AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 14/08411
[G]
C/
SAS NIMIR HOLDING
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX
du 23 Octobre 2014
RG : 13/0092
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 05 FEVRIER 2016
APPELANTE :
[V] [G]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Non comparante, représentée par Me Christophe NOEL, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SAS NIMIR HOLDING
[Établissement 1]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Cécile BERSOT, avocate au barreau de THONON-LES-BAINS, substituée par Me ROUSSEY Caroline, avocate au barreau de THONON-LES-BAINS
PARTIES CONVOQUÉES LE : 09 mars 2015
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Décembre 2015
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Michel SORNAY, Président
Didier JOLY, Conseiller
Natacha LAVILLE, Conseiller
Assistés pendant les débats de Lindsey CHAUVY, Greffier placé.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 05 Février 2016, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel SORNAY, Président, et par Lindsey CHAUVY, Greffier placé à la Cour d'Appel de LYON suivant ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel de LYON en date du 15 décembre 2015, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
La SAS NIMIR HOLDINGS gère un ensemble hôtelier et de loisirs de luxe situé à [Localité 1] (01), à proximité de Genève.
À l'issue d'un contrat d'intérim à temps partiel de février 2007, [V] [G] née [U] a été engagée par la SAS NIMIR HOLDINGS par contrat de travail à durée déterminée de neuf mois d'avril à décembre 2007 en qualité d'assistante bureautique.
Ce contrat s'est poursuivi sous la forme d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2008 en qualité d'assistante comptable, son temps de travail hebdomadaire étant fixé à 39 heures.
Le 1er janvier 2009, [V] [G] a été promue comptable-responsable ressources humaines, statut employé niveau 3 échelon 3.
Le 1er octobre 2009, [V] [G] est passée agent de maîtrise, niveau 4 échelon 1, en qualité de responsable des ressources humaines.
Le 1er janvier 2011, elle a été promue cadre, niveau 5 indice 1, coefficient 51, l'avenant du 10 janvier 2011 à son contrat de travail prévoyant désormais un forfait de 218 jours travaillés par an.
En dernier lieu [V] [G] a été promue à compter du 1er mars 2013 au poste de directrice des ressources humaines, cadre niveau 5 indice 2 coefficient 52 de la convention collective des hôtels cafés restaurants, avec une rémunération brute mensuelle de 4295,84 euros.
A ce titre, elle assurait la gestion sociale, y compris la paye, des trois sociétés du groupe : la SAS NIMIR HOLDINGS, la SCEA EQUETANA (centre hippique) et la SAS JIVA GOLF RESORT.
Cette promotion n'a pas fait l'objet d'un avenant écrit à son contrat de travail.
A compter du mois de mars 2013, elle a subi plusieurs arrêts de travail pour un syndrome dépressif qu'elle a imputé à une forte dégradation de ses conditions de travail à partir de 2011 en raison de ce qu'elle considérait être un management pathogène par le nouveau directeur général arrivé en 2010, [J] [D].
Par lettre recommandée avec AR du 31 mai 2013, le conseil d'[V] [G] a dénoncé ces mauvaises conditions de travail et les pressions subies par cette salariée, lesquelles mettaient en péril l'état de santé physique et mentale de cette dernière, et a demandé à l'employeur de lui indiquer quelles mesures urgentes il comptait prendre afin de mettre fin à cette situation de harcèlement moral.
L'employeur n'a apporté aucune réponse à cette alerte écrite.
Le 11 juin 2013, l'employeur a notifié à [V] [G] un avertissement en raison de " nombreuses erreurs dans la gestion de ces tâches en qualité de directrice des ressources humaines et... de véritables problèmes qui mettent la société NIMIR HOLDINGS en porte-à-faux vis-à-vis de certains de ses salariés ".
Le 18 juin 2013, [V] [G] a saisi le Conseil de prud'hommes d'[Localité 3] en vue d'obtenir :
-l'annulation de l'avertissement notifié le 11 juin 2013,
-la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour rétrogradations et modifications unilatérales de celui-ci,
-une indemnisation en raison d'une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur du fait d'un harcèlement moral
Par ailleurs, par un courrier officiel faxé le 22 juillet 2013, le conseil de Madame [G] a sollicité la régularisation sous huitaine du paiement du complément de salaire versé par l'organisme de prévoyance à l'employeur, complément dont la salariée avait été privée depuis le 30 mai 2013.
En l'absence de réponse, le conseil de la salariée a réitéré sa demande le 25 juillet 2013 puis le 8 août 2013.
