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18/03/2016 | FRANCE | N°15/01338

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 18 mars 2016, 15/01338


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 15/01338





[Z]

C/

Société COIRO

Association CONGES INTEMPERIES BTP Caisse Rhône et Drôme







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 03 Février 2015

RG : F 13/05135

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 18 MARS 2016







APPELANT :



[H] [Z]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1] (MA

ROC)

[Adresse 1]

[Localité 2]



comparant en personne, assisté de Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON substitué par Me RENARD, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC



bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2015/0...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 15/01338

[Z]

C/

Société COIRO

Association CONGES INTEMPERIES BTP Caisse Rhône et Drôme

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 03 Février 2015

RG : F 13/05135

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 18 MARS 2016

APPELANT :

[H] [Z]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1] (MAROC)

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON substitué par Me RENARD, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2015/006443 du 26/03/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON

INTIMÉES :

Société COIRO

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Olivier LACROIX de la SELARL CEFIDES, avocat au barreau de LYON

Association CONGES INTEMPÉRIES BTP

Caisse Rhône et Drôme

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-claude DESSEIGNE de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON substituée par Me Sabine LAMBERT- FERRERO, avocat au barreau de LYON

Parties convoquées le : 11 juin 2015

Débats en audience publique du : 03 février 2016

Présidée par Michel SORNAY, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Lindsey CHAUVY, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Didier JOLY, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 mars 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaëtan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [H] [Z] a été embauché par la société COIRO le 5 janvier 2004 en qualité de man'uvre dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée soumis à la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics. Au dernier état de la relation de travail, il exerçait les fonctions de cylindreur, pour un salaire brut mensuel de 1624,81 euros.

Le 3 février 2010, [H] [Z] a été victime un accident du travail en suite duquel il a été en arrêt de travail jusqu'au 5 novembre 2012 inclus.

Par courrier du 25 octobre 2012, la société COIRO a fait convoquer [H] [Z] à une première visite médicale qualifiée de visite de reprise et fixée au 5 novembre 2012, visite au terme de laquelle le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste mais apte à un travail de type sédentaire, comme par exemple un poste administratif.

Lors d'une seconde visite médicale 20 novembre 2012, le médecin du travail a confirmé son premier avis d'inaptitude.

Par courriers du 7 décembre 2012, la société COIRO a en premier lieu fait part à [H] [Z] de l'impossibilité de lui trouver un poste de reclassement au sein de l'entreprise et du groupe, et en second lieu convoqué l'intéressé un entretien préalable à son licenciement, entretien fixé au 18 décembre 2012.

En suite de cet entretien, la société COIRO a notifié à [H] [Z] par lettre recommandée du 21 décembre 2012 son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, après avoir consulté les délégués du personnel.

Le 19 novembre 2013, [H] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon afin que celui-ci, à titre principal, déclare nul le licenciement qui a été notifié à [H] [Z] et condamne la société COIRO à lui verser la somme de 19'500 € à titre de dommages-intérêts, et, à titre subsidiaire, déclare abusif le licenciement qui lui a été notifié et condamne la société COIRO à lui verser la somme de 15'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société COIRO s'est opposée à l'ensemble de ces demandes.

La Caisse des congés payés du bâtiment du Rhône et de la Drôme est intervenue volontairement à cette procédure.

Par jugement du 3 février 2015, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

'rejeté la demande d'annulation du licenciement présentée par [H] [Z], considérant cette mesure comme régulière puisqu'elle est intervenue après 2 avis médicaux d'inaptitude et consultation des délégués du personnel ;

'dit que ce licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et est fondé ;

'débouté [H] [Z] de l'intégralité de ses demandes ;

'débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné [H] [Z] aux entiers dépens de l'instance.

[H] [Z] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 11 février 2015.

