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28/04/2016 | FRANCE | N°12/06958

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 28 avril 2016, 12/06958


R.G : 12/06958









Décision du tribunal de commerce de Saint- Etienne

Au fond du 26 septembre 2012



2ème chambre



RG : 2012 F611

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 28 Avril 2016







APPELANTE :



SA HAULOTTE GROUP

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par la SELARL PRIOU-MARGOTTON, avocat au barreau d

e LYON



assistée de Maître Emmanuelle DEVIN et Maître Michel BELLAICHE de l'ASSOCIATION BELDEV ASSOCIATION D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS









INTIMEE :



Société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED

[Adresse 1]

[Localité 2]


...

R.G : 12/06958

Décision du tribunal de commerce de Saint- Etienne

Au fond du 26 septembre 2012

2ème chambre

RG : 2012 F611

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 28 Avril 2016

APPELANTE :

SA HAULOTTE GROUP

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par la SELARL PRIOU-MARGOTTON, avocat au barreau de LYON

assistée de Maître Emmanuelle DEVIN et Maître Michel BELLAICHE de l'ASSOCIATION BELDEV ASSOCIATION D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

assistée de Maître Joaquim RUIVO, avocat au barreau de PARIS

******

Date de clôture de l'instruction : 10 Février 2015

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Novembre 2015

Date de mise à disposition : 21 janvier 2016, prorogée au 28 janvier 2016, au 4 février 2016, au 3 mars 2016, au 31 mars 2016, puis au 28 avril 2016, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Michel GAGET, président

- Catherine ROSNEL, conseiller

- Françoise CLEMENT, conseiller

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l'audience, Catherine ROSNEL a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS , PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société HAULOTTE GROUP spécialisée dans la fabrication de nacelles élévatrices a souscrit un contrat d'assurances 'tous dommages sauf' le 1er janvier 2011 par l'intermédiaire de son courtier le cabinet GRAS SAVOYE auprès de la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED.

Elle a en outre conclu avec la société EURIWARE un contrat d'infogérance , cette dernière faisant appel au terme d'un avenant souscrit en 2009 à un sous traitant la société OXIA basée en Tunisie.

Le 20 avril 2011, la société HAULOTTE a subi un sinistre informatique sur son site [Localité 3] et plus précisément sur son système RAID 5, entraînant la disparition massive de fichiers liée à un dysfonctionnement de la sauvegarde et à une tentative de restauration.

Le 30 mai 2011, la société HAULOTTE GROUP a effectué une déclaration de sinistre auprès de la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED.

Une expertise a été diligentée par l'assureur sous réserve de mobilisation de la garantie.

Les opérations se sont déroulées entre juillet et octobre 2011, sans prise de position formelle de l'assureur de sorte que par courrier du 14 décembre 2011 la société HAULOTTE, alléguant les frais induits par la recherche des fichiers corrompus, a mis en demeure l'assureur de lui confirmer sa prise en charge et de lui verser un acompte de 400 000 €.

En réponse la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED a indiqué refuser sa garantie.

Sur l'assignation devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne délivrée par la société HAULOTTE GROUP le 22 mai 2012, après autorisation d'assigner à jour fixe, la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED a indiqué avoir appelé en intervention forcée les sociétés EURIWARE et KROLL ONTRACK qui étaient intervenues sur le système informatique.

La jonction de ces procédures n'a pas été autorisée par le tribunal de commerce qui a constaté que les sociétés KROLL ONTRACK et EURIWARE ne pouvaient utilement intervenir dans le débat portant uniquement sur l'interprétation du contrat d'assurance, la question de la mobilisation ou non de la garantie étant sans lien avec celle de l'imputabilité du sinistre.

Depuis lors la société HAULOTTE GROUP a obtenu en référé le 12 décembre 2012 la désignation d'un expert et le versement d'une provision de 300 000 € mais cette décision a été

infirmée par arrêt du 11 février 2014, la cour d'appel considérant que la société HAULOTTE ne pouvait prétendre au versement d'une provision, les causes exactes du sinistre restant inconnues.

Par jugement du 26 septembre 2012, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

- dit que les données informatiques n'entraient pas dans le champ contractuel du contrat d'assurance souscrit,

- dit que le sinistre n'était pas couvert,

- débouté la société HAULOTTE GROUP de toutes ses demandes,

- condamné la société HAULOTTE à payer à la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED, une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Appel du jugement a été interjeté le 1er octobre 2012 par la société HAULOTTE GROUP.

