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15/01/2016 | FRANCE | N°14/09416

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 15 janvier 2016, 14/09416


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 14/09416





[O]



C/

SAS SOBECA







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 24 Novembre 2014

RG : F 14/00093











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 15 JANVIER 2016







APPELANTE :



[Z] [O]

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]


[Adresse 1]

[Adresse 2]



comparante en personne, assistée de Me Pierre-henri GAZEL, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SAS SOBECA

[Adresse 4]

[Adresse 3]



représentée par Me [E] RENAUD de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON






...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 14/09416

[O]

C/

SAS SOBECA

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 24 Novembre 2014

RG : F 14/00093

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 15 JANVIER 2016

APPELANTE :

[Z] [O]

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

comparante en personne, assistée de Me Pierre-henri GAZEL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS SOBECA

[Adresse 4]

[Adresse 3]

représentée par Me [E] RENAUD de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Décembre 2015

Présidée par Michel SORNAY, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Lindsey CHAUVY, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- [U] JOLY, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 Janvier 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Michèle GULLON, Greffier en chef auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

La SAS SOBECA est une entreprise française de travaux publics spécialisée en particulier dans les réseaux secs et humides et les travaux de voirie. Elle est intégrée dans le Groupe FIRALP.

Par contrat du 15 septembre 2009, la société SOBECA a embauché [Z] [N], aujourd'hui épouse [O], en qualité de responsable réduction des coûts, statut cadre position B3, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps plein.

Cette relation de travail est soumise à la convention collective nationale des travaux publics.

Par avenant du 20 janvier 2010, [Z] [O] a été nommée responsable du service achats, statut cadre position C1. Sa rémunération a ainsi été portée à 4300 € brut par mois outre une part variable attribuée selon les règles en vigueur dans l'entreprise avec un plafond maximum annuel de 12'000 €, le contrat précisant que les objectifs seraient précisés d'ici la fin janvier 2010 à la salariée concernée.

Par courrier remis en main propre le 26 août 2013, la société SOBECA a convoqué [Z] [O] un entretien préalable à son licenciement, cet entretien fixé étant fixé au 3 septembre 2013.

Par courrier recommandé daté du 12 septembre 2013, la société SOBECA a notifié à [Z] [O] son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Contestant les motifs de ce licenciement, [Z] [O] a saisi le 24 février 2014 le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône, demandant à cette juridiction de juger que son licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, de constater qu'elle a droit à l'intégralité de sa rémunération variable contractuelle au titre des années 2011 à 2013, et en conséquence de condamner la société SOBECA à lui payer les sommes suivantes :

'45'000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'6000 € au titre de sa rémunération variable 2011, outre 600 € au titre des congés payés y afférents,

'6000 € au titre de sa rémunération variable 2012, outre 600 € au titre des congés payés y afférents,

'12'000 € au titre de sa rémunération variable 2013, outre 1200 € au titre des congés payés y afférents,

'2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SOBECA s'est opposée à l'ensemble de ces demandes.

Par jugement du 24 novembre 2014, le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône a estimé que le licenciement d'[Z] [O] reposait sur une cause réelle et sérieuse, celle-ci ayant fait preuve d'insuffisance professionnelle et n'ayant pas atteint les objectifs qui lui étaient fixés. La salariée a donc été déboutée de l'ensemble de ses prétentions.

[Z] [O] interjetée appel de cette décision le 2 décembre 2014.

***

Par ses dernières conclusions, [Z] [O] demande à la Cour d'appel de :

* dire et juger que le licenciement de Madame [O] est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

* constater qu'elle a droit l'intégralité de sa rémunération variable contractuelle au titre des années 2011 2013,

* en conséquence, infirmer le jugement entrepris et condamner la société SOBECA à payer à Madame [O] les sommes suivantes :

'45'000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'6000 € au titre de sa rémunération variable 2011, outre 600 € au titre des congés payés y afférents,

'6000 € au titre de sa rémunération variable 2012, outre 600 € au titre des congés payés y afférents,

'12'000 € au titre de sa rémunération variable 2013, outre 1200 € au titre des congés payés y afférents,

'3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;

* condamner la société SOBECA à supporter les entiers dépens.