***

Par ses dernières conclusions, [H] [Z] demande la cour d'appel de :

à titre principal,

'dire et juger que le licenciement intervenu est nul et de nul effet, la première visite médicale étant intervenue alors que le salarié était encore en arrêt suite à son accident du travail, et pour défaut de consultation régulière des délégués du personnel ;

'condamner en conséquence la société COIRO à payer à [H] [Z] la somme de 19'500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

à titre subsidiaire,

'de constater que la société COIRO n'a pas mis en 'uvre de façon loyale son obligation de reclassement ;

'dire et juger que le licenciement intervenu est abusif ;

'condamner en conséquence la société COIRO à payer à [H] [Z] la somme de 19'500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif

en tout état de cause,

'constater que la société COIRO a manqué à son obligation de maintenir la capacité de [H] [Z] à occuper un emploi ;

'à titre principal, condamner en conséquence société COIRO à payer à [H] [Z] la somme de 19'500 € à titre de dommages-intérêts à raison du manquement de son employeur à son obligation de formation et d'adaptation ;

'à titre subsidiaire, condamner la société COIRO à payer à [H] [Z] la somme de 8000 € à titre de dommages-intérêts à raison du manquement de son employeur son obligation de formation et d'adaptation ;

'dire et juger que [H] [Z] a acquis 30 jours de congés payés durant son arrêt maladie pris en charge au titre de la législation professionnelle ;

'déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la Caisse des congés payés du bâtiment du Rhône et de la Drôme ;

'à titre principal, condamner la société COIRO à verser à [H] [Z] la somme de 2071 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

'à titre subsidiaire, condamner la Caisse des congés payés à verser à [H] [Z] la somme de 2071 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

'condamner la société COIRO à remettre à [H] [Z] un bulletin de salaire, établi en fonction des condamnations ici prononcées, le tout sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

'condamner la société [H] [Z] à verser à Maître Fabien ROUMEAS la somme de 2000 € au titre de l'article 700, 2° du code de procédure civile.

Pour sa part, la société COIRO , dans ses dernières écritures, demande à la cour d'appel de confirmer le jugement entrepris et, en conséquence :

'dire et juger le licenciement de [H] [Z] parfaitement régulier et valable ;

'dire et juger le licenciement de [H] [Z] fondé et justifié,

'débouter [H] [Z] de sa demande à titre de dommages-intérêts pour prétendu licenciement nul ou encore dénué de cause réelle et sérieuse ;

'débouter [H] [Z] de sa demande à titre de dommages-intérêts pour prétendu manquement de l'employeur à son obligation de maintenir son employabilité ;

'débouter [H] [Z] de sa demande de rappel sur indemnités de congés payés présentés à l'encontre de la société COIRO

'débouter [H] [Z] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

'débouter la Caisse de congés intempéries BTP Rhône et Drôme de toutes ses demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société COIRO ;

'condamner [H] [Z] au paiement de la somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières écritures, l'association CONGÉS INTEMPÉRIES BTP / CAISSE RHÔNE ET DRÔME, intervenante intimée, a rappelé que la compétence prud'homale ne peut être retenue que pour connaître de la demande formée par un salarié contre la caisse de congés payés du bâtiment en déclaration du jugement commun dans l'instance engagée par lui devant le conseil de prud'hommes contre l'employeur, mais non pour que la caisse soit condamnée à payer les sommes éventuellement dues, cette procédure ayant tout au plus pour objet de permettre aux salariés d'invoquer à l'encontre de ladite caisse la décision à intervenir à l'égard de l'employeur.

L'association estime donc que la cour d'appel statuant en matière prud'homale est incompétente pour connaître de cette demande directe en paiement présentée par [H] [Z] à son encontre et sollicite le renvoi des parties à se pourvoir de ce chef devant le tribunal d'instance de Villeurbanne.

Au surplus, elle estime que [H] [Z] ne peut prétendre à aucun rappel de congés payés au titre des périodes 2010'2011 et 2011'2012, en application des dispositions de l'article L 3141'3 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable.

Enfin elle sollicite la condamnation de qui mieux le devra de [H] [Z] ou de la société COIRO à lui payer la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens de première instance et d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1.' Sur les visites de reprise et la constatation de l'inaptitude du salarié.

