La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/04/2016 | FRANCE | N°14/09751

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 27 avril 2016, 14/09751


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 14/09751





société SERVICE MAINTENANCE SECURITE



C/

[E]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 21 Novembre 2014

RG : F 14/00080











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 27 AVRIL 2016







APPELANTE :



société SERVICE MAINTENANCE SECURITE (SMS)

[Adress

e 1]

[Localité 1]



représentée par Me Charles Albert ENNEDAM, avocat au barreau de GRENOBLE







INTIMÉ :



[J] [U] [E]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 2] (BENIN)

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par Me Dominique ROUSSET, avocat au barrea...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 14/09751

société SERVICE MAINTENANCE SECURITE

C/

[E]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 21 Novembre 2014

RG : F 14/00080

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 27 AVRIL 2016

APPELANTE :

société SERVICE MAINTENANCE SECURITE (SMS)

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Charles Albert ENNEDAM, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉ :

[J] [U] [E]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 2] (BENIN)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Dominique ROUSSET, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/020821 du 30/07/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Janvier 2016

Présidée par Michel BUSSIERE, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel BUSSIERE, président

- Agnès THAUNAT, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Avril 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel BUSSIERE, Président et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Monsieur [J] [U] [E] a été embauché à compter du 8 mars 2013 pour une durée déterminée expirant le 18 mars 2013, rectifiée au 31 mai 2013, en qualité d'agent de sécurité sur le site du Grand Casino de [Établissement 1]N et la surveillance en Région Rhône-Alpes de divers clients au coup par coup, par la société Service Maintenance Sécurité (S.M.S.), son contrat de travail précisant :

« Le présent contrat étant un contrat pour une survenance d'un surcroît de travail exceptionnel, l'employé sera amené à prendre son travail par vacation. L'horaire hebdomadaire de l'employé sera variable en fonction des nécessités du service, entre 16 et 24 heures/semaine, mais ne pourra excéder 24 heures. L'employé ne pourra prétendre à aucune compensation, si les horaires hebdomadaires sont inégaux. Le planning sera également effectué en fonction des disponibilités de l'employé qui se trouve avoir un premier employeur ».

Il était en outre prévu le renouvellement du contrat deux fois pour une même durée, si la société S.M.S. venait à avoir besoin des services de l'employé, « par reconduction expresse faisant l'objet à chaque fois d'un avenant ».

La relation de travail s'est ensuite poursuivie pour une durée indéterminée à compter du 1er juin 2013 selon avenant en date du 23 mai 2013 maintenant par ailleurs les autres dispositions du contrat.

Monsieur [E] a fait l'objet de deux avertissements les 25 mai et 5 juin 2013 pour des retards de près de deux heures chacun lors de sa prise de poste .

Par lettre du 19 juin 2013, le Groupe PARTOUCHE, gestionnaire du Grand Casino de Lyon, a informé la société S.M.S. de la résiliation pure et simple par anticipation du contrat conclu avec elle en raison de nombreux dysfonctionnements, de sorte que la société S.M.S. s'est vue contrainte de céder le site « [Établissement 1] » le 6 septembre 2013 après application d'un préavis de trois mois. Elle en a informé Monsieur [E] le 5 août 2013, en lui annonçant qu'il devait être repris par le nouveau prestataire entrant, la société APR SECURITY. Cette dernière a toutefois fait connaître au salarié par lettre du 9 août 2013 qu'il ne remplissait pas les conditions pour être repris pour disposer d'une ancienneté inférieure à 9 mois.

La société S.M.S. a cessé de verser à Monsieur [E] ses salaires à compter du 6 septembre 2013 et l'a convoqué à un entretien tenu le 23 septembre suivant au cours duquel elle prétend avoir appris que le salarié travaillait à temps complet au sein de la société CARREFOUR, de sorte qu'il ne pouvait accepter sa proposition de travailler également en journée.

