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18/03/2016 | FRANCE | N°15/01201

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 18 mars 2016, 15/01201


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 15/01201





[P]

C/

SAS BUSSAT IMMOBILER







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Février 2015

RG : F13/01056

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 18 MARS 2016







APPELANT :



[J] [P]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



comparant

en personne, assisté de Me Nicolas LAMBERT-VERNAY de la SELARL LAMBERT-VERNAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON



INTIMÉE :



SAS BUSSAT IMMOBILER

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Pierre COMBES, avocat au barreau de LYON, en prés...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 15/01201

[P]

C/

SAS BUSSAT IMMOBILER

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Février 2015

RG : F13/01056

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 18 MARS 2016

APPELANT :

[J] [P]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Nicolas LAMBERT-VERNAY de la SELARL LAMBERT-VERNAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS BUSSAT IMMOBILER

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre COMBES, avocat au barreau de LYON, en présence de M. [P] [O] (Gérant)

Parties convoquées le : 11 juin 2015

Débats en audience publique du : 03 février 2016

Présidée par Michel SORNAY, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Lindsey CHAUVY, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Didier JOLY, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 mars 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaëtan PILLIE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS BUSSAT IMMOBILIER est une agence immobilière située à [Adresse 2], qui a pour activité l'achat et la vente de biens immobiliers, à l'exclusion de toute activité de gestion locative.

Monsieur [J] [P] a été embauché par cette société dans le cadre d'un contrat initial d'agent commercial à durée déterminée le 18 septembre 1995. La société BUSSAT IMMOBILIER l'a toutefois embauché à compter du 1er avril 1996 en qualité de représentant négociateur VRP dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

La relation de travail est soumise aux dispositions de la convention collective nationale de l'immobilier.

Par avenants en vigueur à compter du 1er janvier 1997, son taux de commissionnement sur les affaires apportées par lui a été fixé à 23 % et sa rétrocession sur les estimations réalisées facturées a été fixée à 50 %.

Un nouveau contrat de travail a été conclu entre les parties le 19 février 2002, dont une copie non signée est versée aux débats par le salarié, mais la validité d ece document n'est pas contestée par les parties.

Ce contrat reconnaît à [J] [P] le statut de VRP négociateur immobilier mais stipule qu'outre ces fonctions de négociateur immobilier, [J] [P] assurera certaines tâches administratives de la société et bénéficiera, pour se faire d'une délégation de signature pour :

'recevoir les compromis à compte des clients acquéreurs,

'signé les mandats de vente,

'gérer les comptes séquestres,

'recevoir les courriers et colis P et T,

'en l'absence de Monsieur [K], président, gérer le compte courant bancaire de la société.

[J] [P] bénéficie ainsi d'un statut cadre, au niveau 7 coefficient 380 de la convention collective, avec majoration de la valeur du point titre de l'ancienneté. Il était assuré d'une garantie mensuelle de rémunération de 1829,39 euros par mois, outre un intéressement de 6 % sur le montant hors taxes des commissions perçues par le cabinet, avec un échelonnement de carrière et un treizième mois.

Par avenant signé le 5 décembre 2011, ce contrat de travail du 19 février 2002 a été modifié comme suit :

«' les dispositions prévues à l'article '1-4: rémunération' du contrat initial sont modifiées comme suit : le taux d'intéressement sur le chiffre d'affaires de Monsieur [J] [P] passe de 6 % à 10 % avec effet rétroactif au 1er janvier 2001.

D'un commun accord entre les parties, il est convenu que Monsieur [J] [P] percevra, avec effet rétroactif depuis le 1er janvier 2011, une rémunération sur ses apports d'affaires. Cette rémunération est fixée à 12,5 % du montant hors taxes des affaires apportées' »

Cet intéressement sur l'ensemble du chiffre d'affaires du cabinet immobilier s'explique par le fait qu'en pratique [J] [P] assurait depuis le 1er octobre 2000 la direction de l'agence immobilière exploitée par la société BUSSAT IMMOBILIER.

Par courrier remis en main propre contre décharge le 5 mars 2013, [J] [P] a été convoqué par la société BUSSAT IMMOBILIER à un entretien préalable à son éventuel licenciement, cet entretien étant fixé au 15 mars 2013. Cette convocation était assortie d'une mise à pied immédiat à titre conservatoire.

[J] [P] a aussitôt saisi le conseil de prud'hommes de Lyon le 13 mars 2013 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par courrier recommandé du 27 mars 2013, [J] [P] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave fondé sur les motifs principaux suivants :

'comportements inadaptés à l'égard des collaborateurs de l'agence, alors qu'il avait la responsabilité de celle-ci en sa qualité de directeur, certains collaborateurs évoquant même un harcèlement moral ;

'défaut d'enregistrement des mandats sur le registre des mandats, et autres manquements à la loi Hoguet ;

'faux en écriture : courrier à en-tête de la société à destination de Monsieur [R] ;

'mauvaise gestion des lignes téléphoniques de l'agence.

Devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, [J] [P] demandait à cette juridiction de :

'condamner la société BUSSAT IMMOBILIER à lui payer les sommes suivantes :

53'088,90 euros pour des heures supplémentaires sur la période du 1er février 2008 au 4 mars 2013,

5308,89 euros au titre des congés payés y afférents,

16'703,32 euros de dommages-intérêts pour non information sur ses droits à repos compensateurs,

1670,33 euros au titre des congés payés afférents,

55'696,27 euros d'indemnité pour travail dissimulé,

26'000 € de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

'principalement, ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société BUSSAT IMMOBILIER, pour non reconnaissance de son statut de directeur de l'agence, défaut de visite médicale suite à son arrêt maladie du 13 novembre au 23 décembre 2012, et défaut de paiement d'n très grand nombre d'heures supplémentaires ;

'subsidiairement, dire et juger que son licenciement ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse,

'en tout état de cause, condamner la société BUSSAT IMMOBILIER à lui payer les sommes suivantes :

6599,61 euros d'indemnité pour mise à pied conservatoire

659,96 euros au titre des congés payés y afférents

27'848,30 euros d'indemnité compensatrice de préavis

2787,83 euros au titre des congés payés y afférents

61'408,72 euros d'indemnité spéciale de rupture

ou subsidiairement, 39'915,66 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement

159'848 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

'condamner la société BUSSAT IMMOBILIER à lui remettre les bulletins de paye et documents de rupture rectifiée en fonction des condamnations prononcées, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, ainsi que l'exécution provisoire.

En défense, la société BUSSAT IMMOBILIER a conclu au débouté d'[J] [P] de l'intégralité de ses demandes.

Par jugement du 5 février 2015, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

'rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur formulé par [J] [P] ;

'jugé fondé le licenciement pour faute grave d'[J] [P] prononcé par la société BUSSAT IMMOBILIER ;

'débouté [J] [P] de l'intégralité de ses demandes ;

'condamné [J] [P] aux éventuels dépens d'instance.

[J] [P] a interjeté appel de cette décision le 11 février 2015.

***

Par ses dernières conclusions, [J] [P] demande à la cour d'appel de réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré et en conséquence de :

'condamner la société BUSSAT IMMOBILIER à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Lyon :

53'088,90 euros pour des heures supplémentaires sur la période du 1er février 2008 au 4 mars 2013

5308,89 euros au titre des congés payés y afférents

16'703,32 euros de dommages-intérêts pour non information sur ses droits à repos compensateurs

1670,33 euros au titre des congés payés afférents

55'696,27 euros d'indemnité pour travail dissimulé

26'000 € de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

sur la rupture du contrat de travail :

principalement

'ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail d'[J] [P] aux torts de la société BUSSAT IMMOBILIER ;

subsidiairement,

'dire et juger que le licenciement d'[J] [P] du 27 mars 2013 ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse ;

en tout état de cause,

'condamner la société BUSSAT IMMOBILIER à payer à [J] [P] les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Lyon :

6599,61 euros d'indemnité pour mise à pied conservatoire

659,96 euros au titre des congés payés y afférents

27'848,30 euros d'indemnité compensatrice de préavis

2787,83 euros au titre des congés payés y afférents

61'408,72 euros d'indemnité spéciale de rupture

ou subsidiairement, 39'915,66 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement

159'848 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

'condamner la société BUSSAT IMMOBILIER à lui remettre des bulletins de salaire faisant état de sa mention de directeur d'agence sur la période allant du 1er octobre 2000 au 27 juin 2013, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi établie en fonction des condamnations qui seront prononcées, le tout sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Pour sa part, la société BUSSAT IMMOBILIER sollicite dans ses dernières écritures la confirmation intégrale du jugement déféré et le débouté d'[J] [P] de l'intégralité de ses demandes ainsi que la condamnation de l'appelant à lui verser la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1.- Sur demande relative aux heures supplémentaires, aux repos compensateurs et au travail dissimulé :

Au soutien de sa demande en paiement de la somme principale de 53'088,90 euros au titre d'heures supplémentaires lui restant dues, [J] [P] indique avoir exercé à compter du 1er octobre 2000 dans les faits les fonctions de directeur d'agence et avoir de ce fait été contraint des horaires extrêmement importants :

'du lundi au vendredi de 9h15 à 12h30 et de 14h15 à 21h15

'le samedi de 9h30 à 12 h 30.