Aux termes de l'article R 46 24'31 du code du travail,

Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé :

1° Une étude de ce poste ;

2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ;

3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires.

Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen.

En l'espèce, le médecin du travail a déclaré [H] [Z] inapte à son travail au sein de l'entreprise COIRO en deux visites intervenues l'une le 5 novembre 2012 et l'autre le 20 novembre 2012.

Pour contester la régularité de la constatation de son inaptitude par le médecin du travail, [H] [Z] affirme que la visite médicale du 5 novembre 2012 ne peut être considérée comme un premier examen au sens du 3° de ce texte, dans la mesure où elle est intervenue à un moment où son arrêt travail était encore en cours.

Il résulte toutefois des pièces numéro 4 et 5 versées aux débats par l'employeur que [H] [Z] a adressé à l'entreprise COIRO fin octobre 2012 un certificat médical final d'accident du travail mentionnant une consolidation du patient avec séquelles au 22 octobre 2012.

En l'état de cette consolidation et en l'absence de toute manifestation du salarié d'une volonté de ne pas reprendre le travail, il appartenait à l'employeur, afin d'apprécier l'aptitude du salarié à reprendre son poste, de faire procéder par le médecin du travail à un examen médical de reprise, et il importe peu dans ce contexte que cette visite de reprise soit intervenue au cours de la dernière journée d'arrêt travail de [H] [Z].

Il y a donc lieu de considérer que l'inaptitude de [H] [Z] à l'exercice de ses fonctions a bien été constatée par le médecin du travail, conformément aux dispositions de l'article R 46 24'31 du code du travail précité, par deux examens médicaux espacés de deux semaines.

C'est donc à tort que le salarié invoque ici une irrégularité de la procédure et prétend en tirer pour conséquence la nullité de la procédure de licenciement.

2.' Sur la régularité de la consultation des délégués du personnel :

L'article L 12 26-10 du code du travail disposent que le licenciement d'un salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement ne peut intervenir qu'après avis des délégués du personnel.

En l'espèce, [H] [Z] conteste la régularité de la consultation des délégués du personnel à laquelle l'employeur a procédé, au motif que tous les membres titulaires de la délégation unique du personnel n'étaient pas présents lors de la consultation par l'employeur sur le projet de licenciement avec impossibilité de reclassement de [H] [Z] , et que le membre suppléant de cette délégation s'est prononcé sans qu'on sache quel membre titulaire il remplaçait.

La société COIRO estime pour sa part que sa consultation des membres de la délégation unique du personnel en leur qualité de délégués du personnel est régulière et suffisante et satisfait aux prescriptions de l'article L 1226'10 précité.

En ce sens, elle verse aux débats :

'le procès-verbal de réunion le 5 décembre 2012 des membres de cette délégation unique en leur qualité de délégué du personnel sur l'inaptitude de [H] [Z] constatée par le médecin du travail, le caractère réduit de ses aptitudes résiduelles et l'impossibilité de le reclasser dans l'entreprise, cette consultation ayant abouti à la conclusion suivante : « les membres de la DUP ne s'opposent pas à l'impossibilité de reclassement du salarié ».

'la convocation adressée par l'employeur aux membres de la délégation unique du personnel en vue de cette réunion du 5 décembre 2012 avec mention à l'ordre du jour de la question posée par l'inaptitude de [H] [Z] à son emploi ;

'les attestations établies à la demande de l'employeur par les membres de la délégation unique du personnel [M] [L], [O] [T], [F] [D] [M], [G] [K] et [T] [Q], dont il résulte que tous indiquent avoir été suffisamment informés en vue de leur consultation sur les difficultés de reclassement de [H] [Z], l'employeur leur ayant fourni la déclaration d'accident du travail du 4 février 2010 du salarié, les 2 fiches médicales d'aptitude du médecin du travail des 5 et 20 novembre 2012, et le courrier du médecin du travail du 20 novembre 2012, [M][L] précisant en outre pour sa part qu'il avait été consulté en sa qualité de suppléant de Monsieur [H].

