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03/06/2016 | FRANCE | N°15/04968

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 03 juin 2016, 15/04968


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEURS





R.G : 15/04968





SAS OLYMIQUE LYONNAIS



C/

[K]





SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION D'UNE DÉCISION :



Du CPH de LYON

du 03 Mai 2012

RG : F 10/04651



de la Cour d'Appel de LYON (B) du 06 Novembre 2013

RG : 12/4103



ARRET Cour de Cassation

du 03 Juin 2015

RG : G14-10.137











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C

>
ARRÊT DU 03 JUIN 2016







APPELANTE :



SAS OLYMIQUE LYONNAIS

[Adresse 2]

[Localité 2]



représentée par Me Joseph AGUERA de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[T] [K]

né le [Date naissance 1] 1977 à [L...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEURS

R.G : 15/04968

SAS OLYMIQUE LYONNAIS

C/

[K]

SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION D'UNE DÉCISION :

Du CPH de LYON

du 03 Mai 2012

RG : F 10/04651

de la Cour d'Appel de LYON (B) du 06 Novembre 2013

RG : 12/4103

ARRET Cour de Cassation

du 03 Juin 2015

RG : G14-10.137

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 03 JUIN 2016

APPELANTE :

SAS OLYMIQUE LYONNAIS

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Joseph AGUERA de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[T] [K]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Eric DEFLY de la SELARL VIVALDI AVOCATS, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 Avril 2016

Composée de Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller et Marie-Christine DE LA SALLE, Conseiller, toutes deux magistrats rapporteurs, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Michèle GULLON, Greffier en chef.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Jean-Louis BERNAUD, président

- Chantal THEUREY-PARISOT, conseiller

- Marie-Christine DE LA SALLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 03 Juin 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Louis BERNAUD, Président et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Le 1er juillet 2009, la S.A.S.P. OLYMPIQUE LYONNAIS, qui exploite une entreprise sportive professionnelle et gère notamment l'équipe première engagée dans le championnat de France de football de la ligue 1, a embauché M. [T] [K] en qualité «'de préparateur physique du groupe professionnel'» avec le statut de cadre selon contrat de travail à durée déterminée de trois ans pour la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012.

Le contrat prévoit que Monsieur [K] percevra un salaire de base mensuel brut de 9000 euros, outre prime de résultat et de classement de l'équipe professionnelle, participation mensuelle au logement de 2000 euros et avantage en nature véhicule.

Pendant la saison sportive 2009-2010, M. [T] [K] a assuré la préparation physique des joueurs de l'équipe PRO 1.

Par lettre du 7 septembre 2010 remise en main propre, la S.A.S.P. OLYMPIQUE LYONNAIS a informé M. [T] [K] de ce qu'elle avait pris la décision de renforcer le staff en charge de la préparation physique en engageant Monsieur [Y] [G] en qualité de responsabilité hiérarchique de ce staff et de ce qu'il serait désormais affecté à la préparation physique du groupe professionnel «'PRO 2'» avec maintien intégral de l'ensemble des stipulations de son contrat de travail.

Par lettre du 13 septembre 2010 remise en main propre, M. [T] [K] a refusé ce changement d'affectation en arguant qu'il s'agissait d'une modification unilatérale de son contrat de travail.

Par courrier en réponse du lendemain, également remis en main propre, la S.A.S.P. OLYMPIQUE LYONNAIS a contesté cette analyse en faisant notamment valoir que la nouvelle affectation ne constitue pas une modification du contrat de travail et que les conditions de rémunération demeurent inchangées.

Malgré une mise en demeure par lettre recommandée du 17 septembre 2010, Monsieur [K] n'a pas repris son activité et a maintenu sa position par lettre du 21 septembre 2010.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 septembre 2010, la S.A.S.P. OLYMPIQUE LYONNAIS a convoqué M. [T] [K] à un entretien préalable à la rupture du contrat de travail fixé au 4 octobre 2010 et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire.

L'entretien a eu lieu le jour prévu et par lettre recommandée du 7 octobre 2010 la S.A.S.P. OLYMPIQUE LYONNAIS a signifié à Monsieur [K] la cessation anticipée de son contrat de travail pour faute grave caractérisée par son refus d'accepter son affectation à la préparation physique du groupe professionnel PRO 2 sous l'autorité d'un préparateur nouvellement recruté.

