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29/02/2016 | FRANCE | N°14/08742

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 29 février 2016, 14/08742


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/08742





SAS LYON LE GRAND TOUR



C/

[W]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 03 Novembre 2014

RG : F 13/01648











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 29 FEVRIER 2016













APPELANTE :



SAS LYON LE GRAND TOUR

[Adresse 1]

[Adr

esse 1]

[Localité 1]



représentée par Me Pierre ROBILLARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉ :



[S] [W]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



comparant en personne, assisté de Me Mélanie CHABANOL de la SCP ANTIGONE AVOCAT...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/08742

SAS LYON LE GRAND TOUR

C/

[W]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 03 Novembre 2014

RG : F 13/01648

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 29 FEVRIER 2016

APPELANTE :

SAS LYON LE GRAND TOUR

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Pierre ROBILLARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉ :

[S] [W]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Mélanie CHABANOL de la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 08 Décembre 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel BUSSIERE, Président

Agnès THAUNAT, Conseiller

Vincent NICOLAS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 29 Février 2016, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel BUSSIERE, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Monsieur [S] [W] a été embauché pour une durée indéterminée à compter du 22 juin 2005 en qualité de conducteur receveur par la société LYON LE GRAND TOUR exploitant une activité de transport de voyageurs à l'intention des touristes de la ville de Lyon à bord d'un autobus à impériale.

Au dernier état de la relation contractuelle, il percevait une rémunération mensuelle brute de 1.682,02 € pour 151,67 heures de travail effectif.

Si Monsieur [W] prétend avoir donné toute satisfaction dans l'exercice de ses fonctions, son employeur précise qu'il n'était pas respectueux des consignes qui lui étaient données au point de s'être vu reprocher les manquements professionnels suivants :

- le 4 février 2011, pour ne pas avoir remis systématiquement la caisse le soir après le service,

- le 7 avril 2011 pour ne pas avoir effectué le nettoyage de l'autobus et le plein de carburant,

- le 24 juin 2011 pour ne pas avoir nettoyé l'autobus après la privatisation d'une soirée et pour le retard au départ du garage le matin,

- courant décembre 2011 pour non-respect de la tenue vestimentaire, utilisation du téléphone portable pendant le service et propreté de l'autobus négligée.

Le salarié prétend pour sa part qu'il s'agit de sanctions décidées par l'employeur pour orchestrer son éviction de l'entreprise après qu'il ait sollicité depuis le mois de mars 2012, avec un autre salarié, le paiement de rappels de salaires relatifs aux jours fériés travaillés ou chômés qui n'avaient jamais été versés par l'employeur contrairement aux termes de la convention collective des transports routiers applicables. Il ajoute que l'Inspection du Travail a adressé à la société LYON LE GRAND TOUR les 6 avril et 7 mai 2012 deux correspondances aux fins de régularisation de sa situation, et qu'il a encore sollicité le 16 juin 2012 le versement de l'indemnité des 4/30 de congés payés prévue par la convention collective.

Il a également réclamé le 21 juin 2012 le paiement d'un rappel de salaire au titre des jours fériés non travaillés qui, aux dires mêmes de son employeur, s'est avéré après vérification nettement inférieur aux sommes qu'il avait réellement perçues au cours de la relation contractuelle.

Ayant été informée par les contrôleurs assermentés de la société Service de Contrôle et d'Analyse du Transport (SCAT) que Monsieur [W] avait franchi cinq intersections alors que le feu était au rouge les 2 et 9 février 2013, la société LYON LE GRAND TOUR l'a convoqué le 12 février 2013 à un entretien préalable fixé au 22 février suivant, avec mise à pied conservatoire, en vue de son licenciement, puis l'a licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 mars 2013 pour le motif ainsi énoncé :

« Nous vous rappelons les motifs évoqués lors de cet entretien : à plusieurs reprises ces dernières semaines, lors de contrôles effectués à bord du véhicule par un organisme indépendant et assermenté, il a été constaté que vous violiez de nombreuses règles non seulement de votre contrat de travail, mais également du code de la route.