Par courrier du 14 août 2013, le conseil de l'employeur a indiqué avoir régularisé la situation, précisant toutefois que cette dernière n'était selon lui que la conséquence d'une carence d'[V] [G] dans l'exécution de sa mission en qualité de directrice des ressources humaines de l'entreprise.
Lors de l'audience devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, [V] [G] a reproché à son employeur d'avoir manqué de manière grave et persistante à ses obligations contractuelles :
*en violant son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé de la sécurité des travailleurs, dès lors que Madame [G] a été victime sur son lieu de travail de harcèlement moral constitué par :
-la mise en place d'un contrôle systématique de son travail, jusqu'alors exercé en toute autonomie,
-une remise en cause répétée de ses compétences,
-une augmentation sensible de sa charge de travail,
-des méthodes managériales particulièrement brutales,
-le recours à des sanctions injustifiées
*en ne prenant aucune mesure de nature à la protéger,
*en la rétrogradant et, partant, en modifiant unilatéralement son contrat de travail.
Elle sollicitait donc du conseil :
- l'annulation de l'avertissement du 11 juin 2013 en vertu de l'article 1152 -3 du code du travail,
- le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur avec les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
- la condamnation de la société NIMIR HOLDINGS à lui verser : :
* 64 437 € nets de charges sociales à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse
* 6014,10 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement 12 887,40 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 1301,80 euros à titre de congés payés sur préavis,
* 60 140 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et harcèlement moral,
* 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
- le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
La société NIMIR HOLDINGS s'est opposée à l'ensemble de ces demandes et, à titre reconventionnel, a sollicité la condamnation d'[V] [G] à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour violation de son obligation contractuelle de discrétion, au motif que cette salariée avait versé aux débats des documents dont elle avait eu connaissance dans le cadre de son contrat de travail, documents qui ne la concernaient pas personnellement.
Par jugement du 23 octobre 2014, le conseil de prud'hommes d'[Localité 3] a :
- dit et jugé que les actes de harcèlement moral invoqués par [V] [G] à l'encontre de [J] [D] en sa qualité de directeur de la société NIMIR HOLDINGS n'avaient pu être démontrés ;
- dit que l'avertissement prononcé à l'encontre de [V] [G] n'avait pas à être annulé ;
- dit que la résiliation du contrat aux torts de l'employeur n'avait pas lieu d'être prononcée, et a laissé les parties en l'état ;
- dit que le contrat de travail de [V] [G] se poursuivait au sein de la société NIMIR HOLDINGS ;
- débouté [V] [G] de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté la société NIMIR HOLDINGS de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné [V] [G] à verser à la société NIMIR HOLDINGS la somme de 50 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné [V] [G] aux dépens de l'instance.
[V] [G] a interjeté appel de cette décision le 24 octobre 2014.
*
Parallèlement à cette procédure, [V] [G], au terme de son arrêt maladie, a fait l'objet de deux visites médicales de reprise qui ont donné lieu les 1er et 17 juillet 2014 à deux avis émis par le médecin du travail déclarant cette salariée inapte au poste de DRH, l'intéressée ne pouvant être soumise à des situations de stress répétées.
En conséquence, la société NIMIR HOLDINGS a par courrier du 30 juillet 2014 notifié à [V] [G] des propositions de reclassement au sein de l'entreprise, en qualité d'assistante comptable et ressources humaines (employée, niveau III, échelon 3), de réceptionniste (employée niveau II échelon 2) et de femme de chambre.
Interrogé le 30 juillet 2014 sur ces propositions, le médecin du travail a indiqué à l'employeur par courrier du 31 juillet 2014 que l'état de santé d'[V] [G] ne lui permettait d'occuper aucun de ces postes.
La salariée a elle même décliné ces propositions de reclassement dans l'entreprise par courrier daté du 5 août 2014.
La société NIMIR HOLDINGS a dans ce contexte adressé le 18 août 2014 à [V] [G] une convocation à un entretien préalable à son licenciement pour inaptitude, cet entretien étant fixé au 27 août 2014.
En suite de cet entretien, auquel la salariée a indiqué ne pouvoir se rendre à raison de son état de santé, la société NIMIR HOLDINGS lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, par courrier recommandé du 1er septembre 2014.
