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22/01/2016 | FRANCE | N°14/08819

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 22 janvier 2016, 14/08819


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/08819





GROUPAMA RHONE-ALPES

C/

[W]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 03 Novembre 2014

RG : F 11/04932







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 22 JANVIER 2016













APPELANTE :



GROUPAMA RHÔNE-ALPES

[Adresse 1]

[Localité 1]



co

mparante par Mme [E] [X] (responsable juridique), munie d'un pouvoir et assistée par Me Thierry MONOD de la SELARL MONOD-TALLENT, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



[Y] [W]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 2]



comparante en...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/08819

GROUPAMA RHONE-ALPES

C/

[W]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 03 Novembre 2014

RG : F 11/04932

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 22 JANVIER 2016

APPELANTE :

GROUPAMA RHÔNE-ALPES

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante par Mme [E] [X] (responsable juridique), munie d'un pouvoir et assistée par Me Thierry MONOD de la SELARL MONOD-TALLENT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[Y] [W]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Pascale REVEL de la SCP REVEL-MAHUSSIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Carine AMOURIQ, avocat au barreau de LYON

Parties convoquées le : 16 mars 2015

Débats en audience publique du : 03 décembre 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel SORNAY, Président

Didier JOLY, Conseiller

Natacha LAVILLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Lindsey CHAUVY, Greffier placé.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 janvier 2016, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président, et par Lindsey CHAUVY, Greffier placé à la Cour d'Appel de LYON suivant ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel de LYON en date du 15 décembre 2015, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

[Y] [W] a été engagée par Groupama Rhône-Alpes en qualité de conseillère commerciale à l'agence de [Localité 3] (classification animatrice commerciale d'agence, 1er niveau, échelon 6) suivant contrat écrit à durée indéterminée du 1er janvier 1997, soumis à la convention collective des organisations agricoles du sud-est.

Par la suite, elle a été affectée à l'agence de [Localité 4].

Suivant avenant contractuel du 7 juin 2007, [Y] [W] est devenue chargée de clientèle agricole (classification distribution, classe 3) au sein du service Agl/Loire/Nord Rhône basé à [Localité 3], moyennant une rémunération annuelle brute de 23 551 € versée en treize mensualités.

La salariée a continué d'assurer la réception de la clientèle de [Localité 4] dans l'attente de son remplacement.

En 2010, [Y] [W] était placée sous l'autorité hiérarchique de [V] [C], chef de secteur, qui relevait elle-même de [K] [I], directeur régional agricole.

Le 10 mai 2010, elle a eu un entretien de suivi commercial avec [B] [C] et [K] [I].

Sa supérieure hiérarchique directe lui en a adressé un compte rendu le 18 mai 2010. Ce document faisait le constat d'un gros effort de production, mais d'une hausse des résiliations, et un tableau précis des actions à mener jusqu'à la fin du mois d'août. Une journée d'accompagnement sur le terrain était prévue le 27 mai 2010.

[Y] [W] n'ayant fixé aucun rendez-vous à cette date, cette journée d'accompagnement n'a pu avoir lieu.

Par lettre du 4 juin 2010, [K] [I] lui a demandé de :

- prévoir 4 rendez-vous initiés vie sur la cible des clients pour la campagne épargne le vendredi 11 juin,

- bloquer la journée du vendredi 2 juillet pour effectuer a minima 7 visites de prospects sur le terrain dans le cadre des attaques de "cerises",

ces deux journées devant faire l'objet d'un accompagnement par sa chef des ventes, en remplacement du 27 mai 2010.

Le 3 juin 2010, à l'issue d'une réunion collective organisée à [Localité 5], [K] [I] et [B] [C] ont demandé à [Y] [W] de rester en vue d'un entretien individuel qui a duré trois quarts d'heure.

Des avis d'arrêt de travail successifs ont été délivrés à [Y] [W] à dater du 7 juin 2010.

Le 9 juin 2010, à l'occasion d'une visite demandée par la salariée, le médecin du travail a déclaré celle-ci inapte temporaire.

Par lettre recommandée du 14 juin 2010, le directeur commercial des marchés agricoles, qui avait reçu le 9 juin l'avis d'arrêt de travail, a rappelé à la salariée l'article 17.2 du règlement intérieur faisant obligation à tout salarié empêché de se présenter au travail de prévenir son supérieur sous quarante-huit heures en précisant la cause de son absence. Il lui a demandé de prévoir des rendez-vous accompagnés les 21 juin et 8 juillet 2010 en remplacement des 11 juin et 2 juillet.