Il indique que depuis 2007, la société BUSSAT IMMOBILIER lui a payé systématiquement 4 heures supplémentaires par semaine, sans que ce règlement couvre la totalité des heures supplémentaires qu'il a réellement effectuées.

Pour s'opposer à cette demande, la société BUSSAT IMMOBILIER fait valoir qu'[J] [P] n'est pas soumis à la réglementation de la durée légale du travail d'une part du fait de son statut de voyageur représentant placier (VRP) prévu par le contrat de travail, et d'autre part par les fonctions de cadre dirigeant qu'il exerçait au sein de l'entreprise.

Sur le premier argument, il y a lieu de rappeler que selon l'article L-7311-13 du code du travail :

«Est voyageur, représentant ou placier, toute personne qui ..

1° Travaille pour le compte d'un ou plusieurs employeurs;

2° Exerce en fait de manière exclusive et constante une profession de représentant;

3° Ne fait aucune opération commerciale pour son compte personnel;

4° Est liée à l'employeur par des engagements déterminant :

a) La nature des prestations de services ou des marchandises offertes à la vente ou à l'achat;

b) La région dans laquelle il (elle) exerce son activité ou les catégories de clients qu'il (elle) est chargé(e) de visiter;

c) Le taux des rémunérations.»

Ce statut VRP s'applique obligatoirement lorsque les conditions sont réunies les conditions prévues par ce texte, mais que si ne sont pas respectées, les parties peuvent toutefois convenir d'appliquer volontairement le statut VRP.

Il est à noter qu'en l'espèce :

'les conditions de rémunération, et notamment de commissionnement, du salarié sont bien précisées dans le contrat de travail du 19 février 2002 et par son avenant précité du 5 décembre 2011 ;

'le secteur géographique confié à [J] [P] dans ses fonctions de VRP est clairement défini par son contrat de travail dans les termes suivants : « le VRP prospectera en priorité la commune de [Localité 1], plus particulièrement sur les premiers, 6e, 7e et 8e arrondissement. Le secteur pourra être modifié en fonction de la nécessité de l'organisation de la société. »

' les activités liées aux fonctions de directeur de l'agence immobilière assumées par [J] [P] peuvent être considérées comme accessoires à l'activité de VRP prévue au contrat de travail ;

'le statut de VRP ainsi conféré à [J] [P] depuis 1996 a été expressément maintenu par le contrat de travail du 19 février 2002, et ce alors même qu'il est constant que l'intéressé assumait déjà à l'époque la direction de l'agence depuis le mois d'octobre 2000.

À ce jour, la Cour constate qu'aucune des parties ne remet en cause ce statut dans le cadre du présent litige, la société s'en prévalant pour contester la demande d'heures supplémentaires présentée par le salarié, et ce dernier l'invoquant pour sa part en sollicitant au terme de ses écritures le paiement par son employeur de l'indemnité spéciale de rupture du contrat de travail spécifique aux VRP.

Or les règles relatives à la durée légale du travail et aux heures supplémentaires ne sont pas applicables aux salariés relevant du statut de VRP, ce que rappelait d'ailleurs une clause expresse du contrat de travail du 19 février 2002, ainsi rédigée :

« 1. 5. HORAIRES DE TRAVAIL

Compte tenu de la nature de sa fonction, de son système de rémunération et de la latitude qu'il a dans la gestion de son temps de travail, le négociateur reconnaît expressément ne pouvoir se prévaloir d'un horaire fixe de travail.

Par ailleurs nous rappelons que les VRP sont exclus de la loi du 19 janvier 2000, plus communément appelée 'loi 35 heures'. »

[J] [P] conteste dans ses conclusions la légalité de cette clause qu'il estime abusive, sans toutefois expliquer en quoi elle le serait.

Dès lors que l'intéressé revendique le bénéfice du statut de VRP, il est manifestement mal fondé à contester la validité de cette clause qui ne fait que reprendre les dispositions légales applicables aux VRP et la convention collective nationale de l'immobilier du 9 septembre 1988 (étendue par arrêté du 24 février 1989) qui, en son article 19.1 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail stipule que « Au plan professionnel, les présentes dispositions sont directement applicables aux relations entre employeurs et salariés visés à l'article 1er de la convention collective nationale de l'immobilier, à l'exclusion des salariés faisant de la représentation, laquelle s'exerce à l'extérieur de l'entreprise et se caractérise par la prospection de la clientèle et la négociation avec cette dernière en vue de prendre des ordres ou de provoquer des ordres ou des commandes, et aux unités économiques et sociales appliquant la convention collective nationale de l'immobilier précitée. »

Il en résulte directement qu'en sa qualité de VRP, et même s'il exerçait accessoirement à son travail de représentation des fonctions administratives de direction de l'agence, [J] [P] est mal fondé à réclamer à son employeur le paiement d'heures supplémentaires.