Dans ces conditions, elle l'a convoqué le 7 octobre 2013 à un entretien préalable fixé au 16 octobre 2013, avec mise à pied conservatoire, en vue de son licenciement. L'entretien ayant été reporté au 31 octobre 2013 au cours duquel le salarié a été assisté par un conseiller de son choix, Monsieur [E] a finalement été licencié par lettre recommandée avec avis de réception du 18 novembre 2013 pour « faute réelle et sérieuse, à partir de ce jour, sans indemnité de préavis, ni de licenciement » ainsi énoncée :

« Nous vous avions demandé à plusieurs reprises de nous donner vos disponibilités pour septembre et octobre 2013, sachant que début septembre 2013, les 2 et 5 , vous aviez fait deux prestations au casino. Nous vous avons proposé Conforama [Localité 4] en journée, Conforama [Localité 5] tous les mercredis après-midi + les remplacements des personnes en vacances en journée, plus certaines prestations à Fiducial [Localité 6] en soirée et en journée, Casino [Établissement 2] en soirée et journée. On ne peut pas mieux faire.

Vous avez refusé car vous avez dit être libre uniquement les dimanches et jeudis soir (sauf pendant vos vacances) et que pour Fiducial vous n'aviez pas de moyen de locomotion pour l'instant. Alors que depuis le début de votre embauche vous avez travaillé également les lundis, mardis, mercredis, vendredis et samedis'

Malgré toutes ces propositions, vous les avez toutes éconduites. Vous nous avez également dit le 23 septembre 2013 que vous attendiez d'avoir votre planning de votre première société, à savoir CARREFOUR (temps complet 162 heures), pour voir si au mois d'octobre et novembre 2013 vous pourriez éventuellement vous libérer quelques après-midi ou soirées' Le 13 septembre 2013 nous vous avons adressé un courrier recommandé pour vous convoquer le 17 septembre 2013 à un entretien simple afin de faire le point sur votre situation et vous remettre votre planning de septembre 2013, vous avez encore une fois remis cet entretien une date ultérieure, à savoir le 23 septembre 2013, ne pouvant vous déplacer le matin.

Suite à cet entretien simple, où nous vous proposions des postes sur différents sites, (voir notre courrier recommandé du même jour, le 23 septembre 2013) vous nous avez demandé de vous laisser un laps de temps pour réfléchir, et nous vous avions indiqué sur ce courrier de nous revoir le 30 septembre 2013. Plus de nouvelle. Nous ne pouvions attendre indéfiniment'

A l'entretien préalable en présence de votre conseiller, Monsieur [Y] [G], et de notre gérant, Monsieur [B] [I], nous vous avons remis, ainsi qu'à lui, la copie des plannings de septembre à novembre 2013, ainsi que de décembre 2013. On vous a demandé ce que vous désiriez faire, travailler, démissionner car refusant toute planification, ou accord conventionnel. Vous avez répondu être licencié'

Vous nous avez laissé attendre jusqu'à l'entretien pour nous annoncer votre décision, alors que vous auriez pu nous le dire dès septembre 2013.

Votre conseiller, en présence également de notre secrétaire, Madame [P], vous a posé également la même question, que désirez-vous faire, puisque vous refusez toute planification, démissionner '' Vous lui avez également répondu : non, être licencié '

Par conséquent, votre solde de tout compte ainsi que les papiers s'y afférents seront à votre disposition dès réception de ce courrier' »

Monsieur [E] a contesté le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail en saisissant le 9 janvier 2014 la juridiction prud'homale de demandes tendant à voir :

Requalifier la relation travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 19 mars 2013 et obtenir la condamnation de la société S.M.S. à lui verser des sommes de :

- 982,81 € à titre d'indemnité de requalification équivalente à un mois de salaire,

- 1.000,00 € à titre d'indemnité pour absence de visite médicale d'embauche et de document d'évaluation des risques professionnels ;