Contestant la rupture anticipée de son contrat à durée déterminée, M. [T] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 4] le 29 novembre 2010 à l'effet d'entendre dire et juger que la rupture du contrat était imputable à la société S.A.S.P. OLYMPIQUE LYONNAIS et condamner cette dernière au paiement des sommes de 1.049.189,12 € au titre des salaires dus jusqu'à la fin du contrat de travail et de 5.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 3 mai 2012, le conseil de prud'hommes de [Localité 4], section de l'encadrement, a dit et jugé que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée était imputable à l'employeur et a condamné la S.A.S.P. OLYMPIQUE LYONNAIS à payer à [T] [K] la somme de 648.669,17 € à titre de dommages-intérêts, outre 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a considéré en substance que la nouvelle affectation de Monsieur [K] et le recrutement d'un responsable de la préparation physique du groupe professionnel a restreint le champ d'activité, ainsi que le niveau de responsabilité et d'autonomie du salarié, tandis que celui-ci n'avait pas été précisément informé de l'incidence de la réorganisation sur le calcul de ses primes, ce qui constituait une modification unilatérale du contrat de travail que Monsieur [K] était en droit de refuser.

La S.A.S.P. OLYMPIQUE LYONNAIS a interjeté appel de cette décision, et par arrêt du 6 novembre 2013 la présente cour a débouté Monsieur [T] [K] de l'ensemble de ses demandes après avoir considéré que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée était fondée sur sa faute grave.

Sur le pourvoi du salarié, la Cour de cassation, par arrêt du 3 juin 2015 à cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 6 novembre 2013 par la cour d'appel de Lyon et a renvoyé la cause les parties devant la même cour d'appel autrement composée.

La cassation prononcée au visa des articles 1134 du Code civil et L. 1243'1 du code du travail est fondée sur le fait que la cour d'appel n'avait pas vérifié, comme elle y était invitée, si les joueurs composant l'équipe dite PRO 2 n'évoluaient pas dans un championnat amateur en sorte que la nouvelle affectation pouvait constituer une déclassification caractérisant une modification du contrat de travail.

Par lettre recommandée du 17 juin 2015, reçue le 18 juin 2015, la S.A.S.P. OLYMPIQUE LYONNAIS a saisi la présente cour de renvoi.

Vu les conclusions récapitulatives soutenues à l'audience du 1er avril 2016 par la S.A.S.P. OLYMPIQUE LYONNAIS qui s'oppose, par voie d'infirmation du jugement déféré, à l'ensemble des demandes formées par Monsieur [T] [K] et qui subsidiairement demande à la cour de réduire la demande à de plus justes proportions aux motifs :

que c'est sur la base de constatations médicales précises mettant en cause la qualité de la préparation physique des joueurs du groupe professionnel qu'elle a pris la décision, dans l'intérêt légitime de l'entreprise, de renforcer ce secteur et d'affecter M. [K] à la préparation physique du groupe professionnel PRO 2,

qu'en refusant sa nouvelle affectation, qui constituait un simple changement de ses conditions de travail, Monsieur [K] a commis une insubordination grave, alors que la création d'un échelon hiérarchique intermédiaire entre le salarié et l'entraîneur général ne caractérise pas une modification du contrat, que ni la classification ni la rémunération n'ont été modifiées, que les joueurs composant le groupe PRO 2 relèvent de la charte du football professionnel, ce qui exclut qu'ils soient amateurs, que les groupes PRO 1 et PRO 2 constituent le groupe professionnel et que les joueurs sont appelés à évoluer dans les deux groupes,

que la mise en place de deux groupes d'entraînement distincts, autorisée par la charte du football professionnel, n'est pas destinée à constituer deux équipes indépendantes, dont l'une n'évoluerait qu'à un moindre échelon de compétition dans le cadre du championnat amateur,

qu'en toute hypothèse la somme réclamée par Monsieur [K] est excessive, alors que le salaire mensuel brut moyen perçu au cours de la saison sportive 2009/2010 s'est élevé à la somme de 30'242,11 euros, et non pas à celle de 42'040,66 euros et que selon le travail de reconstitution qui a été effectué il n'aurait été perçu qu'une rémunération globale de 518'000 euros si le contrat était allé à terme,

qu'aucune indemnité de précarité n'est due dès lors que les parties ont conclu un contrat de travail à durée déterminée «'d'usage'» en application de l'article L. 1242'2 du code du travail,

que la demande accessoire de publication de la décision à intervenir sur le site Internet du club ne repose sur aucun fondement juridique.