En l'état de ces éléments, la cour estime que la société COIRO démontre avoir régulièrement consulté les membres de la délégation unique du personnel en leur qualité de délégués du personnel sur son projet de licenciement de [H] [Z] pour inaptitude et impossibilité de reclassement, et les avoir à cette fin suffisamment informés pour qu'ils puissent donner un avis en parfaite connaissance de cause.

Aucune nullité du licenciement n'est donc encourue de ce chef.

3.- Sur l'insuffisance de la recherche de reclassement à laquelle l'employeur a procédé :

[H] [Z] estime que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse au motif que son employeur l'a licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement alors qu'il n'a pas procédé à une recherche sérieuse en vue de le reclasser tant au sein de l'entreprise qu'au sein du groupe auquel celle-ci appartient.

L'article L1226-2 du code du travail dispose à ce sujet que :

Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Par ailleurs il est constant que seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de rechercher pour son salarié un reclassement avant de le licencier éventuellement pour inaptitude.

En l'espèce, [H] [Z] occupait dans l'entreprise un poste de cylindreur pour les travaux de voirie. Les 2 avis émis par le médecin du travail les 5 et 20 novembre 2012 conclut à l'inaptitude de [H] [Z] à son poste de travail et à son aptitude résiduelle à un travail de type sédentaire, comme par exemple un poste administratif. La lettre du médecin du travail à l'employeur du 20 novembre 2012 précise en outre que l'état de santé de l'intéressé contre-indique la manutention de charges de plus de 5 kg ainsi que les positions contraignantes pour le rachis dorso-lombaire, c'est-à-dire les flexions et rotations du tronc, la conduite d'engins de chantier étant également contre-indiquée. Le médecin du travail précise que [H] [Z] reste cependant apte à un poste sédentaire, comme par exemple un poste de type administratif, en alternant les positions assis/debout.

L'employeur verse aux débats le registre des entrées et sorties du personnel de la société COIRO et en déduit qu'il n'existait à cette période aucun poste vacant susceptible de convenir aux aptitudes résiduelles de [H] [Z], rappelant par ailleurs à juste titre que son obligation de rechercher un reclassement ne lui imposait pas de créer un nouveau poste au bénéfice de ce salarié ou encore de modifier à cette fin le contrat de travail d'un autre salarié de l'entreprise.

De même, l'employeur justifie avoir consulté vainement les autres sociétés de son groupe sur la possibilité d'un reclassement en leur sein de [H] [Z] tenant compte de ses aptitudes résiduelles.

Pour contester le sérieux de cette recherche de reclassement, [H] [Z] fait valoir que la société COIRO ne lui a même pas demandé de lui adresser un curriculum vitae qui aurait selon lui été seul à même d'informer l'employeur sur ses compétences initiales ou acquises en cours de contrat.

Il y a lieu toutefois de relever que [H] [Z], né le [Date naissance 1] 1975 et donc âgé de 37 ans lors de son licenciement, était employé depuis 9 années dans l'entreprise au moment de cette recherche de reclassement, que le médecin du travail excluait expressément son affectation un quelconque poste de chantier, même comme conducteur d'engins et limitait sa compétence résiduelle à un éventuel emploi de bureau avec alternance de postures assises et debout et sans port de charges supérieures à 5 kg.

En l'état, il y a lieu de considérer que l'employeur était suffisamment informé sur les compétences et les aptitudes résiduelles du salarié concerné, qui ne se donne d'ailleurs même pas la peine de préciser dans ses écritures quel type de poste il aurait concrètement pu occuper soit dans l'entreprise COIRO, soit dans une autre entreprise de son groupe.

Il y a donc lieu de considérer que la recherche de reclassement effectué par la société COIRO en ce qui concerne [H] [Z] a été suffisamment sérieuse, qu'elle n'a pas abouti positivement et qu'en l'état de l'inaptitude de [H] [Z] à son poste, le licenciement litigieux pour inaptitude et impossibilité de reclassement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

[H] [Z] sera donc débouté de sa contestation de ce licenciement comme de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif.