Par ses dernières écritures récapitulatives du 4 décembre 2014, la société HAULOTTE GROUP sollicite l'infirmation de la décision au motif :

- que la perte de données résulte d'un dommage matériel garanti atteignant un bien assuré constitué par les disques durs du système informatique dont le fonctionnement a été altéré,

- que la garantie frais et pertes souscrite à concurrence de 10 000 000 € inclut la reconstitution de données,

- que la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED doit sa garantie,

- qu'il y a lieu de renvoyer les parties à l'évaluation de gré à gré de l'indemnisation telle que prévue contractuellement,

- qu'il convient de condamner la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED à lui verser la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en effet :

- que le contrat garantit tout, sauf ce qui est exclu et porte sur les dommages matériels et les pertes consécutives suite à la survenance d'un événement non expressément exclu au chapitre II exclusions générales,

- que la société HAULOTTE a conclu un contrat d'infogérance avec la société EURIWARE le 30 janvier 2006 pour 5 ans ayant notamment pour objet l'externalisation de la gestion du système informatique,

- que ce contrat a été modifié en 2009 prévoyant notamment le transfert par EURIWARE de la gestion du système informatique de la société HAULOTTE vers un de ses sous traitant basé en TUNISIE, la société OXIA et prolongé jusqu'en janvier 2013,

- que ledit contrat d'infogérance prévoit que le prestataire est soumis à un engagement de résultat pour le respect des indicateurs qualité définis aux annexes 'convention de services' et 'plan de management',

- que le 15 et le 19 avril 2011, deux disques durs ont été endommagés le disque ID2 et le disque ID5 occasionnant une lenteur anormale du serveur du site,

- que postérieurement au blocage des disques est survenu un phénomène de bad stripes correspondant à une désorganisation logique de l'information et une déstructuration des pistes constatée le 20 avril 2011,

- que la société IBM a soupçonné une défaillance générale du système RAID 5 et que la défaillance du serveur avait pour cause un problème hard 'matériel 'au niveau des disques,

- qu'IBM a communiqué à EURIWARE la procédure à respecter pour remettre en état les disques et pour restaurer les données,

- que le 9 mai 2011, un troisième disque ID4 s'est bloqué et qu'IBM a conclu à son remplacement effectué le 11 mai,

- qu'à la suite de ces pannes, sont apparues des dégradations progressives des données,

- que le 18 mai la société HAULOTTE a déclaré le sinistre à son courtier et l'a invité à se rapprocher de la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED pour l'en informer,

- que le 14 juin 2011 la société HAULOTTE a complété sa déclaration,

- que la société HAULOTTE a désigné comme expert monsieur [Z] consultant en assurance tandis que messieurs [I] et [P] étaient désignés comme experts par la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED,

- que deux réunions se sont tenues entre experts de juin à octobre 2011 monsieur [Z] étant assisté de monsieur [T] [O], expert informatique,

- que l'expert de la compagnie d'assurance n'a pas daigné partager son analyse du sinistre avec la société HAULOTTE et ses représentants,

- que le 14 octobre monsieur [Z] a transmis à son confrère le rapport d'incident 'RIT' d'EURIWARE confirmant l'aveu du prestataire selon lequel l'incident était lié à un problème matériel suivi d'une perte de fichiers et donc de données,

- que la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED a refusé plusieurs réunions sous des prétextes fallacieux, sans se prononcer sur sa garantie avant d'opposer un refus au motif que la société HAULOTTE ne rapportait pas la preuve que le sinistre constituait un dommage matériel,

- que c'est dans ces conditions que la société HAULOTTE a du se résoudre à assigner la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED afin qu'il soit tenu de garantir le sinistre,

- que confrontée au refus de son assureur et à la mauvaise foi de la société EURIWARE, la société HAULOTTE a dû solliciter une expertise judiciaire,

- que l'expert judiciaire monsieur [R] a déposé une note technique le 27 décembre 2013 par laquelle il a constaté la réalité des manquements de la société EURIWARE et la réalité des pertes de données sur le serveur [Localité 3],

- que la société XL est intervenue volontairement aux opérations d'expertise,

- que le tribunal de commerce a retenu l'exclusion au titre de l'ensemble des informations et données informatiques ou non sur tout support et a retenu que la société HAULOTTE ne rapportait pas la preuve d'un dommage sur un bien assuré,

- que la garantie des 'frais et pertes divers' porte notamment sur les frais de reconstitution de données,

- que la question est de savoir si les frais de reconstitution résultent d'un sinistre provenant d'un dommage matériel garanti,

- qu'en l'espèce, ce sont les disques qui ont été défaillants,

- que la garantie bris bureautique : informatique est acquise à concurrence de 500 000 €,

- que la garantie des frais et perte l'est aussi y compris les frais de reconstitution des données à concurrence de 10 millions d'euros.