Par ses dernières conclusions, la société SOBECA demande à la Cour d'appel de confirmer dans son intégralité la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône le 24 novembre 2014, et notamment :

à titre principal :

'constater que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont établis

par conséquent,

'dire et juger que le licenciement de Madame [O] était justifié,

'débouter Madame [O] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre,

'constater que Madame [O] a été entièrement remplie dans ses droits au titre de sa part variable de rémunération pour les années 2011 à 2013,

'en conséquence, débouter Madame [O] de ses demandes à ce titre;

à titre subsidiaire, si la cour venait à condamner la société SOBECA ,

'limiter le montant des indemnités versées à un plus juste quantum ;

à titre reconventionnel, condamner Madame [O] à lui payer la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A.- Sur le bien-fondé du licenciement d'[Z] [O]

Par application de l'article L 1232'1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu'il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l'article L1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige.

Après lecture des 6 pages de la lettre de licenciement ainsi adressé le 12 septembre 2013 par la société SOBECA à [Z] [O], il apparaît que cet employeur reproche à cette dernière une insuffisance professionnelle se caractérisant par « un certain nombre de dysfonctionnements ayant pour origine des carences notables en termes d'implication, de rigueur dans la définition des process, de suivi des opérations impliquant les achats ainsi que dans la mise en place de projets importants au sein du groupe impliquant le service achats placé sous (votre) responsabilité ».

Plus particulièrement, l'employeur détaille dans ce courrier 8 reproches à l'encontre d'[Z] [O] :

'mauvaise organisation générale du service Achats

'erreur d'[Z] [O] dans sa présentation du service achats et de son périmètre au sein du plan d'action des achats 2012-2013

'annonce dans ce même document d'une baisse à 7 millions d'euros du volume des bons de commande manuels en 2012, alors que ce volume aurait été en réalité de 58 millions d'euros,

' manque de maîtrise des flux de dépenses au sein du groupe : erreur sur le volume annuel des bons manuels d'agrégats

'manque d'implication d'[Z] [O] dans le chantier d'implantation du progiciel SAP,

'erreur matérielle dans un message d'annonce aux différentes agences sur la dotation vestimentaire 2014

'utilisation de cartes de visite la présentant comme directrice des achats, ce qui ne correspond pas à son titre réel au sein de l'entreprise

'implication professionnelle d'autant plus insuffisante qu'elle a consacrée en 2013 une partie de son temps de travail à gérer des problèmes personnels, et en particulier la construction de sa maison d'habitation.

1.- Sur l'organisation générale du service Achats :

Il est ici fait grief à [Z] [O] d'avoir décidé de délocaliser les acheteurs de matériel pour les chantiers, qui était initialement sous son autorité, et de les placer sous l'autorité hiérarchique du directeur d'agence, ce qui, selon la direction, aurait abouti à les sédentariser ailleurs, isolés dans une agence, non managés et soumis à eux-mêmes, et donc à priver le service achats de tout contrôle sur leur activité.

Il résulte toutefois des pièces versées aux débats que cette présentation est pour le moins caricaturale.

Il convient ici de relever les éléments chronologiques suivants :

' [Z] [O] justifie avoir adressé et présenté en septembre 2011 à [Q] [I], président du directoire de la société SOBECA, le plan d'action stratégique qu'elle avait élaboré au printemps 2010 avec le prédécesseur de celui-ci.

