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29/04/2016 | FRANCE | N°15/04057

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 29 avril 2016, 15/04057


AFFAIRE PRUD'HOMALE



Double rapporteurs









R.G : 15/04057



[P]



C/

SAS SOCIETE NOUVELLE DES ETABLISSEMENTS [L]









décision du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

Au fond

du 13 avril 2015



RG : F 14/00038

















COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRET DU 29 Avril 2016







APPELANT :


>M. [C] [P]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]





assisté de Me Sabine LAMBERT- FERRERO, avocat au barreau de LYON









INTIMEE :



SAS SOCIETE NOUVELLE DES ETABLISSEMENTS [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]





assistée de Me Géraldine PERRET de la SEL...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

Double rapporteurs

R.G : 15/04057

[P]

C/

SAS SOCIETE NOUVELLE DES ETABLISSEMENTS [L]

décision du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

Au fond

du 13 avril 2015

RG : F 14/00038

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRET DU 29 Avril 2016

APPELANT :

M. [C] [P]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

assisté de Me Sabine LAMBERT- FERRERO, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

SAS SOCIETE NOUVELLE DES ETABLISSEMENTS [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]

assistée de Me Géraldine PERRET de la SELARL SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Février 2016

Présidée par Jean-Louis BERNAUD, président et Marie-Christine DE LA SALLE, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré,

assistés pendant les débats de Christine SENTIS, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Jean-Louis BERNAUD, Président

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Marie-Christine DE LA SALLE, Conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 29 Avril 2016 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Louis BERNAUD, président, et par Malika CHINOUNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

FAIT, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Suivant contrat à durée déterminée du 21.10.10 au 24.12.10, La société NOUVELLE DES ETABLISSEMENTS [L] a engagé monsieur [C] [P] en qualité de Compagnon Professionnel niveau 3 coefficient 210.

Ce contrat a été renouvelé par un avenant du 23.12.10 jusqu'au 31.03.11.

Monsieur [P] a ensuite conclu avec la société [L] un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2011 en qualité d'ouvrier d'atelier niveau 2 coefficient 185.

La relation de travail était régie par la convention nationale des ouvriers du bâtiment des entreprises employant plus de 10 salariés.

Au dernier état de la relation de travail, la rémunération mensuelle brute s'établissait à la somme de 1 981.49 €.

Le 15 avril 2013, un avertissement était adressé à M. [P] par courrier auquel il répondait le 15 mai 2013.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8.06.14, La société NOUVELLE DES ETABLISSEMENTS [L] a convoqué monsieur [C] [P] le 17.01.14 à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22.01.14, La société NOUVELLE DES ETABLISSEMENTS [L] a notifié à monsieur [C] [P] son licenciement pour cause réelle et sérieuse se fondant principalement sur trois griefs :

- un abandon de chantier le 24 décembre 2013

- des propos insultants ayant donné lieu à un premier avertissement le 15 avril 2013

- des menaces et propos grossiers tenus à l'encontre d'un client en juillet 2013.

Par jugement rendu le 13 avril 2015, le conseil de prud'hommes de ROANNE :

a dit que le licenciement de M. [P] pour cause réelle et sérieuse était bien fondé et

a condamné la société [L] à lui payer la somme de 2 107,50 euros au titre de rappel de salaire sur la base de la position compagnon professionnel niveau 3 outre 210,75 euros de congés payés y afférents et a débouté M. [P] du surplus de ses demandes.

M. [P] a interjeté appel de cette décision, le 7 mai 2015 il demande la confirmation en ce que le jugement entrepris lui a alloué une indemnité à titre de rappel de salaire et les congés payés afférents et demande l'infirmation de la décision sur le surplus.

Dans ses dernières conclusions monsieur [P] demande à la cour de :

* constater que le délai de 2 jours ouvrables pour transmettre le CDD n'a pas été respecté,

en conséquence, requalifier le contrat à durée déterminée du 21 octobre 2010 au 24 décembre 2014 en contrat à durée indéterminée et condamner la société [L] à lui verser :

- une indemnité de requalification :1981,49 euros

- un rappel de salaire du 25 décembre 2010 au 2 janvier 2011 : 457,25 euros

- des congés payés afférents :45,72 euros

* annuler l'avertissement du 15 avril 2013,

* juger que Monsieur [P] a été victime de harcèlement moral ou à tout le moins d'une inexécution déloyale de son contrat de travail,

en conséquence condamner la société [L] à lui verser :

- à titre principal des dommages et intérêts pour harcèlement moral de 24 000 €

- à titre subsidiaire, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail de 24'000 €.