A titre d'illustrations :

' Le 2 février 2013, vous avez vendu un ticket pour 2 personnes à 13 € (alors que le tarif normal est de 34 €) ;

' Le même jour, vous ne vous arrêtez pas à tous les arrêts ;

' Vous avez même franchi trois intersections alors que le feu était rouge (angle [Adresse 3]);

' Le 9 février, vous avez accusé un retard de 8 minutes au départ et vous n'avez pas marqué l'arrêt n° 8 ;

' Ce même jour vous avez franchi deux intersections alors que le feu était rouge ([Adresse 4], et à l'intersection du [Adresse 5]) ;

' Aucun arrêt n'a été marqué sur l'un des tours de cette journée ;

' Enfin, le lendemain, 10 février, vous vous mettez en place en retard et vous n'avez pas marqué un des arrêts de votre tournée ;

' Votre conduite est trop rapide et brusque sur certains tours.

Ces faits constituent des fautes graves ; votre licenciement prend effet à première présentation de ce courrier' ».

Par lettre du 13 mars 2013, l'Inspection du Travail a suspecté des pratiques discriminantes à l'égard de Monsieur [W] à la suite des diverses demandes de régularisation qu'il avait formulées à son employeur, a relevé une « analyse parcellaire, orientée er décontextualisée » des faits reprochés et a souligné le caractère manifestement disproportionné du licenciement notifié à son encontre, pour solliciter sa réintégration.

Devant ces graves accusations, la société LYON LE GRAND TOUR a immédiatement répondu à l'Inspection du Travail par lettres en dates des 11 et 23 avril 2013 en prétendant rétablir la réalité des faits et mettre un terme à toute suspicion de discrimination, considérant que le salarié avait tenté d'instrumentaliser l'Inspecteur du Travail pour en retirer un avantage illicite à son profit personnel.

Monsieur [W] a pour sa part contesté le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail en saisissant le 17 avril 2013 la juridiction prud'homale de demandes tendant à faire juger son licenciement dénué de toute cause réelle et sérieuse et condamner la société LYON LE GRAND TOUR à lui verser une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, une indemnité de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que diverses sommes à titre de rappel de salaire et congés payés afférents, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LYON LE GRAND TOUR s'est opposée à ses demandes, a demandé le remboursement d'un trop perçu de 1.285,35 € et a sollicité l'octroi de la somme de 2.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Par jugement rendu le 3 novembre 2014, le conseil de prud'hommes de Lyon, section commerce, a :

' Dit et jugé que le licenciement de Monsieur [W] ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

' Condamné la société LYON LE GRAND TOUR à verser à Monsieur [W] les sommes suivantes :

- 1.009,19 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire pour la période du 12 février au 2 mars 2013, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil,

- 100,91 € à titre de congés payés pour la mise à pied conservatoire, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil,

- 3.644,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil,

- 364,40 € à titre de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil,

- 2.824,09 € à titre d'indemnité de licenciement, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil,

- 10.093,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du jugement,

- 850,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Débouté Monsieur [W] de sa demande au titre des jours fériés non travaillés et du surplus de ses demandes ;

' Débouté la société LYON LE GRAND TOUR de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

' Dit qu'il n'y a pas lieu à ordonner l'exécution provisoire de l'entier jugement ;

' Ordonné l'exécution provisoire de droit suivant l'article R. 1454-28 du code du travail, dans la limite maximum de neuf mensualités calculées sur la moyenne des trois derniers mois de salaire brut mensuel, soit 1.682,02 € ;

' Condamné la société LYON LE GRAND TOUR aux entiers dépens.

