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13/05/2016 | FRANCE | N°15/02642

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 13 mai 2016, 15/02642


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 15/02642





SA LA SOCIETE GROUPE LE PROGRES



C/

[P]







APPEL DES DÉCISIONS DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

des 23 Février 2015

RG : F 14/00288

et 8 juin 2015

RG F15/00087











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 13 MAI 2016







APPELANTE :



SA LA

SOCIETE GROUPE LE PROGRES

[Adresse 1]

[Adresse 3]



représentée par Me Yann BOISADAM de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[M] [P]

né le [Date naissance 1] 1960 à LYON (69)

[Adresse 2]

[Adresse 4]



comparant en perso...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 15/02642

SA LA SOCIETE GROUPE LE PROGRES

C/

[P]

APPEL DES DÉCISIONS DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

des 23 Février 2015

RG : F 14/00288

et 8 juin 2015

RG F15/00087

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 13 MAI 2016

APPELANTE :

SA LA SOCIETE GROUPE LE PROGRES

[Adresse 1]

[Adresse 3]

représentée par Me Yann BOISADAM de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[M] [P]

né le [Date naissance 1] 1960 à LYON (69)

[Adresse 2]

[Adresse 4]

comparant en personne, assisté de Me Nicolas FANGET de la SELARL VEBER ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Virginie DUBOC, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Mars 2016

Présidée par Michel SORNAY, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Agnès THAUNAT, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 Mai 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Michèle GULLON, Greffier en chef auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Monsieur [M] [P] est entré au service du GROUPE PROGRÈS le 09 avril 1992 et il y occupe l'emploi de journaliste, au grade depuis 2004 de secrétaire général de rédaction, indice 220, statut cadre.

La relation de travail est soumise à la convention collective nationale des journalistes professionnels.

[M] [P] est titulaire au sein de l'entreprise de différent mandats de représentants du personnel désigné par le syndicat CFE-CGC médias 2000 :

'délégué syndical central d'entreprise, ce qui lui ouvre droit à un crédit d'heures de délégation de 15 heures par mois,

'membres du comité d'établissement, ce qui lui ouvre droit à un crédit d'heures de délégation de 20 heures par mois,

'membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ce qui lui ouvre droit à un crédit d'heures de délégation de 10 heures par mois.

Il est à noter qu'un accord d'entreprise du 12 novembre 2008, ayant un effet rétroactif à compter du 1er avril 2008, relatif au fonctionnement paritaire, prévoit que les heures passées en réunions paritaires sur convocation de l'employeur, en dehors du temps de travail du salarié concerné, seront récupérées ou payées selon le choix de ce dernier, de même que les temps de trajets y afférents

Par ailleurs [M] [P] est titulaire de plusieurs mandats syndicaux extérieurs à l'entreprise :

' conseiller au collège salariés du Conseil de prud'hommes de Lyon

' administrateur et vice- président de l'URSSAF du Rhône,

' premier vice-président de l'URSSAF Rhône-Alpes,

' membre de l'instance paritaire régionale de PÔLE EMPLOI Rhône-Alpes

' administrateur de l'AGEMETRA.

***

Soutenant que son employeur lui était redevable à compter du mois de mai 2008, en vertu de l'accord d'entreprise précité du 12 novembre 2008, d'heures supplémentaires correspondant à sa participation à des réunions paritaires auxquelles il avait assisté en dehors de son temps de travail, y compris les temps de trajets nécessaires pour se rendre à chacune d'elles ainsi que des frais de transport s'y rapportant, [M] [P] a saisi

la formation de référé du conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône (par application de l'article 47 du code de procédure civile) à l'effet d'obtenir le paiement des sommes dues, outre une condamnation provisionnelle de l'employeur à des dommages-intérêts.

