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25/02/2016 | FRANCE | N°14/07897

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 25 février 2016, 14/07897


R.G : 14/07897









Décisions

- du tribunal de grande instance de Grasse - 1ère chambre civile - section B - en date du 12 juin 2007



R.G. 06/00765



- de la cour d'appel d'Aix-en-Provence - 1ère chambre A - en date du 29 avril 2008



R.G. 07/10192



- de la Cour de Cassaion - première chambre civile - en date du 17 novembre 2011



n° 1129F-D



- ordonnance de retrait du rôle de la cour d'appel de Lyon -

1ère chambre civile A - en date du 09 octobre 2012



R.G. : 2012/02367











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 25 Février 2016







APPELANT ...

R.G : 14/07897

Décisions

- du tribunal de grande instance de Grasse - 1ère chambre civile - section B - en date du 12 juin 2007

R.G. 06/00765

- de la cour d'appel d'Aix-en-Provence - 1ère chambre A - en date du 29 avril 2008

R.G. 07/10192

- de la Cour de Cassaion - première chambre civile - en date du 17 novembre 2011

n° 1129F-D

- ordonnance de retrait du rôle de la cour d'appel de Lyon -

1ère chambre civile A - en date du 09 octobre 2012

R.G. : 2012/02367

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 25 Février 2016

APPELANT :

[W] [A] [P]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1] (Royaume-Uni)

[Adresse 1]

[Localité 2] (ROYAUME-UNI)

représenté par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de Lyon

assisté par de Maître Nicolas SIMON DE KERGUNIC, avocat au barreau de Grasse

INTIMEE :

[I] [I]

née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 3] (Hauts-de-Seine)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par de la SCP TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de Lyon

assistée de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de Paris

******

Date de clôture de l'instruction : 09 juin 2015

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 décembre 2015

Date de mise à disposition : 18 février 2016 prorogée au 25 février 2016, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier aliéna du code de procédure civile

Audience tenue par Michel GAGET, président et Françoise CLEMENT, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l'audience, Michel GAGET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Michel GAGET, président

- Catherine ROSNEL, conseiller

- Françoise CLEMENT, conseiller

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Vu le jugement en date du 12 juin 2007 du tribunal de grande instance de Grasse qui déboute [W] [P] de l'ensemble de ses demandes formées contre Maître [I] aux motifs que [W] [P] ne rapporte pas la preuve d'une chance réelle et sérieuse de voir la décision de condamnation du tribunal correctionnel réformée en appel ;

Vu l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 29 avril 2008 qui réforme le jugement du 12 juin 2007 et condamne Maître [I] à verser à [W] [P] la somme de 70 000 euros en réparation de ses préjudices liées à l'obligation de remboursement au profit de la partie civile et pour préjudice moral aux motifs que l'avocate a commis une faute professionnelle en formant un appel tardif alors que [W] [P] avait des chances réelles et sérieuse d'obtenir réformation de sa condamnation en appel ;

Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 17 novembre 2011 qui casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel en date du 29 avril 2008 mais seulement en ce qu'il refuse toute indemnisation au titre du préjudice professionnel, des frais de poursuite et des frais bancaires exposés à la suite du jugement correctionnel du 22 juin 2001, ainsi que des frais de procédure et honoraires d'avocat ;

Vu les conclusions en date du 22 avril 2015 par lesquelles [W] [P] tend à la réformation du jugement aux motifs que la faute professionnelle de Maître [I] lui a fait perdre la chance de percevoir un salaire sur la période du 1er octobre 2002 au 31 mars 2012 ainsi qu'un salaire plus élevé entre le 1er avril 2012 et 2020, date de sa retraite ;

Vu les mêmes conclusions par lesquelles [W] [P] demande à la Cour :

- avant dire droit :

1) de désigner tel expert judiciaire, choisi parmi les experts-comptables d'un cabinet d'audit international, avec faculté de se faire assister par un sapiteur expert-comptable inscrit auprès de l'Ordre des Experts-Comptables d'Angleterre et du Pays de Galles avec pour mission de donner son avis consultatif écrit sur les niveaux de rémunération qu'aurait pu toucher un expert-comptable inscrit auprès de l'Ordre de Expert-Comptables d'Angleterre et du Pays de Galles, citoyen britannique bilingue en français, ayant plus de vingt ans d'expérience et ayant été formé dans un des plus grand cabinet d'audit, pour des fonctions de Directeur Financier dans des sociétés multinationales anglo-saxonnes, cette rémunération devant intégrer des avantages en nature (bonus/primes, voiture de fonction, caisse de retraite, assurance-vie, mutuelle / assurance santé, stock options), au cours des deux périodes suivantes:

du 1er octobre 2002 au 31 mars 2012

du 1er avril 2012 au 31 janvier 2020

2) de juger que la rémunération du consultant sera avancée par [W] [P]

