La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/02/2016 | FRANCE | N°15/00995

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 26 février 2016, 15/00995


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 15/00995





ASSOCIATION ADAEAR



C/

[O]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 29 Janvier 2015

RG : F 12/00178

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2016







APPELANTE :



Association Départementale d'Aide à l'Enfance et à l'Adolescence du Rhône - ADAEAR

[Adre

sse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE ALPES, avocat au barreau de LYON



INTIMÉ :



[S] [O]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



comparant en pers...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 15/00995

ASSOCIATION ADAEAR

C/

[O]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 29 Janvier 2015

RG : F 12/00178

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2016

APPELANTE :

Association Départementale d'Aide à l'Enfance et à l'Adolescence du Rhône - ADAEAR

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE ALPES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[S] [O]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Ludovic SIREAU, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

Parties convoquées le : 08 juin 2015

Débats en audience publique du : 15 janvier 2016

Présidée par Natacha LAVILLE, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Didier JOLY, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 février 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Michèle GULLON, Greffier en chef, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

L'Association Départementale d'Aide à l'Enfance et à l'Adolescence du Rhône (ci-après dénommée l'ADAEAR) a engagé [S] [O] en qualité d'éducateur spécialisé au sein de l'établissement '[Adresse 3]' dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du 23 au 29 septembre 2008 renouvelé jusqu'au 28 novembre 2008, d'un second contrat à durée déterminée du 20 mars 2009 jusqu'au retour du salarié remplacé et enfin d'un contrat à durée indéterminée à compter du 2 août 2009 ; il a été prévu une rémunération composée d'une part d'un salaire d'un montant de 2 086.05 euros et d'autre part de primes et gratifications prévues par la convention collective nationale du 31 octobre 1951.

Au dernier état de la relation de travail, [S] [O] a perçu une rémunération mensuelle brute d'un montant de 2 777.29 euros dont un salaire mensuel brut s'établissant la somme de 2 109.04 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 janvier 2012, l'ADAEAR a convoqué [S] [O] le 19 janvier 2012 à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire.

Le 13 janvier 2012, le directeur de l'établissement LE TOURNESOL a été informé par [K] [T], éducatrice spécialisée au sein de l'établissement LES TOURNESOLS, qu'à l'occasion d'un séjour de vacances organisé l'été précédent, elle avait surpris [S] [O] un matin aux alentours de 10 heures 00 en compagnie du mineur [B] [Z] endormis et enlacés dans le lit d'une des chambres du camp.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 janvier 2012, [S] [O] a fait l'objet d'une nouvelle convocation à un entretien préalable à une sanction le 24 janvier 2012 et s'est vu notifier une mise à pied conservatoire avec effet immédiat.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 janvier 2012, l'ADAEAR a notifié à [S] [O] son licenciement dans les termes suivants :

'Monsieur,

Suite à l'entretien que nous avons eu le 24 janvier 2012, nous sommes au regret de vous notifier, par la présenter, votre licenciement.

Les motifs de ce licenciement sont ceux que nous vous avons déjà exposés lors de cet entretien et que nous vous rappelons.

Nous vous reprochons des manquements graves dans l'exercice de vos fonctions d'éducateur, en particulier dans l'absence de démarches qui vous incombaient auprès du Centre Médico Psychologique dans la prise en charge du jeune [M].[E]., de votre absence inexpliquée à une réunion de synthèse le 4 janvier à 15 heures à la [Localité 2], pour ce même jeune, et enfin, beaucoup plus grave, vous avez été surpris, lors du camp du mois de juillet, par une de vos collègues - qui en a témoigné par deux fois auprès des cadres de l'établissement-, dormant enlacé à 10 heures du matin avec ce même [M].[E]., jeune garçon de 10 ans, dans le lit de ce dernier.

Dormir avec un enfant qui vous est confié, est un acte contraire à l'ensemble des principes de respect des usagers, de nécessaire distanciation des adultes avec les jeunes, dans une relation éducative saine et non ambiguë, garante de l'intégrité physique et psychique des enfants.

Nous considérons ce dernier grief comme à lui seul constitutif d'une faute grave; en conséquence, ces manquements empêchent le maintien dans vos fonctions, justifiant la mise à pie à titre conservatoire qui vous été signifiée le 14 janvier, et votre licenciement pour faute grave, que nous décidons aujourd'hui. De ce fait, vous n'effectuerez ni préavis, ni ne percevrez d'indemnité. Il prend effet immédiatement. (...)

Selon courriers du même jour, l'ADAEAR a fait un signalement auprès du procureur de la république et du juge des enfants du tribunal de grande instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE pour dénoncer les faits mettant en cause le comportement de [S] [O] à l'égard du jeune [B] [Z].

Une enquête préliminaire a été diligentée pour agression sexuelle.

Le 25 septembre 2012, [S] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE pour contester son licenciement.

Le 21 juin 2013, la procédure pénale a été classée sans suite pour absence d'infraction.

Au dernier état de ses demandes, [S] [O] a sollicité du conseil de prud'hommes qu'il déclare son licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'il condamne en conséquence l'ADAEAR à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement abusif, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, un rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire et les congés payés afférents, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec remise sous astreinte des documents de fin de contrat rectifiés.