Par arrêt du 7 avril 2011 confirmant partiellement une ordonnance de référé du Conseil de prud'hommes de Villefranche du 11 juin 2010, la Cour d'appel de Lyon a condamné la société GROUPE PROGRÈS à payer à [M] [P] les sommes provisionnelles suivantes :

'7176,13 euros correspondant au temps passé en réunions paritaires, convoquées à l'initiative de l'employeur, hors temps de travail et trajet pour la période de mai 2008 à décembre 2010 inclus,

'819,28 euros correspondant aux frais engagés pour se rendre aux réunions paritaires hors temps de travail de mai 2008 à décembre 2010

'500 € à titre de dommages-intérêt pour atteinte à l'exercice du droit syndical,

'outre 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a en outre ordonné à la société GROUPE PROGRÈS de remettre à [M] [P] des bulletins de salaire rectifiés de mai 2008 à décembre 2010 pour les mois considérés.

[M] [P] a saisi à nouveau la formation de référé du Conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône le 28 novembre 2011 afin notamment d'obtenir la condamnation du GROUPE PROGRÈS à lui payer de même pour la période de janvier 2011 à mai 2011 les heures supplémentaires correspondant à sa participation à des réunions paritaires auxquelles il a assisté en dehors de son temps de travail ainsi que des frais de transport s'y rapportant.

Par arrêt du 29 mai 2013, la Cour d'appel de Lyon a confirmé l'ordonnance de référé du Conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône du 7 février 2012 en ce qu'elle a condamné la SA GROUPE PROGRÈS à payer à [M] [P] la somme de 717,61 euros à titre d'indemnité de congés payés dus sur les heures supplémentaires allouées par l'arrêt précité du 7 avril 2011 au titre des réunions hors temps de travail sur la période d'avril 2008 à décembre 2010 inclus.

Par contre cette décision a constaté l'existence d'une contestation sérieuse sur la demande de [M] [P] tendant paiement de ces heures supplémentaires pour la période allant de janvier 2011 à juillet 2012, et a en conséquence dit n'y avoir lieu à référé à ce titre.

***

C'est dans ce contexte que [M] [P] a saisi le 29 octobre 2013 le Conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône, toujours par application de l'article 47 du code de procédure civile, d'une action au fond tendant d'une part à obtenir le paiement des heures supplémentaires auxquelles il pense avoir droit, et d'autre part à obtenir réparation de son préjudice né de la discrimination qu'il estime avoir subie depuis l'année 2004 du fait de ses activités syndicales, discrimination se traduisant selon lui par un retard de carrière et l'attribution d'un niveau de classification et de salaire inférieur à ceux des journalistes responsables de service comme lui-même.

Devant le bureau de jugement, il demandait en dernier lieu au Conseil de prud'hommes de:

- dire et juger que la société GROUPE PROGRÈS ne l'a pas rémunéré à hauteur de son temps de travail effectué entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2013,

- condamner le GROUPE PROGRÈS à lui payer :

$gt; 27 390,75 € à titre de rappel de salaire pour la période de 2009 à décembre 2013 inclus,

$gt; 2 739 € au titre des congés payé afférents et intérêts de droit à compter de la demande, avec délivrance des bulletins de salaire rectificatifs sous astreinte,

$gt; 31 590 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la situation de travail discriminatoire,

- dire et juger que [M] [P] est victime d'une situation de discrimination syndicale,

- condamner le GROUPE PROGRÈS à lui payer la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination syndicale,

- condamner la société GROUPE PROGRÈS à payer à [M] [P] à effet du 1er janvier 2014, la rémunération annuelle moyenne des salariés du panel de comparaison, soit la somme de :

$gt; 81 413 € afin de faire cesser le trouble manifestement illicite,

$gt; 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter les demandes reconventionnelles de la société GROUPE PROGRÈS

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

- condamner le GROUPE PROGRES en tous les dépens et intérêts de droit.

La Fédération CFE-CGC-MEDIAS 2000 est intervenue volontairement en demande, en application de l'article L.2132-3 du code du travail, et a demandé au Conseil de prud'hommes de :

- dire et juger recevable son intervention volontaire,

- condamner la société GROUPE PROGRÈS à lui payer les sommes de :

$gt; 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté aux intérêts collectifs de la profession,

$gt; 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- condamner la société GROUPE PROGRÈS aux entiers dépens de l'instance.