4.- Sur l'exécution par l'employeur de son obligation matière de formation et d'adaptation du salarié :

L'article L 6321'1 du code du travail dispose que :

« l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leurs capacités à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme. Les actions de formation mises en 'uvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionnée au premièrement de l'article L 6312'1 ».

[H] [Z] estime que la société COIRO a violé ce texte en ne lui assurant aucune formation depuis son arrivée dans l'entreprise et réclame en conséquence le paiement par l'employeur d'une somme de 19'500 €à titre de dommages-intérêts, considérant que ce manquement de l'employeur à ses obligations est à l'origine de la perte de son emploi. Subsidiairement, il estime à tout le moins que son préjudice né de ce défaut de formation est au moins égal à 8000 €.

La société COIRO s'oppose à ces demandes, estimant que [H] [Z] était parfaitement compétent pour l'exécution des tâches qui lui étaient confiées, qu'il n'avait aucun besoin de formation à cette fin et que l'article L 6321'1 précité ne met à la charge de l'employeur qu'une faculté de formation du salarié et non une obligation.

Il est toutefois constant qu'en vertu de cet article L 6321'1, l'employeur a bien une obligation de veiller au maintien de la capacité de ses salariés à occuper un emploi, et que même si en l'espèce il n'est pas contesté que [H] [Z] n'encourait aucune critique dans la réalisation de son travail de cylindreur, il n'en reste pas moins que le fait qu'il n'a bénéficié d'aucune formation professionnelle pendant toute la durée de son emploi au sein de l'entreprise, soit 9 années, suffit à établir un manquement de l'employeur à son obligation de veiller au maintien de sa capacité à occuper un emploi.

Pour autant, cette obligation de l'employeur ne saurait s'assimiler à une obligation d'assurer l'adaptation du salarié à n'importe quel emploi, même administratif, au sein de l'entreprise.

C'est donc à tort que [H] [Z] soutien en l'espèce que ce manquement de l'employeur à son obligation de formation à son égard est à l'origine de son licenciement, qui résulte en réalité de l'inaptitude consécutive à son état de santé et de l'absence de solution de reclassement.

Ce manquement de l'employeur a causé à [H] [Z] un préjudice distinct de celui né de son licenciement pour inaptitude, préjudice dont la cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer la juste réparation à la somme de 2000 €au paiement de laquelle la société COIRO sera condamnée de ce chef.

5.' Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

[H] [Z] fait valoir qu'il a été victime le 3 février 2010 d'un accident du travail et qu'il a depuis été placé en arrêt de travail pris en charge au titre de la législation professionnelle jusqu'au 5 novembre 2012 inclusivement.

Il en déduit qu'il a acquis durant cette période un droit à 30 jours de congés payés qu'il n'a jamais pu prendre en raison de son arrêt maladie, et estime en conséquence que la société COIRO doit lui payer ces jours sous la forme d'une indemnité compensatrice de 2071 €.

À titre subsidiaire, il sollicite la condamnation de la CAISSE DES CONGÉS PAYÉS RHÔNE ET DRÔME à lui verser cette somme.

La société COIRO s'oppose à la demande de condamnation ainsi formée contre elle, rappelant qu'elle est adhérente à la caisse CONGÉS INTEMPÉRIES BTP, qui ne le conteste pas, qu'elle a ainsi délégué sa gestion des congés payés à cette caisse, à laquelle elle a régulièrement adressé en leur temps tous les certificats nécessaires pour que [H] [Z] soit rempli de ses droits.

Elle conclut donc au débouté de [H] [Z] à titre principal, et de la CAISSE DES CONGÉS INTEMPÉRIES BTP DU RHÔNE ET DE LA DRÔME à titre subsidiaire.

L'association CONGÉS INTEMPÉRIES BTP, CAISSE RHÔNE ET DRÔME, estime pour sa part qu'aucune demande directe en paiement de congés payés ne peut être formulée contre elle par le salarié, une telle demande relevant non des juridictions prud'homales mais de la compétence de juridiction de droit commun, en l'espèce le tribunal d'instance de Villeurbanne, et que sa mise en cause par la présente instance prud'homale ne pouvait avoir pour objet que de lui rendre opposable la décision intervenant entre l'employeur et son salarié.