Vu les conclusions soutenues à l'audience du 1er avril 2016 par Monsieur [T] [K] qui sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a décidé que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée était imputable à l'employeur, qui, par voie d'appel incident, sollicite la condamnation de la société OLYMPIQUE LYONNAIS à lui payer la somme de 1'067'588,37 euros avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, outre une indemnité de procédure de 10'000 euros, et qui demande enfin à la cour d'ordonner la publication sur le site Internet du club d'un communiqué de presse faisant état de la censure de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon par la Cour de cassation et de la confirmation du jugement par la juridiction de renvoi sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir aux motifs :

que son affectation à la préparation physique de l'équipe amateur, alors qu'il avait exercé jusque-là les fonctions de préparateur sportif de l'équipe professionnelle, constitue une modification de son contrat de travail,

qu'il est incontestable en effet que le groupe PRO 1 joue en ligue 1 , tandis que le groupe PRO 2 évolue en championnat de France amateur (CFA), ce qui suffit à établir que les deux groupes n'appartiennent pas au même groupe professionnel, peu important que certains joueurs, blessés ou en convalescence, puissent être occasionnellement intégrés à l'équipe de CFA,

qu'il était donc en droit de refuser la modification unilatérale de son contrat de travail qui lui était imposée, ce qui rend la rupture anticipée du contrat imputable à l'employeur,

qu'il a droit à des dommages et intérêts ne pouvant être inférieurs à la rémunération totale brute qu'il aurait perçue si le contrat était allé à terme,

que sur la base des documents sociaux la moyenne mensuelle de sa rémunération globale sur 12 mois s'est élevée à 36'803,95 euros, et non pas à 30'030,98 euros comme retenu par erreur par les premiers juges, étant observé que pour les 12 mois de la saison 2012 il faut tenir compte de l'augmentation de la partie fixe et de la partie variable de sa rémunération, d'où un total de salaire dû de 924'894,60 euros hors prime de précarité,

que la reconstitution de la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat, effectuée à la demande de l'employeur, est fantaisiste et insuffisamment justifiée pour constituer une preuve du préjudice,

que la prime de précarité de 10% est également due, alors que la convention collective du personnel administratif et assimilé du football, qui seule régit le contrat de travail des préparateurs physiques, ne reconnaît pas l'existence d'un CDD d'usage, qu'il est en droit de contester la qualification retenue par le contrat de travail sans être tenu d'en demander la requalification et que l'employeur n'établit pas par des éléments objectifs que son emploi était par nature temporaire,

que l'indemnité compensatrice de salaire pour rupture anticipée d'un CDD présente un caractère salarial, ce qui implique que les sommes allouées doivent porter intérêt à compter de la demande en justice,

que la publication d'une décision de justice dans un support de presse ou dans un site internet relève des mesures accessoires qui peuvent être prises par toute juridiction, étant observé que la société OLYMPIQUE LYONNAIS avait elle-même publié un article pour se féliciter de la décision rendue le 6 novembre 2013, qui a pourtant été cassée.

*

* *

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail

Par lettre du 7 septembre 2010 remise en main propre, la S.A.S.P. OLYMPIQUE LYONNAIS, faisant état « du contexte actuel de blessures survenues au sein du groupe professionnel et des échéances sportives capitales (attendues) dans les prochains mois'» a informé M. [T] [K] de ce qu'elle avait pris la décision de renforcer le staff en charge de la préparation physique en engageant Monsieur [Y] [G] en qualité de responsable hiérarchique de ce staff et de ce qu'il serait désormais affecté à la préparation physique du groupe professionnel «'PRO 2'» avec maintien intégral de l'ensemble des stipulations de son contrat de travail.