Par lettre recommandée en date du 6 novembre 2014 enregistrée au greffe le lendemain, la société LYON LE GRAND TOUR a régulièrement interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 5 novembre 2014. Elle en demande l'infirmation par la cour en reprenant oralement à l'audience du 8 décembre 2015 par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'elle a fait déposer le 26 octobre 2015 et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de ses prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, et tendant à :

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [W] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des jours fériés non travaillés ;

Infirmer le jugement pour le surplus et,

Dire et juger que le licenciement de Monsieur [W] repose sur une faute grave ;

Le débouter en conséquence de sa demande de paiement au titre de l'indemnité de licenciement, de préavis et des congés payés afférents ;

Le débouter de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents ;

Le condamner à restituer à la société LYON LE GRAND TOUR la somme de 1.285,35 € à titre de trop-perçu ;

Le condamner à verser à la société LYON LE GRAND TOUR la somme de 2.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur [W] a pour sa part fait reprendre à cette audience par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'il a fait déposer le 1er décembre 2015 et auxquelles il est pareillement référé pour l'exposé de ses prétentions et moyens, aux fins de voir :

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit et jugé le licenciement de Monsieur [W] dépourvu de toute faute grave et de toute cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il a condamné la société LYON LE GRAND TOUR à lui payer les sommes suivantes :

- 1.009,19 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire injustifiée,

- 100,91 € au titre des congés payés afférents,

- 3.644,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 364,40 € au titre des congés payés afférents,

- 2.824,09 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 850,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté la société LYON LE GRAND TOUR de sa demande de remboursement du trop-perçu ;

L'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau,

Condamner la société LYON LE GRAND TOUR à payer à Monsieur [W] la somme de 1.198,00 € à titre de rappel de salaire correspondant aux jours fériés non travaillés pour les années 2008, 2009, 2010 et 2012, outre celle de 119,81 € au titre des congés payés afférents ;

Condamner la société LYON LE GRAND TOUR à payer à Monsieur [W] la somme de 21.000,00 € nette de toutes charges à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société LYON LE GRAND TOUR à verser à Monsieur [W] la somme de 2.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société LYON LE GRAND TOUR aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE,

La Cour,

1°) Sur la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des jours fériés non travaillés et sur la demande reconventionnelle :

Attendu que l'article 7 bis de l'annexe 1 de la convention collective des transports routiers prévoit au bénéfice des ouvriers mensualisés ayant plus d'une année d'ancienneté que les jours fériés non travaillés font l'objet d'une indemnité égale à celle qu'aurait perçue le salarié s'il avait travaillé ;

que Monsieur [W] sollicite la réformation du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande en paiement de la somme de 1.198,00 €correspondant aux jours fériés non travaillés pour les années 2008, 2009 , 2010 et 2012 , outre 119,80 € au titre des congés payés afférents, au motif « que les éléments apportés par les parties et les explications formulées n'emportent pas la conviction du conseil » ;

Attendu cependant que Monsieur [W] avait formulé cette demande auprès de son employeur par lettre du 21 décembre 2012 en faisant observer que les jours fériés non travaillés devant être payés 7 heures n'ont jamais été mentionnés sur ses relevés d'heures et bulletins de salaire ;

que par lettre en réponse du 13 février 2013, la société LYON LE GRAND TOUR a reconnu que les jours fériés non travaillés auraient effectivement dû être intégrés à son compteur d'heures, et que ce facteur a été pris en compte pour l'établissement des payes depuis le 1er janvier 2013 ; qu'en outre elle procédait à une étude pour déterminer le montant à lui régulariser ;

que par une nouvelle correspondance du 29 mars 2013, elle a communiqué à Monsieur [W] les résultats de l'examen de ses plannings et feuilles de paye en lui faisant connaître que globalement, depuis 2008, il existait un trop-perçu en sa faveur dans la mesure où il était redevable de 6,75 heures au taux majoré de 50 %, de 223,71 heures au taux majoré de 25 % et de 7 heures au taux normal, en faisant valoir que « le mode de calcul utilisé à l'époque était erroné compte tenu d'un problème de paramétrage de la prépaie » ;

Mais attendu que le salarié verse aux débats le décompte des jours fériés non travaillés qui ne lui ont pas été réglés, et dont l'existence n'est pas contestée par la société LYON LE GRAND TOUR ;

qu'à défaut de contester ce décompte et de justifier en avoir effectué le règlement, l'employeur est redevable de la somme demandée ;

qu'il importe dès lors de condamner la société LYON LE GRAND TOUR à verser à Monsieur [W] un montant de 1.198,00 € à titre de rappel de salaire, outre 119,81 € au titre des congés payés afférents, et de réformer en ce sens le jugement rendu par le conseil de prud'hommes ;

