R.G : 14/06770
Décisions :
- du tribunal de grande instance de Lyon (4ème chambre) en date du 17 mai 2010
RG : 2010/01700
- de la cour d'appel de Lyon (6ème chambre) en date du 20 octobre 2011
RG : 10/04525
- de la cour de cassation (2ème chambre civile) en date du 3 juillet 2014
N° 1222 F-D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 03 Mars 2016
APPELANT :
[M] [C] [O] [Y]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1]
N.N.I 1 61 09 61 006 559, accident du 15 mai 2006, dossier numéro 0673101576
[Adresse 11]
[Adresse 6]
représenté par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
assisté de la SCP SIRET & ASSOCIES, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
INTIMEES :
SARL EKYNOX, anciennement SARL EUROTHERMIE
[Adresse 3]
[Adresse 9]
représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
assistée de Maître Corinne MICHEL, avocat au barreau de LYON
L'AUXILIAIRE, mutuelle d'assurance des professionnels du bâtiment et des travaux publics,
[Adresse 5]
[Adresse 10]
[Adresse 7]
représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
assistée de Maître Corinne MICHEL, avocat au barreau de LYON
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de SAVOIE
représentée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Ardèche
[Adresse 1]
[Localité 2]
[Adresse 2]
et encore
[Adresse 4]
[Adresse 8]
citée à personne habilitée par actes en date des 18 décembre 2014, 20 juillet 2015 et 06 août 2015 de la SCP P. SANNINO - JF. MOTTAY - L. VIVARELLI, huissiers de justice associés à CHAMBERY
non constituée
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Date de clôture de l'instruction : 27 Janvier 2016
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Janvier 2016
Date de mise à disposition : 03 Mars 2016
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Michel GAGET, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Vincent NICOLAS, conseiller
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Michel GAGET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement du 17 mai 2010 par lequel le tribunal de grande instance de Lyon a :
- fixé à la somme de 110 329,14 euros le préjudice de [M] [Y] consécutif à l'accident dont il a été victime le 15 mai 2006 au sein de son entreprise, après déduction de la créance de la CPAM ;
- condamné in solidum la SARL EKYNOX et la Cie L'AUXILIAIRE à lui payer avec intérêts de droit à compter de la décision une somme de 75 329,14 euros en deniers ou quittances, en réparation du solde de son préjudice.
Vu l' arrêt du 3 juillet 2014, par lequel la Cour de Cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon du 20 octobre 2011 qui, pour limiter à une certaine somme l'indemnisation de [M] [Y] au titre des pertes de gains futurs et de l'incidence professionnelle, énonce qu'au-delà de la consolidation au 15 mars 2007, compte tenu du peu d'ancienneté de [M] [Y] dans l'entreprise, il n'y avait pas d'acquis à se maintenir dans celle-ci et à y évoluer et qu'il n'y a pas d'inaptitude totale au travail médicalement constatée ; qu'il s'agit en fait d'évaluer une perte de chance, alors qu'elle avait constaté que [M] [Y] avait été licencié pour inaptitude en conséquence de l'accident, ce dont il résultait l'existence d'un préjudice dépourvu d'aléa, et alors que la somme allouée procédait d'une estimation globale de deux postes de préjudice distincts, la Cour d'Appel a violé l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;
Vu la déclaration de saisine de la cour du 06 août 2014 ;
Vu les dernières conclusions du 25 mai 2015, et celles rectifiées en date du 26 janvier 2016, page 21, pour erreur matérielle dans le PGPF, par lesquelles [M] [Y] tend à la réformation du jugement du tribunal de grande instance du 17 mai 2010 et demande de :
- fixer son préjudice patrimonial à la somme de 870 726,36 euros au motif que le préjudice correspondant à la perte de gains professionnels futurs était dépourvu d'aléa dans la mesure où il a été licencié pour inaptitude suite à l'accident et qu'il n'a pu retrouver un emploi malgré ses efforts déployés dans ses recherches d'emploi ;
- fixer son préjudice extra patrimonial à la somme de 48 000 euros ;
- condamner solidairement la SARL EKYNOX et la Cie L'AUXILIAIRE au versement de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions du 17 juillet 2015 par lesquelles la SARL EKYNOX et la Compagnie L'AUXILIAIRE tendent à la confirmation du jugement en son principe et dans l'appréciation des préjudices subis mais tendent à la réformation en ce que [M] [Y] ne saurait prétendre à un solde indemnitaire supérieur à un montant de 45 340,93 euros au motif notamment que le préjudice futur reste hypothétique sachant que [M] [Y] pouvait retrouver un activité professionnelle ;
Vu la signification à personne délivrée le 18 décembre 2014 et le 20 juillet 2015 à la requête de L'AUXILIAIRE et la SAS EKYNOX à l'encontre de la CPAM de Savoie ;
Vu la signification à personne délivrée le 06 août 2015 à la requête de [M] [Y] à l'encontre de la CPAM de Savoie ;
Vu la non comparution de la CPAM de Savoie, qui n'a ni constitué ni conclu, mais qui a indiqué par lettre recommandée avec accusé de réception reçu le 03 novembre 2014 le montant de ses débours qui s'élève à la somme de 65 344,91 euros, montant définitif arrêté le 28 octobre 2014 ;
Vu l'ordonnance de clôture du 27 janvier 2016.