Par lettre du 13 septembre 2010 remise en main propre, M. [T] [K] a refusé ce changement d'affectation en arguant qu'il s'agissait d'une modification unilatérale de son contrat de travail, alors qu'il avait été engagé pour assurer la préparation physique de l'équipe professionnelle évoluant en ligue 1, qu'il ne pouvait donc être chargé de l'équipe de championnat de France amateur improprement dénommée « groupe pro 2'» et qu'il existait une incertitude sur le calcul de la partie variable de sa rémunération déterminée par référence aux résultats de la ligue 1.

Par courrier en réponse du lendemain, également remis en main propre, la S.A.S.P. OLYMPIQUE LYONNAIS a contesté cette analyse en faisant notamment valoir que le groupe professionnel PRO 2, comptant de nombreux joueurs sous contrat professionnel susceptibles de jouer avec l'équipe première, s'entraîne régulièrement avec le groupe PRO 1 sur le même site et sous la responsabilité de l'entraîneur général, que la nouvelle affectation ne constitue pas une modification du contrat de travail et que les conditions de rémunération demeurent inchangées.

Aux termes du contrat de travail à durée déterminée de trois années conclu entre les parties le 1er juillet 2009 Monsieur [K] s'est vu confier le poste de «'préparateur physique du groupe professionnel'», ayant notamment pour «'fonction la préparation, la mise en place et l'animation des séances d'entraînement physique de l'équipe professionnelle'».

Il est constant qu'au cours de la saison sportive 2009-2010 le salarié a assuré la préparation physique des joueurs de l'équipe PRO 1 évoluant en ligue 1 du championnat de France de football.

Il est établi, notamment par les tableaux de classement des clubs dans les divers championnats, et au demeurant non contesté, que la société OLYMPIQUE LYONNAIS ne présente aucune équipe en ligue 2 professionnelle, ni en championnat national, mais qu'en revanche elle participe au championnat de France amateur groupe B (CFA), ce dont il résulte nécessairement que les joueurs appartenant au groupe d'entraînement PRO 2 évoluent habituellement dans ce dernier championnat, sauf à considérer, ce qui n'est pas allégué, qu'ils ne participent à aucune compétition et constituent exclusivement la réserve de l'équipe professionnelle première.

Il importe donc peu que le groupe PRO 2 soit composé en tout ou en partie de joueurs sous contrat professionnel, ou qu'il existe des passerelles entre les deux groupes d'entraînement, alors que les joueurs appartenant au second groupe sont appelés habituellement à constituer l'équipe qui est engagée en championnat amateur CFA.

Dès lors si dans l'esprit de la charte du football professionnel, qui autorise leur création, les deux groupes d'entraînement appartiennent à la même entité sportive professionnelle, il est certain qu'en confiant à Monsieur [K] le second groupe composé de joueurs évoluant principalement en championnat amateur, alors qu'il avait assuré jusque-là la préparation physique des joueurs appartenant à l'élite du club engagée en ligue 1, la société OLYMPIQUE LYONNAIS a tenté d'imposer à son salarié un changement de fonctions à l'origine d'une déclassification.

La création d'un échelon hiérarchique supplémentaire entre le salarié et l'entraîneur général du club, dont il dépendait directement selon les clauses du contrat de travail, confirme d'ailleurs pleinement cette déclassification de l'emploi effectivement exercé antérieurement, puisque le groupe pro 1 a été confié à un nouveau préparateur physique, spécialement recruté à cet effet, sous « la responsabilité hiérarchique » duquel Monsieur [K] aurait été amené à travailler.

Cette réorganisation du «'staff'» de préparation physique avait d'ailleurs incontestablement une connotation disciplinaire, ce qui confirme l'intention de l'employeur d'infliger au salarié une véritable rétrogradation fonctionnelle, puisque dans ses courriers des 7 et 14 septembre 2010 la société OLYMPIQUE LYONNAIS impute explicitement à ce dernier la responsabilité «'des multiples blessures ayant affecté l'effectif'».