Attendu en outre que la société LYON LE GRAND TOUR doit être déboutée de sa demande reconventionnelle en remboursement d'un trop-perçu de 1.285,35 €, le salarié et la cour se trouvant dans l'incapacité d'apprécier tant la réalité que les conséquences de l'erreur de paramétrage de la prépaie invoquée au vu des éléments produits par l'employeur , de sorte que la demande n'est pas justifiée ; que le jugement déféré mérite en conséquence d'être confirmé sur ce point ;

2°) Sur le licenciement :

Attendu que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée même limitée du préavis ; qu'il appartient à l'employeur qui s'en prévaut d'en rapporter la preuve ;

Attendu que Monsieur [W] a été licencié le 2 mars 2013 pour avoir méconnu non seulement les consignes de travail, mais également les règles du code de la route ;

que le conseil de prud'hommes a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et a fortiori de faute grave, en retenant que l'employeur n'apportait pas la preuve de la faute qui lui incombait exclusivement, et que « suite aux diverses réclamations de Monsieur [W], la SAS LYON LE GRAND TOUR a tout mis en 'uvre pour l'évincer, comme il en ressort de l'enquête de l'Inspection du Travail » ;

Mais attendu que la société LYON LE GRAND TOUR fait état dans la lettre de licenciement de quatre séries de faits précis qui constitueraient des manquements de Monsieur [W] à ses obligations contractuelles, de sorte que, étant contestés par le salarié, il importe de les reprendre individuellement puis dans leur ensemble :

a) La vente le 2 février 2013 d'un ticket pour deux personnes à 13 € alors que le tarif normal est de 34 € :

Attendu que si la société LYON LE GRAND TOUR justifie de la matérialité du grief par le rapport d'évaluation du contrôleur du SCAT embarqué le 2 février 2013 dans le véhicule sans révéler sa présence, et qui a fait l'acquisition d'un ticket versé aux débats pour deux personnes au prix de 13 €, elle ne conteste cependant pas dans les écritures qu'elle a fait déposer devant la cour les explications données par Monsieur [W] selon lesquelles un tarif spécial était pratiqué pour le « dernier tour » qui part de la place Bellecour à 17 heures, avec la précision que bien souvent ce tarif était appliqué plus tôt dans l'après-midi, dès 16 heures, selon les instructions qu'il recevait de sa hiérarchie ;

qu'en tout état de cause ce fait ne saurait justifier une mesure de licenciement, et moins encore de licenciement pour faute grave, quand bien même le salarié avait récemment fait l'objet de plusieurs relances et rappels à l'ordre ;

b) Les retards au départ du tour :

Attendu que la société LYON LE GRAND TOUR reproche ensuite à Monsieur [W] d'avoir accusé deux retards les 9 et 10 février 2013 au point de départ du circuit situé place Bellecour et ce, sans motif légitime ;

qu'elle verse aux débats les rapports d'évaluation de la qualité établis par un agent assermenté du SCAT mentionnant l'existence de 8 minutes de retard au départ de la Place Bellecour, à 10h08 au lieu de 10h00 le samedi 9 février 2013, ainsi qu'une mise en place de l'autocar en tête de ligne le lendemain avec 3 minutes de retard, reportant le départ du véhicule avec 6 minutes de retard à 14 heures 06 ;

Attendu que Monsieur [W] prétend pour sa part que les deux seuls retards qui lui sont imputés par son employeur peuvent avoir pour origine des difficultés de circulation, notamment liées à des embouteillages, des travaux, des manifestations ou encore à des problèmes mécaniques, ôtant ainsi tout caractère fautif aux manquements allégués ; qu'en outre la brochure publicitaire prend la peine d'indiquer expressément à ses clients que les horaires de passage aux arrêts sont mentionnés à titre indicatif, démontrant par là même l'influence des conditions de circulation sur la régularité des passages aux arrêts ;

que la lettre d'observations adressée le 13 mars 2013 par l'Inspection du Travail à l'employeur mentionne également que les retards, qui ne sont pas majoritaires, sont reprochés sans analyse de leur cause qui pourrait leur enlever leur caractère fautif ;

