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18/12/2015 | FRANCE | N°15/00272

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 18 décembre 2015, 15/00272


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 15/00272





OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE LE ROND POINT



C/

[T]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 15 Décembre 2014

RG : F 13/01083











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 18 DECEMBRE 2015













APPELANTE :



Association OGEC NOTR

E DAME DE VALBENOITE LE ROND POINT

[Adresse 1]

[Localité 1]



représentée par Me Camille ROUSSET de la SELARL DELSOL, avocat au barreau de LYON substituée par Me Carine MERIAU, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[S] [T]

né le [Date naissance 1] 1969 au ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 15/00272

OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE LE ROND POINT

C/

[T]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 15 Décembre 2014

RG : F 13/01083

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 18 DECEMBRE 2015

APPELANTE :

Association OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE LE ROND POINT

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Camille ROUSSET de la SELARL DELSOL, avocat au barreau de LYON substituée par Me Carine MERIAU, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[S] [T]

né le [Date naissance 1] 1969 au MAROC

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Laétitia PEYRARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substitué par Me Laëtitia VOCANSON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 18 Février 2015

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Novembre 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Louis BERNAUD, Président

Isabelle BORDENAVE, Conseiller

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 Décembre 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Louis BERNAUD, Président, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Dans le cadre d'un emploi jeune conclu avec le Conseil Général de la [Localité 2], Monsieur [S] [T] a été mis à la disposition de l'association OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE - LE ROND POINT entre le 7 septembre 1998 et le 6 septembre 2003.

A l'issue de cette mise à disposition, il a été embauché par l'OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE - LE ROND POINT en qualité de surveillant, en contrat de travail à durée déterminée dans un premier temps puis en contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er septembre 2004.

La convention collective applicable est celle des personnels d'éducation et des documentalistes des établissements d'enseignement privé.

Au cours de la période d'octobre 2007 à juin 2009, Monsieur [T] a suivi une formation qualifiante de cadre d'éducation et a obtenu le 20 juillet 2009 un certificat de capacité à l'exercice de cette fonction .

Il a ensuite exercé à temps complet à partir du mois d'octobre 2009 les fonctions de conseiller principal d'éducation selon les termes d'un avenant à son contrat travail, et de responsable de vie scolaire selon son employeur, mais sans bénéficier d'une augmentation de salaire, l'intitulé de son poste de surveillant demeurant inchangé sur ses bulletins de salaire.

Malgré plusieurs demandes, Monsieur [T] n'a pu obtenir la régularisation de sa situation statutaire et financière.

A compter du 31 janvier 2012, il a été élu en qualité de délégué du personnel titulaire.

Au cours du mois de juin 2012, l'association OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE - LE ROND-POINT, faisant état de difficultés économiques, a proposé à Monsieur [T] son reclassement sur un poste de surveillant à compter du 1er septembre 2012, ce qu'il a accepté.

Le 28 novembre 2013, Monsieur [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne d'une demande de reclassement professionnel en catégorie 4 échelle 2 de la convention collective à compter du 1er octobre 2009 jusqu'au 30 août 2010, puis en strate III 14 degrés selon la nouvelle classification pour la période du 1er septembre 2010 au 31 août 2012, avec le paiement d'un rappel de salaire de 31.454,29 €, et de demandes en paiement des sommes de 847,76 € à titre d'heures supplémentaires, 20.828,29 € à titre de rappel de salaire pour supplément familial, et 10.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination et dégradation de ses conditions de travail.

Par jugement du 15 décembre 2014, le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne a fait droit à la demande de reclassement professionnel, a rejeté la demande de rappel de salaire au titre du supplément familial, et a condamné l'association OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE - LE ROND-POINT à payer à Monsieur [T] les sommes de :

- 20.575,29 € à titre de reclassification, après déduction d'une somme de 10.879,00 € versée par l'employeur à ce titre, outre congés payés afférents de 2.057,52 €;

- 86,68 € à titre d'heures supplémentaires, après déduction d'une somme de 761,08 € déjà versée, outre congés payés afférents de 8,66 € ;

- 4.000,00 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la dégradation de ses conditions de travail ;

- 2.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE - LE ROND-POINT a relevé appel de cette décision par lettre recommandée avec avis de réception du 12 janvier 2015 reçue le 13 janvier 2015.

Monsieur [T] a finalement donné sa démission le 24 août 2015.