Par jugement rendu le 29 janvier 2015, le conseil de prud'hommes :

- a requalifié le licenciement pour faute grave en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- a condamné l'ADAEAR à payer à [S] [O] les sommes suivantes :

* 5 234.64 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 523.46 euros au titre des congés payés afférents ;

* 3 925.98 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 32 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

* 654.43 euros à titre de rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire outre 65.43 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a ordonné la remise par l'ADAEAR à [S] [O] des documents de fin de contrat rectifiés,

- a ordonné le remboursement par l'ADAEAR aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à [S] [O] dans la limite d'un mois d'indemnisation,

- a débouté l'ADAEAR de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- a condamné l'ADAEAR aux dépens.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

La cour est saisie de l'appel interjeté le 4 février 2015 par l'ADAEAR.

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 15 janvier 2016, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, l'ADAEAR demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter [S] [O] de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 15 janvier 2016, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, [S] [O] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf à assortir la condamnation au titre des documents de fin de contrat d'une astreinte de 50 euros par jour à compter du 8ème jour suivant la signification du 'jugement' à intervenir, et de condamner l'ADAEAR au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel.

MOTIFS

- sur le licenciement

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié; qu'aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

Attendu qu'en l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement pour faute grave dont les termes ont été restitués ci-dessus et que [S] [O] conteste intégralement, que l'employeur a retenu à l'encontre du salarié trois griefs tirés de son comportement durant le camp de vacances, de sa prise en charge défaillante de [B] [Z] et de son absence injustifiée lors d'une réunion de synthèse prévue le 4 janvier 2012.

Attendu que s'agissant du grief tiré du comportement de [S] [O] lors du camp de vacances, il ressort de la lettre de licenciement que l'ADAEAR reproche à son salarié de ne pas avoir eu une relation saine et dénuée d'ambiguïté avec le mineur [B] [Z] qui lui avait été confié en sa qualité d'éducateur spécialisé lors d'un camp de vacances;

Attendu qu'il résulte des écritures de [S] [O] reprises à l'audience que celui-ci ne conteste aucunement la matérialité des fais relatée par son employeur, lequel a été informé par [K] [T], éducatrice spécialisée au sein de l'établissement LES TOURNESOLS, qui a confirmé ses propos devant les services de police lors de son audition dans le cadre de l'enquête préliminaire ;

qu'ainsi, il est établi que [S] [O] s'est trouvé à 10 heures 00 du matin endormi dans un lit, en l'occurrence une banquette non dépliée qui faisait office de lit installée dans un mobil home où il logeait, en étant allongé auprès du mineur [B] [Z] ; que l'enfant, qui avait passé une nuit très agitée, était venu chercher du réconfort auprès de [S] [O] qui était son éducateur ; que [S] [O] a répondu comme suit au jeune : ' (...) je lui ai dit qu'il était tôt, qu'il fallait encore dormir et je lui ai dit de venir à côté de moi pour se reposer (...)'; que l'éducateur a reconnu qu'il tenait le mineur dans ses bras ;

qu'il y a lieu de relever en outre que [S] [O] a déclaré aux policiers, sans le contester ultérieurement, notamment dans ses écritures, qu'il lui était arrivé à l'occasion de cette scène de lui caresser la nuque et le dos et que selon lui, il s'agissait de 'bienveillance paternelle';

que le comportement décrit ci-dessus caractérise une relation qui exclut tout professionnalisme de la part de [S] [O] dans sa prise en charge du jeune [B] [Z] ;

qu'en effet, les rapports de comportement de ce mineur établis en juin 2010 et le 19 novembre 2011 par l'équipe éducative de l'établissement LES TOURNESOLS et versés aux débats, indiquent que cet enfant, placé par décision judiciaire depuis plusieurs années au sein de la structure, a participé au camp de vacances alors qu'il présentait des troubles du comportement qui se manifestaient par des gestes violents et des sommeils très agités marqués par des cauchemars ; que les rapports précités ont mis en évidence la nécessité d'un cadre structurant et bien délimité à poser pour ce mineur ;

que les collègues éducateurs de [S] [O] qui ont eu également à connaître de la prise en charge de [B] [Z] ont ainsi déclaré aux policiers que lorsque celui-ci était agité de cauchemars, ils le calmaient et l'apaisaient par des chants ou par des histoires racontées au pied de son lit ;

qu'il est indiscutable que ces actions entraient parfaitement dans le strict cadre professionnel de ces salariés tenus de respecter la distance qu'impose la prise en charge de tout mineur placé dans une structure d'accueil pour leur permettre d'évoluer favorablement ;

que tel n'a pas été le cas de la part de [S] [O] qui, lors de cette matinée du mois de juillet, a incontestablement permis l'établissement d'une proximité physique et intime, sans connotation sexuelle établie, avec [B] [Z], au surplus sous couvert d'une relation paternelle totalement étrangère aux obligations professionnelles de [S] [O] ;

qu'il s'ensuit que l'ADAEAR rapporte la preuve que [S] [O] a eu à l'égard du jeune [B] [Z] un comportement qui se situe bien au-delà de la relation éducative qu'il aurait dû établir avec le mineur; que ce comportement caractérise à lui seul une violation par le salarié de ses obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de [S] [O] dans l'entreprise, même pendant la durée limitée du préavis ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'examiner le surplus des griefs pour dire que le licenciement pour faute grave de [S] [O] est justifié ;

que le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions ; que le licenciement de [S] [O] repose sur une faute grave ; que [S] [O] sera débouté de l'intégralité de ses demandes.

- sur les demandes accessoires

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par [S] [O].

Attendu que l'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement de [S] [O] repose sur une faute grave,

DÉBOUTE [S] [O] de l'intégralité de ses demandes,

DÉBOUTE l'ADAEAR de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE [S] [O] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

CHAUVY LindseySORNAY Michel


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 15/00995
Date de la décision : 26/02/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°15/00995 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-26;15.00995 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award