*
Par ses dernières conclusions parvenues au greffe le 8 juin 2015, [V] [G] demande à la Cour d'appel d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Oyonnax et, statuant à nouveau, de :
À titre principal
-dire et juger qu'[V] [G] a été rétrogradée, isolée et cantonnée à des fonctions de simple assistante des ressources humaines, que ses fonctions et prérogatives de directrice des ressources humaines ont été remises en cause, qu'elle a subi un management brutal et anormal de la part de son supérieur [Z] [D], dont le comportement avait déjà été dénoncé par d'autres salariés ;
-dire et juger que l'avertissement du 11 juin 2013 constitue une mesure de rétorsion après que [V] [G] a dénoncé une situation de harcèlement moral par courrier du 31 mai 2013, courrier auquel l'employeur n'a jamais répondu ;
-dire et juger que l'ensemble de ces faits fait présumer l'existence d'agissements graves et répétés de harcèlement moral, qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail, laquelle a porté atteinte à ses droits et à sa dignité et altéré sa santé mentale, et ce, dans les termes de l'article L 1152-1 du code du travail ;
-dire et juger qu'il incombe à la société NIMIR HOLDINGS de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement moral et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, en vertu de l'article L1154 -1 du code du travail ;
À titre subsidiaire :
-dire et juger que la société NIMIR HOLDINGS a modifié le contrat de travail d'[V] [G] sans son accord, ce qui constitue un trouble manifestement illicite qui justifie à lui seul la résiliation du contrat de travail
En conséquence:
-annuler l'avertissement du 11 juin 2013 en vertu de l'article L1152-3 du code du travail,
-prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail d'[V] [G], laquelle produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de la notification du licenciement intervenu le 1er septembre 2014.
-Condamner la société NIMIR HOLDINGS à verser à [V] [G] :
* 64 437 € nets de charges sociales à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
* 6 014,10 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 12 887,40 euros à titre d'indemnité de préavis ,
* 1 301,80 euros à titre de congés payés sur préavis,
* 60 140 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et harcèlement moral,
* 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
*
Par ses conclusions d'intimée parvenues au greffe le 10 décembre 2015, la société NIMIR HOLDINGS demande à la Cour d'appel de :
-constater qu'[V] [G] se trouve défaillante dans l'administration de la preuve :
*de pratiques managériales brutales,
*d'une modification unilatérale de ses conditions de travail,
*de sanctions pécuniaires,
* d'une charge trop importante de travail,
* d'une dépression liée au stress de son travail ;
-Constater que [V] [G] s'est vu refuser le statut d'accident du travail suite à une enquêtes médico-administrative, faute de preuve des prétendus agissements de harcèlement moral ;
en conséquence,
-confirmer la décision rendue par le conseil de prud'hommes d'[Localité 3] en ce qu'elle a jugé qu'[V] [G] n'apportait pas la preuve du harcèlement moral allégué ;
-confirmer la décision rendue par le conseil de prud'hommes d'[Localité 3] en ce qu'elle a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail d'[V] [G] aux torts de l'employeur ;
-en tout état de cause constater que les griefs reprochés à la société NIMIR HOLDINGS ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier la présente demande, et confirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail d'[V] [G] ;
- de surcroît, confirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a débouté [V] [G] de sa demande tendant à se voir allouer la somme de 64 437 € nets de charges à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;
-confirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a rejeté la demande d'[V] [G] tendant à se voir accorder des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat et harcèlement moral à hauteur de 60 140 € ;
-constatant qu'[V] [G] a déjà perçu une indemnité de licenciement à hauteur de 6433 €, débouter [V] [G] de sa demande en paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement à hauteur de 6014,10 euros ;
-constater qu'[V] [G] a été licenciée pour inaptitude suite aux deux visites médicales de reprise par lettre notifiée le 1er septembre 2014 et qu'elle était dans l'impossibilité d'exécuter son préavis en raison de sa maladie pour cause non professionnelle ayant abouti à son inaptitude ;
en conséquence,
- débouter [V] [G] de sa demande de condamnation de la société NIMIR HOLDINGS à lui payer la somme de 12 887,40 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre la somme de 1301,80 euros au titre des congés payés
À titre reconventionnel,
- constatant la violation de son obligation de discrétion contractuelle par [V] [G] par la production de lettres et documents confidentiels dont elle a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions,
- infirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a débouté la société NIMIR HOLDINGS de sa demande de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la violation de son obligation de discrétion par [V] [G] ;
- statuant à nouveau, condamner [V] [G] à payer à la société NIMIR HOLDINGS somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts à ce titre outre la somme de 5000 € au titre des frais irréductibles sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile ;
- condamner [V] [G] aux entiers dépens ;
À titre subsidiaire et si par impossible la Cour devait infirmer la décision du Conseil de prud'hommes et, statuant à nouveau, faire droit la demande d'[V] [G] tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société NIMIR HOLDINGS , ramener à de plus justes proportions les demandes indemnité formulées par la salariée.
