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03/03/2016 | FRANCE | N°15/01136

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 03 mars 2016, 15/01136


R.G : 15/01136









Décisions



- du tribunal de commerce de Lyon en date du 02 mai 2012



RG : 2010J2355





- de la cour d'appel de Lyon (3ème chambre A) en date du 20 mai 2013



RG : 12/04410



- de la cour de Cassation (chambre commerciale, financière et économique) en date du 25 novembre 2014



N° 1042 F-D

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



A

RRET DU 03 Mars 2016







APPELANT :



[K] [D]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON



assisté de Maître Eloi ...

R.G : 15/01136

Décisions

- du tribunal de commerce de Lyon en date du 02 mai 2012

RG : 2010J2355

- de la cour d'appel de Lyon (3ème chambre A) en date du 20 mai 2013

RG : 12/04410

- de la cour de Cassation (chambre commerciale, financière et économique) en date du 25 novembre 2014

N° 1042 F-D

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 03 Mars 2016

APPELANT :

[K] [D]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON

assisté de Maître Eloi CHAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SAS MLB OPERCULA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Maître Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON

assistée de la SELARL DOLLA-VIAL § ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

******

Date de clôture de l'instruction : 09 Juin 2015

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Décembre 2015

Date de mise à disposition : 03 Mars 2016

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Michel GAGET, président

- Catherine ROSNEL, conseiller

- Françoise CLEMENT, conseiller

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l'audience, Michel GAGET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Vu le jugement en date du 02 mai 2012 du tribunal de commerce de Lyon qui déboute [K] [D] de sa demande de dommages et intérêts au motif que l'annonce du changement d'actionnaire, qui était fausse, constitue un juste motif de révocation, qui déboute [K] [D] de sa demande de retrait du procès verbal de la décision d'actionnaire unique au motif que les statuts de la société prévoyaient la faculté de révocation du Président à tout moment par décision collective des associés, et ce sans avoir à justifier d'un motif et sans indemnité, et qui condamne la société MLB Opercula à verser la somme de 1 572,30 euros à [K] [D] au titre des frais non remboursés ;

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon en date du 20 juin 2013 qui confirme le jugement sauf en ce qu'il a limité la condamnation de la société MLB Opercula à la somme de 1 572,30 euros au titre des frais et qui condamne cette dernière à verser à [K] [D] la somme de 2 544,80 euros à ce titre, aux motifs que la délivrance d'une fausse information dans un contexte difficile pour la société est caractéristique d'une faute grave constitutive d'un juste motif de révocation et que le procès verbal dressé par l'associé unique ne présente aucun caractère injurieux ou vexatoire, et n'a pas non plus été accompagné de publicité malveillante à l'égard de [K] [D] ;

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 25 novembre 2014 qui casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de [K] [D] au titre de la révocation abusive aux motifs qu'est abusive la révocation d'un mandataire social décidée brutalement sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation ;

Vu les conclusions en date du 11 mars 2015 par lesquelles [K] [D] tend à la réformation du jugement aux motifs que la révocation de celui-ci est intervenue dans des conditions abusives, brutales et vexatoires ;

Vu les mêmes conclusions par lesquelles [K] [D] demande à la Cour de condamner la société MLB Opercula à lui verser la somme de 120 198 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 27 avril 2015 par lesquelles la société MLB Opercula tend à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté [K] [D] de l'ensemble des ses demandes tendant à l'allocation de dommages et intérêts au titre de sa révocation aux motifs que sa révocation était juste et légitime dans la mesure où d'une part, la révocation du président était libre par décision collective des associés, et où d'autre part, [K] [D] a commis une faute justifiant sa révocation ;

Vu les mêmes conclusions par lesquelles la société MLB Opercula demande à la cour, à titre subsidiaire en cas de condamnation, de limiter sa condamnation à la somme de 1 euro symbolique et tout au plus à la somme de 35 000 euros, et en tout état de cause, de condamne [K] [D] à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 09 juin 2015.

DECISION

1. [K] [D], dirigeant de la société INBS conseil, est consultant spécialisé dans le redressement d'entreprises en difficulté. Par contrat en date du 16 décembre 2009, la société Kaps a confié à la société de [K] [D] une mission de redressement économique et de gestion de la société et de ses filiales, les société Rémy Kaps et MLB Opercula. La mission de [K] [D] devait commencer le 16 décembre 2009 et s'achever le 30 juin 2010. Une reconduction tacite était possible.

2. [K] [D] a été nommé président de la société MLB Opercula. Dans le même temps, [K] [D] a entamé des discussions portant sur la vente de l'ensemble des titres de la société MLB Opercula avec les représentants de la société Kaps.

3. [K] [D], le 08 juillet 2010, a convoqué le CE de la société afin d'informer les salariés du changement d'actionnaire alors même que les négociations n'étaient pas finalisées.

Le 21 juillet 2010, l'actionnaire unique de la société MLB Opercula a déposé au greffe du tribunal de commerce de Lyon un procès verbal de décision du 12 juillet 2010 indiquant la révocation de [K] [D] pour motifs graves et légitimes.

[K] [D] a assigné la société MLB Opercula le 26 juillet 2010 considérant que cette décision était de nature à porter préjudice à sa réputation professionnelle.

4. La Cour relève d'abord qu'au regard de la décision de la Cour de cassation, le débat devant cette juridiction ne porte que sur le caractère abusif de la révocation de [K] [D] de ses fonctions de président de la société MLB Opercula, et sur l'éventuel préjudice consécutif à cette révocation.