Par lettre adressée le 15 juin 2010 à [Q] [N], directeur des ressources humaines, à l'inspecteur du travail et au médecin du travail, [Y] [W] a dénoncé un management inapproprié et fixé au 10 mai 2010 le point de départ de la "discorde", en évoquant une "stratégie de la peur" ayant pour objet de la déstabiliser au cours de l'entretien de suivi commercial. Les pressions s'étaient poursuivies le 3 juin 2010, rompant le climat de confiance, d'écoute et de solidarité, porteur de résultats, qu'elle avait connu avec ses chefs de secteur précédents.

Le 20 juillet 2011, le médecin du travail, qui a reçu la salariée en visite de reprise, a conclu que celle-ci ne pouvait tenir son poste actuellement et qu'une inaptitude était à envisager.

Lors du second examen, le 8 août 2011, il a émis l'avis suivant :

Inapte total et définitif au poste. Je ne vois pas d'autre poste où cette salariée peut être reclassée au sein du groupe.

Le 17 août 2011, la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne a interrogé le médecin du travail sur les tâches qui pourraient être confiées à [Y] [W], afin de rechercher les possibilités de reclassement au sein de l'entreprise et du groupe.

Le médecin du travail a répondu le 18 août 2011 que la salariée ne pouvait effectuer aucune tâche dans l'entreprise ou dans le groupe en raison de son état de santé.

Par lettre recommandée du 5 septembre 2011, la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne a informé [Y] [W] de ce que sa recherche de reclassement s'était révélée infructueuse. Elle a convoqué celle-ci le 20 septembre 2011 en vue d'un entretien préalable à son licenciement.

Par lettre recommandée du 23 septembre 2011, elle a notifié à la salariée son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

[Y] [W] a saisi le Conseil de prud'hommes de [Localité 5] le 28 novembre 2011.

*

* *

LA COUR

Statuant sur l'appel interjeté le 10 novembre 2014 par la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne du jugement rendu le 3 novembre 2014 par le Conseil de prud'hommes de [Localité 5] (section commerce) qui a :

- constaté l'existence du harcèlement moral subi par Madame [W] pendant sa relation de travail avec la Société GROUPAMA Rhône Alpes Auvergne,

- condamné la Société GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE à régler à Madame [W] [Y] les sommes suivantes :

40 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour le licenciement nul

30 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

8 269,65 € au titre de l'indemnité de préavis,

826,96 € à titre de congés payés afférents,

1 515,26 € à titre de rappel pour heures supplémentaires

151,52 € à titre de congés payés afférents

1 000,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- rappelé que les intérêts courent de plein droit aux taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées,

- rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R 1454-28 du Code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail....) ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R 1454-14 du Code du travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne brute des salaires des trois derniers mois doit être fixée à la somme de 2756 €,

- ordonné à la société GROUPAMA RHONE-ALPES AUVERGNE de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage perçues par le salarié licencié dans la limite de 3 mois,

- débouté la société GROUPAMA RHONE-ALPES AUVERGNE de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamné la Société GROUPAMA RHONE ALPES aux dépens ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 3 décembre 2015 par la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne qui demande à la Cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 novembre 2014 par le Conseil de prud'hommes de Lyon,

- rejeter toutes les demandes de [Y] [W] comme étant non fondées ni justifiées,

- condamner [Y] [W] au paiement de la somme de 2 000 € selon l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 3 décembre 2015 par [Y] [W] qui demande à la Cour de, confirmant le jugement entrepris :

- dire et juger que Madame [Y] [W] a été victime de harcèlement moral,

- subsidiairement, constater les manquements de la société à son obligation de sécurité de résultat,

- dire et juger le licenciement de Madame [Y] [W] nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

- condamner GROUPAMA au paiement des sommes suivantes :

* 40 000,00 € nets de CSG et de CRDS et de toutes charges sociales de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou à défaut pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

* 65 000,00 € nets de CSG et de CRDS et de toutes charges sociales de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à défaut sans cause réelle et sérieuse,

* 1 515,28 € à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires,

151,53 € de congés payés afférents,

Subsidiairement,

1 028,59 € à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires,

102,85 € de congés payés afférents,

* 8 269,65 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

826,96 € de congés payés afférents,

Dans tous les cas :

- condamner GROUPAMA aux dépens,

- condamner GROUPAMA au paiement de 2 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral :

Attendu qu'aux termes des articles L 1152-1 à L 1152-3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Attendu qu'aux termes de l'article L 1154-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Qu'en l'espèce, le 15 juillet 2010, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a tenu une réunion extraordinaire au sujet de la dégradation des conditions de travail du réseau agricole, à la demande de son secrétaire ; que ce sujet avait déjà été évoqué au cours d'une réunion ordinaire du 6 avril 2010 ;

que les membres élus ont voté une mesure d'expertise qui a été confiée au cabinet Technologia ; qu'un document de travail issu de l'expertise a été présenté au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail le 19 janvier 2011 ; qu'il a mis en lumière un niveau de souffrance au travail extrêmement fort, amenant à conclure à l'existence d'un risque grave avéré au sein du réseau ; qu'aucun salarié n'est cependant cité dans ce document qui ne concerne pas spécifiquement [Y] [W] ; que celle-ci doit établir des faits qui la concernent personnellement et ne peut procéder par extrapolation des conclusions générales et impersonnelles du cabinet Technologia ou d'articles de presse concernant d'autres caisses régionales ;

Que les quelques pièces qui tendent à démontrer des manquements de [Y] [W] à certaines obligations professionnelles, dans une période de changement se traduisant par de nouvelles orientations, et en contradiction avec la satisfaction exprimée par ses supérieurs successifs pendant plusieurs années, ne peuvent justifier des méthodes de management telles que celles mises en oeuvre par [K] [I] en 2010 ; que la tenue de l'entretien de suivi commercial par [K] [I] et par [V] [C] était déjà une singularité ;

qu'en effet, jusqu'en janvier 2010, le directeur régional agricole ne se déplaçait que pour des réunions importantes ;

que la Cour a cherché en vain ce qui, dans le comportement professionnel de [Y] [W], dont les résultats étaient seulement moyens, avait pu justifier qu'au cours d'un entretien en double commande, lui soit notifié un plan d'action détaillé pour les semaines suivantes assorti d'une tournée accompagnée ;

que [K] [I] a écrit le 4 juin 2010 que de tels accompagnements faisaient partie des outils de management de l'entreprise, auxquels il était recouru pour l'ensemble des collaborateurs, dans un souci de perfectionnement des compétences ;

que rien n'étaye cette affirmation qui est démentie par l'attestation de [P] [A], ancienne salariée de Groupama ; qu'habituellement, l'accompagnement d'un commercial au cours de visites de clientèle s'intègre dans un plan de redressement consécutif au constat d'une insuffisance professionnelle ;

qu'en l'espèce, le caractère vexatoire de cette initiative, visant une salariée qui avait plus de dix ans d'ancienneté, est patent ; que le 3 juin 2010, [Y] [W] a été reçue en entretien individuel impromptu par [K] [I] et par [V] [C] à l'issue d'une réunion collective ; que [P] [A] et Didier [D], qui l'ont attendue quarante-cinq minutes pour la reconduire, ont constaté qu'elle en était sortie éprouvée ;

que la réception du certificat d'arrêt de travail de la salariée a été suivie immédiatement d'un courrier équivoque de [K] [I], qui en rappelant inutilement l'article 17.2 du règlement intérieur, a laissé transparaître un doute sur la justification médicale de l'arrêt ; que le directeur régional a poursuivi en notifiant à [Y] [W] non plus une, mais deux journées d'accompagnement sur le terrain, impliquant la prise de rendez-vous pendant le congé de maladie ;

qu'ainsi, la salariée a établi des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, peu important pour la qualification de ces derniers qu'ils se soient déroulés sur une courte période ;

Attendu que la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne oppose à [Y] [W] l'arrêt RG n°12/08161 rendu le 13 décembre 2012 par la chambre sociale de cette Cour (section C) qui a confirmé un jugement ayant dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié le 26 janvier 2011 à [K] [I] pour faute grave ;

que cette décision n'a cependant aucune autorité sur l'issue du présent litige qui n'oppose pas les mêmes parties ; que [Y] [W] n'est d'ailleurs pas visée nominativement dans la lettre de licenciement adressée à son directeur, les faits reprochés à ce dernier concernant plusieurs salariées non identifiables ;

que l'appelante ne prouve pas autrement que les agissements de [K] [I] n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement moral ;

Qu'en conséquence, la Cour confirmera le jugement qui a dit que [Y] [W] avait été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral et condamné la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne à lui payer la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;

Sur le licenciement :

Attendu qu'aux termes des articles L 1152-2 et L 1152-3 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi les agissements de harcèlement moral définis à l'article L 1152-1 ; que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces disposition, toute disposition ou tout acte contraire est nul ;

Qu'il résulte en l'espèce des pièces communiquées, notamment des documents médicaux, que l'inaptitude de [Y] [W] constatée par le médecin du travail est la conséquence du harcèlement moral ;

Qu'en conséquence, le licenciement notifié le 23 septembre 2011 est nul ;

Attendu que le salarié, dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est au moins égal à celui prévu par l'article L 1235-3 du code du travail ;