- 1.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour contrat de travail à temps partiel irrégulier et absence d'avenant portant la durée du travail à l'horaire moyen effectif ;

- 2.318,39 € brut à titre de rappel de salaire de mars et septembre 2013, et paiement des salaires d'octobre et novembre 2013;

- 231,83 € brut au titre des congés payés afférents au rappel de salaire ;

Ordonner la remise par l'employeur de bulletins de paie rectifiés pour les mois de mars, septembre, octobre et novembre 2013, sous astreinte de 50,00 € par jour de retard passé le délai de 15 jours après notification du jugement ;

Dire le licenciement notifié en date du 18 novembre 2013 injustifié et condamner la société S.M.S. à lui verser les sommes de :

- 1.126,60 € brut à titre d'indemnité de préavis équivalent à deux mois de salaire,

- 112,66 € au titre des congés payés sur l'indemnité préavis,

- 4.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié,

- 1.200,00 € à titre de participation aux frais irrépétibles sous réserve de renonciation au paiement de l'indemnité d'aide juridictionnelle partielle,

Condamner la société S.M.S. aux entiers dépens

La société S.M.S. s'est opposée à ses demandes.

Par jugement rendu le 21 novembre 2014, le conseil de prud'hommes de Lyon, section activités diverses, a :

' Jugé que le contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [E] doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée ;

' Ordonné à la société S.M.S. de lui verser la somme de 982,81 € à titre d'indemnité de requalification équivalente à un mois de salaire ;

' Condamné la société S.M.S. à verser à Monsieur [E] la somme de 200,00 € pour défaut de visite médicale d'embauche ;

' Condamné la société S.M.S. à verser à Monsieur [E] la somme de 500,00 € à titre de dommages-intérêts pour les irrégularités figurant au contrat de travail à temps partiel ;

' Condamné la société S.M.S. à payer à Monsieur [E] pour rappel de salaire les sommes de :

 - 201,59 € pour le mois de mars 2013, outre les congés payés afférents soit 25,15 € ;

- 680,40 € pour le mois de septembre 2013, outre les congés payés afférents soit 68,04 € ;

- 982,81 € pour le mois d'octobre 2013, outre les congés payés afférents soit 98,28 € ;

- 453,60 € pour le mois de novembre 2013, outre les congés payés afférents soit 45,36 € ;

' Ordonné à la société S.M.S. de remettre les bulletins de salaire rectifiés des sommes en rappel de salaires pour les mois de septembre, octobre et novembre, sous astreinte de 50,00 € par jour à compter du mois suivant la notification du présent jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

' Condamné la société S.M.S. à verser à Monsieur [E] la somme de 982,81 € à titre de préavis ainsi que les congés payés afférents soit 98,28 euros ;

' Condamné la société S.M.S. à verser à Monsieur [E] la somme de 1.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié ;

' Condamné la société S.M.S. à verser à Maître Dominique ROUSSET, conseil de Monsieur [E] , la somme de 1.200,00 € en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

' Donné acte à Maître ROUSSET de ce qu'elle s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle si, dans les 12 mois du jour où la décision est passée en force de chose jugée, elle parvient à recouvrer auprès de la société S.M.S. la somme allouée et si cette somme est supérieure à l'indemnité qui aurait été versée au titre de l'aide juridictionnelle ;

' Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;

' Condamné la société S.M.S. aux entiers dépens de l'instance ;

' Débouté les parties de leurs autres demandes.