Pour sa part, la société GROUPE PROGRÈS:

- concernant les heures supplémentaires, a argué des incohérences existant dans le planning prévisionnel présenté chaque mois par [M] [P] ,

- concernant la discrimination syndicale, a fait valoir que [M] [P] a eu une carrière normale et qu'il ne rapporte aucune preuve de la discrimination dont il dit avoir été victime.

La société GROUPE PROGRÈS a donc conclu au débouté de [M] [P] et de son syndicat de toutes leurs prétentions et a sollicité du Conseil de prud'hommes la condamnation de monsieur [P] à lui payer les sommes suivantes :

* 14 985,26 € au titre de remboursement des condamnations prononcées dans le cadre des procédures de référé.

* 13 799,60 € à titre de retenues sur salaire,

* 2 292,90 f à titre de remboursement des heures réalisées au-delà des heures légales de délégation,

* 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement du 8 septembre 2014, le Conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône a constaté en premier lieu que sur les années 2009 à 2013 inclus, [M] [P] avait réalisé un temps de travail devant être rémunéré, supérieur de 736,62 heures à celui que la société GROUPE PROGRÈS lui avait réellement payé, et ce alors même que l'employeur avait encaissé plus d'argent provenant des mandats extérieurs de monsieur [P] qu'elle ne lui a reversé de salaires.

Ce jugement a par ailleurs relevé que l'évolution du salaire annuel du demandeur était inférieure de plus de 20'000 € à la moyenne des augmentations des salaires du panel comparatif, caractérisant ainsi une différence de traitement au préjudice de Monsieur [P].

En conséquence, le Conseil de prud'hommes a :

- Dit et jugé que la société GROUPE PROGRÈS n'a pas rémunéré [M] [P] à hauteur du temps de travail réellement effectué entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2013, pour un total de 736,62 heures ;

- Condamné la société GROUPE PROGRÈS à payer à [M] [P] les sommes de :

* 27 390,75 € à titre de rappel de salaire pour la période de 2009 à décembre 2013 inclus, et intérêts de droit à compter de la demande en justice, soit le

29 octobre 2013,

* 2 739 € au titre des congés payés afférents ;

- Ordonné la délivrance des bulletins de paie rectificatifs pour l'ensemble de la période, sous astreinte de 10 € par jour de retard et par bulletin de salaire à compter du 10ème jour suivant la notification du présent jugement, dans la limite de 90 jours, le conseil de prud'hommes se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

- Condamné la société GROUPE PROGRÈS à payer à [M] [P] la somme de 31 590 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la situation de travail discriminatoire, en suite de l'absence de prise en compte par l'employeur de ces heures supplémentaires ;

- Dit et jugé que [M] [P] était victime d'une situation de discrimination syndicale de la part de son employeur, la société GROUPE PROGRÈS, au plan tant de son évolution indiciaire que des primes et avantages en nature dont il bénéficie ainsi que de l'application de l'accord d'entreprise du 12 novembre 2008 relatif au fonctionnement paritaire ;

- Condamné en conséquence la société GROUPE PROGRÈS à payer à [M] [P] les sommes de :

* 100 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination syndicale,

* 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société GROUPE PROGRÈS à fixer la rémunération annuelle de [M] [P] , à effet du 1er janvier 2014, à la rémunération annuelle moyenne des salariés du panel de comparaison, soit 81 816 € bruts annuels, afin de faire cesser le trouble manifestement illicite ;

- Débouté la société GROUPE PROGRÈS de ses demandes reconventionnelles ;

- Déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat C.F.E. C.G.C. Médias 2000;

- Condamné la société GROUPE PROGRÈS à payer au syndicat C.F.E. C.G.C. Médias 2000 au titre de la discrimination syndicale subi par l'un de ses représentants, les sommes de :

* 2 500 € à titre de dommages et intérêts,

* 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- Mis les dépens à la charge du GROUPE PROGRÈS.