* constater l'absence de visite médicale d'embauche et condamner en conséquence l'employeur à lui verser la somme de 1981,49 euros à titre de dommages et intérêts

* dire et juger que la société a manqué à son obligation de sécurité de résultat et à son obligation de formation,

en conséquence, la condamner à lui verser à la somme de 12'000 € à titre de dommages et intérêts,

* juger que le licenciement de M. [P] est nul ou à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence, condamner la société [L] à lui verser

à titre principal des dommages et intérêts pour licenciement nul de 24'000 €

à titre subsidiaire, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à hauteur de 24 000 €,

*condamner la société [L] à lui verser la somme de 500 € à titre de dommages et ntérêts pour remise tardive du certificat destiné à la caisse des congés payés,

*condamner la société [L] à lui verser la somme de 2000 € en application de l'article 700 du CPC.

A l'appui de ses demandes, monsieur [P] fait valoir qu'il s'est vu, sans explication attribuer une classification inférieure lors de la signature de son contrat à durée indéterminée en avril 2011, alors qu'il continuait à exercer les mêmes fonctions avec le même niveau d'exigence et qu'il est donc fondé à solliciter un rappel de salaires, au titre de la classification conventionnelle de compagnon professionnel, niveau 3 coefficient 210, soit la somme de

2 107.50 € outre 210.75 € de congés payés afférents.

En application de l'article L 1242-13 du code du travail, il réclame la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, en raison de la transmission tardive du CDD du 21 octobre au 24 décembre 2010 qui ne lui a été remis que le 20.11.10, alors que la loi prévoit un délai de 2 jours ouvrables.

Il sollicite donc la somme de 1 981.49 € à titre d'indemnité de requalification et la somme de 457.25 € à titre de rappel de salaires du 25.12.10 au 2.01.11 outre 45.72 € de congés payés afférents, correspondant à un délai de carence entre le CDD et l'avenant de renouvellement.

Sur le harcèlement moral, monsieur [P] invoque sa rétrogradation en avril 2011 d'une modification de ses fonctions à compter du mois de septembre 2011, le manque de matériel, sa mise à l'écart lors des réunions organisées entre poseurs, des réflexions désobligeantes et impolies, le refus des jours de congé demandés pour événement familial en mai 2013, la modification de ses horaires sans en être informé, la réduction de son temps de travail en juin 2013, l'absence de fourniture de travail, le retard dans le versement des indemnités journalières de la sécurité sociale en novembre 2013 résultant de l'absence de transmission de l'attestation la sécurité sociale, les sanctions disciplinaires injustifiées et les conséquences que tous ces faits ont eu sur son état de santé.

Il demande à la Cour, au cas où elle écarterait le harcèlement moral, de constater néanmoins que la société [L] s'est rendue coupable d'une exécution particulièrement déloyale du contrat de travail sur les mêmes griefs.

En ce qui concerne son licenciement, monsieur [P] fait valoir que si le harcèlement moral était retenu par la Cour, son licenciement serait nul et subsidiairement il soutient que celui-ci ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, les griefs invoqués n'étant pas fondés.

Sur le premier grief concernant l'abandon du chantier le 24 décembre 2013 à 11h 30, il soutient avoir quitté le chantier non pas à 11 h 30 mais à 11h 50, qu'il ne restait que l'habillage extérieur de la fenêtre à poser, les fenêtres ayant été installées depuis plusieurs jours et qu'il n'a pu exécuter cette tâche le 24 décembre, d'une part car il ne disposait pas du temps suffisant et d'autre part car il ne disposait pas du matériel nécessaire et qu'en tout état de cause cela n'a causé aucune gêne à la résidente.

Il relève qu'il n'était pas le seul salarié à travailler sur le chantier et que la prétendue désorganisation ne peut lui être imputée.

Et quand bien même la cour considérerait qu'il a abandonné le chantier à 11 h 30 au lieu de

11 h 50, ce seul fait ne peut constituer une cause réelle et sérieuse du licenciement.