Par lettre recommandée en date du 17 décembre 2014 enregistrée le lendemain au greffe de la cour, la société S.M.S. a régulièrement interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 24 novembre 2014. Elle en demande l'infirmation par la cour en reprenant oralement à l'audience du 4 janvier 2016 par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'elle a transmises le 24 juin 2015 et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de ses prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, et tendant à :

Dire et juger que la rupture du contrat de travail « sans indemnité de préavis et de licenciement » est intervenue pour faute grave ;

Débouter Monsieur [E] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Débouter Monsieur [E] de sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés sur préavis ;

Débouter Monsieur [E] de sa demande de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire ;

Constater que la durée hebdomadaire de travail applicable au contrat de travail à temps partiel était au plus de 24 heures ;

Statuer ce que de droit sur la demande de rappel de salaire des mois de mars 2013 et septembre 2013 ;

Débouter Monsieur [E] de sa demande de dommages-intérêts pour violation des règles d'hygiène et de sécurité et défaut de visite médicale d'embauche ;

Débouter Monsieur [E] de sa demande d'indemnité de requalification ;

Condamner Monsieur [E] à payer à la société S.M.S. la somme de 2.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner le même aux entiers dépens.

Monsieur [E] a pour sa part fait reprendre à cette audience par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'il a fait déposer le 17 février 2015 et auxquelles il est pareillement référé pour l'exposé de ses prétentions et moyens, aux fins de voir :

Confirmer en son principe de l'entier jugement ;

Faire droit à l'appel reconventionnel formé par Monsieur [E] ;

Réformer partiellement le jugement sur le quantum des sommes allouées au titre du non-respect des règles d'hygiène et de sécurité, du montant du préavis et des congés payés afférents, des dommages et intérêts pour licenciement injustifié;

Porter à 1.000,00 €la somme allouée à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche au titre du non-respect des règles d'hygiène et de sécurité, notamment absence d'affiliation à un service médical de santé au travail, absence de visite médicale d'embauche, absence d'établissement de la fiche dite de pénibilité, de mise à disposition du document d'évaluation des risques professionnels ;

Porter à 1.126,60 € brut l'indemnité de préavis conventionnelle équivalent à un mois de salaire et à 112,66 € brut l'indemnité de congés payées afférente ;

Porter à 3.000,00 € la somme allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié;

Condamner la société S.M.S. à remettre le bulletin de paie d'octobre 2013 sous astreinte de 80,00 € par jour de retard passé le délai de 15 jours après notification de l'arrêt à intervenir ;

Confirmer l'ensemble des autres chefs du jugement ;

Allouer en outre à Monsieur [E] la somme de 2.000,00 € au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société S.M.S. aux entiers dépens.

SUR CE,

La Cour,

1°) Sur la demande de requalification :

Attendu que Monsieur [E] a signé le 7 mars 2013 avec la société S.M.S. un contrat de travail à durée déterminée à effet à compter du lendemain ;

que son l'article 2, figurant en page 2 du contrat, fixe son terme au 18 mars 2013 ;

que cette page 2 a toutefois été remplacée par une nouvelle page identique à la précédente et signée par les deux parties fixant le terme du contrat au 31 mai 2013 ;

que, dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le contrat de travail a été conclu pour la durée déterminée du 8 mars au 31 mai 2013 ;

Attendu que ce contrat s'est ensuite poursuivi après la survenance du terme pour une durée indéterminée, avec signature d'un avenant à effet au 1er juin 2013 ne changeant aucune condition du contrat à durée déterminée, de sorte qu'en l'absence de signature d'un nouveau contrat, le contrat initial à durée déterminée est réputé à durée indéterminée depuis l'origine, soit le 8 mars 2013 ;

Attendu que Monsieur [E] sollicite cependant le paiement d'une indemnité de requalification ;

que si l'indemnité de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée prévue par l'article L. 1245-2 du code du travail ne pouvant être inférieure à un mois de salaire n'est pas due en cas de transformation d'un contrat de travail à durée déterminée régulier en contrat de travail à durée indéterminée du fait de la poursuite des relations contractuelles après l'échéance du terme, en revanche le fait que le contrat se soit poursuivi après cette échéance ne fait pas échec à l'attribution d'une indemnité de requalification lorsque la demande de requalification s'appuie sur une irrégularité du contrat de travail à durée déterminée initial ;