*
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1.- sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail pour harcèlement moral :
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, [V] [G] reproche en ce sens à son employeur les faits suivants :
- une surcharge anormale de travail depuis 2011,
- des pratiques managériales brutales,
- des sanctions disciplinaire et financière injustifiées après sa première dénonciation du harcèlement moral,
- une modification unilatérale de ses conditions de travail, avec remise en cause de ses fonctions et prérogatives de directrice des ressources humaines.
Sur la surcharge anormale de travail
Aucun élément du dossier ne vient en l'état confirmer le caractère excessif ou anormal de la charge de travail confiée à [V] [G], que celle-ci invoque aujourd'hui.
En effet compte tenu de son statut de cadre directeur des ressources humaines du groupe et de sa rémunération, il était normal qu'elle ait à accomplir l'ensemble des tâches inhérentes à cette fonction, avec le concours de son assistante [Y] [N].
Le grief sera donc écarté comme insuffisamment démontré.
Sur la modification unilatérale par l'employeur des conditions de travail:
Initialement recrutée en 2007 en qualité d'assistante comptable pour seconder le comptable de l'entreprise, [A] [M], [V] [G] a été nommée 'comptable-responsable RH' du groupe à compter du 1er octobre 2009, en qualité d'agent de maîtrise niveau IV échelon 1, sans fiche de poste ni autre définition contractuelle de ses fonctions.
À la suite du développement des trois structures qui composent le groupe et du nombre de salariés (77 en 2013):
- [J] [D] a été recruté en 2010 en en qualité de directeur général du groupe,
- [V] [G] a été nommée cadre (niveau V échelon 1) à compter du 1er janvier 2011, toujours en qualité de 'comptable - responsable RH', désormais dans le cadre d'un forfait de 218 jours de travail par an, sans horaire de travail précis ; parallèlement, elle bénéficiait pour la seconder de [Y] [N], en qualité de 'comptable-assistante RH'.
- en suite du départ de [A] [M], [H] [Q] a été embauché en novembre 2012 en qualité de responsable administratif et comptable', avec un statut de cadre (niveau V indice 1), donc identique à celui qu'avait alors [V] [G] ;
- il résulte des feuilles de paye de cette dernière qu'elle a été promue à compter du 1er mars 2013 au poste de 'directrice des ressources humaines', cadre niveau 5 indice 2.
Il convient toutefois de noter que cette promotion n'a curieusement pas été matérialisée par un avenant à son contrat de travail, et n'a donné lieu à aucune redéfinition des tâches et missions confiées à l'intéressée, ni de son positionnement hiérarchique, en particulier à l'égard de [H] [Q] en dépit de ses demandes de clarification de cette question adressées par [V] [G] à [J] [D] tant le 18 octobre 2012 que le 28 mars 2013.
Il résulte des propres explications de la société NIMIR HOLDINGS (cf l'organigramme de l'entreprise daté du 5 février 2013, en pièce 11 de la salariée, et celui daté du 18 avril 2013 en pièce 13 de l'employeur) qu'[V] [G], depuis qu'elle avait été nommée responsable puis directrice RH, avait officiellement pour seul supérieur hiérarchique direct le directeur général, [J] [D].
Ce point est d'ailleurs expressément confirmé par la société NIMIR HOLDINGS qui affirme en page 17 de ses conclusions d'appel que 'madame [V] [G] prétend que monsieur [H] [Q] aurait été embauché en novembre 2012 pour la superviser et la placer à un rang subordonné. Cette allégation est tout à fait mensongère'.
Il résulte toutefois du contrat de travail conclu le 16 novembre 2012 entre la société et [H] [Q] que celui-ci s'est vu confier par l'employeur, entre autres tâches et outre le fait de devoir veiller à la mise en place et au respect des procédures de contrôle normal pour l'ensemble du service administratif (fournisseur ' salaires ' caisse'), les missions suivantes :
' veiller au respect des obligations légales et sociales de l'entreprise vis-à-vis des obligations légales ;
' superviser contrôler la gestion des ressources humaines de la structure (paye, sociale, formation, temps de travail, recrutement').