' le 7 mars 2012, l'entretien d'évaluation d'[Z] [O] avec [Q] [I] a abouti à un constat plutôt négatif du fonctionnement du service Achats et de l'activité de sa responsable, le commentaire final de l'évaluateur étant le suivant :

« Il faut redonner au service achats la place qui doit être la sienne en matière de source d'économies et d'efficacité économique au sein du groupe. Aujourd'hui il apparaît comme étant quelque chose ayant amené lourdeur (saisie) et n'ayant pas capacité à peser sur les négociations et donc sur les prix. Les tableaux communiqués sont lourds et d'analyse difficile, ne permettant pas de dégager ou d'identifier des pistes d'amélioration.

À décharge, certaines agences continuent de se réserver la partie achats en passant directement par des fournisseurs imposés, ou autres pratiques contestables limitant l'effet de synergie groupe.

Il faut stabiliser l'ensemble des données au service achats la crédibilité la place qui doit être la sienne.

À [Z] [O] d'analyser et de proposer des solutions ».

' Le 19 avril 2012, [Z] [O] a adressé à [Q] [I] un mail se référant à leur entretien du 11 avril 2012 au cours duquel il lui avait dit que son poste était sur une pente descendante et qu'elle avait environ 6 mois pour faire changer la donne. Dans ce courriel, [Z] [O] a rappelé que ces propositions de juin et septembre 2011 tendant à réformer le services achats afin qu'il soit plus efficace et reconnu n'avaient reçu aucune réponse de la direction, si bien que ce projet était resté en stand-by. L'intéressée a donc par ce message fait part au président du directoire de ses incompréhensions tant sur cette absence de réponse que sur le discours critique tenu à son encontre.

[Z] [O] affirme n'avoir jamais reçu de réponse de quiconque à ce mail, ce qui n'est pas contesté par la direction de SOBECA .

'[Z] [O] verse aux débats (sa pièce numéro 91) un document intitulé 'Groupe FIRALP/politique achats/point d'étape', établi semble-t-il en novembre 2012 par [U] [J] dans le cadre d'un audit externe chargé d'évaluer notamment le fonctionnement du service achats.

En ce qui concerne le travail d'[Z] [O], l'auditeur externe ne fait aucunement état, que ce soit implicitement ou explicitement, d'une insuffisance professionnelle de cette responsable du service achats, constatant en particulier comme point positif existence d'acheteurs « région » pour la proximité avec les agences, et préconisant des pistes de progrès qui rejoignent très largement les préconisations faites par [Z] [O] tant en septembre 2011 que dans son mail précité du 19 avril 2012.

La cour ne peut que constater que SOBECA n'a pas jugé opportun de commenter ce document dans ses écritures, ni d'ailleurs de verser aux débats le rapport d'audit définitif, ce qui laisse présumer qu'il était également favorable à [Z] [O].

' Le groupe FIRALP a créé à compter du 1er janvier 2013 un poste de directeur général des achats confié à [C] [K], sous l'autorité duquel [Z] [O] s'est donc retrouvée à compter de cette date.

' Parallèlement, le groupe FIRALP a entrepris à compter de cette même date de mettre en place un nouveau progiciel dénommé SAP permettant notamment une optimisation des achats au sein d'entreprises. [Z] [O] a été désignée 'Key User' au titre du service achats pour l'installation de ce progiciel.

' Il résulte clairement des mails versés aux débats par les 2 parties au présent litige que [C] [K] a entrepris dès son arrivée de définir de nouvelles procédures d'achats, que sont apparus rapidement des problèmes de définition des compétences respectives du directeur général des achats et de la responsable du service achats, aboutissant certaines incompréhensions, et que les relations entre [C] [K] et [Z] [O] ont été de plus en plus tendues à compter du mois de mars 2013.

En l'état de l'ensemble de ces éléments, la cour ne peut que constater qu'il n'est aucunement démontré par la société SOBECA que les difficultés d'organisation de son service Achats soient imputables à une insuffisance professionnelle d'[Z] [O].

2.- L'erreur sur le périmètre du service achats

L'employeur fait ici grief [Z] [O] avoir présenté en décembre 2012 au comité de direction du groupe FIRALP un 'plan d'action achats 2012-2013" affecté d'une erreur concernant le périmètre du service des achats aurait été présenté à tort comme contrôlant l'intégralité des achats du groupe, soit un total de 176'647 k€.