Attendu que l'article L.1241-1 du code du travail énonce que le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ;

que l'article L.1241-2 du même code indique qu'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dans les cas limitativement énumérés ;

qu'à défaut, le contrat de travail est, aux termes de l'article L.1242-12 du code du travail, présumé à durée indéterminée ;

Attendu que Monsieur [E] soutient que le contrat de travail à durée déterminée qu'il a signé le 7 mars 2013 est insuffisamment précis sur le motif du recours à un tel contrat pour mentionner seulement « contrat de travail à durée déterminée pour survenance d'un surcroît exceptionnel et temporaire d'activité », alors même que la société S.M.S. a pour activité la sécurité et qu'il a été précisément embauché en qualité d'agent de sécurité, de sorte que c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes en a déduit qu'il s'agissait d'un poste permanent nécessitant le recours à un contrat de travail à durée indéterminée et qu'il a fait droit à sa demande de requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée ;

Attendu cependant que la société S.M.S. a mentionné dans le contrat écrit à durée déterminée à effet au 8 mars 2013 intervenu entre les parties la définition précise du motif qui l'a justifié ressortant d'un accroissement exceptionnel et temporaire de son activité ;

que celui-ci figurant expressément au nombre des motifs énoncés à l'article L. 1241-2 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties est régulier en la forme ;

que la société S.M.S. prétend justifier de la réalité du motif ainsi énoncé par les pièces versées aux débats faisant ressortir qu'elle devait honorer de nouveaux chantiers en région Rhône-Alpes pour lesquels elle ne pouvait prévoir avec certitude leur durée effective à la date à laquelle elle a recruté Monsieur [E] ;

Mais attendu que la seule pièce qu'elle produit aux débats est une correspondance datée du 25 février 2013 émanant de Monsieur [R] [A] faisant connaître qu'il ne pourra honorer le planning du mois de mars 2013 qui lui a été remis pour les casinos [Établissement 2] et [Établissement 1] et Conforama [Localité 5], et qu'il sera de plus absent jusqu'au mois de mai ou juin 2013, demandant en conséquence à être remplacé ;

que si cette pièce pourrait être de nature à justifier l'embauche d'un salarié pour la durée déterminée de son absence, elle ne peut en aucun cas démontrer l'existence d'un surcroît temporaire et exceptionnel d'activité ;

que la société appelante avait au demeurant soutenu en première instance que le motif du recours était erroné, mais que le contrat de travail à durée déterminée signé par Monsieur [E] était justifié par le remplacement de Monsieur [A], salarié absent ;

qu'il s'ensuit que la société S.M.S. ne démontre pas la réalité du motif tiré du surcroît exceptionnel et temporaire d'activité mentionné au contrat de travail à durée déterminée, de sorte que l'embauche de Monsieur [E] doit être considérée comme liée à l'activité normale de l'entreprise ;

Attendu dans ces conditions que le contrat de travail à durée déterminée à compter du 8 mars 2013 est irrégulier ;

que Monsieur [E] est en conséquence fondé à obtenir le paiement de l'indemnité de requalification qu'il sollicite sur le fondement de l'article L. 1245-2 du code du travail ;

qu'il convient dès lors de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné la société S.M.S. à lui verser à ce titre la somme de 982,80 € correspondant au salaire mensuel qui devait lui être réglé pour un temps partiel de 24 heures hebdomadaires soit 104 heures mensuelles ;

2°) Sur la demande de dommages et intérêts pour irrégularité du contrat de travail à temps partiel :