Par ailleurs, à la suite d'une interrogation de [J] [D] par [V] [G] par courriels des 28 mars 2013 et 9 avril 2013 sur la remise en cause par [H] [Q] de ses compétences en gestion des payes, le directeur général de l'entreprise lui a répondu par courriel du 16 avril 2013 dans les termes suivants : « je vous rappelle que [H] a été recruté au poste de responsable administratif et financier et qu'à ce titre il applique des contrôles sur l'ensemble des domaines qui lui sont confiés et notamment les ressources humaines dans leur globalité. »
Il résulte ainsi des termes de ce mail et de ceux du contrat de travail précité de [H] [Q] que celui-ci s'est concrètement vu confier par le directeur général de l'entreprise le contrôle de la direction de ressources humaines dont [V] [G] est responsable.
Certes le fait que le directeur général ait décidé de déléguer son pouvoir de contrôle de l'activité de sa directrice des ressources humaines au nouveau responsable administratif et financier ne saurait être considéré comme constitutif d'une modification substantielle du contrat de travail de celle-ci.
Par ailleurs [V] [G] ne démontre pas qu'elle ait, comme elle le soutient, été rétrogradée au rang de simple assistante RH avec diminution de ses compétences et responsabilités, ses tâches et responsabilités étant demeurées les mêmes avant et après l'arrivée de [H] [Q].
Par contre il faut relever :
- que la mission de contrôle du service des ressources humaines a ainsi été confiée par l'employeur à un cadre venant d'arriver dans l'entreprise et classé niveau 5 échelon 1 dans la grille de classification des cadres par la convention collective,
- que si ce positionnement était initialement équivalent à celui d'[V] [G], celle-ci a été promue en mars 2013 au poste de directrice des ressources humaines, au niveau 5 échelon 2 de cette grille;
- que cette promotion aurait dû amener la direction à exclure ce contrôle de la direction des ressources humaines et de sa directrice par [H] [Q], ou à tout le moins à procéder une redéfinition précise et transparente des attributions et responsabilités respectives de chacun, ce qui n'a pas eu lieu en dépit des demandes réitérées d'[V] [G].
Ce contrôle subreptice de la directrice des ressources humaines par un cadre plus récent dans l'entreprise et positionné à un niveau hiérarchique inférieur au sien revêtait assurément pour [V] [G] un caractère humiliant, et laisse effectivement présumer un harcèlement moral de cette salariée par la direction de l'entreprise.
Bien loin de rapporter aujourd'hui la preuve contraire, qui lui incombe, la société NIMIR HOLDINGS se borne à procéder par affirmations, mais ne justifie pas de la légitimité de ce choix, qui ne peut s'expliquer par la seule 'compétence horizontale' d'un responsable administratif et financier.
Il est d'ailleurs révélateur à ce sujet que l'employeur n'ait pas jugé opportun de répondre au courrier de dénonciation de ce harcèlement qu'il a reçu le 31 mai 2013 du conseil d'[V] [G].
Sur les pratiques managériales brutales :
Ce reproche est essentiellement dirigé contre le directeur général du groupe, [J] [D].
La lecture des mails échangés entre ce dernier et [V] [G] ne met toutefois en évidence ni l'emploi de formules injurieuses, dénigrantes ou méprisantes à l'encontre de cette salariée, ni une particulière brutalité dans leurs échanges, mais tout au plus une certaine froideur du directeur général dans l'exercice de son pouvoir légitime de direction de l'activité de cette salariée.
Il résulte effectivement des attestations de [J] [R] et de [J] [E] que ces deux employés ont personnellement constaté l'état de stress dans lequel [V] [G] s'est trouvée à plusieurs reprises en sortant de la réunion quotidienne des chefs de service en suite, selon elle, de remarques blessantes qui lui avaient été faites par [J] [D].
Par contre, force est de constater qu'[V] [G] ne rapporte pas la preuve de la teneur de ces remarques, ni de leur caractère blessant.
Il convient en effet de relever que le seul fait de l'inviter à arriver à l'heure à de telles réunions par respect pour les autres participants ne pouvait être considéré comme blessant, dès lors qu'il est constant que cette remarque lui a été faite après la réunion, donc hors la présence d'autres salariés (cf attestation [E]).
D'autre part le fait que trois salariés de l'entreprise aient quitté celle-ci en se plaignant d'un management brutal du personnel par [J] [D] ne suffit à démontrer ni le bien fondé de leurs accusations en ce qui les concerne, ni surtout qu'[V] [G] ait également été victime d'un tel management brutal.