Sa demande de ce chef sera donc rejetée, de même que celles, subséquentes, en paiement d'indemnités pour non-respect des règles de repos compensateurs relatifs aux heures supplémentaires et pour travail dissimulé.

2.' Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur

Au soutien de cette demande de résiliation judiciaire, [J] [P] invoque à l'encontre de la société BUSSAT IMMOBILIER plusieurs griefs :

' le défaut de paiement des heures supplémentaires précitées ;

' l'absence d'organisation par l'employeur d'une visite médicale de reprise à l'issue l'arrêt travail pour maladies qu'il a subi du 13 novembre au 23 décembre 2012 inclus.

'l'absence de reconnaissance par l'employeur du statut de directeur d'agence d'[J] [P], fonction pourtant assumée par lui en pratique depuis le 1er octobre 2000 et finalement reconnue par l'employeur, ainsi que cela résulte de la rédaction de son reçu pour solde de tout compte et de son certificat travail destiné à Pôle Emploi établi en 2013 en suite de son licenciement.

L'article 1184 du code civil permet à l'une ou l'autre des parties à un contrat synallagmatique d'en demander la résolution judiciaire en cas d'inexécution par l'autre partie des obligations découlant de ce contrat.

Pour que sa demande en ce sens puisse ici prospérer, le salarié doit démontrer l'existence de manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles et que ces manquements sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

Le premier grief relatif aux heures supplémentaires est mal fondé, ainsi que cela résulte des développements qui précèdent.

Sur la visite médicale de reprise, l'article R 4624'22 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret du 30 janvier 2012 applicable à compter du 1er juillet 2012, dispose que :

Le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

Il résulte de ce texte qu'[J] [P] aurait effectivement dû bénéficier à son retour d'arrêt maladie le 23 décembre 2012 d'une visite médicale de reprise, son arrêt ayant duré plus de 30 jours.

Toutefois, il convient de relever que ce salarié ne justifie pas avoir réclamé à son employeur l'organisation de cette visite médicale, et qu'il n'explique aucunement en quoi le manquement de la société BUSSAT IMMOBILIER à ses obligations sur ce point pouvait être de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail liant les parties.

En ce qui concerne le 3e reproche, tiré de l'absence de reconnaissance par l'employeur de la qualité de directeur d'agence d'[J] [P], ce dernier fait valoir que la société BUSSAT IMMOBILIER n'a expressément mentionné cette qualité de directeur que dans son certificat de travail de fin de contrat et dans le reçu pour solde de tout compte qui lui ont été remis le 27 mars 2013.

Il convient cependant de relever que les parties sont d'accord pour considérer qu'[J] [P] a exercé dans les faits ces fonctions de direction de l'agence du 1er octobre 2000 jusqu'à son licenciement en janvier 2013, que ses fiches de paye n'ont effectivement jamais mentionné sa qualité de directeur d'agence bien qu'elles aient été établies sous son contrôle du fait même de ces fonctions, et que pour autant [J] [P] ne justifie aucunement avoir adressé à la société BUSSAT IMMOBILIER une quelconque réclamation quant à la reconnaissance de ce titre de directeur durant toutes ces années.

Ainsi, à supposer même que cette absence de reconnaissance de sa qualité de directeur d'agence ait été fautive de la part de son employeur, force est de constater qu'[J] [P] ne démontre pas en quoi cette erreur de l'employeur aurait été de nature à rendre soudainement impossible la poursuite du contrat de travail début 2013, alors que cette situation perdurait depuis plus de 12 ans.

Dans ces conditions, la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail présenté par [J] [P] sera rejetée, aucun des trois griefs articulés par le salarié à l'encontre de la société BUSSAT IMMOBILIER n'étant de nature à justifier le prononcé de cette résiliation.

3.' Sur le bien fondé du licenciement d'[J] [P] :

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, et d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis.

En l'espèce, la lettre de licenciement adressé le 27 mars 2013 à [J] [P] est ainsi motivée :

« Vous avez été recruté par la société BUSSAT IMMOBILIER à compter du 1er avril 1996, en qualité de négociateur salarié VRP.

Vous occupez actuellement les fonctions de directeur d'agence, ce depuis le 1er octobre 2000.

Du 14 au 23 décembre 2012, vous avez été en arrêt maladie. Afin d'assurer la poursuite de l'activité au sein de l'agence, j'ai assuré votre remplacement durant cette période.

À cette occasion, j'ai pu m'entretenir avec certains collaborateurs qui m'ont confié rencontrer des difficultés relationnelles avec vous, sans pour autant vous en imputer la responsabilité.