Dans ses dernières écritures du 18 avril 2014, la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de la société HAULOTTE à lui verser la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en effet :

- que la société HAULOTTE a confié la gestion et la maintenance de son système informatique à la société EURIWARE,

- que la société KROLL ON TRACK est intervenue dans le cadre d'une tentative de récupération des données,

- que l'expertise ordonnée par le tribunal de commerce statuant en référé le 12 décembre 2012 à la requête de la société HAULOTTE GROUP en la personne de monsieur [R] afin notamment de rechercher les causes et origines de l'incident survenu le 20 avril 2011 n'a été rendue qu'au contradictoire de la société EURIWARE,

- que selon la société EURIWARE c'est la mise en oeuvre d'un processus de sauvegarde défectueux qui est à l'origine de l'altération des fichiers,

- que la déclaration de sinistre a été faite plus d'un mois après par la société HAULOTTE GROUP le 30 mai 2011,

- que la compagnie XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED a mandaté le cabinet CUNNINGHAM LINDSEY en la personne de messieurs [I] et [P] en qualité d'experts pour instruire le dossier sous réserve de mobilisation de la garantie,

- que dès la réunion du 6 juillet 2011, ils ont mis en cause la société EURIWARE,

- qu'il ressort des investigations que l'incident s'est produit au niveau du serveur 5 dédié à la production,

- que dès le 15 juillet la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED a émis les plus expresses réserves sur la prise en charge du sinistre, rappelant les exclusions stipulées au contrat, notamment les informations et données informatiques et suggérait une déclaration de sinistre auprès de l'assureur qui aurait éventuellement consenti une police garantissant ce type de risque informatique,

- qu'elle a même proposé à deux reprises de prendre en charge pour le compte de qui il appartiendra les frais du conseil choisi pour mettre en place un recours contre les fournisseurs de la société HAULOTTE dont la responsabilité semble engagée au regard de leurs obligations contractuelles,

- que les données informatiques n'ont jamais été déclarées comme bien à assurer et que la société HAULOTTE n'a jamais évoqué ou critiqué l'exclusion de la perte de données lors de la discussion du contrat reconnaissant implicitement que pour elle les données informatiques n'étaient pas couvertes par la police,

- que la garantie de la perte de données n'est jamais entrée dans le champ contractuel,

- que la première des démarches est de pouvoir identifier la nature et l'étendue de l'incident survenu le 20 avril 2011 et non de déterminer si les garanties de la société XL sont mobilisables ou non,

- qu'en l'état il appert que l'incident du 20 avril est consécutif à une défaillance du programme de sauvegarde dont la société EURIWARE avait la charge,

- qu'il y a lieu aussi de s'interroger sur les conditions et la méthodologie mise en oeuvre par la société KROLL ON TRACK dans sa tentative de récupération des données,

- que la question est de savoir si une police d'assurances des biens de l'entreprise classique 'tous dommages sauf' a vocation à s'appliquer en l'espèce,

- que d'ordinaire en matière de risques informatiques il est d'usage de proposer un contrat d'assurance spécifique appelé 'tous risques informatiques' comportant la prise en charge des frais de reconstitution des données,

- qu'en principe la garantie n'est accordée que si l'assuré propose un plan de sauvegarde des données,

- que cette garantie spécifique suit un régime distinct des polices 'tous dommages sauf' classiques en matière de biens,

- qu'il appartient à l'assuré de prouver que la garantie est mobilisable pour ce type de sinistre,

- qu'en l'espèce dans le cadre de la garantie classique 'tous dommages sauf' les clauses relatives aux dommages informatiques doivent s'analyser comme des clauses fixant l'objet de la garantie et non comme des clauses d'exclusion,

- que ce qui est assuré en tout état de cause c'est le coût de remplacement ou de reconstitution des supports matériels et frais de reconstitution les frais de report de l'information sur support mais pas l'indemnisation de la perte définitive de données,

- qu'il n'y a jamais eu de problèmes matériels au sens strict du terme car seules les données ont été perdues à l'exclusion de tout bien matériel atteint mais des problèmes de fonctionnement du logiciel de stockage des données,

- que pour y remédier il fallait réinitialiser les disques,

- que selon la note déposée par l'expert [R], l'incident est d'ordre logique complété par un problème de mauvaise sauvegarde,

- qu'aucun bris physique n'est survenu IBM ayant seulement préconisé l'effacement des données et leur réinscription.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 février 2015.