La simple lecture de la diapositive numéro 15 de cette présentation PowerPoint (pièce numéro 8 de la salariée) permet de constater que si le volume total des achats du groupe était effectivement de 176'647 k€, [Z] [O] n'a en rien tenté de laisser croire que son service contrôlait l'intégralité de ses achats, le diagramme mettant au contraire clairement en évidence que la part des achats sous contrôle de son service n'était que de 32%.

Il apparaît donc que la direction de la société SOBECA a fait dans le cadre de la lettre de licenciement une interprétation aussi mensongère que tendancieuse de ce document, et ne rapporte par ailleurs aucune preuve de son allégation selon laquelle le service achats ne négocierait maîtriserait en réalité que 5 M€ d'achats.

Le grief sera donc écarté comme mal fondé.

3.- Erreur sur la baisse du nombre de bons de commande manuels en 2012 :

De même, la direction de SOBECA fait grief [Z] [O] d'avoir dans ce même document de décembre 2012 invoqué une «' baisse des bons manuels en 2012 à 7M€ » ce qui serait là encore une information erronée, le total de ces bons manuels s'élevant en réalité selon l'employeur à plus de 58 millions d'euros.

Il est exact que la diapositive figurant en page 24 de cette présentation fait état, au titre d'un meilleur contrôle du processus achats aux termes des actions réalisées de 2010 à 2012, d'une baisse des bons manuels de 12 à 7 millions d'euros.

[Z] [O] précise qu'en réalité ce chiffre ne concerne pas la totalité des bons de commande manuels mais seulement les achats de produits manufacturés de chantier au comptoir, ce qui est d'ailleurs confirmé par son mail d'avril 2012 (pièce 10 page 8).

Il s'agit là donc simplement d'une maladresse de présentation sur le support écrit de sa communication devant le CODIR en décembre 2012, mais que la mention '(de 19 % à 10 %)' qui suit cette formule démontre à elle seule que contrairement aux allégations de l'employeur, il n'y avait pas dans l'esprit de cette salariée de confusion sur la réalité des bons manuels et de leur évolution.

Contrairement à ce que soutient la SOBECA , cette simple maladresse ne témoigne aucunement d'une insuffisance professionnelle d'[Z] [O] susceptible de justifier une mesure de licenciement à son encontre, et son utilisation dans le cas de la lettre de licenciement atteste au contraire de l'acharnement de l'employeur à l'encontre de cette salariée.

4.-Manque de maîtrise des flux de dépenses au sein du groupe : erreur sur le volume annuel des bons manuels d'agrégats

La société SOBECA fait ici grief [Z] [O] d'avoir communiqué à [C] [K] le 10 juillet 2013 une information erronée selon laquelle il y aurait eu au sein du groupe en 2012 19'000 bons de commande manuelle pour les agrégats alors que le nombre de réels de ces bons était de plus de 90'000.

Pour sa défense, [Z] [O] indique avoir donné à Monsieur [K] le nombre de factures, soit 19'000, sachant que chacune de ces factures pouvait regrouper plusieurs bons de commande.

Aucune des parties ne verse aux débats de documents permettant de savoir quelle avait été précisément la demande de [C] [K] à [Z] [O] à ce sujet ni quelle avait été la réponse de cette dernière, qui ne démontre d'ailleurs pas en l'état le bien-fondé de son allégation selon laquelle ce chiffre de 19'000 correspondrait aux factures et non aux bons de commande.

En l'état des termes les différents mails échangés entre [C] [K], [G] [Y], [Z] [O] et [R] [B] les 10 et 11 juillet 2013, il semble bien qu'une erreur ait ici été commise par [Z] [O].

La société SOBECA prétend que cette erreur aurait eu diverses conséquences énumérées dans la lettre de licenciement, telles que perte de temps pour la mise en place de SAP, prise de mauvaises options de programmation qui ont dû ensuite être corrigées, perte de crédibilité du service achats et de son directeur général.

