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27/04/2016 | FRANCE | N°15/00043

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 27 avril 2016, 15/00043


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 15/00043





société COVED



C/

[A]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 04 Décembre 2014

RG : F 12/04994











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 27 AVRIL 2016







APPELANTE :



société COVED

[Adresse 1]

[Adresse 1]

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représentée par Me Cyrille FRANCO de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me HACQUET







INTIMÉ :



[A] [A]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1] (69)

Le [Adresse 2]

[Adresse 2]



comparant en personne, assisté de Me Jean-Christophe KANEDA...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 15/00043

société COVED

C/

[A]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 04 Décembre 2014

RG : F 12/04994

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 27 AVRIL 2016

APPELANTE :

société COVED

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Cyrille FRANCO de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me HACQUET

INTIMÉ :

[A] [A]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1] (69)

Le [Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Jean-Christophe KANEDANIAN de la SELARL BRUN & KANEDANIAN, avocat au barreau de GRENOBLE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Janvier 2016

Présidée par Michel BUSSIERE, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel BUSSIERE, président

- Agnès THAUNAT, conseiller

- Marie Christine DE LA SALLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Avril 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel BUSSIERE, Président et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Monsieur [A] [A] a été embauché à compter du 1er septembre 2008 pour une durée indéterminée en qualité de responsable commercial, niveau de responsabilité de chef de groupe, statut cadre, coefficient 170, par la société COLLECTES VALORISATION ÉNERGIE DÉCHETS (COVED). Depuis le 1er avril 2010, il a occupé le poste de chef de centre et a assumé la responsabilité des sites d'[Localité 2] ([Localité 3]) et de [Localité 4] ([Localité 5]). Au dernier état de la relation de travail, il percevait un salaire brut de base de 4.920 € outre un avantage en nature consistant en un véhicule.

La société COVED prétend avoir constaté dès l'année 2012 de nombreuses insuffisances de la part de Monsieur [A] ainsi que des dysfonctionnements dans l'exercice de son activité, de sorte qu'elle l'a reçu en entretien au mois de mars 2012 à l'issue duquel il avait été convenu de la mise en place d'un plan d'action avec l'assistance du cabinet d'audit WARC puis, avec son accord, de le décharger de la gestion du site de [Localité 4] à compter du mois de juillet 2012 pour lui permettre de se concentrer sur celui d'[Localité 2], mais que le rapport établi par le cabinet WARC le 3 septembre 2012 a mis en évidence l'absence d'amélioration et la persistance de ses insuffisances.

Monsieur [A] soutient pour sa part qu'à la suite de changements au niveau de l'équipe de directions, il a été ouvertement mis en difficulté pour s'être vu retirer au mois de juillet 2012, sans son accord ni respect des règles procédurales, la responsabilité du site d'[Localité 2], vidant ainsi son poste de sa substance.

Convoqué le 18 septembre 2012 à un entretien préalable fixé au 25 septembre suivant avec mise à pied conservatoire en vue de son licenciement, il a été licencié pour insuffisance professionnelle, avec dispense d'exécution de son préavis de trois mois, selon lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 octobre 2012.

Monsieur [A] a contesté le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail en saisissant le 24 décembre 2012 la juridiction prud'homale de demandes tendant à faire constater l'absence de cause réelle et sérieuse à son licenciement et condamner la société COVED à lui payer les sommes de 57.000,00 € à titre de dommages-intérêts et de 3.000,00 € titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société COVED s'est opposée à ses demandes et a sollicité l'octroi de la somme de 1.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Par jugement rendu le 4 décembre 2014, le conseil de prud'hommes de [Localité 3], section encadrement, a considéré que le licenciement de Monsieur [A] était dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que la société COVED, qui avait notifié au salarié une mise à pied à titre conservatoire, avait pris la décision d'appliquer une procédure de droit disciplinaire au lieu d'un licenciement pour motif personnel et qu'en outre les griefs énoncés dans la lettre de licenciement tenant à son insuffisance professionnelle lui étaient inopposables du fait qu'il n'était plus responsable depuis le 25 juillet 2012 des sites d'[Localité 2] et de [Localité 4].