MOTIFS ET DÉCISION

Attendu que le contrat d'assurance 'tous risques sauf' est un contrat d'assurance de dommages aux biens qui a vocation à s'appliquer à tous les biens et tous les sinistres même non déterminés au moment de sa conclusion sauf à ceux qui sont expressément exclus par les conditions particulières ;

Attendu qu'en l'espèce le contrat d'assurance de ce type conclu entre la société HAULOTTE GROUP et la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED le 1er janvier 2011, l'a été par l'intermédiaire du courtier de l'assuré, le cabinet GRAS SAVOYE et au terme de diverses négociations ;

Attendu que l'existence d'un contrat d'infogérance permettant l'externalisation du service d'information de la société HAULOTTE antérieurement conclu avec la société EURIWARE depuis 2006 et modifié en dernier lieu par un avenant de 2009, était nécessairement connue du courtier, de même que la faculté de souscrire en complément, tout contrat d'assurance spécifique adapté aux risque informatiques les plus étendus à défaut de suppression des clauses d'exclusion figurant au conditions particulières du contrat XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED ;

Attendu que selon les conditions particulières le contrat d'assurances litigieux a pour objet de garantir :

- les dommages matériels et pertes consécutives suite à la survenance d'un événement non expressément exclu au chapitre II exclusions générales,

- les biens décrits au chapitre 1 'biens responsabilités et perte assurés' contre tous risques quelles qu'en soit la cause sous réserve des seules exclusions prévues au chapitre II,

- les frais et pertes prévus au chapitre 1"frais et pertes assurées',

- les responsabilités objet du chapitre 1"responsabilités assurées',

- les pertes d'exploitations selon les dispositions du chapitre 'pertes d'exploitation' du paragraphe E du chapitre 1 ;

Attendu en effet que le dommage couvert est défini aux conditions générales comme le préjudice de toute nature ; que celui ci peut être matériel comme résultant d'une atteinte à la structure ou à la substance des choses, ou immatériel et correspondant aux frais et pertes pécuniaires de toute nature ;

Attendu que le sinistre est l'ensemble des dommages susceptibles d'entraîner la garantie des assureurs résultant d'un même événement garanti par la police ;

Attendu que les conditions particulières définissent le dommage matériel comme toute altération, destruction, atteinte à la structure ou à la substance, disparition, perte d'un bien et le dommage immatériel comme tous les dommages autres que corporel ou matériel consistant en frais et pertes pécuniaires de toute nature ainsi que les conséquences pécuniaires des responsabilités encourues par l'assuré ;

Attendu que le sinistre est la survenance d'un dommage matériel ou d'une perte non exclus par la police atteignant un bien assuré ;

Attendu que le bris de machine correspond à 'la survenance de dommages sur les machines et matériels y compris matériels informatiques fixes et portables tels que bris, déformation fissuration, effondrement résultant des causes suivantes :

- causes internes : erreur de conception ; de calcul ,défaut de matière, vice de construction

- causes externes : introduction pénétration, chute, ou heurt des corps étrangers, effondrement partiel ou total de bâtiment

- incidents d'exploitation :grippage, déréglage, vibration ,desserrage de pièces, échauffement mécanique, usure mécanique, thermique ou chimique, défaut de graissage, manque d'eau dans les chaudières ou récipients à vapeur, coup de bélier, surchauffe localisée, coup de feu, défaillance des appareils de régulation, contrôle, sécurité, maladresse, négligence ,inexpérience ou malveillance des préposés des assurés ou de tiers ;

la garantie est notamment acquise pour les matériels informatiques portables à l'extérieur des locaux assurés' ;

Attendu que s'agissant des frais de reconstitution des médias informatiques résultant d'un événement garanti, le contrat mentionne 'la prise en charge du coût de reconstitution ou de remplacement de tous supports informatiques tels que cartes perforées, bandes, disquettes archives, fichiers, microfilms etc.. comprenant le coût de reconstitution ou de remplacement des supports matériels et frais de reconstitution et de report de l'information' et précise que 'le paiement de l'indemnité n'est effectué que sur justification du remplacement ou de la reconstitution des documents ou objets détruits ou endommagés et de leurs informations et production des mémoires et factures, au plus tard dans un délai de deux ans à partir de la date du sinistre' ;