- en tout état de cause :

3) de condamner Maître [I] à verser à [W] [P] les sommes suivantes :

3 000 000 euros au titre de la perte d'une chance de percevoir cette sommes à titre de salaire sur la période du 01er octobre 2002 au 31 mars 2012,

940 000 euros au titre de la perte d'une chance de percevoir un salaire plus élevé entre le 1er avril 2012 et le 31 janvier 2020, date de sa retraite,

26 599,90 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais irrépétibles vainement exposés par [W] [P] pour les frais d'avocats,

2 323,05 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais de poursuite et frais bancaires ,

533 euros à titre de dommages et intérêts pour l'installation d'une nouvelle serrure sur sa porte d'entrée,

533,57 euros à titre de dommages et intérêts pour compenser ladite somme accordée aux ASSEDIC par le jugement du Tribunal correctionnel de Grasse du 22 juin 2001 au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale,

8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance,

4) juger que les condamnations pécuniaires porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et que les intérêts de plus d'une année se capitaliseront conformément à l'article 1154 du Code civil ;

Vu les conclusions en date du 29 mai 2015 par lesquelles Maître [I] tend au rejet de l'ensemble des demandes de [W] [P] aux motifs qu'il ne rapporte pas la preuve des différents chefs de préjudices revendiqués, tant dans leur principe que dans leur quantum ainsi qu'au rejet de la mesure d'expertise sollicité ;

Vu les mêmes conclusions par lesquelles Maître [I] demande à la Cour

- à titre subsidiaire si la Cour faisait droit à la demande d'expertise:

1) de dire que l'expert judiciaire aurait également pour mission de se prononcer sur les choix de carrière effectués par [W] [P], sur les conséquences de son inactivité délibérée entre 2002 et 2012, sur les possibilités concrètes d'exercer de façon discontinue des fonctions de directeur financier au vu du cursus et de la carrière de [W] [P] avant 2002, sur les possibilités d'exercer de telles fonctions sans être inscrit à l'Ordre des Experts-Comptables d'Angleterre et du Pays de Galles et sur toutes les charges qui auraient dû être alors supportées par [W] [P], notamment les impositions de toute nature ;

- en tout état de cause :

2) de condamner [W] [P] à verser à Maître [I] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de la présente instance ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 09 juin 2015.

DECISION

1. [W] [P] a été condamné par le Tribunal Correctionnel de Grasse le 22 juin 2001 pour l'infraction de fraude ou fausse déclaration en vue de l'obtention de prestations chômage et au paiement de la somme de 65 843,36 euros. [W] [P] a interjeté appel mais trop tardivement et celui-ci a été rejeté sans aucun examen au fond.

2. [W] [P], considérant que sa condamnation était infondée et n'ayant pu exercer de voie de recours au fond contre cette décision, a assigné son avocate, Maître [I] en réparation de différents préjudices, estimant qu'elle a commis une faute professionnelle, notamment en interjetant appel après expiration du délai.

3. La présente Cour, eu égard à l'arrêt de la Cour de cassation en date du 17 novembre 2011, n'est saisie que des demandes tendant à la réparation du préjudice professionnel, des frais de poursuite et des frais bancaires exposés à la suite du jugement correctionnel du 22 juin 2001, ainsi que des frais de procédure et honoraires d'avocat

4. La Cour constate que concernant la faute de Maître [I], le principe de l'engagement de sa responsabilité professionnelle qui a été consacré par l'arrêt d'appel n'a pas été cassé, cet élément est donc définitif. Maître [I] a bien engagé sa responsabilité professionnelle en raison de la tardiveté d'appel du jugement correctionnel du 22 juin 2001.

Sur les frais de procédure :

5. [W] [P] soutient que tous les honoraires qu'il a engagés pour assurer sa défense devant les juridictions répressives auraient pu être évités, ou être mis à la charge des ASSEDIC, si Maître [I] n'avait pas commis se faute professionnelle.