Le conseil de prud'hommes a en conséquence condamné la société COVED à payer à Monsieur [A] les sommes de 46.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, débouté la société COVED de sa demande reconventionnelle, ordonné le remboursement par la société COVED aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié à hauteur de trois mois d'indemnités et condamné la société COVED aux dépens.

Par lettre recommandée en date du 2 janvier 2015 enregistrée le 5 janvier suivant au greffe de la cour, la société COVED a régulièrement interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 8 décembre 2014. Elle en demande l'infirmation par la cour en reprenant oralement à l'audience du 20 janvier 2016 par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'elle a fait déposer le 19 juin 2015 et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de ses prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, et tendant à :

A titre principal,

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de [Localité 3] le 4 décembre 2014 en toutes ses dispositions ;

Dire et juger que le licenciement de Monsieur [A] est justifié par une cause réelle et sérieuse;

Débouter Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

Minorer le quantum de la demande de Monsieur [A] à la somme de 34.242,00 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause,

Condamner Monsieur [A] au paiement de la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur [A] a pour sa part fait reprendre à cette audience par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'il a fait déposer le 24 novembre 2015 et auxquelles il est pareillement référé pour l'exposé de ses prétentions et moyens, aux fins de voir :

Constater que Monsieur [A] s'est vu imposer une réduction radicale de ses responsabilités générant une grave altération de ses fonctions ;

Constater que Monsieur [A] n'a pas acquiescé à cette modification ;

Constater le caractère disciplinaire du licenciement entrepris ;

Constater les conditions vexatoires dans lesquelles est intervenu le licenciement de Monsieur [A] ;

Constater l'inopposabilité des griefs visés dans la lettre de licenciement ;

Constater l'absence de faute ;

Constater l'absence de fondement du licenciement intervenu à l'encontre de Monsieur [A];

Constater l'irrégularité de procédure ;

En conséquence,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le licenciement comme étant abusive;

Condamner incidemment la société COVED au paiement de la somme de 57.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Condamner la société COVED à verser à Monsieur [A] la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société COVED aux entiers dépens.

SUR CE,

La Cour,

1°) Sur les fonctions exercées :

Attendu que Monsieur [A] prétend s'être vu imposer au mois de juillet 2012 une réduction radicale de ses responsabilités générant une grave altération de ses fonctions et de son positionnement hiérarchique au sein de l'entreprise du fait du retrait de la responsabilité qu'il assumait sur les sites de [Localité 4] et d'[Localité 2], constitutif d'une modification de son contrat de travail intervenue sans son accord ni même consultation de sa part, dans le seul dessein de l'évincer de la société COVED ;

Attendu que la société COVED prétend pour sa part que Monsieur [A] a été déchargé de la gestion du site de [Localité 4] à compter du 24 juillet 2012, mais que cette décision a été prise d'un commun accord pour lui permettre de concentrer son action sur le site d'[Localité 2] et de remédier ainsi aux insuffisances et dysfonctionnements constatés dans l'exercice de son activité ; qu'elle ne rapporte toutefois pas la preuve que Monsieur [A] ait été consulté et ni qu'il ait donné son accord au retrait de ses fonctions sur le site de [Localité 4] ;

que le salarié ne justifie pas davantage de la moindre protestation qu'il aurait émis à la suite de cette décision, faisant considérer qu'il l'avait acceptée à tout le moins tacitement ;

Attendu que Monsieur [A] verse en revanche aux débats la « note d'organisation» datée du 25 juillet 2012 rédigée par Monsieur [H] [L], directeur général de la société COVED, dont il prétend n'avoir pas été avisé préalablement, mettant en place une nouvelle organisation, mais surtout son éviction de l'organigramme pour la direction du centre d'[Localité 2] ;