Dans les jours précédant votre retour, ils m'ont remercié pour ma disponibilité et mon écoute. Certains m'ont clairement indiqué qu'ils appréhendaient beaucoup votre retour, ce qui n'a pas manqué de me surprendre.

Dès la fin du mois de janvier 2013, un collaborateur m'a alerté quant à votre comportement inadapté à l'égard des collaborateurs de l'agence (courrier du 31 janvier 2013). Par la suite, au cours du mois de février, j'ai reçu des attestations de l'ensemble des salariés de la société dans lesquels ils se plaignaient également de votre comportement, certains allant jusqu'à évoquer du harcèlement moral.

Compte tenu de la gravité des faits dénoncés, il m'est apparu nécessaire de déclencher une procédure disciplinaire à votre encontre et de prononcer une mise à pied à titre conservatoire, dans l'attente d'une décision vous concernant. En réaction, et alors que rien ne le laissait présager, vous avez cru devoir saisir le conseil de prud'hommes de Lyon d'une demande de résiliation judiciaire de votre contrat de travail.

Cela étant, suite à votre mise à pied à titre conservatoire, j'ai de nouveau assuré la gestion de l'agence.

À cette occasion, et non sans surprise, j'ai découvert non seulement que vous adoptez un comportement inadmissible l'égard de vos collaborateurs mais que de surcroît, vous commettiez des manquements aux obligations professionnelles d'une grande gravité.

Problèmes comportementaux et managériaux

Comme indiqué ci-dessus, au cours des mois de janvier et février 2013, l'ensemble des salariés de l'agence, sans exception, ont dénoncé leurs conditions de travail et m'ont alerté quant à votre comportement leur égard générateur pour certains de souffrance au travail.

Ces attestations sont sans appel vous concernant. Leur contenu m'a heurté tant par la gravité des comportements dénoncés que par les conséquences de ce dernier sur l'état de la santé psychologique des collaborateurs et sur leurs conditions de travail.

Non seulement les collaborateurs déplorent votre manque d'écoute et de communication mais ils dénoncent également un comportement inapproprié et inadapté, ce d'autant plus au regard de votre fonction de directeur d'agence.

En effet, et sans être exhaustif, les collaborateurs vous reprochent vos « humeurs exécrables, railleries, petites phrases pernicieuses ».

Ils ne supportent plus le ton agressif et irrespectueux sur lequel vous vous adressez à eux. Certains n'osent plus s'adresser à vous. À titre d'illustration, Madame [I], dans un courrier en date du 12 février 2013, nous a écrit que « je ne sais comment répartir les honoraires entre lui et moi et n'ai absolument pas le courage d'affronter de nouveau seule mon responsable direct. »

Le témoignage de Madame [T] a particulièrement attiré mon attention (attestation datée du 8 février 2013). En effet, parlant de vous, elle a écrit : « Il est vraiment très difficile de venir travailler chaque matin dans l'appréhension de la journée à venir. (') Ces agissements pourraient être considérés comme un harcèlement moral. ».

De même, le témoignage de Madame [J] (attestation du 9 février 2013), ancienne salariée de l'agence, m'a interpellé, ce pour les mêmes raisons qu'évoqué ci-dessus concernant Madame [T].

Il ressort notamment de son attestation que « les relations entre nous étaient devenues épouvantables. Je ne pouvais plus rien lui demander. (') Il était si désagréable qu'en voulant être concise je me mettais à bégayer. Il riait alors se moquant ouvertement de moi sans scrupule. »

Par ailleurs, Monsieur [M] qui vous décrit comme quelqu'un d'« imbu de sa personne, humiliant, pédant, irascible » qui « n'a en aucun cas l'aura d'un responsable à l'écoute de son équipe » m'a clairement écrit, le 30 janvier 2013, sans la moindre équivoque, qu'il envisageait de quitter l'agence. Comme vous le savez, il a finalement démissionné le 25 février 2013, décision que je ne peux que regretter compte-tenu de ses qualités professionnelles.

Ces illustrations vous permettent de constater l'impact désastreux de votre comportement sur les conditions de travail de vos collaborateurs et la menace qu'ils représentent sur leur santé psychologiques.

Face à cet « appel à l'aide » général, je me dois de réagir et d'agir pour faire cesser cette situation dramatique. Il m'appartient en effet, au regard de la loi et en tant que président de la société, d'assurer la santé et la sécurité des salariés.

En outre, je tiens à vous témoigner la déception qui est la mienne vous concernant. Vous n'avez pas su être à la hauteur des attentes que je suis en droit d'attendre d'un directeur d'agence et vous avez bafoué les valeurs de notre société.