A ce titre, il réclame la somme totale de 26 599, 90 euros se décomposant comme suit: 4 974,04 euros au titre des honoraires de Maître [I], 2 392 euros au titre des honoraires versés aux avocats près la Cour de cassation pour le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 15 mai 2003, 287,04 euros au titre d'une consultation lui ayant conseillé d'assigner son avocate, 1 435,20 euros au titre des honoraires exposés pour le recours en révision de la condamnation pénale, 13 754 euros au titre de l'intervention du cabinet [D] [U] ' [O] [C], 1 365,62 euros au titre de l'intervention d'un cabinet britannique concernant l'ordre de sa profession et 2 392 euros au titre de la cassation sur le volet civil.

6. De son côté, Maître [I] soutient que concernant la citation direct des ASSEDIC devant le tribunal correctionnel de Grasse, cette citation est indépendante d'un manquement qu'elle aurait pu commettre. Elle expose que même si [W] [P] avait obtenu finalement gain de cause, rien ne démontre que les ASSEDIC aurait été condamnés à prendre en charge les frais et estime que le préjudice ne peut relever que d'une perte de chance.

S'agissant des frais exposés postérieurement, si Maître [I] veut bien admettre que les frais exposés devant la Cour d'appel d'Aix puis devant la Cour de cassation étaient nécessaires, elle soutient que les autres frais exposés ne sont absolument pas la conséquence directe de son intervention mais des choix de procédure effectués par [W] [P] et qu'aucune réparation ne peut donc être accordée pour les différentes requête en révision, ni pour la requête auprès du Garde des Sceaux, ni l'intervention devant l'ordre professionnel de [W] [P], ni pour les conseil au long des procédures des différents cabinets.

Sur la somme de 26 599,90 euros réclamée au titre des frais irrépétibles

vainement exposés pour les frais d'avocat :

7. Contrairement à ce que soutient l'avocat [I] [I], l'ensemble de ces frais a été mis à la charge de [W] [P], charge définitive dans la mesure où il a perdu la chance certaine et sérieuse d'obtenir la relaxe par la faute de son avocate. Et celle-ci ne prouve pas que ces frais aient été générés par la faute de [W] [P] dans l'exécution des condamnations prononcées contre lui.

8. En conséquence, il convient d'allouer cette somme de 26 599,90 euros qui correspond à des dépenses payées sans profit par la faute initiale de l'avocate.

Les frais mis à la charge de [W] [P] au titre de l'article 475-1

du code de procédure pénale :

9. Le tribunal correctionnel de Grasse a condamné [W] [P] à verser aux ASSEDIC la somme de 3 500 francs (533,57 euros) au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

10. [W] [P] soutient que s'il avait été relaxé en appel, les ASSEDIC, partie civile, n'aurait pas obtenu gain de cause sur cette demande et cette indemnité n'aurait pas été mise à la charge de [W] [P]. De ce fait, il soutient que la faute de Maître [I] est à l'origine directe de ce préjudice.

11. Maître [I] soutient de son côté que cette demande a été réparée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence au titre de la condamnation prononcée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

12. Mais la Cour constate que cette somme a été réglée par [W] [P] dans le cadre de la procédure correctionnelle et se trouve donc indépendante des dépens liquidés par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence dans le cadre de l'engagement de la responsabilité professionnelle de Maître [I]. Cette demande autonome ne peut être comprise dans la condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

13. Dans la mesure où cette demande n'est pas davantage contestée par Maître [I], la Cour la condamne à verser la somme de 533,57 euros à [W] [P] à ce titre.

Sur les frais de poursuites et frais bancaires exposés :

14. [W] [P] soutient que la faute de son avocate lui a causé plusieurs préjudice en raison de l'exécution du jugement, alors même que s'il avait été relaxé en appel, ces frais n'auraient pas été exposés. Il sollicite la condamnation de Maître [I] à lui payer une indemnité au titre des frais d'exécution forcée de la condamnation pécuniaire du jugement du 22 juin 2001, soit 1 176,45 euros, des frais de virement bancaire de l'Angleterre vers la France à l'occasion du moratoire de remboursement sur 21 mois, soit la somme de 1 202,46 euros ainsi qu'au titre de la remise en état de sa porte d'entrée qui a été forcée par l'huissier de justice le 13 août 2001, soit la somme de 467 euros.