Sur le deuxième grief concernant les propos insultants ayant fait l'objet d'un avertissement le 15 avril 2013 Il fait valoir que ces faits ayant été déjà sanctionnés, ne peuvent constituer un motif de licenciement

Sur le troisième grief, concernant des menaces et des propos grossiers tenus envers un client en juillet 2013, ces faits n'ayant pas été sanctionnés dans le délai de deux mois, alors que la société avait reçu une lettre de mécontentement du client daté du 25 juillet 2013, ce grief ne peut plus fonder un licenciement du 22.01.14.

Dans ses dernières conclusions la société [L] fait appel incident et demande à la cour:

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de ROANNE dans l'intégralité de ces dispositions, à l'exception de celles qui ont reconnu à Monsieur [P] la classification de compagnon à compter du 1er avril 2011.

- de condamner Monsieur [P] à rembourser à la société [L] la somme versée en application de l'exécution provisoire du jugement entreprise soit 1 622,56 euros nets

- de le condamner à lui verser la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du CPC

La société [L] explique que monsieur [P] a été embauché en CDD au niveau de compagnon professionnel coefficient 2010 car il était affecté exclusivement à l'atelier puis en CDI comme ouvrier professionnel au coefficient 185, car il n'était affecté qu'à des fonctions de pose sur les chantiers.

L'employeur fait valoir que concernant les huit faits reprochés de harcèlement moral invoqués par monsieur [L], aucun n'est établi :

- que son embauche en CDI ne peut être considérée comme une rétrogradation, alors qu'il n'était plus affecté à l'atelier mais à la pose et que suite au changement de fournisseur, il a bien suivi une formation en juillet et septembre 2012 sur les fenêtres en aluminium,

- que le manque de matériel allégué n'est pas sérieux ni démontré,

- qu'il assistait bien aux réunions effectuées entre les poseurs avec l'entreprise,

- que les indemnités journalières (180 €) pour un salaire de 1 139 € et le complément de salaire lui ont été réglés dès la fiche de paie de novembre 2013 pour son arrêt de travail du 18 au 23 novembre 2013.

- que la réduction du temps de travail en juin 2013 et notamment le 14 juin 2013 ne peut constituer un grief de harcèlement et que fin juin et juillet 2013, il n'est pas le seul salarié de l'entreprise à n'avoir travaillé uniquement que 35 heures par semaine,

- que ses demandes de congés payés étaient systématiquement acceptées

- qu'enfin l'avertissement du 15 avril 2013 est justifié puisque monsieur [P] a présenté ses excuses.

En outre, la société [L] relève que Monsieur [P] ne produit aucune attestation médicale permettant de faire présumer une altération de sa santé physique ou mentale, que l'attestation de son médecin traitant ne fait état d'aucun trouble lié au travail et que les ordonnances de prescriptions d'anxiolytiques ne démontrent nullement que ces prescriptions seraient due aux conditions de travail, puisque la plus récente remonte à septembre 2013, soit bien après les faits qu'il reproche à son employeur.

Elle fait remarquer que Monsieur [P] a également des difficultés personnelles, ayant une fille handicapée.

Sur le licenciement, la société [L], sur les 2 derniers griefs concernant l'avertissement du 15.04.13 et les menaces et propos grossiers envers un client en juillet 2013, souligne que ces faits sont avérés et que quand bien même le 3ème grief serait prescrit, elle peut le rappeler à l'appui d'un nouveau fait fautif.

Sur le 1er grief concernant l'abandon de chantier, la société [L] fait valoir que deux témoins, affirment avoir vu monsieur [P] abandonner le chantier à 11 h 30 sans prévenir en laissant la fenêtre ouverte ainsi que le panneau sous la fenêtre non bouché, mettant en danger le résident âgé de la chambre.

L'employeur relève que c'est à tort que monsieur [P] soutient n'avoir pas eu le matériel nécessaire pour faire la pose alors que ses collègues ont terminé le chantier.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions écrites des parties qui ont été soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande nouvelle de transformation du CDD en CDI :

Aux termes de l'article L 1471-1 du code du travail : « toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qu'il exerce a connu ou aurait pu connaître les faits lui permettant d'exercer son droit... »

En l'espèce ce n'est que par des conclusions déposées en janvier 2016, que Monsieur [P] soulève que son contrat de travail a été signé le 20 novembre 2010 au lieu du 20 octobre 2010.

Son action est donc prescrite, ainsi que les demandes d'indemnité de requalification, de rappel de salaires et congés payés y afférents.