Malgré les propos rassurants de l'employeur dans sa lettre du 14 septembre 2010, Monsieur [K] a pu enfin légitimement s'interroger sur le maintien effectif de sa rémunération, qui était constituée pour une part importante de primes de résultat et de classement de l'équipe professionnelle engagée en ligue 1, qu'il n'aurait plus été chargé de préparer à la compétition.

La cour estime dès lors que la nouvelle affectation de Monsieur [K], qui consacrait le retrait de ses fonctions de préparateur physique de l'équipe première du club et qui restreignait substantiellement ses attributions et son niveau de responsabilité et d'autonomie, constituait une modification unilatérale de son contrat de travail, et pas seulement de ses conditions de travail, de sorte qu'il était fondé à s'y opposer.

Le licenciement n'est donc pas fondé sur la faute grave du salarié, ainsi qu'en ajustement décidé le conseil de prud'hommes, ce qui ouvre droit à l'indemnisation prévue par l'article L. 1243 '4 du code du travail.

Sur la demande en dommages et intérêts formée par Monsieur [T] [K]

Selon l'article L. 1243 '4 du code du travail la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude médicale, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévu à l'article L. 1243 '8.

C'est à tort que Monsieur [K] prétend au bénéfice de l'indemnité de précarité instituée par l'article L. 1243 '8 du code du travail.

Aux termes de l'article L. 1243 '10 1° du code du travail cette indemnité de fin de contrat n'est pas due lorsque le contrat est conclu au titre du 3° de l'article L. 1242-2, qui vise les emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Or, l'article D. 1242 '1 5 °du code du travail vise expressément le sport professionnel comme faisant partie des secteurs d'activité dans lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, tandis que la convention collective nationale des personnels administratifs et assimilés du football, qui régit la relation de travail ainsi que le prévoit expressément le contrat, ne contient aucune disposition dérogatoire plus favorable aux salariés et prévoit au contraire en son article 14-4 qu'il peut être recouru à un contrat saisonnier ou d'usage dans le cadre des dispositions de l'article L. 1242-2 3°.

Monsieur [K] ne peut en outre, sans se contredire, prétendre que son emploi était permanent, mais sans demander la requalification de son contrat, dans le seul but d'obtenir le paiement de l'indemnité de précarité.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté le requérant de sa demande en paiement d'une indemnité de fin de contrat.

Ne démontrant pas avoir subi un préjudice supplémentaire non réparé par une indemnité équivalente aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, Monsieur [K] ne peut prétendre obtenir des dommages et intérêts calculés sur la base de la moyenne mensuelle de la rémunération effectivement reçue à compter de son embauche jusqu'à la rupture du contrat de travail.

La société OLYMPIQUE LYONNAIS verse au dossier un tableau récapitulatif des rémunérations qui auraient été perçues par le salarié si le contrat était allé à terme. Selon ce document, qui émane de son responsable des ressources humaines, le manque à gagner a été de 223'000 € au titre de la saison 2010/2011 et de 295'000 € au titre de la saison 2011/2012.

Cette reconstitution de la rémunération attendue, dont la pertinence est formellement contestée par le salarié, qui relève des incohérences s'agissant notamment du montant des primes de match par rapport au classement de l'équipe, n'est pas accompagnée de pièces justificatives ni d'un détail des calculs s'agissant notamment de la part variable de la rémunération.

La cour estime par conséquent devoir recourir à une mesure d'expertise comptable aux frais avancés de l'employeur avant dire droit sur la demande indemnitaire formée par Monsieur [K].

Il sera toutefois d'ores et déjà dit et jugé que la somme, qui sera définitivement mise à la charge de l'employeur, a la nature de dommages et intérêts, et non pas de salaire, de sorte qu'elle portera intérêt au taux légal à compter de la décision de condamnation.

Sur la demande de publication de la décision

La société OLYMPIQUE LYONNAIS a certes fait publier sur son site Internet un communiqué de presse faisant état de l'arrêt infirmatif rendu le 6 novembre 2013 par la cour d'appel de Lyon, mais force est de constater que cette insertion, qui est purement objective et informative, n'a pas été réalisée dans des conditions vexatoires pour le salarié.