Le GROUPE PROGRÈS a interjeté appel de cette décision le 25 septembre 2014.Cette procédure a été enregistrée au greffe de la cour d'appel sous le n° RG 14/7621.

Il a par ailleurs sollicité du Premier président de la Cour d'appel de Lyon la suspension de l'exécution provisoire assortissant ce jugement. Une ordonnance du Premier président du

8 décembre 2014 n'a fait droit à cette demande qu'en ce qui concerne les condamnations non assorties de l'exécution provisoire de droit.

***

Le 30 octobre 2014, [M] [P] a saisi à nouveau le Conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône afin d'obtenir la liquidation de l'astreinte provisoire prononcée par le jugement précité du 8 septembre 2014 assortissant l'injonction de remettre au salarié des bulletins de paye rectifiée pour la période de 2009 à décembre 2013 inclus.

La société GROUPE PROGRÈS s'est opposée à cette demande.

Par jugement du 23 février 2015, le Conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône a relevé qu'il n'était pas contesté que les 60 bulletins de salaire rectifiés que la scoiété aurait dû remettre au demandeur ne lui ont pas été fournis, l'employeur s'étant contenté de lui remettre le 23 décembre 2014 un unique bulletin de salaire rectificatif pour les 5 ans écoulés, contrairement aux termes du jugement rendu le 8 septembre 2014.

En conséquence, le Conseil de prud'hommes a liquidé cette astreinte provisoire à la somme de 54'000 €, soit 10 € x 60 documents x 90 jours, a condamné la société GROUPE PROGRÈS à payer cette somme à [M] [P], et a en outre fixé 'une nouvelle astreinte définitive à la somme de 15 € par jour de retard et par bulletin mensuel de salaire pour la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2013, à compter de la date du 5 janvier 2015 pour une durée de 90 jours, le Conseil de prud'hommes se réservant la liquidation de l'astreinte et la fixation d'une nouvelle durée'.

Enfin cette décision a condamné la société GROUPE PROGRÈS à payer à [M] [P] la somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Cette décision a été régulièrement notifiée le 3 mars 2015 à la société GROUPE PROGRÈS, qui en a interjeté appel le 23 mars 2015. Cette procédure a été enregistrée au greffe de la cour d'appel sous le n° RG 15/2642.

Le 16 avril 2015, [M] [P] a de nouveau saisi le Conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône, afin d'obtenir cette fois la liquidation de l'astreinte définitive prescrite par le jugement précité du 23 février 2015.

Par jugement du 8 juin 2015, le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône a relevé qu'il n'était pas contesté que le jugement du 23 février 2015 avait été notifié le 27 février 2015 à la société GROUPE PROGRÈS et que les 60 bulletins de salaire rectifié n'avaient en réalité été remis au demandeur que le 27 mars 2015, par courrier recommandé.

En conséquence, le Conseil a liquidé l'astreinte définitive litigieuse pour la durée comprise entre le 27 février et le 27 mars 2015 à la somme de 27'000 € (soit : 15 € x 60 bulletins x 30 jours) et a condamné la société GROUPE PROGRÈS à payer cette somme à [M] [P], outre les entiers dépens et une somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société GROUPE PROGRÈS a interjeté appel de cette nouvelle décision le 24 juin 2015. Cette procédure a été enregistrée au greffe de la cour d'appel sous le n° RG 15/05120.

Par ordonnance du 7 octobre 2015, il a été ordonné la jonction des procédures enregistrées au greffe sous les numéros 15/05120 et 15/2642.