Sur la revendication de la qualification de compagnon

Les contrats de travail à durée déterminée de M.[P] mentionnaient un coefficient de 210 et la classification de compagnon, puis M. [P] a été employé en contrat à durée indéterminée avec un coefficient de 185 avec la classification ouvrier professionnel.

La société [L] soutient que lorsque M. [P] était employé en CDD, il était affecté à l'atelier et que lorsqu'il a été employé en CDI il n'était plus affecté à l'atelier mais sur les chantiers à la pose.

Mais aux termes du contrat de travail à durée indéterminée liant les parties, l'article 6.2 stipule que « M. [P] [C] exercera ses fonctions à l'atelier ou sur les différents chantiers de l'entreprise' ».

En outre, il résulte des feuilles de présence versées aux débats que Monsieur [P] dès son embauche effectuait les mêmes tâches : le travail en atelier et la pose sur le chantier en fonction des affectations données par son employeur.

La société [L] devait donc conserver sa qualification de compagnon professionnel, coefficient 210 à Monsieur [P].

Le conseil de prud'hommes en se basant sur les barèmes d'appointements minimaux des ouvriers du bâtiment employés dans les entreprises de la région Rhône-Alpes, occupant plus de 10 salariés, compagnon professionnel avec coefficient 210 sur la période de 2010 à 2014, a réactualisé les salaires de M. [P] qui n'avaient pas évolué sur cette période restant à 1695,50 euros bruts mensuels pour 151, 67 heures de travail, à hauteur de 2107,50 euros, somme dont le calcul n'est pas contesté par les parties.

Il convient donc de confirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ce point et de dire que la société [L] sera condamnée à payer à monsieur [P] la somme de 2 107,50 euros à titre de rappel de salaire, outre 210,75 € de congés payés y afférents.

Sur la demande nouvelle d'annulation de l'avertissement du 15 avril 2013 :

Le 15 avril 2013, il a été adressé un avertissement à M. [P] selon les termes suivants:

« Nous vous rappelons qu'à la demande de l'ensemble du personnel et en particulier de la vôtre, nous avons modifié les horaires de travail. Depuis le 2 avril et ce pour l'ensemble des équipes les horaires du matin sont :

- du mardi au vendredi 7 h 30 au lieu de 8 h 00 ouvrées (les horaires du lundi reste inchangés).

Vendredi 12 avril vous êtes arrivée à l'entreprise à 8 h 00 avec une demi-heure de retard, vous avez sans doute prévenu votre coéquipier, mais pas votre hiérarchie. De plus, en arrivant à l'entreprise, au lieu de rejoindre votre équipe de travail, vous êtes allé discuter avec un collègue.

Je vous ai demandé de justifier votre retard, mais au lieu de me fournir une explication, pour toute réponse vous m'avez répondu « boîte de merde » cette attitude est inadmissible et ne doit en aucun cas se reproduire.'

Or par courrier en réponse du 15.05.2013 monsieur [P] a présenté ses excuses en ces termes, à la fin de sa lettre :' Afin de se désenclaver de cette situation, je tiens à vous présente(z) des excuses si certains de mes propos ont pu vous choquer, en espérant que vous sachiez reconnaître ma bonne foi.'

En conséquence, monsieur [P] qui ne contestait pas les reproches objectifs de retard et les propos injurieux tels que rapportés dans la lettre d'avertissement, n'est pas fondé à demander l'annulation de cet avertissement qui était justifié.

Il sera donc débouté de sa demande nouvelle d'annulation de l'avertissement.

Sur le harcèlement moral :

L'article L. 1152-1 du code du travail dispose :

« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ;

L'article L1154-1du code du travail fixe ainsi qu'il suit les règles de preuve en matière de harcèlement:

Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement

Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles »;

En l'espèce, sur le harcèlement moral, monsieur [P] invoque sa rétrogradation en avril 2011, une modification de ses fonctions à compter du mois de septembre 2011 lors du changement de la gamme de produit, le manque de matériel, sa mise à l'écart lors des réunions organisées entre poseurs, des réflexions désobligeantes et impolies, le refus des jours de congé demandés pour événement familial en mai 2013, la modification de ses horaires sans l'en informer, la réduction de son temps de travail en juin 2013, l'absence de fourniture de travail, le retard dans le versement des indemnités journalières de la sécurité sociale en novembre 2013 résultant de l'absence de transmission de l'attestation la sécurité sociale, les sanctions disciplinaires injustifiées et les conséquences que tous ces faits ont eu sur son état de santé.