Le défaut d'enregistrement des mandats sur le registre des mandats et autre manquement à la loi Hoguet

Par ailleurs, en reprenant la gestion de l'agence, ce durant votre mise à pied à titre conservatoire, je me suis aperçu que certains mandats n'avaient pas été enregistrés par vos soins dans le registre des mandats (alors que cela relève de vos attributions), ce qui est parfaitement contraire aux règles de notre profession lesquels s'imposent à vous (exemple : dossier vente indivision [Y], dossier [L], dossier [Q]).

Vous ne pouvez ignorer que le mandat doit remplir des conditions de forme et de fond fixées par la loi Hoguet et son décret d'application qui se doivent être impérativement respectées.

Ainsi, est-il nécessaire de vous rappeler que le mandat doit être impérativement écrit et préalable à tout acte de négociation ou d'engagement pour le compte d'autrui pour toutes les opérations mentionnées à l'article 1er de la loi Hoguet et que l'article 72 du décret de 1972 précise que tous les mandats doivent être inscrits par ordre chronologique sur un registre des mandats coté à l'avance, sans discontinuité et relié.

Le numéro d'ordre du mandat doit être porté sur l'exemplaire remis au mandant et sur celui revenant au mandataire : l'absence de numéros d'ordre sur l'exemplaire du mandat remis au mandant entraîne la nullité du contrat et la perte des honoraires de l'agent immobilier.

Nous ne pouvons tolérer d'un directeur d'agence qu'il viole sciemment les règles professionnelles s'imposant à lui, ce d'autant plus au regard des conséquences de telles violations.

Nous avons également reçu récemment un courrier recommandé de mise en demeure, de Me [L] [V], mettant en demeure la société de lui reverser, suite au jugement prononcé par le tribunal de Grande instance de Bourgoin-Jallieu le 20 octobre 2011, la somme sous séquestre de 8250 €. Plusieurs relances avaient été effectués par Me [V], sans aucune réaction de votre part.

En outre, j'ai découvert très récemment que vous aviez signé un compromis (vente [B] / [C]) au nom de la société dans ses locaux. Après vérification, il s'avère qu'aucun mandat, aucun honoraire ni aucun séquestre ne correspond ce compromis.

Enfin, dans le cadre de la vente des biens situés [Adresse 3], achetés par la SCI GRI, et [Adresse 1], aucun honoraire n'a été versé à la société BUSSAT IMMOBILIER .

Par votre comportement, vous nuisez tant aux intérêts de la société qu'à son image.

Cela est d'autant plus regrettable qu'il vous appartenait en tant que directeur de l'agence de promouvoir l'image de la société et d'oeuvrer dans son intérêt.

Le faux en écriture

Une de vos collaboratrices m'a récemment informé du fait que durant votre arrêt maladie, vous l'aviez sollicitée afin qu'elle vous prépare un courrier sur papier en-tête de la société, à destination de Monsieur [R], au terme duquel vous lui indiquiez « malgré quelques demandes de prospects qualifiables de curieux, nous n'avons, et nous le regrettons, pas rencontré de client intéressé à vous soumettre »

Cette information n'a pas manqué de m'interpeller puisque la société n'est habilitée qu'à faire des transactions et non de la gestion de biens, et donc pas de location. Notre activité est dédiée exclusivement à la vente des biens.

Dès lors, en pleine connaissance de cause, soit vous avez fait un faux en écriture pour rendre service à une de vos connaissances, soit, vous vous êtes adonné, au nom de la société, à une activité de gestion de biens pour laquelle nous n'avons pas d'autorisation d'exercer.

Dans les 2 cas, votre comportement est là encore inacceptable et nuit à l'image de la société.

Des lignes téléphoniques :

Durant votre mise à pied à titre conservatoire, j'ai constaté non sans surprise qu'une douzaine de lignes téléphoniques (téléphone portable) étaient ouvertes au nom de la société.

Après vérification, il s'avère que cinq de ces lignes ne sont attribuées à aucun salarié de l'agence, ce qui vous l'admettrez, est plutôt étonnant.

Alors qu'il vous appartient de faire éventuellement ouvrir ou fermer des lignes téléphoniques puis de les attribuer à tel ou tel collaborateur si vous le jugez utile en tant que directeur d'agence, vous n'avez su m'indiquer ni leur origine et utilité, ni l'identité de leurs utilisateurs.

Ceci est très regrettable et démontre sans conteste une gestion plus que curieuse l'agence dont vous êtes responsable.

'L'ensemble des faits évoqués dans la présente lettre met en cause la bonne marche de la société et les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien n'ont pas permis de modifier notre appréciation.

Non seulement vous ne m'avez fourni aucune explication mais de plus vous avez reconnu les faits tout en minimisant leur gravité.