Vu les conclusions soutenues à l'audience du 13 novembre 2015 par l'association OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE LE ROND-POINT qui demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement, de constater qu'elle a versé le rappel de salaire dû à Monsieur [T] au titre de la classification conventionnelle de son emploi et qu'elle a payé le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, subsidiairement de fixer à la somme de 14.804,02 € brut le rappel de salaire au titre de la classification conventionnelle et de ramener la condamnation à la somme de 3.925,02 € après déduction de la somme déjà versée de 10.879,00 €, de se déclarer matériellement incompétent pour statuer sur la légalité de la clause conventionnelle instituant un supplément familial et subsidiairement de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande, de débouter Monsieur [T] de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination et dégradation de ses conditions de travail et en tout état de cause de condamner ce dernier au paiement d'une indemnité de procédure de 2.500,00 € aux motifs :

que, selon l'ancienne classification conventionnelle applicable d'octobre 2009 à août 2010, les fonctions effectivement exercées par Monsieur [T] relevaient de la catégorie 3 échelon 5 (indice 349), alors que la catégorie 4 revendiquée était réservée aux cadres d'éducation exerçant une fonction d'encadrement global avec délégation de pouvoir du chef d'établissement ;

que, selon les dispositions conventionnelles applicables pour la période de septembre 2010 à août 2012, Monsieur [T] ne peut prétendre à la strate III, alors qu'il n'était pas responsable de l'équipe de surveillants, qu'il n'avait pas de relation avec les interlocuteurs externes, qu'il ne menait pas de négociations et qu'il ne disposait pas du niveau d'autonomie requis ;

qu'en toute hypothèse, compte tenu de son ancienneté, Monsieur [T] ne pourrait prétendre qu'à l'échelon 1 de la catégorie 4 jusqu'au 1er septembre 2010 et seulement 7 degrés sur la strate III jusqu'au 1er août 2012 par référence aux critères classants de la convention collective ;

que le litige relatif au supplément familial présente un caractère collectif puisqu'il est demandé à la juridiction de statuer sur la légalité d'une norme collective qui s'applique à l'ensemble des salariés, ce qui implique que les juridictions du travail sont incompétentes pour en connaître ;

qu'en toute hypothèse, Monsieur [T] ne remplit pas les conditions prévues par la convention de branche pour bénéficier du supplément familial, dès lors que la convention collective, qui déroge valablement à la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, prévoit que le supplément familial n'est pas dû au salarié lorsque le conjoint en bénéficie, et que son épouse, qui est employée municipale, perçoit cet avantage ;

qui n'est apporté aucun élément sur la prétendue discrimination dont Monsieur [T] aurait été victime, ni sur une quelconque mise à l'écart, ce qui doit conduire au rejet de la demande de dommages-intérêts ;

Vu les conclusions soutenues à l'audience du 13 novembre 2015 par Monsieur [T] qui sollicite la confirmation du jugement s'agissant de ses demandes de rappel de salaire au titre de la reclassification et des heures supplémentaires, et qui par voie d'appel incident demande la condamnation de l'association OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE LE ROND-POINT à lui payer les sommes de 15.000,00 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la dégradation de ses conditions de travail et de la discrimination dont il a été victime, de 20.828,29 € au titre du supplément familial, outre congés payés afférents de 2.082,83 € et de 3.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs :

qu'il ressort de nombreux documents émanant de l'employeur qu'à compter du mois d'octobre 2009 il a effectivement exercé les fonctions de conseiller principal d'éducation en charge du collège (livret de présentation du groupe scolaire, procès-verbaux de réunions du comité d'entreprise, liste des tâches, documents d'information remis au comité d'entreprise, avenant au contrat de travail à effet du 1er septembre 2012) ;

que, selon l'ancienne classification conventionnelle il relevait de la catégorie 4 échelon 4, alors qu'il exerçait une fonction d'encadrement global et d'organisation en matière éducative et qu'il comptait six ans d'ancienneté dans l'entreprise ;

que, selon la nouvelle grille de classification applicable au 1er septembre 2010, il relevait de la strate III 14 degré selon les critères de technicité, responsabilité, autonomie, communication et management définis à l'accord de classification, ainsi qu'en attestent les anciens responsables du groupe scolaire ;

que, sur la base de cette qualification incontestable et en fonction de la valeur du point d'indice, il a droit à un rappel de rémunération de 31.454,29 € dont il convient de déduire les sommes réglées par l'employeur à la barre du conseil de prud'hommes;