Monsieur [P] pour étayer sa demande de reconnaissance de harcèlement moral verse au débat,

- une attestation de monsieur [M] qui indique qu'il a personnellement travaillé avec sa perceuse filaire ainsi que sa petite meuleuse, que l'équipement fourni était précaire, escabeaux, échafaudage,

- une attestation de monsieur [A] qui précise que monsieur [P] et lui-même travaillaient dans des conditions difficiles, en raison du manque d'organisation, de matériels et de considération de la part de monsieur [S], n'obtenant que le strict minimum à contrario des autres poseurs,

- une attestation de son épouse, [R] [P] qui explique qu'il souffrait au travail,

- un compte rendu de la réunion des délégués du personnel du 5.11.13,

- une attestation de [Q] [D] qui témoigne des difficultés qu'il a rencontrées personnellement avec monsieur et madame [S],

- les attestations de [N], [V] [G] [X] [T], [Z] [Z], clients qui ont été satisfaits du travail effectués par monsieur [P],

- l'attestation de versement des indemnités journalières du 13.12.13,

- la lettre d'avertissement,

- le certificat d'accident de travail du 18 au 23 .11.13.

Pour s'opposer à la demande, la société [L] relève :

- que la lettre d'avertissement était fondée sur des faits objectifs que monsieur [P] n'a pas véritablement contesté et que la sanction disciplinaire était justifiée

- que monsieur [P] n'a pas fait l'objet de rétrogradation ni de modification de travail, lorsque son fournisseur de menuiserie en aluminium a changé,

- que d'ailleurs il a bien suivi une formation dispensée en juillet et septembre 2012 comme l'attestent les mails versés au débat entre la société SCHÜCO et monsieur [S],

- que les différentes fiches hebdomadaires versées au débat démontrent d'une part que les congés payés demandés par monsieur [P] étaient systématiquement acceptés et que fin juin et juillet 2013 il n'était pas le seul a n'avoir travaillé que 35 heures par semaine,

- qu'elle a bien acheté du matériel et de l'outillage ainsi que l'attestent les fiches comptables,

- que monsieur [P] a bien participé aux réunions de poseur, que la seule attestation de son épouse à l'appui de cette allégation est inopérante,

- que sa déclaration d'accident du travail a été faite dans les 48 heures et son attestation de salaire a été effectuée le 29.11.13

- qu'il ne justifie d'aucune altération de sa santé en lien avec ses conditions de travail, le certificat médical du 23 novembre 2013 faisant état de lombalgie et les ordonnances n'établissant pas une pathologie en lien avec les conditions de travail.

Il résulte de ces éléments que la société [L] démontre que les faits dénoncés par monsieur [P] ne sont pas constitutifs isolément ou dans leur ensemble de harcèlement moral et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et relevaient de son pouvoir de direction;

Le jugement rendu par le conseil de prud'hommes doit ainsi être confirmé en ce qu'il a débouté monsieur [P] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur :

En application de l'article L 1222-1du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Il appartient donc à Monsieur [P] de justifier de sa demande au titre du manquement à son obligation de loyauté par l'employeur.

M. [P] à l'appui de sa demande subsidiaire d'exécution déloyale du contrat, reprend exactement les mêmes griefs qu'il allègue à l'appui de sa demande de harcèlement moral.

Or ainsi qu'il l'a déjà été démontré, monsieur [P], à défaut d'autres griefs, ne justifie pas que les faits qu'il reproche à son employeur vont au-delà d'un différent sur les décisions prises par celui-ci dans l'exercice de son pouvoir de direction.

Il convient donc de confirmer la décision du conseil de prud'hommes et de débouter Monsieur [P] de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat par l'employeur.

Sur le licenciement :

Il résulte des articles L.1232-1 et L 1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d'une lettre de licenciement qui en énonce les motifs ;

En vertu de l'article 1235-1 du code du travail, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles; que si un doute subsiste, il profite au salarié;

La lettre de licenciement du 22.01.14 qui fixe les limites du litige énonce :

«' Le 27 décembre 2013, vous interveniez avec M. [I] et M. [G] sur le chantier de remplacement de fenêtres dans un appartement de la résidence de personnes âgées [Localité 4] [Adresse 3], sans motif particulier, et alors que les fenêtres déposées devaient encore être remplacées, vous avez abandonné le chantier en cours, laissant la personne occupant l'appartement avec des fenêtres manquantes, laissant vos collègues et Monsieur [I] et M. [G] le soin de pallier votre absence en terminant le chantier.

