupèrent les pièces encore utilisables avec l'accord du chef des ventes,

qu'il a lui-même démonté les feux arrière et les vérins de coffre et les a déposés dans le camion de dépannage en attendant l'autorisation du chef des ventes,

que ces pièces sont restées dans le véhicule CADDY qui a été déposé au garage, alors que ne travaillant pas le mardi 2 juillet il n'avait pas eu le temps d'obtenir l'autorisation de prélèvement,

qu'il ignore par qui et à quel moment le véhicule a été vandalisé.

La société ROCLE AUTOMOBILES réplique :

que Monsieur [G] a expressément reconnu dans son courrier du 3 juillet 2013 avoir pris les feux arrière et les vérins de coffre sans demander l'autorisation de ses supérieurs, ce qui a motivé l'engagement de la procédure de licenciement,

que Monsieur [G] avait sollicité le 27 juin 2013 l'autorisation de prendre le moteur du véhicule Renault SCENIC, mais ne l'avait pas obtenue,

que le véhicule n'était pas destiné à la casse, mais en parfait état de fonctionnement ainsi qu'en attestent plusieurs salariés, puisqu'il devait être transporté sur le site de l'entreprise chargé de la revente des véhicules d'occasion,

que le salarié a menti sur la destination des pièces prélevées, alors qu'il n'est pas en mesure de verser aux débats la carte grise du véhicule de même type dont sa s'ur aurait fait l'acquisition,

que plusieurs pièces n'ont pu être enlevées dans la rue par un voleur ( pot d'échappement par exemple),

que contrairement à ce qui est affirmé, le véhicule a été stocké dans l'enceinte du garage avant son transport,

que les témoignages d'anciens salariés, qui déclarent que le véhicule était déjà désossé le 27 juin 2013, sont particulièrement sujets à caution, comme le sont ceux des amis du salarié qui l'auraient croisé le lundi 1er juillet 2013 au volant de la dépanneuse et qui auraient alors constaté que le véhicule était incomplet à ce moment-là,

qu'il est établi que Monsieur [G] stationnait régulièrement la dépanneuse ou le véhicule CADDY devant son domicile,

que les pièces prélevées, qui n'ont jamais été retrouvées, n'ont pas été laissées dans le véhicule CADDY.

Sur ce

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Monsieur [G] a écrit le 3 juillet 2013 qu'il était allé chercher le véhicule SCENIC au centre-ville, qu'il avait constaté qu'il manquait les roues, la face avant et le tableau de bord, que croyant que ce véhicule était destiné à la casse il avait pris les feux arrière et les vérins de coffre sans demander l'autorisation à ses supérieurs et que les pièces étaient restées dans le véhicule CADDY de l'entreprise.

Il résulte du certificat d'immatriculation et des documents de vente que le véhicule litigieux de type Renault SCENIC, qui avait 10 ans à la date de sa reprise et qui avait parcouru 145'000 km , a été acquis le 20 juin 2013 par la société ROCLE AUTOMOBILES pour le prix de 1500 euros alors qu'il cotait encore près de 2000 euros à l'argus.

Il est ainsi établi que ce véhicule n'était pas une épave destinée à la casse, ce que confirment plusieurs salariés de l'entreprise, auteurs d'attestations régulières en la forme, qui déclarent que le véhicule était en parfait état de fonctionnement. Le responsable commercial, Monsieur [M] [V], atteste d'ailleurs que le véhicule était destiné à la revente, étant observé qu'il est constant que Monsieur [G] a été chargé de transporter le véhicule dans un autre garage de l'entreprise situé à [Localité 2] et non pas dans une casse automobile. Au demeurant la société ROCLE AUTOMOBILES établit que le traitement des épaves faisait l'objet d'une procédure particulière confiée à un prestataire spécialisé, qui réalisait lui-même l'enlèvement des véhicules et s'assurait qu'ils étaient complets pour les besoins du recyclage.

Monsieur [G] ne pouvait donc ignorer que le véhicule Renault SCENIC, dont il devait assurer le transport, conservait une valeur marchande pour l'entreprise.

Aux termes d'une attestation régulière en la forme Monsieur [B] [M], supérieur hiérarchique, témoigne de ce que le 27 juin 2013 Monsieur [G] lui a demandé l'autorisation de prélever le moteur du véhicule Renault SCENIC, ce qu'il a refusé en lui demandant de s'adresser au responsable des véhicules d'occasion, Monsieur [M] [V], lequel lui a téléphoné le 2 juillet 2013 pour l'informer de la disparition de plusieurs pièces. Le témoin déclare par ailleurs qu'après enquête Monsieur [G] lui a avoué par téléphone avoir pris des pièces sur le véhicule, mais en précisant qu'il n'avait pas pris le moteur.

L'employeur n'apporte cependant aucun élément à l'appui de son affirmation selon laquelle le véhicule était stationné dans l'enceinte de l'entreprise, et non pas sur la voie publique, entre la date de son acquisition et son enlèvement le 1er juillet 2013 .