Mais attendu que cette note modifie seulement « l'organisation des activités Service aux Entreprises » en ce qu'« elle n'impacte ni les organisations locales des exploitations ni l'emploi»;

que si elle énonce « Le DI [Localité 6], piloté par [K] [H] est rattaché à [C] [Z] et le DI [Localité 2] géré par [A] [A] est confié à [J] [B] » , elle ne signifie en aucune façon que Monsieur [A] aurait perdu ses fonctions de chef du centre d'[Localité 2], mais seulement que la partie « Service aux Entreprises » sera confiée à Monsieur [B] ;

que Monsieur [C] [Z], Directeur Région Est, a ainsi attesté « qu'à compter du 25 juillet 2012, Monsieur [A] [A] gardait sa fonction de chef de centre sous la responsabilité du Directeur des exploitations, Monsieur [J] [B], à qui il a été décidé de confier la gestion complète du site d'[Localité 2], en plus de son périmètre de l'époque. En clair, Monsieur [A] [A], au lieu d'être rattaché à Monsieur [V] [N], quittant l'entreprise, a été rattaché à un autre Directeur des exploitations. A aucun moment [A] [A] n'a été déchargé de sa responsabilité du site d'[Localité 2] » ;

Attendu qu'après avoir pris connaissance de cette note, Monsieur [A] a envoyé dès le lendemain un courrier électronique, non pour protester du retrait de ses fonctions de chef du centre d'[Localité 2], mais pour demander « Je suis hiérarchiquement rattaché à qui ' », signifiant ainsi qu'il avait parfaitement compris le sens de la note dont il demandait confirmation ; qu'il a dans ces conditions immédiatement été convié à une réunion « afin d'échanger de vive voix sur les évolutions d'organisation évoquées dans la note » , dont il ne précise pas quel a été le contenu ;

que dans ces conditions, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes doit être réformé en ce qu'il a dit qu'à la date de la rupture de son contrat de travail, Monsieur [A] n'était plus responsable des sites d'[Localité 2] et de [Localité 4] de sorte que les griefs contenus dans la lettre de licenciement lui étaient inopposables, alors qu'il était toujours chef du centre d'[Localité 2] ;

2°) Sur la nature du licenciement :

Attendu que c'est le motif de rupture énoncé dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement, peu important le recours, éventuellement fautif, de l'employeur à une mise à pied conservatoire ;

qu'il est en outre loisible à un employeur qui a commencé par se placer sur le terrain disciplinaire d'opter ensuite pour un licenciement non disciplinaire ;

Attendu qu'en l'espèce, indépendamment de la mise à pied conservatoire notifiée à Monsieur [A] le 18 septembre 2012 lors de sa convocation à un entretien préalable à son éventuel licenciement, la société COVED a procédé au licenciement de ce dernier par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 octobre 2012, qui fixe les limites du litige, au seul motif de ses insuffisances professionnelles sans lui reprocher la moindre faute ;

que l'insuffisance professionnelle, sauf abstention volontaire ou agissement délibéré, ne constituant jamais une faute, le licenciement de Monsieur [A] a été prononcé par son employeur pour motif personnel ;

que le jugement déféré doit en conséquence être encore réformé en ce qu'il a considéré que le licenciement de Monsieur [A] était de nature disciplinaire ;

3°) Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :

Attendu que Monsieur [A] a été licencié par lettre recommandée du 8 octobre 2012 ainsi rédigée :

« Nous avons été amenés à relever, depuis plusieurs mois, de nombreuses insuffisances dans l'exercice de vos missions.

Notre inquiétude nous a conduit à vous rencontrer, dès le mois de mars 2012, afin de faire le point sur votre activité et envisager une solution satisfaisante susceptible de redresser rapidement la situation.

Au cours de cet entretien, nous avions convenu, ensemble, de nombreux dysfonctionnements dans l'exercice de votre activité.

Nous avions également convenu d'un plan d'action avec l'assistance du cabinet d'audit WARC. Malgré ce plan d'action, nous n'avons malheureusement relevé aucune amélioration ni aucune remise en cause de votre part.