Ce comportement est inacceptableet fait suite à des précédents événements au cours de l'année 2013 déjà inadmissible :

-les propos insultants que vous avez eu à l'occasion d'une demande de justification de retards et qui ont donné lieu à un premier avertissement le 15 avril 2013,

-les menaces et propos grossiers que vous avez tenus à l'un de nos clients M. [E] en juillet 2013.. »

Il est donc fait état principalement de trois griefs.

Or le grief sur les propos insultants, a déjà fait l'objet d'un avertissement le 15 avril 2013, et ces faits ayant déjà été sanctionnés, ils ne peuvent constituer un motif du licenciement.

De même en ce qui concerne le grief sur les menaces et propos grossier tenus envers un client en juillet 2013, ces faits n'ayant pas été sanctionnés dans les deux mois alors que la société [L] avait reçu la lettre de mécontentement du client daté du 25 juillet 2013, ce grief ne peut fonder le licenciement

Enfin sur le grief concernant l'abandon du chantier le 24 décembre 2013 à 11h 30 au lieu de 12h 00, il ressort des témoignages versés au débat par l'employeur que si effectivement monsieur [P] a quitté le chantier à 11 h 30 au lieu de 12 heures alors que la pose habillage n'était pas faite, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas démontré de désagréments pour la résidente de la chambre et qu'en tout état de cause ce fait isolé de départ une demi-heure avant la fin de son service, un 24 décembre n'est pas de nature à fonder à lui seul un licenciement.

Il convient donc d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes et de dire que le licenciement de M. [P] est sans cause réelle ni sérieuse.

Sur l'indemnité de licenciement :

La moyenne non contestée des trois derniers mois travaillés par Monsieur [P] est de 1981,49 € et il a une ancienneté de 3 ans et de 5 mois dans l'entreprise. Il indique avoir effectué plusieurs missions intérimaires après son licenciement et être actuellement embauché par un contrat à durée déterminée du 12 octobre 2015 au 25 mars 2016 pour un salaire brut de 1592,53 euros.

Au vu de ces éléments il convient d'allouer à monsieur [P] une indemnité à hauteur de 15 000 €

Sur l'absence de visite médicale d'embauche :

Il n'est pas contesté par l'employeur que Monsieur [P] n'a pas bénéficié d'une visite médicale lors de son embauche, il convient donc d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ce point et de dire qu'il sera alloué à Monsieur [P] la somme de 400 € à titre indemnitaire.

Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat et à son obligation de formation :

Aux termes de l'article 4121-1 du Code du Travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ces salariés notamment par des actions de prévention des risques professionnels, par des actions d'information et de formation et par la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Il appartient à l'employeur dont le salarié, victime d'un accident du travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité.

En l'espèce, Monsieur [P] soutient qu'il ne disposait pas du matériel nécessaire à la réalisation de ses fonctions, qu'il a dû apporter ses propres outils dès son embauche, qu'il devait quotidiennement porter des menuiseries d'un poids largement supérieur à 55 kg, qu'il n'a jamais bénéficié d'aucune formation au port de charges lourdes ni à la sécurité en dépit des nombreux risques que comporte ces fonctions, que la société [L] n'a pas fourni le matériel indispensable pour assurer sa sécurité sur les chantiers le plaçant dans des situations extrêmement dangereuses, qu'il a dû en juillet 2013 lors du chantier [E], monter les fenêtres jusqu'au 11ème étage à l'aide d'une seule corde, sans équipement de sécurité, et que par la suite portant une menuiserie trop lourde avec une ventouse, il a senti une violente douleur au niveau des lombaires et que cette lombalgie droite a nécessité un arrêt de travail d'une semaine.

Pour étayer sa demande au titre du manquement par son employeur à son obligation de sécurité de résultat, il produit des attestations de Messieurs [M] et [A] ainsi que l'attestation de son épouse, outre un certificat médical initial du 18/11/2013 faisant état d'une lombalgie droite.

Or la société [L] fait remarquer à juste titre, que monsieur [P] évoque un accident du travail, soit une lombalgie qui serait survenu en novembre 2013, alors que les manquements de sécurité allégués concerneraient le chantier [E], qui s'est déroulé en juillet 2013.