C'est pourquoi, nous sommes conduits à procéder à votre licenciement pour faute grave privative de toute indemnité de rupture. »

Ainsi, ce licenciement d'[J] [P] est motivé par :

' son comportement inadapté à l'égard des collaborateurs de l'agence,

' un défaut d'enregistrement des mandats sur le registre des mandats, et autres manquements à la loi HOGUET ;

' un faux en écriture : courrier à en-tête de la société à destination de Monsieur [R] concernant une gestion locative qui ne peut rentrer dans l'activité de l'agence ;

' une mauvaise gestion des lignes téléphoniques de l'agence.

Sur le premier grief, le président directeur général de la société BUSSAT IMMOBILIER, [P] [O], expose que du fait de l'arrêt travail subi par [J] [P] à compter du 13 novembre 2012, il a été amené à assurer lui-même la direction de l'agence BUSSAT IMMOBILIER pendant quelques semaines et qu'il a à cette occasion découvert l'ambiance exécrable qui y régnait entre [J] [P] et ses collaborateurs et les méthodes managériales inadaptées voire harcelantes adoptées par ce dernier dans le cadre de sa direction de l'agence.

L'employeur verse aux débats des courriers émanant de tous les collaborateurs de l'agence BUSSAT IMMOBILIER qui concordent pour décrire le climat délétère qu'induit le comportement d'[J] [P] dans l'exercice de ses fonctions de direction.

Ainsi, [B] [M], négociateur immobilier, dans son courrier à la direction du 30 janvier 2013 (pièce numéro 12), expose être rentré dans l'entreprise le 3 septembre 2012 après avoir exercé le les mêmes fonctions pendant plus de 3 ans dans une agence immobilière en région parisienne et avoir constaté que du fait de l'attitude d'[J] [P],

' il n'existait aucune communication interne dans le cabinet et notamment jamais de réunions professionnelles dans le but d'échanger sur le travail des uns et des autres afin de confronter les clients et les affaires des différents collaborateurs,

'que l'agence tournait à 2 vitesses, [J] [P] conservant pour son compte personnel l'essentiel du business, dont tous les contacts avec les régies, tandis que ses 3 collaborateurs, Madame [H], Madame [E] et Monsieur [M] étaient contraints de prospecter difficilement de nouveaux contacts dans le contexte de crise de l'époque ;

'qu'[J] [P] a eu à son encontre un comportement déplacé, 'vociférant des ordres'rendant impossible une communication correcte avec lui, de même que ce salarié indique avoir vu [J] [P] insulter [F] [J], autre négociatrice, et dénigrer la personne de [H] [T], qui travaille au sein de l'agence depuis 23 ans comme assistante.

[H] [T], par un courrier du 8 février 2013 adressé à [P] [O] (pièce numéro 13) confirme avoir subi depuis des années un comportement humiliant voire harcelant de la part d'[J] [P], son directeur d'agence, dont elle décrit les humeurs exécrables, les railleries et les petites phrases pernicieuses, se plaignant d'un défaut de respect de son personnel et d'un souci de 'diviser pour mieux régner' au lieu de chercher à souder l'équipe de l'agence.

[F] [J] dans son courrier du 9 février 2013 (pièce numéro 14) indique avoir travaillé pendant 9 ans au sein de BUSSAT IMMOBILIER et avoir accepté de partir en signant une rupture conventionnelle pour se protéger ensuite du comportement harcelant le directeur de l'agence [J] [P], se plaignant des moqueries et du mépris de ce dernier à son encontre, ainsi que de l'absence de toute communication sein de l'agence et des pratiques d'[J] [P] aboutissant à le faire bénéficier seul de l'essentiel de l'activité de l'entreprise au détriment de ses collaborateurs (redistribution de secteur géographique, défaut d'information de ses collaborateurs sur les biens rentrés pouvant être intéressants,').

De même, [X] [E], dans son courrier du 11 février 2013 (pièce numéro 15) indique être arrivée dans l'entreprise en septembre 2011 mais avoir constaté avec surprise l'absence de réunions d'équipe permettant de se mettre au courant des biens rentrés et des affaires en cours, ainsi que la propension d'[J] [P] d'une part à conserver pour lui les affaires les plus intéressantes et d'autre part à agresser verbalement et à humilier ses collaborateurs, en particulier [H] [T] et [F] [J].

[T] [H], dans son courrier du 12 février 2013 (pièces numéros 16 et 18) confirme l'existence au sein de l'agence une ambiance délétère préjudiciable à son bon fonctionnement en l'absence d'un véritable management précis et constant de la part d'[J] [P].