que, déduction faite de la somme réglée à la barre de 761,08 € , il a droit à un reliquat de rémunération de 86,68 € au titre des heures supplémentaires;

que, selon la convention collective applicable, les personnels d'éducation ont droit à un supplément familial suivant les règles applicables dans la fonction publique, cet avantage se cumulant avec les avantages similaires perçus par le conjoint exerçant une activité dans une entreprise privée ;

qu'ayant quatre enfants à charge, il pouvait bénéficier d'un supplément familial mensuel de 310,87 €, d'où un rappel de 22.382,64 € au titre de la période non prescrite de novembre 2008 août 2015 ;

qu'il a été victime d'une discrimination caractérisée par les propos tenus par le représentant de l'autorité de tutelle lors de la réunion du comité d'entreprise du 6 décembre 2010, lequel a déclaré que le collège souffrait d'un métissage trop important ;

qu'il a fait l'objet d'une mise à l'écart systématique depuis le début de l'année 2012 (éviction d'une réunion de l'équipe de surveillance, injonction de retirer la décoration de son bureau, rejet de toutes ses demandes d'accompagnement lors des voyages scolaires, défaut de réponse à sa demande de réintégration dans son poste de conseiller principal d'éducation après le recrutement en septembre 2013 de nouveaux salariés, défaut de réponse à sa demande en paiement du supplément familial, charge de surveillance de la permanence des élèves excessive).

SUR CE,

1°) Sur la classification et le rappel de salaire :

Attendu que Monsieur [T], qui avait été engagé à compter du 8 septembre 2003 en qualité de surveillant par l'association OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE -LE ROND POINT, a suivi à partir de 2007 jusqu'en juin 2009 une formation qualifiante de cadre d'éducation auprès de l'Institut de Formation et de Développement qui a été validée le 20 juillet 2009 ;

qu'à la suite du licenciement de Monsieur [Y] [V], conseiller principal d'éducation en charge de la vie scolaire du collège, Monsieur [T] a vu ses responsabilités accrues au sein de l'établissement pour avoir été affecté en octobre 2009 au poste de responsable de vie scolaire du collège selon l'OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE, tandis que les missions qui incombaient à Monsieur [V] en sa qualité de conseiller principal d'éducation auraient été reprises par Madame [D] [F], alors chef d'établissement; qu'elle n'en rapporte toutefois aucune preuve en l'absence de tout écrit ;

que Monsieur [T] soutient pour sa part s'être vu confier à partir du mois d'octobre 2009 l'intégralité des fonctions de conseiller principal d'éducation anciennement dévolues à Monsieur [V] ;

que les parties s'accordent cependant à reconnaître qu'en dépit de sa promotion, Monsieur [T] a continué de percevoir son salaire antérieur de surveillant, catégorie 1, niveau 2, échelon 4, statut non cadre, figurant sur ses bulletins de paie ;

que son poste ayant ensuite été supprimé au 1er septembre 2012 pour des raisons économiques, Monsieur [T] a repris ses anciennes fonctions de surveillant ;

Attendu que, dans le cadre de la procédure prud'homale, l'OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE a reconnu que la classification et le salaire de Monsieur [T] ne correspondaient pas aux fonctions qu'il avait exercées et a lui à versé un rappel de salaire se chiffrant à un montant total brut de 10.874,00 € pour la période comprise d'octobre 2009 à août 2012 à titre de régularisation et correspondant à la classification suivante :

- pour la période d'octobre 2009 à août 2010 : catégorie 3 échelon 5, soit un indice fixé à 349, selon l'ancienne classification conventionnelle ;

- pour la période de septembre 2010 à août 2012 : strate III, 5 degrés, selon la nouvelle classification conventionnelle .

que Monsieur [T] conteste la classification ainsi retenue ;

A - Sur la période de 1er octobre 2009 au 31 août 2010 :

Attendu que Monsieur [T] demande tout d'abord, pour la période allant du mois d'octobre 2009 au mois d'août 2010, son reclassement en catégorie 4, échelle 2, échelon 4 pour avoir été cadre d'éducation et exercé une fonction ainsi définie par la convention collective d'encadrement global et d'organisation en matière éducative - animation, éducation, vie scolaire, surveillance - ayant en charge plus de 10 classes ;

Attendu que l'avenant à son contrat travail signé le 4 juin 2012 le déchargeant précisément de cette fonction à compter du 1er septembre 2012 pour des raisons économiques rappelle en préambule :

« Lors du départ de Monsieur [V], conseiller principal d'éducation en charge de la vie scolaire du collège, Monsieur [T] a été, de fait, affecté au poste de conseiller principal d'éducation, à compter d'octobre 2009.