Au contraire le rapport du cabinet d'audit, établi le 3 septembre 2012, met en avant la persistance de vos insuffisances » ;

Attendu que Monsieur [A] ne conteste pas la décision prise par le directeur général de la société de mettre en place un audit confié à Monsieur [Z] [P], du cabinet WARC ; qu'il précise toutefois que celui-ci est consultant du groupe SAUR auquel appartient la société COVED et qu'il ne présente de ce fait aucune indépendance à l'égard de la société COVED ;

que cette précision est toutefois sans incidence dans la mesure où la mission confiée au cabinet WARC ne consistait pas en une expertise indépendante mais à l'analyse globale de l'agence de déchets industriels d'[Localité 2] ainsi qu'à la formulation de préconisations pour aider Monsieur [A] à structurer la mise en route d'un plan d'action de redressement du site, ainsi qu'en a attesté Monsieur [L] ;

qu'un accompagnement du responsable du site dans sa gestion quotidienne de l'exploitation était dès lors prévu ;

Attendu que Monsieur [A] a accepté le principe de cet accompagnement pour avoir transmis à Monsieur [P] dès le 30 mai 2012 sous forme de fichiers les informations qu'il sollicitait, celles-ci n'ayant toutefois pas été considérées complètes par ce dernier ;

que s'il prétend n'avoir pas été rendu destinataire du rapport d'étude n° 2 établi le 3 septembre 2012 par Monsieur [P] sur lequel la société COVED fonde l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée, Monsieur [A] reconnaît avoir coopéré avec ce dernier pour avoir toujours répondu favorablement à ses demandes, précisant cependant n'avoir eu que peu de contacts avec lui, abstraction faite de quelques échanges de courriers électroniques et de son déplacement une seule fois sur les sites de [Localité 4] et [Localité 2] ;

Attendu que la lettre de licenciement énonce ainsi qu'il suit les faits objectifs et précis constitutifs de l'insuffisance professionnelle reprochée :

Les carences dans le suivi de l'activité et la gestion des centres de tri :

« Le rapport relève, notamment, que la mise en place du suivi des ratios d'exploitation est incomplète, incohérente et n'est pas réalisée de manière régulière alors qu'il avait été tout particulièrement insisté sur la nécessité d'avoir des indicateurs de pilotage pour optimiser la gestion quotidienne des activités .

Le cabinet d'audit WARC vous avait également proposé de vous aider à déterminer le point mort de chaque activité ce que vous avez refusé, préférant vous acquitter de cette tâche par vous-même. Malheureusement, force est de constater qu'aucun calcul n'a été réalisé en trois mois' » ;

Attendu que cette analyse ressort du rapport d'audit établi par le cabinet WARC qui mentionne :

« Les ratios de suivi d'exploitation' préconisés' n'ont apparemment fait l'objet que d'une tentative de mise en place par votre collaborateur, Monsieur [A] et ceci malgré nos multiples remarques téléphoniques directes. Nous attirons votre attention sur le fait qu'il est impossible de piloter de manière efficiente des activités de collecte de déchets industriels et de tri de déchets sans un suivi quotidien et rigoureux des outils de pilotage. En effet, nous avons constaté que la mise en place du suivi des ratios d'exploitation était incomplète, incohérente, et n'était pas réalisée de manière régulière, alors que nous avons particulièrement insisté sur la nécessité d'avoir des indicateurs de pilotage pour optimiser la gestion quotidienne des activités.

Or, votre collaborateur, Monsieur [A] , nous expliquer qu'il n'avait pas que ça à faire et que si la Direction savait mieux que lui, il leur laissait volontiers la place' » ;

Attendu que, dans les conclusions qu'il a fait déposer devant la cour, Monsieur [A] affirme avoir toujours mis en place des indicateurs de pilotage pour faciliter la gestion quotidienne du centre d'[Localité 2], ne niant cependant pas qu'il ne s'agissait pas de ceux préconisés par Monsieur [P], mais affirmant avoir effectué son travail consciencieusement avec les outils qu'il jugeait pertinents ;

que ce faisant, il reconnaît explicitement n'avoir tenu aucun compte des préconisations du cabinet d'audit en matière d'indicateurs de pilotage, continuant de procéder ainsi qu'il l'avait fait précédemment sans se soucier d'améliorer sa gestion comme le lui demandait son employeur ;