Attendu que Monsieur [E] prétend encore que son contrat de travail à temps partiel serait irrégulier à défaut de préciser la répartition des heures de travail entre les jours de la semaine dans le cadre hebdomadaire conformément aux dispositions de l'article L.3123-14 du code du travail, pour ne prévoir qu'un horaire hebdomadaire de 16 à 24 heures ;

qu'il ajoute que son employeur ne pouvait le contraindre à effectuer 106h50 au mois de mai, 76h00 au mois de juin, 100h00 au mois de juillet et jusqu'à 138h50 de travail au mois d'août sans rédaction d'un avenant imposé par les dispositions de l'article L.3123-15 du code du travail, alors qu'effectuant chez son employeur principal un emploi à temps plein, il ne pouvait se soumettre à un tel horaire ;

qu'il sollicite en conséquence la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la société S.M.S. à lui payer la somme de 500,00 € à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de son contrat de travail à temps partiel ;

Mais attendu que le contrat de travail signé le 7 mai 2013 entre les parties stipule en son article 4 :

« L'horaire hebdomadaire de l'employé sera variable en fonction des nécessités du service, entre 16 et 24 heures / semaine, mais ne pourra excéder 24 heures. L'employé ne pourra prétendre à aucune compensation, si les horaires hebdomadaires sont inégaux. Le planning sera également effectué en fonction des disponibilités de l'employé qui se trouve avoir un premier employeur » ;

qu'il s'ensuit que Monsieur [E] a accepté de travailler en fonction des nécessités du service de 16 à 24 heures par semaine, de sorte que son horaire mensuel de travail ne pouvait être supérieur à 105,60 heures en intégrant les heures complémentaires que l'employeur pouvait demander au salarié d'effectuer à concurrence de 1/10 ème ;

qu'ainsi le salarié n'a pas dépassé de deux heures par semaine le volume hebdomadaire moyen de 24 heures pour avoir été rémunéré pour 48h00 en mars 2013, pour 76h00 en juin 2013, pour 100h00 en juillet 2013 et 20h00 en septembre 2013 ;

que s'il a effectué au cours du mois d'août 138h50, soit près de 30 heures en sus du volume hebdomadaire moyen prévu contractuellement, ce dépassement ne concerne que le mois d'août et non « une période de 12 semaines consécutives » ou « douze semaines au cours d'une période de quinze semaines » visées à l'article L. 3123-15 du code du travail ;

Attendu en outre que la circonstance que le contrat de travail ne mentionne pas explicitement la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois conformément aux prescriptions de l'article L. 3123-14 du code du travail ne suffit pas à entacher le contrat de travail à temps partiel d'irrégularité faisant présumer l'existence d'un contrat à temps complet, dès lors que Monsieur [E] n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler pour avoir connaissance des plannings hebdomadaires visés au contrat de travail et régulièrement communiqués à l'avance, de sorte qu'il n'était pas contraint de se tenir à la disposition de son employeur en dehors des heures qu'il a effectivement réalisées ;

qu'il est enfin mal fondé à prétendre ne pouvoir effectuer des horaires de travail aussi contraignants que ceux fixés par son employeur alors que ce dernier, s'il n'ignorait pas que le salarié se trouvait également engagé auprès d'un premier employeur, n'avait pas connaissance de l'emploi à plein temps qu'il occupait alors et qui l'aurait de toute évidence, s'il avait connu cette situation, incité à ne pas contracter ;

Attendu en conséquence que le contrat de travail intervenu entre les parties respecte les dispositions des articles L.3123-14 et L.3123-15 du code du travail, de sorte que Monsieur [E], qui n'a souffert d'aucun préjudice à ce titre, ne peut obtenir les dommages-intérêts qu'il sollicite sur le fondement de ces articles ;

qu'il importe dès lors de le débouter de sa demande et de réformer en ce sens le jugement entrepris ;

3°) Sur les rappels de salaire :

Attendu que la société S.M.S. reconnaît que, dans la mesure où le volume horaire moyen de travail de Monsieur [E] était de 24 heures hebdomadaires, elle se devait de lui garantir une rémunération équivalente ;