Compte tenu de la réduction significative du nombre d'inscrits depuis quelques années au sein de l'établissement NOTRE DAME DE VALBENOITE LE ROND-POINT et des difficultés économiques avérées et récurrentes auxquelles doit faire face l'établissement, l'association OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE est contrainte de supprimer le poste de conseiller principal d'éducation occupé actuellement par Monsieur [T] »;

qu'il en ressort que Monsieur [T] a bien été affecté au poste de conseiller principal d'éducation précédemment tenu par Monsieur [V]; qu'à ce titre, il relève de la catégorie 4 de l'ancienne classification de la convention collective réservée au « personnel cadre d'éducation exerçant une fonction d'encadrement global et d'organisation en matière éducative : animation, éducation, vie scolaire, surveillance »;

qu'en outre, la réalité de ses missions correspond précisément à celles d'un cadre éducatif pour ressortir des nombreux documents suivants émanant de l'OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE :

- les comptes rendus du comité d'entreprise du 8 septembre 2009 et 12 novembre 2009, en ce qu'ils font état du remplacement de Monsieur [V] et mentionnent que Monsieur [T] occupe son poste ;

-la fiche de poste contenant l'énumération des tâches confiées à Monsieur [T] et correspondant à celles d'un cadre éducatif ;

- le document d'information remis au comité d'entreprise dans le cadre de la procédure « Livre II » relatif au projet de licenciement collectif pour motif économique, en ce qu'il mentionne expressément en page 6 qu'il existe au sein de l'établissement deux conseillers principaux d'éducation, et en page 11 que le contrat de travail de l'un d'eux sera modifié, préfigurant ainsi la signature de l'avenant précité au contrat de travail de Monsieur [T] en date du 4 juin 2012.

Attendu que l'OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE fait pour sa part observer que Monsieur [T] ne disposait d'aucune délégation de pouvoir;

qu'il ressort cependant de la convention collective que la délégation écrite du chef d'établissement pour l'exercice de certaines fonctions n'est qu'une possibilité et non une obligation pour être classé en catégorie 4;

qu'en outre les tâches répertoriées ne sont pas impératives, chaque salarié pouvant être amené à en effectuer tout ou partie;

Attendu que Monsieur [T], qui organise et coordonne les activités des élèves, les contacts avec les familles et les tâches administratives liées à son activité, relève dès lors de la catégorie 4;

Attendu cependant qu'il n'a pu gravir les 4 premiers échelons de la catégorie 4 pour atteindre l'échelon 4 qu'il revendique dans la mesure où la grille indiciaire des personnels d'éducation au 1er juillet 2007 prévoit pour chacun d'eux une durée de 2 ans et que Monsieur [T], qui a pris ses nouvelles fonctions au 1er octobre 2009, ne disposait au 1er septembre 2010 que d'une ancienneté inférieure à 2 ans dans cette catégorie;

qu'il doit en conséquence être reclassé, pour la période allant du 1er octobre 2009 au 1er septembre 2010, en catégorie 4, échelle 2, échelon 1;

que l'indice correspondant étant 397, Monsieur [T] est fondé à percevoir un rappel de salaire de 5.322,05 € brut pour la période considérée;

B - Sur la période du 1er septembre 2010 au 1er août 2012 :

Attendu que Monsieur [T] sollicite ensuite, pour la période de septembre 2010 à août 2012 sa reclassification sur la strate III avec 14 degrés, selon la nouvelle classification en vigueur ;

que la strate III est ainsi définie :

« Réalisation d'activités complexes impliquant de combiner ou de transposer des savoirs, des savoir-faire, des savoir-agir pour répondre avec pertinence à une situation. Exigence d'un niveau de formation (niveau II ou III) et/ou d'une expérience. »

que l'OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE, qui avait classé Monsieur [T] au 1er juillet 2012, selon l'avenant du 4 juin 2012 précité, au statut employé, strate II, coefficient 1110, lui reconnaît finalement devant la cour le statut de cadre et son positionnement sur la strate III; qu'elle lui conteste en revanche les 14 degrés qu'il sollicite en soutenant qu'il ne peut prétendre qu'à 7;