DECISION
1. Le 15 mai 2006, [M] [Y] alors âgé de 44 ans, plombier chauffagiste salarié de l'entreprise EUROTHERMIE, devenue EKYNOX, a été heurté sur un chantier par le camion de l'entreprise, conduit par un autre préposé de la Société.
2. La Société EKYNOX l'a licencié pour inaptitude physique le 06 juillet 2007.
3. [M] [Y] a assigné en réparation de ses préjudices l'employeur et son assureur, la compagnie l'AUXILIAIRE, en présence de la CPAM de SAVOIE.
4. Par ordonnance de référé, le président du tribunal de grande instance de Lyon a ordonné une expertise judiciaire. Le Docteur [D] a rendu son rapport le 07 août 2009 et a conclu ainsi :
déficit fonctionnel temporaire total : du 15 au 20 mai 2006
déficit fonctionnel temporaire partiel : du 21 mai 2006 au 15 mars 2007
date de consolidation : 15 mars 2007
déficit fonctionnel permanent : 20 %
souffrances endurées : 2,5/7
préjudice esthétique : 0,5/7
impossibilité de reprendre son activité professionnelle antérieure
I Sur le préjudice extra patrimonial
5. Aucune partie ne conteste la fixation de la somme de 4 000 euros pour la réparation du préjudice esthétique et des souffrances endurées, ce qui est donc retenu par la cour.
Sur le déficit fonctionnel permanent
6. L' expertise judiciaire a conclu que le Déficit Fonctionnel Permanent était de 20 % ce qui n'est contesté par aucune partie. Le tribunal de grande instance de Lyon a alors fixé le déficit fonctionnel permanent à 30 000 euros sur la base de 1 500 euros le prix du point.
7. [M] [Y] soutient que la table indicative pour l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent prévoit, pour sa catégorie d'âge et son taux de déficit, une somme de 2 040 euros le prix du point qui doit être réévaluée à la somme de 2 200 euros soit un déficit fonctionnel permanent de 44 000 euros.
8. La cour constate que [M] [Y] était âgé de 45 ans à la date de consolidation et atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 20 %. La cour fixe le déficit fonctionnel permanent à 44 000 euros.
9. Par conséquent, la cour fixe le préjudice extra patrimonial global de [M] [Y] à la somme de 48 000 euros.
II Sur le préjudice patrimonial
II-I Sur la perte de gains professionnels actuels
10. La durée de la perte de gains professionnels actuels s'étend du 15 mai 2006, date de l'accident, au 15 mars 2007, date de consolidation, soit sur une période de 10 mois.
11. [M] [Y] soutient, à l'appui d'une attestation de son employeur du 21 avril 2007, qu' il aurait du en juillet 2006 être promu responsable d'un nouveau chantier, sa qualification devant passer de «maître ouvrier niveau IV position 1 coefficient 250» à celle de «maître ouvrier niveau IV position 2 coefficient 270». Il réclame alors l'indemnisation des salaires suivants :
Pour la perte du 15 mai 2006 au 30 juin 2006, soit 2,5 mois : 2008 euros x 2,5 = 5 020 euros (2008 euros étant le salaire mensuel net correspondant à la qualification sous laquelle il avait été embauché) ;
Pour la perte du 1er juillet 2007 au 15 mars 2007, soit 7,5 mois :
2 156,73 euros x 7,5 = 16 175,47 euros ( 2 156,73 euros étant le salaire mensuel net correspondant à la qualification sous laquelle il aurait eu droit à compter de juillet 2006) ;
Soit un total de 21 195,47 euros.