Attendu qu'elle a rémunéré le salarié au mois de mars 2013, à compter du 8 mars 2013, sur la base de 48 heures alors qu'elle devait lui assurer au minimum 69 heures 33 , restant lui devoir un rappel de salaire pour 21h33 qu'elle ne conteste pas, au taux de 9,45 € ;

que le jugement déféré condamnant l'employeur au paiement de la somme de 201,59 € pour le mois de mars 2013, outre 20,15 € au titre des congés payés afférents, doit en conséquence être confirmé ;

Attendu que la société S.M.S. reconnaît encore avoir rémunéré Monsieur [E] à hauteur de 20 heures de travail au mois de septembre 2013 au lieu de 104 heures, restant lui devoir un rappel de salaire à hauteur de 72 heures ;

que le jugement déféré la condamnant au paiement d'un rappel de salaire de 680,40 € pour le mois de septembre 2013, outre 68,04 € au titre des congés payés afférents, doit dès lors être encore confirmé ;

Attendu que Monsieur [E] sollicite en outre le paiement d'un salaire de 982,81 € brut pour le mois d'octobre 2013 et de 453,60 € brut pour la période du 1er au 18 novembre 2013 dans la mesure où il n'a pas été rémunéré ces mois, son employeur ayant mentionné sur l'attestation destinée à Pôle Emploi « mise à pied conservatoire », alors que la perte d'un chantier ne peut justifier une mise à pied conservatoire et que l'employeur était tenu de lui verser son salaire jusqu'à la date de notification de son licenciement, au demeurant non justifié par une faute grave ;

Mais attendu que par lettre en date du 7 octobre 2013 le convoquant à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement , la société S.M.S. a notifié à Monsieur [E] sa mise à pied conservatoire « à partir de ce jour, et qui sera mise en vigueur durant toute la procédure » ;

que la mise à pied conservatoire étant exclusive de tout versement de salaire, Monsieur [E] ne peut dès lors obtenir le paiement du rappel de salaire qu'il sollicite à ce titre à défaut de rapporter la preuve de son absence de fondement, intimement lié à son licenciement qui sera examiné plus après ;

4°) Sur l'application des règles d'hygiène et de sécurité au travail :

Attendu que Monsieur [E] sollicite encore la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société S.M.S. à lui verser la somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ressortant de l'absence de visite médicale d'embauche en méconnaissance des dispositions de l'article R. 4624-10 du code du travail et pour n'avoir pas eu connaissance de l'existence du document unique d'évaluation des risques professionnels qui n'a pas été tenu à sa disposition conformément aux prescriptions de l'article R. 4121-4 du même code, alors qu'il se trouvait précisément affecté sur le site de surveillance d'un établissement de jeux de hasard, le CASINO [Établissement 1], présentant un fort risque pour sa sécurité ;

Mais attendu que la société S.M.S. a produit aux débats devant le conseil de prud'hommes puis devant la cour le document unique d'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs pour les années 2009 à janvier 2014 énoncé à l'article R.41211 et suivants du code du travail ; que les dangers, risques ainsi que la qualification des risques y sont mentionnés ;

que Monsieur [E] ne justifie pas que ce document n'aurait pas été tenu à sa disposition par son employeur, et pas davantage qu'il aurait demandé à le consulter, de sorte qu'il ne subit aucun préjudice de ce fait ;

Attendu en outre que la société S.M.S., qui considérait que le contrat de travail de Monsieur [E] allait être repris par la société APR SECURITY lors du transfert du chantier CASINO [Établissement 1], a adressé à cette dernière société deux dossiers complets, dont celui de Monsieur [E] contenant « une copie du dernier avis d'aptitude de la médecine du travail », ainsi qu'elle en rapporte la preuve par la correspondance de la société APR SECURITY datée du 19 avril 2014 reconnaissant avoir reçu cette pièce, mais avoir ensuite détruit le dossier du fait de la non reprise de l'intéressé en son sein ;

que la société S.M.S. n'ayant pour sa part gardé aucune copie de ce document, se trouve dans l'impossibilité de le verser aux débats ;

qu'il apparaît cependant de la correspondance précitée du 19 avril 2014, que l'intimé a bénéficié d'une visite médicale réalisée par le médecin du travail qui l'a déclaré apte à son poste ;