Elle procède ici toutefois par pure allégation et ne démontre aucunement la réalité de ces conséquences dommageables qui ne sauraient se présumer, sachant que l'erreur a été détectée et corrigée dès le lendemain 11 juillet 2013 et que son impact n'a ainsi pu qu'être des plus limité, voire nul.

5.-Implication insuffisante dans le chantier SAP :

La SOBECA reproche ici [Z] [O] de s'être insuffisamment impliquée dans les opérations d'élaboration du progiciel SAP bien que l'un des objectifs principaux de ce dernier été de faciliter une maîtrise des achats. À ce titre, la lettre de licenciement fait état :

'd'une insuffisance des tests du progiciel en cours d'élaboration : il s'agit là d'une pure allégation de SOBECA , qui n'est confirmée par aucune des pièces versées aux débats.

'D'un défaut de communication par [Z] [O] à l'une de ses collaboratrices, chargée avec elle de l'adaptation de ce progiciel, des procédures de base régissant l'organisation des achats, ce qui aurait privé celle-ci des connaissances nécessaires à une bonne implémentation du nouveau système de gestion.

[Z] [O] fait toutefois valoir à ce sujet, sans être contredite de façon étayée par l'employeur, que les procédures d'achat pendant ce premier semestre 2013 étaient en cours de révision à l'initiative et sous la responsabilité de [C] [K], que ce n'était donc pas à elle de communiquer officiellement à sa collaboratrice des nouvelles procédures qui n'étaient pas encore validées, mais qu'elle avait donné oralement à cette collaboratrice les informations nécessaires à son travail. Aucune insuffisance professionnelle [Z] [O] n'est donc ici démontrée, ce point semblant surtout relever d'un défaut déjà évoqué de définition précise des missions respectives de [C] [K] et [Z] [O].

' Il en va de même pour son 'défaut de proactivité' l'ayant conduite à ne pas prendre l'initiative de se rapprocher du service patrimoine immobilier pour intégrer dans SAP les besoins spécifiques de ce service.

' Enfin il est reproché à [Z] [O] d'avoir transmis au prestataire SAP un formulaire de commande présenté comme définitif alors qu'il n'intégrait pas les dernières demandes de corrections formulées par [C] [K], directeur général des achats.

Il convient de relever que ces demandes de corrections portaient sur la taille des caractères et l'organisation des colonnes de ce formulaire afin d'en permettre une meilleure lecture.

Or [Z] [O] a toujours contesté avoir procédé à une telle validation définitive et il résulte des termes mêmes du mail qu'elle a adressé le 5 juillet 2013 à [E] [H] que le formulaire de commande objet de cette transmission ne pouvait réellement être considéré comme définitif puisqu'il était mentionné dans ce courriel « la taille de police est de 16. Si on peut l'agrandir ce serait bien », ce qui ne saurait être considéré comme une validation pure et simple et atteste que ce document était encore en cours d'élaboration.

Quoi qu'il en soit, la société SOBECA n'a pas jugé opportun de verser aux débats la copie du formulaire de commande ainsi transmis ce jour-là par [Z] [O] au prestataire, si bien que la Cour n'est pas en mesure d'apprécier si ce document intégrait ou non les demandes de corrections antérieurement formulées par [C] [K] et réitérées par ce dernier dans son mail du 15 juillet 2013.

Il n'est donc ici encore pas démontré une quelconque insuffisance professionnelle [Z] [O].

6.- Erreur matérielle dans un message d'annonce aux différentes agences SOBECA sur la dotation vestimentaire 2014:

La société SOBECA verse ici aux débats un mail de [C] [K] à [Z] [O] du 8 juillet 2013 relatif à la dotation vestimentaire. Par ce message, [C] [K] contestait le document adressé par [Z] [O] le 5 juillet 2013 à divers destinataires pour leur transmettre des documents relatifs à l'organisation de la dotation vestimentaire de 2014 du Groupe FIRALP.