Attendu que la société LYON LE GRAND TOUR soutient cependant que cette explication ne résiste pas à la réalité des faits dans la mesure où il n'est pas reproché au salarié des retards aux différents arrêts du circuit mais uniquement à l'arrêt de départ situé [Adresse 6], et qu'en outre il devait prendre son service 45 minutes avant le départ de cet arrêt pour récupérer le matériel au dépôt, réaliser le plein de carburant, et quitter le dépôt au plus tard 15 minutes après la prise de son service, de sorte que les 30 minutes restantes lui permettaient de pallier tout problème de circulation et de rejoindre à l'heure l'arrêt situé [Adresse 6] ;

Mais attendu que l'employeur ne rapporte pas la preuve que le salarié n'ait pas respecté les consignes de travail qui lui avaient été données en quittant le dépôt tardivement, le seul retard de quelques minutes exceptionnellement constaté pouvant provenir de l'insuffisance du délai de 30 minutes restant en raison d'une attente à l'unique pompe de carburant pour plusieurs véhicules, d'un problème mécanique ou d'embouteillages sur le trajet ;

que dans ces conditions, les deux seuls retards reprochés de 8 et 6 minutes ne sauraient justifier la rupture du contrat de travail en l'absence de toute alerte préalable attirant l'attention de Monsieur [W] sur la nécessité de modifier son comportement si cela s'avérait nécessaire ;

c) L'omission de marquer certains arrêts sur le circuit :

Attendu que la lettre de licenciement fait également grief au salarié de ne pas avoir marqué, sans motif légitime, l'intégralité des arrêts du parcours les 2, 9 et 10 février 2013 ;

que le contrôleur du SCAT a ainsi relevé que, le 2 février 2013, Monsieur [W] n'avait pas arrêté l'autobus à tous les arrêts du circuit, et plus précisément à l'arrêt n° 2 Terreaux, à l'arrêt n° 9 Beaux-Arts, à l'arrêt n° 10 Square Jussieu et à l'arrêt n° 11 Fosse aux Ours ;

que pareillement, il n'avait pas marqué l'arrêt n° 8 Parc des Hauteurs ;

que le 9 février 2013, il n'a marqué aucun arrêt sur l'un des tours de cette journée ;

que le lendemain , il a omis de marquer un arrêt ;

Attendu que pour prétendre le reproche non fondé, Monsieur [W] fait valoir qu'il avait toujours été entendu que l'autobus à impériale ne s'arrête qu'à la demande expresse d'un passager en place dans le véhicule ou d'un client posté à l'arrêt souhaitant y monter, et sous la réserve du respect des horaires de passage à chaque arrêt, l'autobus ne devant avoir ni avance ni, si possible, retard ;

Mais attendu que le salarié a reçu chaque année une fiche de poste lui précisant expressément que tous les arrêts devaient être desservis ;

que si cette indication imposait au conducteur un passage à chaque arrêt du circuit, la fiche de poste mentionnait que « le conducteur doit s'arrêter au moins 2 minutes à chaque arrêt pour ne pas prendre d'avance sur le circuit et permettre aux clients qui le désirent de descendre »;

que Monsieur [W] ne peut dès lors en déduire que l'arrêt de l'autobus n'était pas obligatoire lorsqu'aucun client ne souhaitait descendre ou monter dans l'autobus , et cela d'autant plus lorsqu'il n'était pas en avance, voire avait du retard, sur l'horaire, alors que la fiche de poste qu'il avait lui-même signée lors de son entretien individuel du 30 janvier 2013 énonçait expressément :