Ce grief n'est donc pas fondé.
sur les sanctions financières et disciplinaires :
En ce qui concerne les sanctions financières ici alléguées, [V] [G] fait ici grief à l'employeur:
- d'une part de s'être volontairement abstenu de déclarer ses arrêts de travail à compter du 23 avril 2013 à l'organisme de prévoyance GPS chargé de compléter le montant de ses indemnités journalières, la privant ainsi de ce complément de salaire ;
- et d'autre part d'avoir délibérément, sous un prétexte fallacieux, retardé le versement de son salaire de mars 2013 de plusieurs jours par rapport aux autres salariés.
Sur le premier point, la matérialité de cette abstention de l'employeur n'est pas contestée par ce dernier, qui se borne à faire état d'une lettre officielle de son conseil du 14 août 2013 expliquant le problème par une prétendue carence d'[V] [G] dans la réalisation de son travail.
Il apparaît toutefois que l'abstention dont il est ici question ne consistait pas dans un défaut de déclaration d'[V] [G] à cet organisme de prévoyance comme salariée dans l'entreprise susceptible d'avoir droit à des prestations, mais bien dans un défaut de transmission des arrêts maladie successifs de cette salariée à cet organisme censé l'indemniser de sa perte de salaire non couverte par les indemnités journalières.
Il apparaît donc particulièrement peu sérieux de la part de l'employeur de reprocher à sa directrice des ressources humaines de ne pas avoir déclaré à GPS son propre arrêt maladie, alors que son contrat de travail était suspendu du fait précisément de cette maladie, et qu'elle ne pouvait par hypothèse travailler, ni donc procéder à une telle déclaration.
En réalité il s'avère que la société NIMIR HOLDINGS a attendu délibérément un courrier de réclamation du 21 juillet 2013 du conseil d'[V] [G] puis une lettre de rappel du 8 août 2013 pour se décider à régulariser enfin la situation à ce sujet, tout en jugeant opportun de répondre à ces demandes légitimes par un courrier du 14 août 2013 portant -avec une mauvaise foi évidente - une accusation particulièrement mal fondée imputant à tort sa carence à sa salariée, et ce alors même que l'employeur n'ignorait pas que celle-ci était en arrêt maladie pour troubles anxio-dépressifs et/ou burn out.
Ce déroulement chronologique révélateur laisse effectivement bien présumer - ici encore - un harcèlement moral de la direction de l'entreprise à l'encontre d'[V] [G].
De même, la société NIMIR HOLDINGS ne conteste pas le retard apporté au virement du salaire pour le mois de mars 2013 d'[V] [G], et d'elle seule.
L'examen des pièces versées aux débats permet de constater :
- que ce mois là [V] [G] et son service ont établi l'ensemble des bulletins de salaires des salariés du groupe conformément à leur pratique usuelle, précédemment validée par l'expert comptable de l'entreprise,
- que [H] [Q] a estimé que la feuille de paye d'[V] [G] contenait deux erreurs, et a en conséquence manifestement donné l'ordre de bloquer le virement de son salaire, si bien que sa paye ne lui a été versée que le 2 avril 2013, alors que tous les autres salariés avaient perçu la leur depuis le 28 mars 2013 ;
- que dans son mail du 16 avril 2013, [J] [D] estime légitime ce retard, alléguant des erreurs commises par [V] [G] dans le calcul de sa propre paye, ces erreurs portant selon lui sur la base brute de son salaire (surévaluée de quelques euros) et sur la valeur du jour de congés payés, calculée à tort en 22èmes ;
- qu'aucune des pièces versées aux débats par les parties ne confirme toutefois la réalité de la double erreur ainsi alléguée par l'employeur.
Par ailleurs et surtout il est constant que ce mois-là [V] [G] a été la seule salariée dont le virement de la paye a été ainsi différé, alors qu'elle indique avoir procédé à son établissement conformément aux règles en usage dans l'entreprise élaborées en accord avec l'expert comptable, si bien qu'il y a tout lieu de penser qu'au moins pour les congés payés l'erreur alléguée devait se retrouver sur les feuilles de paye d'un bon nombre des salariés du groupe, dont la direction n'a pour autant pas jugé utile de bloquer le paiement du salaire.
Il existe donc bien, là encore, un fait laissant d'autant plus clairement présumer une volonté de la direction de l'entreprise de harceler moralement [V] [G] que l'erreur alléguée ne portait apparemment que sur quelques euros et aurait dès lors très aisément pu faire l'objet d'une régularisation à l'occasion du calcul de la paye du mois suivant.