Il n'y a donc pas lieu d'ordonner, à titre de réparation supplémentaire, la publication de la présente décision confirmative du jugement rendu le 3 mai 2012 par le conseil de prud'hommes de [Localité 4] en ce qu'il a dit et jugé que la rupture anticipée du contrat de travail était imputable à la société OLYMPIQUE LYONNAIS.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de faire à nouveau application à ce stade de la procédure de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimé.

*

* *

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant contradictoirement sur renvoi après cassation par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [T] [K] était imputable à la société OLYMPIQUE LYONNAIS après avoir considéré que cette dernière avait modifié unilatéralement le contrat de travail et que le refus du salarié d'accepter sa nouvelle affectation n'était pas fautif,

Confirme également le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [T] [K] de sa demande en paiement de l'indemnité de précarité instituée par l'article L. 1243 '8 du code du travail, dit et jugé que la somme allouée à titre de dommages et intérêts portera intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement et alloué au requérant une indemnité de procédure de 1000 €,

Avant dire droit sur la demande en dommages et intérêts fondée sur l'article L. 1243 '4 du code du travail ordonne une expertise comptable confiée à :

M. [W] [X]

[Adresse 3]

tel: XXXXXXXXXX port: XXXXXXXXXX

Mèl: [Courriel 1]

-recueillir et consigner les explications des parties, prendre connaissance des documents de la cause, se faire remettre par les parties ou par des tiers tous autres documents utiles, entendre tous sachants, à charge de reproduire leurs dires et leur identité, s'entourer de tous renseignements à charge d'en indiquer la source,

- annexer à son rapport toutes pièces utiles ;

-Déterminer, sur la base des stipulations contractuelles dont notamment celles relatives à la rémunération du salarié objet de l'article 5, la rémunération globale fixe et variable qui aurait été perçue par Monsieur [T] [K] entre le 12 septembre 2010 et le 30 juin 2012 si le contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties le 1er juillet 2009 était allé jusqu'à son terme,

-s'expliquer techniquement dans le cadre des chefs de mission ci-dessus énoncés sur les dires et observations des parties qu'il aura recueillis après le dépôt de son pré-rapport et, le cas échéant, compléter ses investigations,

Dit que l'expertise est ordonnée aux frais avancés de la S.A.S. OLYMPIQUE LYONNAIS , qui devra consigner au greffe à valoir sur la rémunération de l'expert, avant ,

Dit qu'à l'issue de la première et au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert soumettra au juge chargé du contrôle des expertises et communiquera aux parties, un état prévisionnel détaillé de ses frais et honoraires, et, en cas d'insuffisance manifeste de la provision allouée devra demander la consignation d'une provision complémentaire ;

Dit que l'expert fera connaître sans délai son acceptation et qu'en cas de refus ou d'empêchement légitime il sera pourvu aussitôt à son remplacement,

Dit que l'expert commencera ses opérations dès qu'il sera averti par le greffe que les parties ont consigné la provision mise à leur charge,

Dit que l'expert pourra s'adjoindre le concours de tout spécialiste de son choix, dans un domaine distinct du sien et après en avoir avisé les parties ;

Dit que préalablement au dépôt de son rapport, l'expert devra déposer un pré rapport susceptible de recueillir les observations des parties et y répondre dans le cadre de son rapport définitif,

Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe de la cour ,

Désigne le président de la chambre sociale section C pour suivre les opérations d'expertise et faire rapport en cas de difficultés ,

Rappelle que l'article 173 du Code de Procédure Civile fait obligation à l'expert d'adresser copie du rapport à chacune des parties, ou pour elles à leur avocat,

Condamne la S.A.S. OLYMPIQUE LYONNAIS à payer à M. [T] [K] une indemnité de 3500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit toutefois qu'en cas d'abstention ou de refus de la société OLYMPIQUE LYONNAIS de consigner, les parties seront convoquées à une date anticipée afin que la Cour tire toutes les conséquences, conformément aux dispositions de l'article 271 du code de procédure civile

Réserve les dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Jean-Louis BERNAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 15/04968
Date de la décision : 03/06/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°15/04968 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-03;15.04968 ?
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