***

Par arrêt rendu le 15 janvier 2016, la Cour d'appel de Lyon (RG n° 14/7621), statuant parallèlement sur l'appel du jugement rendu au fond entre les parties le 8 septembre 2014, a :

Réformé le jugement déféré rendu par le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône le 8 septembre 2014 en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau:

Condamné la SA GROUPE PROGRÈS à payer à [M] [P] , en deniers ou valables quittance pour tenir compte des règlements déjà effectués en exécution des procédures de référé antérieures, la somme de 13 021,45 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires qui lui sont dues, correspondant aux réunions paritaires convoquées par l'employeur et auxquelles [M] [P] a participé hors de son temps de travail, outre la somme de 1302,15 euros au titre des congés payés y afférents ;

Rappelé que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2013, date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation ;

Dit que les sommes allouées par le présent arrêt supporteront, s'il y a lieu, les cotisations et contributions prévues par le code de la sécurité sociale ;

Enjoint à la SA GROUPE PROGRÈS de faire établir et délivrer à [M] [P] dans le délai d'un mois à compter de la signification qui lui sera faite du présent arrêt des feuilles de paye dûment rectifiées pour tenir compte des heures supplémentaires qui lui ont été allouées ci-dessus;

Débouté [M] [P] du surplus de sa demande en paiement d'heures supplémentaires pour la période allant du1er janvier 2009 au 31 décembre 2013 ;

Débouté [M] [P] de l'ensemble de ses prétentions indemnitaires au titre de prétendues discriminations syndicales ;

Débouté de même [M] [P] de sa demande en revalorisation de sa rémunération annuelle au titre d'une telle discrimination syndicale ;

Condamné la SA GROUPE PROGRÈS à payer au syndicat CFE'CGC Fédération 'Médias 2000" la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte à l'intérêt collectif des journalistes ;

Condamné la SA GROUPE PROGRÈS aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

[M] [P] a formé à l'encontre de cet arrêt  le 15 février 2016 un pourvoi en cassation, sur lequel il n'a pas encore été statué à jour.

***

L'affaire revient aujourd'hui devant la cour d'appel sur les appels interjetés par la société GROUPE PROGRÈS contre les jugements de liquidation d'astreintes rendus par le Conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône les 23 février 2015 et 8 juin 2015.

En l'état de ses dernières conclusions parvenues au greffe le 15 mars 2016, la société GROUPE PROGRÈS demande à la Cour d'appel de :

'rejeter la demande de sursis à statuer présenter par [M] [P] dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation à intervenir sur son pourvoi contre l'arrêt du 15 janvier 2016,

'dire et juger que l'arrêt du 15 janvier 2016 emporte anéantissement, de plein droit, des astreintes fixées par les jugements des 23 février et 8 juin 2015,

'ordonner la restitution à la société GROUPE PROGRÈS de la somme de 83'000 € versés, à titre d'astreintes,à [M] [P] en suite des jugements des 23 février

et 8 juin 2015,

'condamner [M] [P] au paiement de la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses dernières écritures parvenues au greffe le 15 mars 2016, [M] [P] demande pour sa part à la cour d'appel de Lyon de :

'ordonner un sursis à statuer dans l'attente du résultat du pourvoi pendant devant la Cour de cassation à l'encontre de l'arrêt du 15 janvier 2016 ;

'à titre subsidiaire, confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône 23 février 2015 ;

'infirmer le jugement rendu par le même conseil le 8 juin 2015 et, statuant à nouveau,

'condamner la société GROUPE PROGRÈS au paiement de la somme de 72'900 € au titre de la liquidation de l'astreinte définitive, le juge procédant à cette liquidation n'ayant aucun pouvoir d'appréciation sur le montant de ladite astreinte définitive ;

'condamner la société GROUPE PROGRÈS à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamner la société GROUPE PROGRÈS en tous les dépens et frais éventuels d'exécution.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1.- sur la demande de sursis à statuer

Vu les données du litige, la bonne administration de la justice n'impose pas, en l'état du caractère non suspensif du pourvoi en cassation et du caractère exécutoire de l'arrêt du 15 janvier 2016, de surseoir à statuer dans la présente instance sur la question de la liquidation des astreintes provisoire et définitive ici litigieuses.