Attendu que ne sont ainsi pris en charge que les frais de duplication sur un support neuf de données dont le support matériel a été détruit, à partir d'une sauvegarde existante ;

Attendu que selon le contrat 'tous dommages sauf' sont exclus de la garantie 'l'impossibilité totale ou partielle pour l'assuré d'utiliser ou d'accéder aux informations qu'il détient ou à celles de ses prestataires ou fournisseurs ainsi que les frais et pertes (y compris les pertes d'exploitation) qui en résultent' ;

Attendu que le contrat stipule encore 'sont également exclus l'ensemble des informations et données informatiques ou non sur tous supports (c'est à dire tous les dispositifs capables de stocker les informations tels que disques, disquettes, bandes audio et vidéo, cartouches, cassettes magnétiques CD ROM, mémoires vives, circuits intégrés, micro processeurs, archives plans) que l'assuré détient à un quelque titre que ce soit dans l'exercice de ses activités (y compris en cours de transmission et de traitement ) ;

Restent toutefois couverts dans la mesure où leur garantie est prévue au contrat, les frais de duplication des informations sur supports informatiques et le coût de reconstitution des informations sur support non informatiques consécutifs à un dommage matériel garanti au contrat ;

Attendu qu'en l'espèce, il est constant que la société HAULOTTE revendique l'application du contrat ensuite d'un dommage informatique survenu sur le site [Localité 3] le 20 avril 2011, ayant entraîné une perte de données, considérant que la garantie bris de machine est acquise, à concurrence de 500 000 €, de même que la garantie des frais et pertes, celle ci devant selon elle, inclure les frais de reconstitution des données à concurrence de 10 000 000 € ;

Attendu toutefois qu'il ressort des éléments de la procédure que l'architecture informatique de la société HAULOTTE repose sur un système RAID 5 ; que celui ci permet de scinder l'inscription des données en plusieurs fichiers sur les partitions de plusieurs disques durs, de sorte que la défaillance d'un disque, permet la récupération des données figurant sur les autres partitions ;

Attendu que le rapport d'incident dit RIT établi le 20 avril 2011 fait état d'un incident détecté le 20 avril 2011 à 00h47 relevant des erreurs de bad stripes sur la carte RAID ;

Attendu que le premier ticket ouvert chez IBM le 21 avril préconisait de casser le logical drive et de le créer ce qui entraînerait la perte de toutes les données et nécessitait au préalable une copie des données du serveur; que le deuxième ticket chez IBM avait préconisé la même solution soit : casser le logical drive, formater les disques, recréer le logical drive et restaurer les données ; qu'il apparaît que cette procédure a été appliquée le 24 avril 2011 avec suppression de la partition F et du logical drive puis création de ces éléments et création des dossiers partagés 'communs' et 'users' sous la partition F ; que toutefois au moment de la copie des données sauvegardées sont apparus des erreurs avec modification des droits d'accès pour les utilisateurs ; que le 2 mai certains utilisateurs se sont plaint de la disparition de certains fichiers et à l'inverse de la réapparition d'anciens fichiers ;

Attendu que la persistance des difficultés a conduit a envoyer les disques à la société KROLL ON TRACK le 10 mai 2011 pour tenter de récupérer les données, ceux ci étant restitués le 6 juin 2011et l'opération n'ayant pas permis de retrouver l'intégralité des fichiers perdus ;

Attendu que toutefois dès le 13 mai 2011 la société HAULOTTE a mis en demeure la société EURIWARE de réparer son système par un courrier soulignant son 'incapacité persistante à restaurer les données du site industriel [Localité 3] en raison d'une défaillance technique sévère du serveur IBM dont (elle avait) la responsabilité de gestion et d'administration en application du contrat d'infogérance conclu le 31 janvier 2006", écrivant au sujet de la réunion du 11 mai 'votre incapacité à sauvegarder et restaurer l'intégralité de ces données a clairement été démontrée par l'absence de mise en place des moyens techniques propres à les sauvegarder intégralement et sans altération' et ajoutant 'nous nous sommes aussi rendus compte que vous n'avez jamais effectué de sauvegardes exhaustives ni tests de restauration etc...depuis plusieurs années]...[Le serveur en question n'est donc plus opérationnel en raison des données perdues' ;

Attendu qu'en réponse la société EURIWARE a répliqué avoir effectué plusieurs actions correctrices y compris du script de sauvegarde défaillant d'un autre site de la société et avoir élaboré un plan d'action de sécurisation des données et du système d'information de la société HAULOTTE qu'elle entendait lui soumettre le 1er juin 2011 ;