[O] [I], autre négociatrice immobilière, décrit dans son courrier du 12 février 2013 (pièce numéro 17) revient en détail sur l'absence d'équité professionnelle du management de l'agence par [J] [P], sur les pressions de ce dernier à son encontre afin de lui imposer d'abandonner à son profit une partie de la rémunération qu'elle pouvait espérer sur telle ou telle affaire, et sur son appréhension à l'idée d'affronter le directeur de l'agence et ses humeurs.

Il y a lieu de constater le caractère précis et particulièrement concordant de ces témoignages qui décrivent des comportements d'[J] [P] dans l'exercice de ses fonctions de direction de cette agence immobilière totalement inadapté à l'animation d'une équipe de commerciaux, dont la persistance au fil des années est incontestablement de nature à compromettre le bon fonctionnement de l'entreprise.

Pour contester ce grief, [J] [P] fait valoir que ces témoignages ne sont pas spontanés et ont été suscités par la direction de la société BUSSAT IMMOBILIER pour l'évincer de son poste.

Force est toutefois de constater que rien n'empêchait le président de la société BUSSAT IMMOBILIER, qui a pris conscience en décembre 2012 à l'occasion de son remplacement d'[J] [P] des difficultés relationnelles induites par ce dernier au sein de l'entreprise, d'interroger ses collaborateurs et de les inviter à lui confirmer par écrit leurs témoignages à ce sujet, le fait que ces écrits aient été ainsi sollicités ne leur retirant aucune valeur probante quant à la réalité et à la gravité des manquements d'[J] [P] à ses obligations ainsi constatés de façon particulièrement concordante par ses collaborateurs.

En second lieu, [J] [P] invoque la prescription des faits dénoncés par certains de ces témoignages par application de l'article L 1332'4 du code du travail.

Ce texte dispose que :

« aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ».

Il s'ensuit que l'employeur qui engage une poursuite disciplinaire à l'encontre d'un salarié pour des faits remontant à moins de 2 mois peut également invoquer au soutien de cette poursuite d'autres faits antérieurs même survenus plus de 2 mois auparavant.

Quoi qu'il en soit, en l'espèce, il apparaît que [P] [O], responsable de la société BUSSAT IMMOBILIER, n'a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur du comportement fautif reproché à [J] [P] que lorsqu'il en a été officiellement informé par les salariés précités en janvier et février 2013, même s'il est vraisemblable qu'il ait pu recueillir au cours de l'arrêt maladie initial d'[J] [P] les premiers éléments de nature à lui laisser penser qu'il existait un problème.

Ainsi, il y a lieu de considérer que le grief ici invoqué à l'encontre d'[J] [P] par la société BUSSAT IMMOBILIER n'a réellement été porté à sa connaissance que moins de 2 mois avant le courrier du 5 mars 2013 convoquant le salarié à l'entretien préalable à son licenciement.

L'argument tiré de l'ancienneté de ce grief sera donc rejeté.

Par ailleurs, la Cour constate qu'[J] [P] ne rapporte pour sa part strictement aucun élément de preuve du caractère erroné de ces accusations de ses anciens collaborateurs, se contentant de nier tout par le biais de simples allégations.

Ce comportement fautif d'[J] [P] dans l'exécution de son contrat de travail est donc pleinement établi et est suffisant pour constituer à lui seul une cause réelle et sérieuse de licenciement de ce salarié. De plus cette faute du salarié revêtait une gravité telle qu'elle rendait effectivement impossible la poursuite du contrat de travail même pendant la durée limitée du préavis.

Il y a donc lieu de déclarer fondé le licenciement pour faute grave d'[J] [P], sans qu'il soit ici besoin d'examiner les autres griefs invoqués par l'employeur au soutien de son licenciement.

En l'état de cette faute grave, [J] [P] est mal fondé à solliciter non seulement des dommages-intérêts pour licenciement abusif mais aussi le paiement de son salaire pendant sa période de mise à pied conservatoire, d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés, de l'indemnité spéciale de rupture et / ou de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

[J] [P] sera donc débouté de l'ensemble de ses demandes de ces chefs.

Enfin, les documents de fin de contrat déjà remis à [J] [P] faisant état de sa qualité de directeur d'agence et l'employeur ayant rempli l'intéressée de ses droits dans le cadre du solde de tout compte, la demande de l'appelant tendant à obtenir sous astreinte divers documents modifiées sera rejetée comme mal fondée.

3.'Sur les demandes accessoires

Les dépens, suivant le principal, seront supportés par [J] [P].

Vu les données du litige, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'elles ont dû exposer pour la présente instance, tant devant le conseil de prud'hommes qu'en cause d'appel.

Les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

CONDAMNE [J] [P] aux dépens de la procédure d'appel ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier,Le Président,

Gaëtan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 15/01201
Date de la décision : 18/03/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°15/01201 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-18;15.01201 ?
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