La demande de sursis à statuer ici présentée par [M] [P] en application de l'article 378 du code de procédure civile sera donc rejetée.

2.- sur le fond :

aux termes des articles L 131-1 et L 131-2 du code des procédures d'exécution,

Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.

Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.

L'astreinte est indépendante des dommages-intérêts.

L'astreinte est provisoire ou définitive. L'astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif.

Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire.

Par ailleurs, il est constant que la réformation de la décision assortie d'une astreinte entraîne de plein droit, pour perte de fondement juridique, l'anéantissement des décisions prises au titre de la liquidation de l'astreinte, fussent-elles passées en force de chose jugée et ouvre dès lors droit, s'il y a lieu, à restitution.

En l'espèce, le jugement du 8 septembre 2014 ayant décidé l'astreinte provisoire liquidée par le jugement aujourd'hui déféré du 23 février 2015, a été infirmé en toutes ses dispositions, y compris en celle ordonnant cette astreinte provisoire, qui n'existe donc plus.

Par voie de conséquence, ce jugement du 23 février 2015 est privé de fondement juridique et doit donc être infirmé en toutes ses dispositions et notamment :

- en ce qu'il a ordonné la liquidation de cette astreinte provisoire,

- et en ce qu'il a prononcé une nouvelle astreinte, définitive cette fois, pour tirer les conséquences d'un non respect - au demeurant contesté - de cette astreinte par l'employeur.

Statuant à nouveau en suite de cette infirmation, la Cour ne peut que débouter [M] [P] de sa demande de liquidation de cette astreinte provisoire devenue inexistante, et a fortiori de sa demande de prononcé d'une astreinte définitive à l'encontre de l'employeur, qui ne peut être utilement ordonnée qu'en suite d'une astreinte provisoire régulièrement ordonnée.

L'astreinte définitive ordonnée par le jugement du 23 février 2015 étant ainsi anéantie, il y a lieu d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré du 8 juin 2015 en ayant prononcé la liquidation, et de débouter [M] [P] de sa demande, présentée en cause d'appel, de liquidation de cette seconde astreinte à hauteur de 72 900 €.

Enfin il n'est pas contesté par l'intimé que le GROUPE PROGRÈS a versé à l'intimé en exécution des deux jugements ici infirmés une somme de 83 000 euros se décomposant comme suit:

- liquidation de l'astreinte provisoire 54 000 €

- indemnité article 700 ordonnée le 23 février 2015 1 000 €

- liquidation de l'astreinte définitive27 000 €

- indemnité article 700 ordonnée le 8 juin 2015 1 000 €

Total83 000 €

Ces règlements étant désormais privés de cause en l'état de l'infirmation totale des deux jugements ici déférés, la société GROUPE PROGRÈS est fondée à réclamer à [M] [P] le remboursement de cette somme totale de 83 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

3.- sur les demandes accessoires:

Les dépens de cette double procédure en liquidation d'astreintes, suivant le principal, seront supportés par [M] [P].

Vu les données du litige, il ne parait pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge intégrale des frais de procédure et honoraires qu'elle a dû exposer pour la présente instance.

Il n'y a donc pas lieu en l'espèce de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

REJETTE la demande de sursis à statuer dans l'attente du résultat du pourvoi pendant devant la Cour de cassation à l'encontre de l'arrêt du 15 janvier 2016 ;

INFIRME en toutes leurs dispositions les jugements déférés rendus les 23 février 2015 et 8 juin 2015 ;

STATUANT À NOUVEAU,

DÉBOUTE [M] [P] de l'ensemble de ses demandes ;

Le CONDAMNE à rembourser à la SA GROUPE PROGRÈS la somme totale de 83 000 euros que cet employeur lui a versée en exécution des deux décisions ainsi infirmées, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE [M] [P] aux dépens de première instance et d'appel ;

DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

Michèle GULLONMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 15/02642
Date de la décision : 13/05/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°15/02642 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-13;15.02642 ?
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