Attendu que Monsieur [A] a également bénéficié d'un accompagnement de la part du cabinet d'audit WARC pour l'aider à déterminer le point mort de chaque activité des sites dont il avait la responsabilité ;

que s'il a indiqué qu'il procéderait à cette tâche lui-même, il n'a réalisé pendant trois mois aucun des calculs nécessaires pour ce faire, amenant le cabinet d'audit à attirer l'attention de son employeur « sur la nécessité de connaître le seuil de rentabilité de chaque activité afin de définir la stratégie commerciale et politique tarifaire de vos clients » ;

que Monsieur [A] reconnaît ne pas avoir répondu à cette demande de Monsieur [P], mais prétend que la densité de son travail ne lui avait pas permis de faire les calculs nécessaires, d'autant que la détermination du point mort pour chacune des activités impliquait qu'il se concerte avec les services comptables de la société ;

qu'il ne justifie cependant pas avoir adressé pendant trois mois tant à son employeur qu'à Monsieur [P] la moindre correspondance faisant part des difficultés qu'il rencontrait pour exécuter la tâche qu'il s'était pourtant engagé à faire, retardant d'autant l'élaboration du plan d'action souhaité par la société COVED ;

L'absence de démontage de la chaîne de tri :

« Autre illustration de vos insuffisances, le 28 mars 2012, Monsieur [H] [L] vous a demandé de démonter la chaîne de tri sur [Localité 2] afin d'éviter tout risque pour les salariés et rendre le site plus propre or, un mois plus tard, vous n'aviez toujours engagé aucune action, je vous en avais d'ailleurs fait la remarque.

Afin de vous aider, nous avons été, avec votre accord, jusqu'à vous reprendre la gestion du site de [Localité 4] pour que vous puissiez vous concentrer sur le site d'[Localité 2]. Malheureusement cette nouvelle action de notre part n'a eu aucune incidence positive»;

Attendu que Monsieur [A] rappelle pour sa part que si ce démantèlement n'a effectivement pas eu lieu, la raison en tenait au souhait de son employeur de ne pas payer un prestataire extérieur pour évacuer le matériel, et qu'en tout état de cause la sécurité de ses équipes était parfaitement respectée dans la mesure où l'accès à cette chaîne de tri était fermé ;

Mais attendu que Monsieur [Z], directeur régional, a attesté avoir « une nouvelle fois sollicité Monsieur [A] fin avril 2012 afin qu'il procède au démontage de la dite chaîne. A cette occasion, à aucun moment Monsieur [A] ne m'a indiqué ne pas avoir démonté la chaîne de tri en raison du fait que la société ne souhaitait pas payer un prestataire pour cette tâche » ;

que la société COVED précise enfin que l'opération n'a finalement engendré aucun frais dans la mesure où le prestataire a même réalisé un gain grâce à la revente des pièces de la chaîne ;

qu'il s'ensuit que l'explication apportée par le salarié pour justifier l'absence de démontage de la chaîne de tri ne peut être retenue ;

La dégradation des résultats des sites d'[Localité 2] et de [Localité 4] entre 2011 et 2012 :

« Comme vous le savez, l'ensemble de vos insuffisances a eu des conséquences sur l'évolution des sites de [Localité 4] et d'[Localité 2] qui n'ont pas, sous votre égide et jusqu'à ce jour, connu de développements significatifs tant en terme de résultats que d'organisation, ce que vous avez reconnu au cours de l'entretien préalable.

Bien au contraire, à fin août 2012 nous avons pu constater une dégradation très importante de la marge brute par rapport à l'année précédente des sites dont vous aviez la responsabilité. A titre d'exemple, la marge brute de vos sites est passée de +281 k€ à fin août 2011 à -318k€ à fin août 2012. On constate donc une dégradation de la marge brute de 600 k€.

Par ailleurs, le plan de marche 2012 que vous avez présenté vous-même au Directeur d'exploitation est loin d'être satisfaisant. A titre d'exemple, fin août 2012, la marge brute est de -318 k€ alors que vous étiez fixé, vous-même, un objectif à atteindre de +80k€. On constate donc un retard sur le tableau de marche du plan fin août 2012 de 398 k€»;

Attendu que Monsieur [A] ne conteste pas une baisse de rentabilité des sites d'[Localité 2] et de [Localité 4], mais précise que l'activité a cependant augmenté de 4,7 % entre 2011 et 2012 ;

qu'il souligne surtout que la baisse de rentabilité ne serait pas due à un manque d'activité ou à une carence de sa part dans l'exercice de ses fonctions, mais à des contraintes économiques extérieures ;

qu'il explique ainsi que la dégradation de 600'000 € de la marge brute qui lui est opposée s'explique par cinq facteurs qui lui sont étrangers, soit :