5. [K] [D] soutient que sa révocation de la présidence de la société MLB Opercula est fautive dans la mesure où celle-ci est abusive. D'une part, [K] [D] expose que la révocation a été brutale et intempestive, dans la mesure où il a été révoqué par courriel, le 11 juillet 2010, et ce sans respect du principe du contradictoire.

D'autre part, [K] [D] explique que le procès-verbal de révocation en date du 12 juillet 2010 est injurieux et vexatoire à son égard.

[K] [D] estime avoir subi un préjudice constitué par l'atteinte à sa réputation professionnelle et à son intégrité personnelle qui doit être proportionnée au niveau de rémunération de ses services. Le contrat de prestation signé entre les société INBS Conseil et Kaps prévoyant une rémunération mensuelle de 40 066 euros, [K] [D] estime son préjudice à la somme de 120 198 euros, soit trois mois de rémunération.

6. De son côté, la société MLB Opercula estime que la révocation de [K] [D] était juste et légitime, et qu'elle n'a pas commis de faute en le révoquant, dans la mesure où d'une part, la révocation des mandataires sociaux en matière de SAS est libre, et que les statuts de la société MLB Opercula la prévoyaient, et où d'autre part, [K] [D] a commis une faute par la déclaration de reprise de l'entreprise aux salariés, alors qu'il savait cette déclaration fausse, faute d'accord avec les dirigeants de la société Kaps.

La société MLB Opercula estime encore que le non-respect du contradictoire lors de la révocation, et la prétendue brutalité de celle-ci étaient justifiées par l'intérêt social à la suite de la faute de [K] [D].

La société MLB Opercula explique encore que la révocation n'avait pas de caractère vexatoire car aucune publicité de nature à causer un préjudice n'a été effectuée.

La société MLB expose enfin que le prétendu préjudice de [K] [D] n'est démontré ni dans sa réalité ni dans son quantum et que la preuve du lien de causalité entre la faute reprochée à la société MLB Opercula et la préjudice allégué de [K] [D] n'est pas rapportée.

Sur la faute alléguée de la société MLB Opercula :

7. La Cour constate d'abord que concernant le caractère vexatoire de la révocation, l'arrêt de la Cour de cassation n'a pas cassé les dispositions de l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon à ce titre. Cette décision est donc définitive à cet égard et la présente Cour rejette ce moyen comme étant irrecevable.

8. La Cour constate ensuite que concernant la brutalité de la révocation, comme le soutient à bon droit la société MLB Opercula, celle-ci était justifiée par le comportement de [K] [D] qui a délibérément donné une information qu'il savait fausse aux salariés de la société.

L'actionnaire unique de la société MLB n'a donc pas commis de faute en révoquant ad nutum [K] [D] dans la mesure où d'une part, cette procédure était prévue par les statuts de la SAS, dont le régime est libre, et acceptés par [K] [D] lors de sa prise de fonction au sein de la société, et où d'autre part, une réaction urgente était commandée par l'intérêt social.

9. Mais la Cour relève, de façon indépendante à la révocation ad nutum, que la révocation de [K] [D] est intervenue par courriel le 11 juillet 2010 et enregistrée le lendemain même au greffe du Tribunal de Commerce, sans consultation de [K] [D] qui n'a pas été en mesure de présenter ses arguments.

10. Dès lors, la révocation n'a pas respecté l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation dont disposait certes la société MLB Opercula, mais dont elle a fait un usage abusif. En conséquence, la société MLB Opercula a bien commis une faute lors de la révocation de [K] [D]. La réformation du jugement s'impose.

Sur le préjudice de [K] [D] :

11. Comme le soutient à bon droit la société MLB Opercula, [K] [D] ne démontre pas en quoi le non-respect du contradictoire lors de la révocation lui a causé un préjudice directement en lien avec cette faute, dans la mesure ou quand bien même le principe du contradictoire aurait été respecté, c'est bien le comportement fautif de [K] [D] qui a conduit à la révocation qui n'est ni injurieuse, ni vexatoire.

12. La Cour ajoute que même si la mention au registre des sociétés du «motif légitime est grave» était facultative, aucune publicité de nature à porter préjudice à [K] [D] n'a été effectuée de la part de la société MLB Opercula.

13. La Cour relève enfin que [K] [D] n'apporte pas la preuve ni de l'atteinte à sa réputation, ni du lien de causalité entre la faute de la société MLB Opercula et le dépôt de bilan de sa société.

14. En conséquence, la préjudice de [K] [D] en raison de la faute de la société MLB Opercula qui réside dans le non-respect du contradictoire lors de la révocation doit être évalué à la somme de 3 000 euros qui le répare pour l'atteinte à la loyauté à laquelle il avait droit.

15. L'équité commande de ne pas d'allouer de somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

16.La société MLB Opercula qui perd supporte les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant dans les limites de l'arrêt de cassation en date du 25 novembre 2014,

- réforme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 02 mai 2012 ;

- statuant à nouveau :

- dit que la société MLB Opercula a commis une faute en ne respectant pas le principe du contradictoire lors de la révocation de [K] [D] ;

- fixe le préjudice de [K] [D] à la somme de 3 000 euros ;

- condamne la société MLB Opercula à verser la somme de 3 000 euros à [K] [D] au titre de la révocation de celui-ci ;

- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société MLB Opercula aux dépens de cette procédure ;

- autorise les mandataires des parties qui en ont fait la demande à les recouvrer aux formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

Joëlle POITOUXMichel GAGET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 15/01136
Date de la décision : 03/03/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°15/01136 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-03;15.01136 ?
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