Deux conseillers clients du garage (MM.[W] et [K]) attestent régulièrement au contraire que le véhicule était stationné sur la voie publique derrière l'établissement et qu'ils ont pu constater qu'il avait été dépouillé progressivement, M. [W] précisant que lors de son enlèvement par Monsieur [G] le véhicule était déjà largement incomplet, ce qu'il avait signalé à ses supérieurs.

Si plusieurs salariés témoignent de ce que Monsieur [G] avait conservé à plusieurs reprises le soir et le week-end le véhicule de dépannage de l'entreprise, sans mentionner toutefois aucune date précise, il n'est nullement établi que tel avait été le cas durant le week-end des 29 et 30 juin 2013. Mme [N], qui réside dans le même lotissement, atteste au contraire qu'elle n'a jamais vu Monsieur [G] transporter un véhicule à son domicile en vue de son démontage, et notamment pas au cours du week-end du 28 au 30 juin 2013.

La preuve n'est dès lors pas rapportée par l'employeur de ce que Monsieur [G] serait l'auteur de l'ensemble des prélèvements de pièces opérés sur le véhicule.

En revanche il est certain que ce dernier, qui l'a expressément reconnu, a procédé, sans y avoir été préalablement autorisé, à l'enlèvement des feux arrière et des vérins de coffre sur un véhicule, dont il n'ignorait pas qu'il n'était pas à l'origine destiné à la casse, étant observé que le responsable du service après-vente, Monsieur [O] [O], atteste au demeurant qu'il est formellement interdit de récupérer des pièces détachées sur les épaves.

En considération de l'ensemble de ces éléments la cour estime par conséquent que si la faute grave n'est pas caractérisée, le licenciement doit être requalifié en licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, alors que le salarié affirme sans en justifier que les pièces prélevées par lui, qui n'ont pas été retrouvées, étaient restées dans le véhicule de l'entreprise dans l'attente d'une autorisation à posteriori.

La demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse sera dès lors rejetée.

Ainsi qu'il en est justifié, la lettre de licenciement a été reçue le 20 juillet 2013, d'où une période de mise à pied conservatoire de 18 jours du 3 au 20 juillet, au titre de laquelle Monsieur [G] est fondé à réclamer le paiement de son salaire.

Il lui sera alloué de ce chef la somme de 1376,10 euros, outre congés payés afférents de 137,61 euros (2293,59 X 18 /30).

Il obtiendra également le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, d'un montant non contesté de 4587,18 euros, outre congés payés afférents de 458,71 euros.

Selon les dispositions des article R1234-2 du code du travail, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au delà de 10 ans d'ancienneté.

Pour le calcul de l'indemnité, le nombre d'années de service doit être apprécié à la fin du délai-congé, même si l'employeur a dispensé l'ouvrier ou l'ouvrière de travailler'; les années incomplètes sont appréciées au prorata du nombre de mois effectués.

Il sera par conséquent alloué de ce chef à Monsieur [G] la somme réclamée de 7370,06 euros [2293,59 X (13,64 X 1/5)] + [2293,59 X (3,64 X 2/15)].

Sur les heures supplémentaires

Monsieur [G] soutient qu'il a effectué de nombreuses heures de travail non rémunérées dans le cadre de l'astreinte d'assistance dépannage qu'il assurait le soir entre 17h30 et 20 heures, le week-end et les jours fériés.

Il réclame le paiement de ses heures de travail effectif réalisées dans le cadre des interventions d'astreinte, qui ne lui auraient pas été payées jusqu'au printemps de l'année 2012, en précisant qu'à compter de cette époque, sur intervention de l'inspection du travail, la société ROCLE AUTOMOBILES a mis en place un système de décompte de ses horaires de travail et lui a effectivement réglé plus de 25 heures supplémentaires en moyenne par mois.

Il chiffre sa réclamation, dans la limite de la prescription quinquennale, sur la base de la moyenne mensuelle des heures supplémentaires qui lui ont été payées pour la période de juillet 2012 à juin 2013, à défaut pour l'employeur de verser au dossier les documents de nature à d'établir le nombre d'heures supplémentaires effectivement réalisées entre les mois de novembre 2008 à février 2012.

La société ROCLE AUTOMOBILES réplique qu'elle avait recours à des prestataires extérieurs pour les interventions de dépannage la nuit et le week-end, que le temps d'astreinte n'est pas un temps de travail effectif, seules les interventions donnant lieu à rémunération, que Monsieur [G], qui n'a pas formé de réclamation au cours de l'exécution du contrat de travail, a été payé de ses heures supplémentaires effectivement réalisées.

Sur ce

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié'; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Pour étayer sa demande le salarié doit produire des éléments factuels suffisamment précis quant au volume de travail effectué en heures supplémentaires pour mettre l'employeur en mesure de répondre en fournissant ses propres éléments.

Il est en outre de principe constant que le fait que le salarié n'a pas fait valoir ses droits pendant l'exécution du contrat de travail n'éteint pas la créance de salaire au titre des heures supplémentaires.