- la baisse du cours des matières de l'ordre de 30 € / tonne ainsi que la baisse de l'activité générale,

- le développement d'un nouveau contrat initialement prévu pour l'année 2012 et intégré dans le budget prévisionnel mais qui a été différé, générant un manque à gagner de 170.000 € sur la période considérée,

- un écart de 5 points de la taxe générale sur les activités polluantes qui est passée de 15 à 20, soit un coût supplémentaire de 25.000 € par an,

- le sureffectif de 5 personnes sur le site d'[Localité 2] à l'origine de charges fixes importantes « non amorties » en raison de la baisse du chiffre d'affaires,

- le prix de cession interne (traitement) qui est passé de 63 € à 76 € HT / tonne entre la présentation du plan réalisé en octobre/novembre 2011 et le début de l'année 2012

qu'il prétend enfin que ce retard sur objectifs existait dans de nombreux sites de la société COVED et n'était pas propre à celui dont il assurait la gestion ;

Mais attendu que Monsieur [A] avait présenté au Directeur d'exploitation un plan de marge pour l'année 2012 aux termes duquel il s'était engagé à atteindre un objectif de marge brute de +80 k€ à fin 2012, alors qu'elle s'est révélée être de -318 k€ à cette même date ;

que la société COVED prétend mensongère l'affirmation de Monsieur [A] selon laquelle l'activité aurait connu une augmentation de 4,7 % entre 2011 et 2012 alors qu'il ressort des tableaux comptables qu'elle verse aux débats que le secteur de Monsieur [A] a subi une perte de 1 million de chiffres d'affaires ;

qu'est également erronée la baisse de rentabilité prétendument liée à l'augmentation des prix de cession interne dans la mesure où celle-ci était relativement limitée ;

que l'augmentation des prix a été répercutée directement sur les clients de la société, de sorte qu'elle n'impacte en aucune façon la marge brute des sites gérés par Monsieur [A] ;

qu'enfin cette augmentation des prix de cession a été subie par l'ensemble des sociétés concurrentes de la société COVED ;

que les causes externes ainsi invoquées par Monsieur [A] ne sont pas de nature à expliquer le défaut de réalisation de l'objectif qu'il s'était lui-même fixé ;

Attendu enfin que la société COVED précise que, depuis le départ de Monsieur [A], à périmètre d'exploitation équivalent, le taux de marge brute cumulée des exploitations de [Localité 4] et d'[Localité 2] au mois d'avril 2013 s'est amélioré pour atteindre 150 k€ selon le tableau de « suivi des activités marges par agence » qu'elle verse aux débats ;

Les carences de Monsieur [A] concernant la sécurité des sites de [Localité 4] et [Localité 2] :

« Les résultats sécurité sont aussi inquiétants. En effet, l'exploitation de [Localité 4] dispose des plus mauvais taux de fréquence et taux de fréquence global du service aux entreprises à fin 2012 ainsi qu'un taux de gravité très élevé. Nous pouvons penser que ces résultats sont en partie liée à l'état de vos sites (propreté, organisation du matériel'), Nous vous avions d'ailleurs fait ces remarques à plusieurs reprises lors de nos différentes rencontres » ;

Attendu que Monsieur [A] fait observer que le site de [Localité 4] est le seul en France qui démonte des téléviseurs et broie des néons, des tubes cathodiques et du verre, de sorte qu'en dépit des précautions prises, il existe un risque plus élevé d'accidents liés à des coupures, et qu'il n'est ainsi pas pertinent de le comparer aux autres centres qui assurent le tri des cartons ou du papier ;

qu'il a toujours été très respectueux de ses obligations en matière de sécurité et a participé à de nombreuses réunions dédiées, ou encore sollicité des instructions précises de sa direction qui n'y a donné aucune suite ;

qu'il prétend dans ces conditions le reproche non fondé, alors que sur son périmètre de sécurité, les performances sont meilleures en 2012 qu'en 2011, et qu'en outre son employeur ne verse aux débats aucune mise en garde ou alerte préalable sur un quelconque manquement à ses obligations contractuelles liées à la sécurité des salariés ;