[W] [P] explique en outre qu'il n'avait pas été informé de sa condamnation par son avocate, ignorance qui a conduit à l'exécution forcée du jugement, lui causant d'après lui les préjudices décrits.

15. De son côté, Maître [I] soutient que [W] [P] aurait dû s'informer lui-même des suites du jugement pénal et des suites de celui-ci, notamment son exécution.

Concernant la serrure de la porte, Maître [I] soutient que le fait que [W] [P] ne résidait alors pas au domicile qu'il avait déclaré ne peut lui être opposé. Elle ajoute que l'adresse française de [W] [P] figurait bien sur le jugement du tribunal correctionnel.

S'agissant enfin des frais de virement bancaire, Maître [I] soutient qu'elle ne saurait être comptable du fait que [W] [P] détenait ses comptes bancaires en Angleterre et qu'au surplus, l'échéancier a été négocié hors de sa présence, au bénéfice de [W] [P]. Elle réfute donc devoir supporter les frais de virement de fonds provenant d'Angleterre.

16. Ces frais sont bien en rapport direct avec la faute de l'avocat et celle-ci ne démontre pas que son client ait commis une faute qui serait à l'origine déterminante de l'engagement de ces frais lors de l'exécution des mesures prises à son encontre.

17. En conséquence, ces sommes doivent être mises à la charge de l'avocate.

Sur les préjudices professionnel et économique:

18. Avant dire-droit, [W] [P] sollicite la nomination d'un expert judiciaire afin de déterminer plus précisément son préjudice.

Sur le fond, suite à sa condamnation pénale, [W] [P] a décidé de cesser son activité professionnelle d'expert-comptable afin d'éviter une sanction disciplinaire qui aurait pu aboutir à sa radiation pure et simple de son ordre professionnel. Il soutient que la faute professionnelle de Maître [I] est à l'origine directe de cette décision qu'il a pris sous la menace d'une telle sanction disciplinaire.

[W] [P] expose n'avoir exercé d'activité professionnelle du 1er octobre 2002 au 31 mars 2012. Il considère que la faute de son avocate lui a fait perdre la chance d'obtenir une rémunération pendant cette période, au titre de fonction de Directeur Financier de multinationales à cause d'une extrême pression physiologique suivant sa condamnation pénale. Il estime ce préjudice à la somme de 3 000 000 d'euros.

En outre, [W] [P] expose qu'en raison de cet arrêt professionnel, il ne peut actuellement prétendre qu'à des postes financiers subalternes, alors que sans cet arrêt, il aurait postulé à des emplois de responsables financier offrant des rémunérations supérieures à 500 000 euros par an. Il sollicite de ce fait la condamnation de Maître [I] à lui verser la somme de 940 000 euros au titre de la perte de percevoir, entre le 01er avril 2012 et fin janvier 2020, date de son départ à la retraite, une rémunération plus élevée, en rapport avec celle à laquelle il aurait pu prétendre avec près de 30 ans d'expérience, sans l'arrêt professionnel de près de 10 ans.

19. De son côté, Maître [I] soutient d'abord que [W] [P] a fait le choix délibéré et sans sanction préalable de cesser son activité professionnelle. Elle ajoute que lorsque [W] [P] a déclaré sa condamnation à son ordre, il a finalement échappé à toute sanction.

Maître [I] soutient ensuite qu'aucun texte n'indique clairement qu'une condamnation équivaut à une radiation automatique de l'ordre. Elle expose que le fait d'encourir une radiation ne signifie pas qu'elle soit acquise. Dans cette mesure, Maître [I] soutient que le préjudice n'est pas fondé, en son principe même, puisque [W] [P] aurait pu adopter une autre attitude. Maitre [I] réfute donc tout lien de causalité entre le préjudice économique de [W] [P] et sa faute professionnelle.

Maître [I] ajoute que quand bien même [W] [P] aurait été radié de son ordre, cette radiation n'était pas incompatible avec son activité de Directeur Financier qui n'est pas subordonnée à la qualité d'expert-comptable. Elle expose également que même si [W] [P] avait perdu cette qualité, il possédait toujours les mêmes diplômes, qualifications et compétences pour exercer le poste de Directeur Financier.