Faute par SOBECA d'avoir joint aux pièces versées aux débats les documents joints par la salariée à son mail initial, objets des critiques du directeur général des achats, la Cour n'est pas ce jour en mesure d'apprécier le bien-fondé de ces critiques, ni donc l'existence ici d'éventuelles erreurs ou insuffisances de la salariée intimée.

Ce grief sera donc ici encore écarté comme mal fondé.

7.- Cartes de visite

Il est encore fait grief à [Z] [O] d'avoir 'procédé à une désinformation' (sic) en se faisant imprimer des cartes de visite avec le titre de « directrice des achats » et le logo du groupe FIRALP, ce qui sous-entendait à l'extérieur de l'entreprise qu'elle avait l'emprise sur les achats du groupe alors que cette qualification de directrice des achats ne correspondait pas la réalité.

[Z] [O] fait toutefois valoir que ces cartes ont été imprimées à une époque où le poste de directeur général des achats de [C] [K] n'avait pas encore été créé et où elle était donc alors la seule responsable du service achats au niveau du groupe.

En l'absence de toute contestation par la société SOBECA sur ce dernier point, il apparaît que ce grief n'est pas suffisamment sérieux pour pouvoir fonder un licenciement.

8.- Implication insuffisante dans son activité professionnelle :

La société SOBECA reproche ici à [Z] [O] d'avoir passé un temps très important à superviser et accompagner les travaux de construction de sa maison d'habitation.

En ce sens, elle produit la copie de quelques mails émis et reçus par [Z] [O] sur sa boîte mail professionnelle concernant effectivement la construction de sa maison d'habitation.

Il apparaît toutefois que ce fait ne saurait suffire à lui seul à caractériser la prétendue insuffisance d'implication de cette salariée dans son métier, alors qu'il est démontré par ailleurs, et non contesté, que lorsqu'elle était quelques mois plus tôt en congé maternité, elle a continué à la demande de son employeur accomplir diverses tâches d'animation de son équipe en dépit de son arrêt de travail.

Cet argument sera donc rejeté comme fallacieux.

***

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en dépit de sa volonté manifeste de se débarrasser de cette salariée et de ne lui faire aucune concession, la société SOBECA ne parvient pas à rapporter la preuve de l'insuffisance professionnelle qu'elle allègue, les quelques difficultés qu'elle démontre (maladresse dans la présentation powerpoint de décembre 2012 sur la baisse des bons manuels, erreur rectifiée sur le volume des bons manuels d'agrégats, vieille carte de visite) n'étant ni séparément, ni ensemble, d'une gravité suffisante pour justifier constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il sera donc fait droit en son principe à la demande de dommages-intérêts présentés par [Z] [O] aux fins de voir réparer le préjudice né pour elle de ce licenciement mal fondé.

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances particulières de la rupture, du montant de la rémunération versée à [Z] [O], de son âge et de son ancienneté au jour de son licenciement, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

B. - Sur la demande de rappel de salaire :

[Z] [O] sollicite encore la condamnation de la société SOBECA à lui verser au titre des années 2011 2012 et 2013 les sommes qui lui seraient du à titre de complément de rémunération variable en exécution de son contrat de travail, outre les congés payés y afférents en ce sens, elle fait valoir que l'avenant du 20 janvier 2010 lui allouait une partie variable de rémunération «attribuée selon les règles en vigueur dans l'entreprise (plafond maximum annuel 12'000 €) dont les objectifs seront précisés d'ici à fin janvier 2010 ».

Il appartient à l'employeur de choisir, pour la détermination de la partie variable de la rémunération, une assiette et des paramètres pouvant être portés à la connaissance du salarié et vérifiables par lui.

Lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail et qu'aucun accord entre l'employeur et le salarié n'est intervenu sur le montant de cette rémunération, c'est au juge qu'il incombe de le déterminer en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause.