« Un arrêt obligatoire de quelques minutes doit être effectué à chaque arrêt (même en l'absence de clients à l'arrêt et à bord). Ouvrir la porte pour permettre aux clients de repérer qu'il s'agit d'un arrêt LLGT, et non d'un arrêt dû à la circulation » ;

qu'en présence de nombreux arrêts non respectés, voire de l'absence totale d'arrêt sur l'un des tours de la journée du 9 février 2013, et d'une conduite trop rapide et brusque sur certains tours ainsi que l'a relevée le contrôleur de la société SCAT, le grief tenant à l'inexécution des consignes données est fondé ;

d) Sur les violations du code de la route :

Attendu que la lettre de licenciement reproche enfin à Monsieur [W] d'avoir franchi au volant de l'autobus 5 intersections alors que le feu était rouge, soit 3 intersections le 2 février 2013, la 1ère à [Adresse 7], la 2ème sur le [Adresse 3] et la 3ème dans le [Adresse 3]), puis 2 intersections le 9 février 2013, l'une située [Adresse 4], et l'autre à hauteur du [Adresse 5] ;

que les faits reprochés sont établis par les rapports de deux contrôleurs agréés différents du SCAT régulièrement versés aux débats ;

Attendu que pour contester les infractions ainsi commises, Monsieur [W] prétend avoir toujours respecté le code de la route et n'avoir jamais fait l'objet de quelque verbalisation que ce soit, les prétendus manquements et violations du code de la route qui lui sont reprochés étant incompatibles avec le professionnalisme dont il a toujours fait preuve dans l'exercice de ses fonctions, ainsi qu'en a témoigné Monsieur [E], gérant de la société ROAD BOOK, dans la lettre qu'il a adressée pour témoigner de sa parfaite satisfaction de la visite privée de Lyon menée à bord du véhicule qu'il avait conduit avec Monsieur [M] ;

qu'il fait en outre valoir que, lors de l'entretien individuel dont il a fait l'objet le 30 janvier 2013, son supérieur hiérarchique n'a relevé aucun manquement de sa part aux règles du code de la route ;

que la société SCAT, qui indique dans son attestation travailler avec la société LYON LE GRAND TOUR depuis 2010, n'avait effectué précédemment aucun contrôle de ce type sur son activité, ou les avait effectués à son insu sans qu'une quelconque irrégularité ait été relevée ;

que les rapports des agents assermentés produits aux débats, sur la base desquels son licenciement a été prononcé, ne lui ont pas été présentés lors de l'entretien préalable malgré sa demande, ce qui a fait dire au conseil de prud'hommes que les documents ont pu être établis après l'entretien et pour les besoins de la cause ;

qu'en programmant ces contrôles postérieurement à ses revendications, l'employeur était clairement à la recherche d'un motif de licenciement ;

qu'enfin il n'a fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire, les rappels ou observations de son employeur ne lui ayant été adressés qu'après qu'il ait émis des revendications salariales, de sorte que, à considérer même que les infractions au code de la route aient une quelconque consistance, la sanction tirée de son licenciement apparaît manifestement disproportionnée au regard de ses états de service ;

Mais attendu que pour tenter de rapporter la preuve objective du professionnalisme dont il aurait toujours fait preuve dans l'exercice de ses fonctions, Monsieur [W] ne verse aux débats qu'une lettre de satisfaction de sa prestation rédigée par le gérant de la société ROAD BOOK datée du 26 septembre 2007, soit antérieure de plus de cinq années aux faits qui lui sont reprochés ;

que la société LYON LE GRAND TOUR justifie pour sa part par les différents rappels à l'ordre oraux établis par les notes manuscrites versées aux débats, puis par les mises en garde écrites intervenues en 2011, que la qualité de son travail s'est fortement dégradée ;

que si aucun manquement aux règles du code de la route n'a été relevé par son employeur lors de l'entretien individuel du 3 janvier 2013, il n'est pas établi, en l'état des pièces produites, que Monsieur [W] ait fait l'objet avant cette date d'un quelconque contrôle de la part de la société SCAT même si celle-ci est intervenue depuis 2010 au sein de la société LYON LE GRAND TOUR, la demande de contrôle n'ayant été effectuée pour lui-même et Monsieur [Z] [M] par la directrice du réseau que le 29 janvier 2013 non pour une recherche d'infractions au code de la route, mais sur l'existence éventuelle d'une fraude sur les encaissements, d'un non-respect des horaires et de l'itinéraire, d'un contrôle de la tenue vestimentaire du conducteur et de la propreté de l'autobus ;