Qu'en l'espèce, [Y] [W] a perçu jusqu'en 2013 l'allocation d'aide à la reprise ou création d'entreprise ; qu'elle exploite sous l'enseigne "Little Shoes" un fonds de commerce de chaussures pour enfants à [Localité 6] qui a dégagé pour la première fois un bénéfice fiscal (1 351 €) au terme de l'exercice 2014 ; que dans ces conditions, le préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail a été exactement apprécié par les premiers juges dont la décision doit être confirmée sur ce point ;

Attendu que le remboursement des indemnités de chômage ne peut être ordonné en cas de nullité du licenciement hormis en application de l'article L 1235-4 du code du travail en cas de nullité du licenciement en conséquence de la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi ;

Que le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef ;

Attendu que la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne ne remet pas en cause, même à titre subsidiaire, les bases sur lesquelles le Conseil de prud'hommes a liquidé les droits de [Y] [W] à une indemnité de préavis avec les congés payés incidents ;

Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires :

Attendu que selon l'accord du 15 octobre 2004 relatif à la durée du travail, le temps de travail hebdomadaire était fixé à 35 heures ; que pour les salariés qui, telle [Y] [W], travaillaient 39 heures par semaine, cette durée était atteinte par la prise de jours ou de demi-journées de réduction du temps de travail ; que les jours de réduction du temps de travail lui étant attribués a priori, [Y] [W] était censée travailler 4,5 journées de 7,80 heures (7 heures 48 minutes) par semaine, soit 35 heures hebdomadaires ; qu'elle travaillait le samedi matin, mais non le mercredi ;

Que le 16 décembre 2009, [Y] [W] a signé un avenant contractuel aux termes duquel elle était soumise à un forfait annuel en jours de travail à compter de l'année 2010 ; que d'un commun accord, les parties ont renoncé à l'application de cet avenant dès le premier trimestre 2010 pour revenir à la situation antérieure, les mercredis étant décomptés comme des jours de réduction du temps de travail ;

Attendu qu'aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, le juge forme sa conviction au vu des éléments que l'employeur doit lui fournir pour justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande ;

Qu'en l'espèce, au soutien de sa demande de paiement d'heures supplémentaires sur les années 2008 à 2010, [Y] [W] communique des tableaux détaillés, établis jour par jour, de ses activités avec le récapitulatif hebdomadaire du temps de travail en résultant ;

que la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne, qui ne communique aucune pièce permettant de déterminer le temps de travail de la salariée, observe que celle-ci sollicite le paiement d'heures supplémentaires sur des semaines pendant lesquelles elle se trouvait en congé de maladie (semaine 50 de 2008, semaine 9 de 2010) ;

qu'il est exact que [Y] [W] était en congé de maladie du mardi 9 au dimanche 14 décembre 2008 et du mardi 2 au dimanche 7 mars 2010 ; que les tableaux ayant été établis à partir d'agendas, la salariée s'est bornée à reprendre son emploi du temps prévisionnel pour les semaines considérées sans prendre garde au fait qu'elle n'avait pu honorer les rendez-vous et réunions programmés ;

que ces deux erreurs ne remettent pas en cause la crédibilité de l'ensemble des données présentées par l'intimée ; qu'elles conduisent cependant à réduire à 1 028,59 € le rappel de salaire octroyé par le Conseil de prud'hommes ; que l'indemnité de congés payés afférente s'élève à 102,85 € ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

- constaté l'existence du harcèlement moral subi par [Y] [W] pendant sa relation de travail avec la Société GROUPAMA Rhône Alpes Auvergne,

- condamné la Société GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE à régler à [Y] [W] les sommes suivantes :

40 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour le licenciement nul

30 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

8 269,65 € au titre de l'indemnité de préavis,

826,96 € à titre de congés payés afférents,

1 000,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- rappelé que les intérêts courent de plein droit aux taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé du jugement pour les autres sommes allouées,

- condamné la Société GROUPAMA RHONE ALPES aux dépens ;

INFIRME le jugement entrepris dans ses autres dispositions,

Statuant à nouveau :

CONDAMNE la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne à payer à [Y] [W] :

- la somme de mille vingt-huit euros cinquante-neuf centimes (1 028,59 €) à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

- la somme de cent deux euros et quatre-vingt-cinq centimes (102,85 €) au titre des congés payés afférents,

lesdites sommes, avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2011, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation ;

DIT que les dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, relatives au remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, ne sont pas applicables,

Y ajoutant :

DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne aux dépens d'appel.

Le Greffier,Le Président,

CHAUVY LindseySORNAY Michel


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 14/08819
Date de la décision : 22/01/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°14/08819 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-22;14.08819 ?
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