Elle sollicite donc le renvoi des parties à se pourvoir devant le Tribunal d'instance de Villeurbanne du chef des demandes ainsi formées contre elles par les autres parties.

Il y a lieu toutefois de constater que la présente Cour est juridiction d'appel tant du Conseil de prud'hommes de Lyon ayant rendu le jugement déféré que du Tribunal d'instance ainsi désigné comme compétent matériellement et territorialement par cette caisse de congés payés.

Il en résulte qu'il appartient à la Cour, par application de l'article 79 du code de procédure civile, de statuer sur le fond des demandes en paiement ainsi formulées tant par [H] [Z] que par la société COIRO à titre subsidiaire, et que l'exception d'incompétence ici soulevée par l'association CONGÉS INTEMPÉRIES BTP RHÔNE ET DRÔME doit être rejetée comme mal fondée.

Il résulte des pièces versées aux débats que [H] [Z] a été en arrêt maladie pour accident du travail du 3 février 2010 au 5 décembre 2012.

Par application de l'article L3141-5 du code du travail, cette période d'arrêt maladie à la suite d'un accident du travail est considérée comme un période de travail effectif dans la limite d'un an au plus. Elle ouvre donc droit pour ce salarié, par application de l'article L3141-3 du même code, à 2,5 jours de congés payés par mois dans la limite maximale de 30 jours par an au plus.

Le salarié étant réputé avoir accompli un travail effectif durant l'intégralité de ces douze mois, la question posée par la Caisse de congés payés de savoir si il a ou non effectué un travail effectif de 10 jours par mois durant cette période au regard de l'article L3141-3 dans sa rédaction antérieure à la loi du 22 mars 2012 est dénuée de toute pertinence.

[H] [Z] est donc bien fondé en sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de trente jours de congés payés, qui peut être évaluée sur la base de son salaire brut moyen mensuel de 1725,58 euros (salaire reconstitué au regard de l'attestation Pôle Emploi - pièce 16 du salarié) à la somme de 2071 euros (soit 1725,58 x 30/25).

L'employeur verse aux débats (pièces 16) le justificatif de ce qu'il a bien adressé à la caisse de congés payés les document nécessaires à l'intervention de cet organisme au bénéfice de [H] [Z] au titre de cet accident du travail.

L'association CONGÉS INTEMPÉRIES BTP RHÔNE ET DRÔME ne conteste pas avoir la société COIRO comme adhérente et ne justifie d'aucune carence de l'employeur en la matière, que ce soit pour le paiement de ses cotisations ou pour l'envoi des document nécessaires à la prise en charge du salarié, ni d'aucune mesure de suspension ou de radiation de l'entreprise.

Il en résulte que [H] [Z] n'a d'action en paiement de ces congés payés qu'à l'encontre de la caisse, et nullement à l'encontre de son employeur.

Il sera donc débouté de sa demande de ce chef contre la société COIRO, et l'association CONGÉS INTEMPÉRIES BTP RHÔNE ET DRÔME sera condamnée à lui payer à ce titre la somme précitée de 2071 euros.

6.'Sur les demandes accessoires :

Les dépens, suivant le principal, seront supportés par [H] [Z] en ce qui concerne tant la procédure de première instance que celle d'appel.

Vu les données du litige, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge intégrale des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'elles ont dû exposer pour la présente instance, tant devant le conseil de prud'hommes que devant la cour.

Les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la violation de l'obligation de formation des salariés par l'employeur ;

INFIRME ce jugement sur ce point et, statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS COIRO à payer à [H] [Z] la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de formation et d'adaptation à son égard ;

DIT que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

DÉBOUTE [H] [Z] de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés par la société COIRO ;

CONDAMNE l'association CONGÉS INTEMPÉRIES BTP RHÔNE ET DRÔME à payer à [H] [Z] la somme de 2071 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE [H] [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Gaëtan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 15/01338
Date de la décision : 18/03/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°15/01338 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-18;15.01338 ?
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