12. Selon l'employeur et son assureur, [M] [Y] ne justifie pas du salaire net précis qu'il aurait perçu dans le cadre de la promotion et que par ailleurs rien ne permet de considérer comme acquise l'évolution qui était envisagée.
13. L' attestation invoquée a été rédigée en ces termes par le gérant de EUROTHERMIE le 21 avril 2007 :
«Je vous confirme les objectifs que nous nous étions fixés lors de votre entretien d'embauche, à savoir :
«Le poste proposé de base était celui d'un maître ouvrier Niveau IV position 1 coefficient 250. Notre objectif était que vous puissiez après la fin du chantier du collège de Grésy sur Aix (fin juillet 2006), être promu responsable d'un nouveau chantier et encadre différents salariés de l'entreprise. De ce fait, votre qualification aurait du passer à maître ouvrier Niveau IV position 2 coefficient 270. Du fait de votre accident, vous n'avez pas pu accéder à ce nouveau chantier».
14. La cour constate qu'il est incontestable que [M] [Y] devait bénéficier d'une promotion et donc d'une augmentation. Par conséquence, le calcul opéré par [M] [Y], au vu de sa pièce 36, est retenu.
15. La cour fixe la somme de 21 195,47 euros pour la perte des gains professionnels actuels.
II-II Sur la perte de gains professionnels futurs
16. La cour rappelle que l' indemnité revenant à la victime au titre de la perte de gains professionnels futurs correspond au total de la perte de revenus subie entre la consolidation et la décision, additionnée à la perte de revenus subie postérieurement à la décision.
17. En l'espèce la décision intervient 9 ans après la consolidation. La cour constate, d'une part que [M] [Y] a été licencié suite à l'accident et, d'autre part, qu'il a vainement procédé à de multiples recherches d'emploi et que dès lors, son préjudice de gains professionnels futurs correspondant à la perte de salaires entre la date de consolidation et la décision est certain. Il a toutefois perçu des salaires durant l'année 2009 correspondant à la somme de 5 314,05 euros. Ainsi, il convient de calculer la perte de gains professionnels futurs subie entre la consolidation et la décision sur la base d'un revenu mensuel net de 2 156,73 euros, soit une somme totale de 227 612,79 euros, tout en soustrayant les revenus qu'il a perçus en 2009.
18. Pour la période postérieure à la décision, la cour constate que l'incidence du fait dommageable pour la victime continue au-delà de l'âge de la retraite dans la mesure où il n'a pu constituer qu'une faible retraite. Dès lors, au regard de l'âge de [M] [Y] au jour de la décision, soit 54 ans, la perte de gains futurs subie postérieurement à la décision peut être évaluée, compte tenu des éléments de cause à la somme de 50 000 euros.
19. Par conséquent, la cour fixe la totalité de la perte de gains professionnels futurs à la somme de 277 612,79 euros.
20. La créance globale du préjudice patrimonial est donc de :
21 195,47 euros + 277 612,79 euros, soit 298 808,26 euros de laquelle doit être déduite la créance de la CPAM retenue pour 65 344,91 euros soit un solde de de 233 463,35 euros.
22. [M] [Y] doit donc recevoir une somme globale de 281 463,35 euros.
III Sur l'article 700 du code de procédure civile
23. L' équité commande d'allouer la somme de 5 000 euros à [M] [Y] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
24. La SARL EKYNOX et l'AUXILIAIRE qui perdent en appel, sont condamnés aux dépens de cette procédure.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Infirme partiellement le jugement du 17 mai 2010 ;
- Fixe le préjudice extra patrimonial de [M] [Y] à la somme de 48 000 euros ;
- Fixe le préjudice patrimonial de [M] [Y] à la somme de 233 463,35 euros, après déduction de la créance de la CPAM ;
- Condamne solidairement la SARL EKYNOX et la Compagnie L'AUXILIAIRE à payer à [M] [Y], avec intérêt au taux légal à compter du présent arrêt, la somme de 281 463,35 euros ;
- Condamne solidairement la SARL EKYNOX et la Compagnie L'AUXILIAIRE à payer à [M] [Y] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel après cassation.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Joëlle POITOUXMichel GAGET