L'employeur ne rapporte aucunement la preuve de ce que ces faits puissent s'expliquer par une autre cause que le harcèlement moral ici présumé, et en particulier ne justifie aucunement de la matérialité des erreurs prétendument commises ici par la salariée, ni de ce que ces erreurs justifiaient ainsi le retard apporté au virement de son salaire et n'auraient pu faire l'objet d'une régularisation à l'occasion de la paye du mois suivant.
En ce qui concerne l'avertissement disciplinaire qui a été adressé le 11 juin 2013 à [V] [G], celle-ci en conteste le bien fondé au seul motif qu'il est intervenu juste 10 jours après la réception par l'employeur d'un courrier officiel du conseil de la salariée dénonçant la modification indue de ses conditions de travail et le harcèlement moral dont elle estimait être victime.
Force est de constater qu'elle ne conteste pas plus en cause d'appel que devant le Conseil de prud'hommes la réalité des quatre erreurs qui lui sont reprochées par son employeur dans ce courrier d'avertissement, ce qui laisse présumer que ces erreurs ont bien été commises par elle.
Il est ici à noter que ces erreurs sont toutes postérieures à sa nomination en mars 2013 aux fonctions de directrice RH, et qu'il n'existe donc aucune incohérence de l'employeur à vouloir les sanctionner alors même qu'il avait peu avant reconnu les mérites de cette salariée par cette promotion.
Enfin la sanction de l'avertissement ici retenue par l'employeur apparaît adaptée à la nature et à la gravité - au demeurant relative - de ces manquements d'[V] [G] à ses obligations contractuelles.
Cette décision disciplinaire apparaît donc, dans un tel contexte, comme justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le grief est donc sur ce point mal fondé, et il y a lieu par voie de conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande présentée par la salariée d'annulation de cet avertissement disciplinaire en application de l'article L.1152-2 du code du travail, précité.
*
Il résulte de ces différents éléments que la société NIMIR HOLDINGS a bien commis en 2013 à l'encontre d'[V] [G] des agissements graves et répétés de harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1, précité, ces faits étant constitués d'une part par un défaut de clarification du positionnement hiérarchique de l'intéressée dans l'entreprise et par l'organisation d'un contrôle de ses activités par un cadre administratif d'un niveau hiérarchique inférieur au sien, et d'autre part par les sanctions financières déguisées détaillées ci-dessus.
Au vu des pièces versées aux débats, et notamment des certificats médicaux du médecin généraliste et du psychiatre traitant ainsi que des motifs mentionnés sur les arrêts de travail de l'intéressée, il apparaît que ces faits ont bien eu, au sens de l'article L.1152-1, pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, et d'altérer sa santé mentale.
[V] [G] a donc bien été victime de harcèlement moral de la part de la société NIMIR HOLDINGS .
Ce manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles, survenu au cours du 1er semestre 2013, a incontestablement rendu impossible la poursuite du contrat de travail et justifie pleinement que la résiliation judiciaire de ce dernier soit prononcée aux torts de l'employeur, avec effet au 1er septembre 2014, date du licenciement qui a été ensuite notifié à [V] [G] pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement.
2.- sur les demandes indemnitaires d'[V] [G]:
dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances très particulières de la rupture, du montant de la rémunération versée à [V] [G], de son âge (50 ans au jour de la rupture du contrat de travail), de son ancienneté dans l'entreprise (7 ans et demi), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-5 du code du travail, une somme brute de 66 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Indemnité conventionnelle de licenciement
Il est ici sollicité l'octroi d'une indemnité de 6 014,10 euros.
Aux termes de l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail.
Les indemnités consécutives à la rupture du contrat de travail doivent être calculées sur la base de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir et non sur celle de la rémunération qu'il a effectivement perçue du fait du manquement de l'employeur à ses obligations.
Pour le calcul de l'indemnité, le nombre d'années de service doit être apprécié à la fin du délai-congé, même si l'employeur a dispensé le salarié de travailler ; les années incomplètes sont appréciées au prorata du nombre de mois effectués.
En l'espèce, il résulte du bulletin de paye de la salariée établi pour le mois de septembre 2014 suite à son licenciement que la société NIMIR HOLDINGS lui a versé dans le cadre de ce qui était alors un licenciement pour inaptitude une indemnité de licenciement de 6433 euros. [V] [G], qui ne conteste pas en l'état avoir effectivement perçu cette somme, est donc remplie de ses droits à ce titre.