Mais attendu que la société COVED justifie que le site de [Localité 4] était classé à la fin de l'année 2012 dernier établissement sur les 17 existants concernant le taux de fréquence, celui-ci se calculant en référence au nombre des accidents avec arrêt de travail par rapport aux heures travaillées ; qu'il disposait également d'un taux de gravité très élevé, obtenu en retenant le nombre de journées non travaillées en raison d'une incapacité temporaire par rapport aux heures travaillées ;

qu'elle rapporte également la preuve qu'à la suite du départ de Monsieur [A] les taux de fréquence et de gravité du site de [Localité 4] ont diminué, celui-ci ayant été classé au 8ème rang à fin septembre 2013 ;

Les carences managériales :

« Au-delà, et alors même que nous tentions de vous apporter une aide dans l'exercice de vos missions, vous avez adopté un comportement inapproprié se traduisant par diverses maladresses, expressions de susceptibilités, voire d'entêtement, nous conduisant à nous interroger sérieusement sur votre capacité à prendre en charge la véritable dimension de votre poste et à vous adapter au contexte concurrentiel des déchets industriels » ;

Attendu que la société COVED prétend encore avoir été amenée à constater d'importantes insuffisances en termes de management de la part de Monsieur [A], la majorité de ses collaborateurs faisant état de son comportement inadapté, trop directif, et parfois blessant à leur égard ;

qu'elle verse à cet égard aux débats la correspondance datée du 17 février 2012 qu'elle a reçue du médecin du travail ayant estimé utile de l'alerter sur l'ambiance et le vécu au travail des salariés du centre de tri, ainsi que des conséquences sur leur santé mentale et physique ;

que le médecin du travail a précisé à cet égard que, lors de ses visites médicales et de sa rencontre avec les salariés le 7 février 2012, il était apparu nécessaire d'améliorer les relations de travail, le dialogue social, la communication voire l'organisation du travail ;

Attendu que Monsieur [A] ne peut pour sa part prétendre que l'altération constatée de l'ambiance au travail ne résulterait que des nombreuses procédures de ruptures conventionnelles et départs commandés par la direction pour alléger les effectifs et réduire les charges ainsi qu'à la seule exécution qu'il faisait des directives qui lui étaient commandées en ce sens, alors que le rapport d'audit établi par le cabinet WARC incrimine le rôle managérial assumé par Monsieur [A], et notamment son souhait de ne pas améliorer la communication avec ses équipes pour avoir considéré qu'« il n'était pas nécessaire d'expliquer le travail quotidien aux salariés ou les actions correctives à mettre en 'uvre car chacun connaissait déjà son job et que sinon, ils n'ont qu'à aller travailler ailleurs'» , rendant d'autant plus difficile la mission d'accompagnement confiée au cabinet d'audit en l'absence de toute adhésion de sa part ;

Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que le licenciement de Monsieur [A] prononcé pour insuffisance professionnelle par la société COVED repose sur des faits précis et établis ;

qu'il importe dès lors d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse et de dire que l'insuffisance professionnelle reprochée est bien fondée et constitue une cause réelle et sérieuse légitimant la rupture du contrat travail ;

que Monsieur [A] ne peut dans ces conditions qu'être débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu par ailleurs que, pour faire valoir ses droits devant la cour, la société appelante a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de l'intimé ;

qu'il convient dès lors de condamner Monsieur [A] à payer à la société COVED une indemnité de 1.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu enfin que Monsieur [A], qui ne voit pas aboutir ses prétentions devant la cour, ne peut obtenir l'indemnité qu'il sollicite sur le fondement du même article et supporte la charge des entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement par arrêt rendu public par mise à disposition des parties, après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 décembre 2014 par le conseil de prud'hommes de [Localité 3] ,

et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur [A] [A] prononcé par la société COVED revêt un caractère personnel et non disciplinaire et qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTE Monsieur [A] [A] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE CONDAMNE à verser à la société COVED la somme de 1.000,00 € (MILLE EUROS) en application du même article ;

LE CONDAMNE enfin aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président

Sophie MascrierMichel Bussière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 15/00043
Date de la décision : 27/04/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°15/00043 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-27;15.00043 ?
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