En l'espèce Monsieur [G] étaye sa demande par les éléments suivants :

en avril 2012 l'inspection du travail, qui en a attesté le 19 décembre 2013, a adressé à l'entreprise un courrier pour l'informer de son obligation de mettre en place des relevés horaires pour tous les salariés,

à partir de cette intervention de l'administration la société ROCLE AUTOMOBILES a fait établir un décompte hebdomadaire des horaires de travail et a effectivement réglé la totalité des heures supplémentaires effectuées, à raison de 25 heures supplémentaires en moyenne par mois,

l'employeur fournit en cause d'appel un état du nombre de demandes d'intervention transmises par la société d'assistance ACTA, mais ne justifie pas des heures effectives d'intervention,

la société ACTA a refusé de transmettre à son conseil pour les besoins de la procédure le listing des appels de dépannage transmis au garage, se retranchant derrière le caractère confidentiel de ces informations,

les quelques factures de dépannage émanant de prestataires extérieurs, versées au dossier par l'employeur, ne concernent pas des interventions pendant les week-ends ou les nuits.

Dès lors que la société ROCLE AUTOMOBILES ne conteste pas qu'un décompte hebdomadaire des heures de travail a été mis en place à compter du printemps 2012 et qu'un nombre plus important d'heures supplémentaires a été effectivement payé au salarié à compter de cette époque, ces éléments apparaissent suffisamment précis pour permettre à l'employeur de fournir ses propres éléments.

Or, la société ROCLE AUTOMOBILES, qui seule aurait pu délier la société ACTA de son obligation de confidentialité, ne fournit pas le listing des heures d'intervention en dépannage, puisqu'elle se borne à produire un tableau du nombre des demandes pour les années 2011 à 2014, tandis que les factures de prestataires extérieurs qu'elle verse au dossier ne couvrent qu'une très faible partie de la période concernée, étant observé que si le gérant des établissements DE VITO ISIA a attesté le 4 mars 2016 qu'il assurait les dépannages des clients du garage ROCLE AUTOMOBILES en dehors des heures d'ouverture et les week-ends et jours fériés, il n'a pas indiqué à partir de quelle date il a réalisé ces prestations.

Enfin, ainsi que l'a écrit le 16 décembre 2014 le représentant du garage AROD (principal prestataire ) il n'intervenait à la demande de l'assistance ACTA que lorsque le dépanneur de la société ROCLE AUTOMOBILES ne pouvait pas lui-même intervenir.

En considération de l'ensemble de ces éléments la cour estime par conséquent, avec les premiers juges, que la preuve est rapportée de l'accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées au cours de la période de novembre 2008 à février 2012 , non atteinte par la prescription.

L'analyse des fiches de paie versées au dossier fait toutefois apparaître que le différentiel mensuel moyen de rémunération entre la période antérieure au mois de février 2012 et la période postérieure, au cours de laquelle le salarié reconnaît qu'il a été payé de l'ensemble de ses heures supplémentaires, s'est élevé en moyenne à la somme de 209 euros, sur la base de laquelle il est raisonnable d'évaluer le manque à gagner en l'absence de décompte plus précis.

Par voie de réformation du jugement, il sera ainsi alloué à Monsieur [G] la somme de 8360 euros ( 209 X 40), outre congés payés afférents de 836 euros.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

La société ROCLE AUTOMOBILES, qui ne pouvait ignorer que son salarié réalisait des heures supplémentaires dans le cadre de ses interventions d'astreinte de dépannage et qui n'a mis en place un système de décompte hebdomadaire du temps de travail que postérieurement à l'intervention de l'inspection du travail, s'est rendue coupable d'une dissimulation volontaire d'heures salariées au sens l'article L. 8221'5 du code du travail.

Elle est par conséquent redevable de l'indemnité forfaitaire de six mois de salaire instituée par l'article L. 8223-1 du même code.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a alloué de ce chef à Monsieur [G] la somme de 13'761,54 euros.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de faire à nouveau application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimé, la condamnation prononcée de ce chef en première instance étant confirmée.

*

**

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SA ROCLE AUTOMOBILES à payer à Monsieur [D] [G] les sommes de 4587,18 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 458,71 euros de congés payés afférents, de 7370,06 euros à titre d'indemnité de licenciement, de 13'761,54 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé et de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirme également le jugement déféré en ce qu'il a ordonné à la société ROCLE AUTOMOBILES de remettre au salarié un certificat de travail et une attestation POLE EMPLOI rectifiés,

Infirme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau en y ajoutant :

Dit et juge que le licenciement de M. [D] [G] ne repose pas sur une faute grave et le requalifie en licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la SA ROCLE AUTOMOBILES à payer à Monsieur [D] [G] les sommes de 1376,10 euros, outre congés payés afférents de 137,61 euros, à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et de 8360 euros, outre congés payés afférents de 836 euros, à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

Déboute Monsieur [D] [G] du surplus de ses demandes indemnitaires,

Condamne la SA ROCLE AUTOMOBILES à payer à Monsieur [D] [G] une nouvelle indemnité de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA ROCLE AUTOMOBILES aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Jean-Louis BERNAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 15/04230
Date de la décision : 08/07/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°15/04230 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-08;15.04230 ?
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