Attendu que Monsieur [E] est dès lors mal fondé à prétendre que l'employeur n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale ;

que pour ne subir aucun préjudice, il doit être débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts et le jugement déféré encore réformé ;

5°) Sur le licenciement :

Attendu que Monsieur [E] a été licencié par lettre recommandée avec avis de réception du 18 novembre 2013 « pour faute réelle et sérieuse' sans indemnité de préavis, ni de licenciement » ;

qu'un licenciement pour faute sans indemnité de préavis ni de licenciement ne pouvant être prononcé que pour faute grave, il importe de donner au fait leur exacte qualification par application de l'article 12 du code civil, sans s'arrêter à la dénomination donnée par la société S.M.S, et de dire que Monsieur [E] a été licencié pour faute grave ;

Attendu que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est motivée par le refus du salarié d'exécuter les termes mêmes du contrat de travail qu'il a signé, pour avoir refusé d'accepter tous les plannings qui lui étaient proposés, avec ou sans changement dans la répartition de la durée du travail ;

qu'un tel comportement, que ne conteste pas Monsieur [E] et qui est confirmé par le compte rendu de l'entretien préalable établi par Monsieur [Y] [G], conseiller du salarié, a placé son employeur dans l'impossibilité de poursuivre toute collaboration avec lui même pendant la durée limitée du préavis, rendant nécessaire la rupture immédiate de son contrat de travail ;

que la faute grave reprochée est ainsi constituée ;

Attendu qu'il importe en conséquence de réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes et de débouter Monsieur [E] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité compensatrice de préavis majorée des congés payés afférents ;

Attendu enfin que le licenciement du salarié pour faute grave étant justifié, c'est à bon droit que la société S.M.S. a ordonné une mesure de mise à pied conservatoire, exclusive de tout paiement de salaire, du 7 octobre 2013, date de convocation à l'entretien préalable, jusqu'au licenciement prononcé le 18 novembre 2013 ;

que Monsieur [E] doit dès lors être débouté de sa demande tendant à l'indemnisation de sa mise à pied et au paiement d'un rappel de salaire pour la période considérée ;

Attendu enfin qu'aucune des parties ne voyant intégralement aboutir ses prétentions devant la cour, l'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de quiconque ;

que la société S.M.S, qui succombe, supporte toutefois la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement par arrêt rendu public par mise à disposition des parties, après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement rendu le 21 novembre 2014 par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a condamné la société S.M.S. à verser à Monsieur [J] [U] [E] les sommes de :

- 982,81 € à titre d'indemnité de requalification équivalente à un mois de salaire,

- 201,59 € à titre de rappel de salaire pour le mois de septembre 2013 outre 20,15 € au titre des congés payés afférents ,

- 680,40 € à titre de rappel de salaire pour le mois d'octobre 2013 outre 68,04 € au titre des congés payés afférents,

- 1.200,00 € à Maître Dominique ROUSSET, conseil de Monsieur [E], en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991,

ainsi qu'aux entiers dépens ;

INFIRME le jugement déféré en ses autres dispositions,

et statuant à nouveau,

DIT que le licenciement du contrat de travail de Monsieur [J] [U] [E] prononcé « sans indemnité de préavis et de licenciement » est intervenu pour faute grave et que celle-ci est fondée ;

DÉBOUTE Monsieur [E] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis majorée des congés payés afférents, et d'un rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire ;

DEBOUTE Monsieur [J] [U] [E] de tous ses autres chefs de demande ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel en faveur de quiconque ;

CONDAMNE la société S.M.S. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président

Sophie MascrierMichel Bussière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 14/09751
Date de la décision : 27/04/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°14/09751 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-27;14.09751 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award