Par ailleurs l' attestation de monsieur [M] et celle de monsieur [A], concernant le chantier [E] et l'absence de matériel sont vagues et insuffisamment circonstanciés et l'attestation de l'épouse de monsieur [P] qui ne travaillait pas sur les chantiers est inopérante.

En conséquence la société [L] démontre que la survenance de l'accident survenu dans des circonstances inexpliquées par monsieur [P] le 18.11.13 est étrangère aux manquements de l' obligation de sécurité alléguée sur le chantier [E] en juillet 2013.

Monsieur [P] soutient également qu'il était contraint d'effectuer les raccordements électriques des volets roulants alors même qu'il ne disposait d'aucune formation en électricité et qu'il ne disposait plus de l'habilitation nécessaire.

Mais il ressort du curriculum vitae de monsieur [P] qu'il possède une habilitation sur les raccordements électriques.

Or monsieur [P] n'explique pas pourquoi il n'aurait plus cette habilitation en l'absence de formation et ne verse aucun élément à l'appui de ses allégations.

Il convient donc de confirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ce point et de rejeter la demande de monsieur [P].

sur la remise tardive du certificat destiné à la caisse des congés payés :

La société [L] ne conteste pas n'avoir pas envoyé spontanément le certificat destiné à la caisse des congés payés et avoir attendu que le conseil de M. [P] lui en fasse la demande par courrier officiel du 11 juin 2014.

M. [P] justifie n'avoir reçu ce certificat que le 19 juin 2014, soit près de trois mois après la fin de son préavis, que pôle emploi lui a donc appliqué le délai de carence maximale, ce qui lui a causé un préjudice certain qu'il convient de réparer à hauteur de 400 €

L'équité commande de condamner la société [L] à verser la somme de 1500 €

à Monsieur [P] en application de l'article 700 du CPC

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré,

- en ce qu'il a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse

- en ce qu'il a débouté monsieur [P] de sa demande au titre de l'absence de visite médicale d'embauche.

- en ce qu'il a débouté monsieur [P] de sa demande au titre de la remise tardive du certificat destiné à la caisse des congés payés;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de monsieur [C] [P] n'est pas nul mais dénué de cause réelle et sérieuse

Condamne la société [L] à verser à monsieur [C] [P] la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamne la société [L] à verser à monsieur [C] [P] la somme de 400 € à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche

Condamne la société [L] à verser à monsieur [C] [P] la somme de 400 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive du certificat destiné à la caisse des congés payés.

CONFIRME le jugement déféré :

- en ce qu'il a fixé la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire de monsieur [C] [P] à la somme de 1 981.49 €

- en ce qu'il condamné la société [L] à payer à monsieur [C] [P] la somme de 2 107.50 € à titre de rappel de salaire sur la base de la position de compagnon professionnel , niveau 3 , coefficient 2010 et la somme de 210.75 € au titre des congés payés y afférents

- en ce qu'il a débouté monsieur [C] [P] de ses demandes au titre du harcèlement moral, de l'exécution déloyale du contrat de travail, du manquement à son obligation de sécurité de résultat et à son obligation de formation par l'employeur,

- en ce qu'il a débouté les parties du surplus de leur demandes

- en ce qu'il a condamné la SARL SOCIETE NOUVELLE DES ETABLISSEMENT [L] aux entiers dépens de l'instance.

Y ajoutant,

Déclare prescrites les demandes nouvelles de transformation du CDD en CDI de monsieur [C] [P] et les indemnités salariales y afférentes

Déboute monsieur [C] [P] de sa demande nouvelle d'annulation de l'avertissement du 15.04.13.

Condamne la SARL SOCIETE NOUVELLE DES ETABLISSEMENT [L] à payer à monsieur [C] [P] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du CPC.

Déboute la SARL SOCIETE NOUVELLE DES ETABLISSEMENT [L] du surplus de ses demandes au titre du remboursement de la somme versée de 1 622.56 € et au titre de l'article 700 du CPC

Déboute monsieur [P] [C] du surplus de ses demandes.

Condamne la SARL SOCIETE NOUVELLE DES ETABLISSEMENT [L] aux dépens de l' instance d'appel.

LA GREFFIÈRELE PRESIDENT

Malika CHINOUNE Jean- Louis BERNAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 15/04057
Date de la décision : 29/04/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°15/04057 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-29;15.04057 ?
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