Attendu que la déclaration de sinistre faite à titre conservatoire par la société HAULOTTE à la société GRAS SAVOYE le 18 mai 2011 évoque bien la perte de données informatiques et mentionne l' impossibilité de chiffrer le préjudice qui en est résulté ;

Attendu que le 22 septembre 2011 la société HAULOTTE a sur la base de ce qu'elle considérait comme des manquements graves de la société EURIWARE à ses obligations et de son attitude jugée dilatoire dans le cadre de l'expertise amiable diligentée par la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED résilié le contrat d'infogérance pour faute grave aux torts exclusifs de la société EURIWARE ;

Attendu que de son coté la société EURIWARE conteste ces allégations invoquant l'absence de fourniture de moyens par la société HAULOTTE pour lui permettre la sauvegarde de sites distants dont celui [Localité 3] et le fait que par deux fois depuis 2006 la société HAULOTTE n'aurait pas suivi ses préconisations en matière de sécurisation de son système ;

Attendu que l'expertise judiciaire ordonnée à la demande de la société HAULOTTE dans le litige qui l'oppose par ailleurs à la société EURIWARE a donné lieu à l'élaboration d'une note technique par l'expert monsieur [R] le 27 décembre 2013 ;

Attendu qu'il en résulte que le serveur concerné par l'incident comporte un système RAID 1 pour le système et un serveur RAID 5 pour le stockage des données reparties entre une machine virtuelle d'impression non affectée par l'incident et une machine virtuelle contenant trois partitions dont seule la partition F contenant un répertoire 'commun' et un répertoire 'users' a été affectée ;

Attendu qu'il relève que le système RAID 5 est dit 'à tolérance de panne' et est capable de continuer à fonctionner en cas de panne d'un des disques sans être infaillible en cas de pannes simultanée de plusieurs disques ou du contrôleur lui même ;

Attendu que l'expert situe la chronologie de l'incident du 20 avril au 6 juin 2011mais a également constaté que l'analyse des logs du système RAID 5 faisait apparaître des messages d'alertes signalant des risques de perte de données dus à une situation critique du disque logique du contrôleur 1 notamment du 15 au 19 avril 2011, une reconstruction du RAID 5 ayant débuté le 19 avril à 1h19 ;

Attendu qu'il estime que la perte des fichiers de données est établie mais reste à quantifier et que l'incident a été provoqué par une perte du système RAID 5 de stockage de données ; que des bad stripes sont à l'origine de celle ci et que les actions menées par EURIWARE pour y remédier sont inconnues ;

Attendu qu'ainsi il apparaît que la perte de données survenue dans le cadre d'un dysfonctionnement ou d'une panne ne saurait être assimilée à un bris de machine ou à un bris informatique au sens des stipulations, dès lors que le sinistre est survenu au moment de l'exécution du script de sauvegarde qui selon la méthode préconisée par la société IBM, devait permettre la récupération des données et qui en l'espèce compte tenu des messages d'erreurs qui l'ont précédé ne revêt pas le caractère d'un événement accidentel et soudain qui est de l'essence même du contrat d'assurance ;

Attendu que par suite il convient de débouter la société HAULOTTE de toutes ses demandes et de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne en ce qu'il a dit que la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED ne devait pas sa garantie en l'absence d'un dommage matériel garanti ;

Attendu que l'équité commande de condamner la société HAULOTTE à payer en outre au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 5 000, 00 € ;

Attendu que la société HAULOTTE GROUP doit supporter les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SELARL LAFFLY et ASSOCIES sur son affirmation de droit ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare la société HAULOTTE GROUP recevable en son appel ;

Constate que la société HAULOTTE invoque un préjudice résultant de la perte de données informatiques ;

Déboute la société HAULOTTE de toutes ses demandes tant au titre de la sous garantie bris informatique que de la sous garantie frais et pertes ;

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne en ce qu'il a dit que la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED ne devait pas sa garantie en l'absence d'un dommage matériel garanti et du fait de l'exclusion de garantie des données informatiques ;

Y ajoutant,

Condamne la société HAULOTTE GROUP à verser à la société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société HAULOTTE aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement au profit de la SELARL LAFFLY et ASSOCIES sur son affirmation de droit.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

Joëlle POITOUXMichel GAGET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 12/06958
Date de la décision : 28/04/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°12/06958 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-28;12.06958 ?
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