que les rapports des contrôles ainsi réalisés les 2, 4, 9 et 10 février 2013 ont été transmis par la société SCAT le 10 février 2013, selon l'attestation de Monsieur [H] [D], son gérant ;

qu'ils ont servi de base à l'engagement de la procédure de licenciement par convocation dès le lendemain, 11 février 2013, de Monsieur [W], à l'entretien préalable ; que ce dernier est dès lors mal fondé à prétendre avec les premiers juges qu'ils auraient pu être établis après l'entretien et pour les besoins de la cause ;

qu'en outre la société LYON LE GRAND TOUR a contesté que Monsieur [W] ait été l'unique salarié à être contrôlé, dans la mesure où le contrôle avait également été demandé à l'égard de Monsieur [M], s'agissant des deux seuls conducteurs d'autobus en fonctions dans l'entreprise ; que Monsieur [M] ayant été en arrêt maladie du 2 janvier au 24 février 2013 la société SCAT a naturellement commencé à contrôler l'activité professionnelle de Monsieur [W], les autres membres du personnel devant pour leur part être contrôlés au mois d'avril suivant et les intérimaires de façon ponctuelle selon leur présence ;

que Monsieur [W] n'a dès lors fait l'objet d'aucun traitement différencié ou d'une quelconque discrimination par rapport aux autres salariés de l'entreprise ;

Attendu enfin que la commission de 5 infractions particulièrement graves au code de la route, tenant au non respect des feux de circulation tricolores en milieu urbain dans une courte période de temps est révélatrice d'une pratique qui, sans être vraisemblablement habituelle de sa part, traduit cependant la méconnaissance certaine des dangers encourus par le conducteur de l'autobus et les risques d'accident grave qu'il impose aux passagers transportés et aux autres usagers de la route ;

que le renouvellement de ces faits d'une exceptionnelle gravité justifie à lui seul son éviction immédiate de l'entreprise pour avoir placé l'employeur dans l'impossibilité de poursuivre toute collaboration même pendant le temps limité du préavis ;

qu'il importe dès lors d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes, de dire que le licenciement de Monsieur [W] repose bien sur la faute grave reprochée et de débouter ce dernier de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité de licenciement majorées des congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire parfaitement justifiée en l'espèce du fait de la gravité de la faute commise ;

Attendu cependant que l'équité et les facultés contributives respectives des parties ne commandent pas qu'il soit fait application en faveur de quiconque des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel ;

que des parties succombant toutes deux partiellement en leurs prétentions, il importe de laisser à chacune d'elles la charge de leurs propres dépens ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement par arrêt rendu public par mise à disposition des parties, après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 novembre 2014 par le conseil de prud'hommes de Lyon ,

et statuant à nouveau,

CONDAMNE la S.A.S. LYON LE GRAND TOUR à payer à Monsieur [S] [W] la somme de 1.198,00 € (MILLE CENT QUATRE VINGT DIX HUIT EUROS) à titre de rappel de salaire correspondant aux jours fériés non travaillés pour les années 2008, 2009, 2010 et 2012, outre celle de 119,81 € au titre des congés payés afférents;

DEBOUTE la S.A.S. LYON LE GRAND TOUR de sa demande reconventionnelle en remboursement de la somme de 1.285,38 € à titre de trop-perçu ;

DIT que le licenciement de Monsieur [S] [W] par la S.A.S. LYON LE GRAND TOUR repose sur une faute grave ;

DEBOUTE Monsieur [S] [W] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de toutes demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de quiconque ;

LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens tant en première instance qu'en cause d'appel.

Le greffierLe président

Sophie MascrierMichel Bussière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 14/08742
Date de la décision : 29/02/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°14/08742 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-29;14.08742 ?
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