Maître [I] soutient encore que les choix de carrière ainsi que l'inertie de [W] [P] pendant 10 années ne lui sont pas opposables et que rien n'empêchait [W] [P] de chercher du travail. Elle en conclut que la perte de chance invoquée n'est pas démontrée.

Enfin, Maître [I] soutient que le quantum du préjudice n'est pas démontré par [W] [P], pas plus que le fait qu'il aurait été en mesure de ne pas payer ses impôts en France.

S'agissant du préjudice économique de 2012 à 2020, Maître [I] soutient qu'il s'agit d'un préjudice futur et hypothétique qui n'est pas indemnisable.

20. Le préjudice professionnel dont il soutient qu'il est consécutif à la faute de l'avocat, et tel que l'évalue [W] [P] dans ses conclusions en réclamant une perte de salaire sur une période allant du 1er octobre 2002 au 31 mars 2012, plus une perte de chance de percevoir un salaire plus élevé entre le 1er avril 2012 et le 1er avril 2020 date de sa retraite, soit une somme globale de 3 940 000 euros ne se rattache pas directement à la faute de l'avocat par un lien de causalité direct et déterminant dans la mesure même où l'origine de l'état de fait dont se plaint [W] [P] trouve sa source directe et évidente dans son comportement et son attitude personnelle en ce qu'il n'a pas déclaré aux autorités disciplinaires anglaises sa condamnation et les circonstances qui ne lui permettaient pas d'être relaxé dans le cadre d'un appel pénal pour lequel il avait été déclaré irrecevable par la faute de son avocat qui n'avait pas effectué les démarches dans le délai légal, et en ce qu'il a pris l'initiative de s'autocensurer et de ne pas poursuivre une activité comparable à celle qu'il exerçait auparavant.

21. Si la faute de l'avocat lui a fait perdre la chance certaine et sérieuse d'obtenir une relaxe, cette faute ne se trouve en relation directe et certaine qu'avec un préjudice qui ne peut pas être évalué à une perte de revenus comme il l'a calculé et qui se mesure aux inconvénients et gênes qui résultent d'une condamnation définitive de nature à porter atteinte à sa réputation et à son crédit dans la profession qu'il exerçait. Cependant ce préjudice professionnel n'a pas la mesure qui résulterait d'une interdiction prononcée par une autorité disciplinaire, interdisant tout exercice professionnel, d'autant que cette autorité disciplinaire n'a pas été saisie et n'a jamais prononcé d'interdiction, en rapport avec la condamnation. Et la Cour, qui trouve, dans les éléments de fait produits au débat judiciaire, les faits suffisant et les éléments de calcul nécessaires à l'évaluation du préjudice et donc pour statuer, sans le recours à une expertise dont elle n'a nul besoin pour être éclairée sur le fait, évalue donc ce préjudice professionnel direct à la somme de 300 000 euros qui répare les pertes professionnelles en rapport avec la faute.

22. Le préjudice économique est donc retenu pour 300 000 euros.

24. En conséquence, [W] [P] doit être indemnisé de la manière suivante :

- préjudice professionnel et économique........................ 300 000,00 euros

- frais vainement exposés............................................... 26 599,90 euros

- frais bancaires et de poursuites.................................... 2 323,05 euros

- frais de serrure.............................................................. 533,00 euros

- dommages et intérêts.................................................... 533,57 euros

--------------

soit un total de............................................................... 329 989,52 euros.

25. Cette somme globale porte intérêts au taux légal à compter de la date de cet arrêt qui liquide le préjudice.

26. L'équité commande d'allouer la somme de 8 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile à [W] [P]

27. Maître [I] [I] supporte tous les dépens de cette instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant dans les limites de la cassation ;

- réforme le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 12 juin 2007 ,

- liquide les préjudices professionnels, et autres, tels que retenus dans l'arrêt de cassation du 17 novembre 2011, à la somme de 329 989,52 euros ;

- condamne Maître [I] à verser à [W] [P] la somme de 329 989,52 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour et outre la somme de 8 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ,

- condamne la même aux dépens de cette instance,

- autorise les mandataires des parties qui en ont fait la demande à les recouvrer aux formes et conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

Joëlle POITOUXMichel GAGET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 14/07897
Date de la décision : 25/02/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°14/07897 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-25;14.07897 ?
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