Il est constant que cette salariée a perçu:

' en décembre 2010 une prime de fin d'année 12'000 €,

'en décembre 2011 une prime de fin d'année de 6000 €

'en décembre 2012 une prime sur objectif de 4000 €et une prime de fin d'année 2000 soit un total de 6000 €,

' et aucune prime au titre des 7 premiers mois de l'année 2013 où elle était encore dans l'entreprise.

Il est constant que l'employeur n'a jamais fixé [Z] [O] le moindre objectif chiffré conditionnant le versement de la prime litigieuse. Par contre des objectifs qualitatifs précis lui avaient été fixés, notamment lors de son entretien d'évaluation du 7 mars 2012 avec [Q] [I].

À la lecture de ce document et des autres pièces du dossier, il apparaît que ces objectifs n'avaient effectivement pas été atteints au terme des années 2011 et 2012, si bien que l'employeur était fondé à ne lui verser ces années-là, une rémunération variable s'élevant à 6000 €, soit la moitié du montant maximum prévu contractuellement.

Pour l'année 2013, il y a lieu de relever que compte tenu de la réorganisation complète de la mission d'[Z] [O] au sein de l'entreprise par suite d'une part de la nomination de Monsieur [K] et de l'évolution des pratiques qu'il a engendrées, et d'autre part de la mise en 'uvre du chantier SAP, les objectifs fixés pour 2012 à cette responsable des achats ne peuvent être considérés comme ayant été reconduits pour 2013.

En l'absence de toute précision apportée en l'espèce par l'employeur sur les « règles en vigueur dans l'entreprise » en la matière, telles qu'elles sont visées dans l'avenant au contrat de travail, il y a lieu de considérer qu'aucun objectif n'a été fixé pour cette salariée au titre de l'année 2013, ce qui ne saurait pour autant justifier le refus de l'employeur de lui verser la part variable du salaire à laquelle elle a droit.

[Z] [O] est réputée avoir quitté l'entreprise au terme de son préavis de 3 mois, soit le 12 décembre 2013.

Compte tenu de l'absence de fixation par l'employeur des objectifs de nature à conditionner un versement seulement partiel de la part variable de rémunération prévue au contrat, la cour dispose en la cause d'éléments suffisants pour fixer à 11'500 € la rémunération variable due par la société SOBECA cette salariée au titre de l'année 2013.

La société SOBECA sera donc condamnée à payer [Z] [O] la somme de 11'500 correspondant à sa rémunération variable pour l'année 2013, outre la somme de 1150 €au titre des congés payés y afférents, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2014, date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes.

C.- Sur les demandes accessoires :

Les dépens, suivant le principal, seront supportés intégralement par la société SOBECA .

[Z] [O] a dû pour la présente instance exposer des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

La SAS SOBECA sera donc condamnée à lui payer la somme de 1800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

DIT que le licenciement d'[Z] [O] par la société SOBECA est dénué de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence, CONDAMNE la société SOBECA à payer [Z] [O] la somme de 40'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

La CONDAMNE de même à payer à [Z] [O] la somme de 11'500 € à titre de rappel de salaires correspondant à la part variable de rémunération qui lui reste due pour l'année 2013, outre la somme de 1150 € au titre des congés payés y afférents, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2014 ;

DÉBOUTE [Z] [O] de ses demandes de rappel de salaire au titre des exercices 2011 et 2012 ;

DIT que les sommes allouées par le présent arrêt supporteront, s'il y a lieu, les cotisations et contributions prévues par le code de la sécurité sociale ;

ORDONNE le remboursement par la société SOBECA à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage payées à [Z] [O] à la suite de son licenciement, dans la limite de 4 mois ;

CONDAMNE la société SOBECA aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la société SOBECA à payer à [Z] [O] la somme de 1800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Michèle GULLONMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 14/09416
Date de la décision : 15/01/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°14/09416 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-15;14.09416 ?
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