Cette demande sera donc rejetée.
Indemnité de préavis:
L'indemnité de préavis prévue au contrat de travail et par la convention collective est de trois mois de salaire.
[V] [G] sollicite donc l'octroi d'une indemnité de 12887,40 euros de ce chef.
La société NIMIR HOLDINGS s'oppose à cette demande, au motif que cette indemnité compensatrice de préavis n'est pas due dans le cadre d'un licenciement pour inaptitude professionnelle, puisque le salarié n'est pas en mesure de travailler.
Il y a toutefois lieu de relever que la rupture du contrat de travail n'a pas pour origine un licenciement pour inaptitude mais une résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, dans le cadre de laquelle l'indemnité compensatrice de préavis est nécessairement due.
La société sera donc condamnée à lui régler la somme de 12 887,40 euros brute à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 1288,74 euros au titre des congés payés y afférents.
Par application de l'article 1153-1 du code civil, ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2013, date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de prud'hommes.
Dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et harcèlement moral
Il est sollicité à ce titre une indemnité de 60 140 euros.
En commettant le harcèlement moral ici litigieux, la société NIMIR HOLDINGS a assurément exécuté de façon déloyale le contrat de travail et ainsi commis une faute contractuelle engageant sa responsabilité civile sur le fondement de l'article 1147 du code civil.
Par suite de cette exécution déloyale, la salariée a subi, indépendamment des conséquences du licenciement réparées par ailleurs, un préjudice moral qui est avéré au vu des documents médicaux versés aux débats, et que la Cour dispose en la cause d'éléments suffisants pour évaluer à 10 000 euros.
Il sera donc fait droit à cette demande de dommages-intérêts à concurrence de ce montant.
3.- sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts de l'employeur :
La société NIMIR HOLDINGS sollicite reconventionnellement la condamnation d'[V] [G] à lui payer une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle dit avoir subi par suite de la production par cette salariée dans le cadre du présent litige de documents officiels de l'entreprise, en violation de son obligation contractuelle de discrétion et de confidentialité.
Il s'agit en l'occurrence de lettres de démission ou de prise d'acte de la rupture de leur contrats de travail par des salariés reprochant à [J] [D] de les avoir harcelés moralement.
Il est toutefois constant qu'un salarié peut produire en justice, pour assurer sa défense dans le procès qui l'oppose à son employeur, les documents de l'entreprise dont il a eu connaissance dans le cadre de l'exercice de ses fonctions.
Tel est incontestablement le cas des trois lettres en cause, dont [V] [G] a clairement eu connaissance en sa qualité de directrice des ressources humaines de l'entreprise.
Cette demande de dommages-intérêts de l'employeur sera donc rejetée comme mal fondée, et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
4.- sur les demandes accessoires:
Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par la société NIMIR HOLDINGS .
[V] [G] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.
La société NIMIR HOLDINGS sera donc condamnée à lui payer la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société NIMIR HOLDINGS à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à [V] [G] à la suite de son licenciement, dans la limite de quatre mois.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
CONFIRME le jugement déféré :
- en ce qu'il a débouté la SAS NIMIR HOLDINGS de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour violation par [V] [G] de son obligation de discrétion contractuelle;
- en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de l'avertissement disciplinaire notifié à [V] [G] par courrier du 11 juin 2013 ;
INFIRME pour le surplus le jugement déféré et, statuant à nouveau:
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail d'[V] [G] aux torts de l'employeur pour harcèlement moral, avec effet au1er septembre 2014 ;
En conséquence, CONDAMNE la société NIMIR HOLDINGS à payer à [V] [G] née [U] les sommes suivantes:
- 66 000 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
- 10 000 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
- 12 887,40 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 1288,74 euros au titre des congés payés y afférents, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2013 ;
- 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les sommes allouées par le présent arrêt supporteront, s'il y a lieu, les cotisations et contributions prévues par le code de la sécurité sociale ;
CONSTATE que l'indemnité légale de licenciement a déjà été réglée par la société NIMIR HOLDINGS à [V] [G], et DÉBOUTE en conséquence celle-ci de sa demande à ce titre ;
ORDONNE le remboursement par la société NIMIR HOLDINGS à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à [V] [G] à la suite de son licenciement, dans la limite de quatre mois ;
CONDAMNE la société NIMIR HOLDINGS aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
CHAUVY LindseySORNAY Michel