Attendu qu'il ressort de sa fiche de poste, de l'entretien d'évaluation de Madame [A] [W], surveillante, auquel il n'a pas participé, et du compte-rendu de ses propres entretiens d'évaluation que s'il était en charge de l'organisation de l'emploi du temps des surveillants et de leur modification le cas échéant, de l'organisation des sorties scolaires, de la gestion organisationnelle de l'équipe de surveillants et de la prise en charge de groupes d'élèves scolaires, il n'était en revanche pas responsable de l'équipe de surveillants qui ne lui était pas juridiquement subordonnée par un lien hiérarchique;

qu'à ce titre, il n'effectuait pas les entretiens d'embauche du personnel surveillant ainsi qu'il l'a fait écrire dans ses conclusions, mais y assistait seulement, ceux-ci étant réalisés par Madame [D] [F], chef d'établissement, ou par Monsieur [E] [G], responsable administratif, ainsi qu'en a attesté ce dernier;

qu'en outre, le fait d'avoir était le tuteur de Madame [W] pendant sa formation ne lui conférait ensuite aucune autorité hiérarchique sur elle ;

Attendu, par ailleurs, que Monsieur [T] n'était pas l'interlocuteur des partenaires externes de l'établissement, cette fonction étant assurée par la directrice;

qu'en revanche, il était en mesure d'échanger avec l'ensemble des interlocuteurs internes ou externes, comme les parents d'élèves, dans le cadre de ses fonctions, et dans le domaine précis de la gestion de la vie scolaire, recevant des instructions de la part de la directrice et organisant son travail pour atteindre les objectifs qu'elle lui fixait;

Attendu qu'il ne justifie pas, comme il le prétend, avoir demandé une subvention à la Fondation de France dans le cadre du projet « lutter efficacement contre le décrochage scolaire » mais avoir seulement été désigné au sein de l'établissement comme responsable du projet avec pour mission d'assurer l'aide au démarrage de l'action une fois la subvention obtenue ;

Attendu pareillement que, s'il est intervenu en interne pour la sécurisation de la fête scolaire le 8 juin 2013, le recours à deux agents de sécurité extérieurs a été décidé et effectué par la directrice;

Attendu dans ces conditions, qu'il ne peut prétendre à l'attribution des 3 degrés énoncés par la convention collective au titre des critères classants qu'il revendique pour la technicité/expertise, la communication et le management , mais seulement à 1 degré pour chacun d'eux en ce qu'il :

- « dispose d'une expertise lui permettant d'apporter une réponse pertinente aux situations professionnelles habituelles ou courantes relevant de son domaine d'activité » (technicité/expertise),

- « Est capable d'échanger, sur le mode requis (oral, écrit') avec l'ensemble de ses interlocuteurs internes ou externes dans le cadre de ses fonctions, dans un domaine précis » (communication) ,

- « Peut-être sollicité pour prendre en charge la formation de nouveaux salariés, pour superviser, sans lien hiérarchique, le travail d'une plusieurs personnes » (management).

qu'en revanche, il est fondé à obtenir 2 degrés pour chacun de critères de la responsabilité et de l'autonomie en ce qu'il :

- « Et le garant du respect des règles de l'art de son travail au sein de l'établissement sans assurer la liaison avec l'ensemble des acteurs externes » (responsabilité),

- « Sait prendre en compte les contraintes des autres acteurs de son établissement dans l'organisation de ses priorités. Sait établir des collaborations et des coopérations avec ces acteurs » (autonomie);

Attendu que Monsieur [T] doit en conséquence être classé sur la strate III avec 7 degrés;

que le rappel de salaire correspondant s'élève dès lors à la somme brute de 9.481,97 € pour la période considérée;

Attendu dans ces conditions, que le montant total du rappel de salaire qu'il convient d'allouer à Monsieur [T] pour la période allant du 1er octobre 2009 au 1er août 2012 s'élève à la somme de 14.804,02 € ;

qu'en raison de la régularisation effectuée en première instance par son employeur pour un montant brut de 10.879,00 €, il est fondé à percevoir le solde 3.925,02 € brut, outre les congés payés afférents pour un montant de 392,50 € ;

que le jugement rendu par le conseil de prud'hommes doit dès lors être réformé sur ces points;

2°) Sur le supplément familial :

Attendu que Monsieur [T] sollicite également le paiement d'un rappel de salaire au titre du supplément familial prévu au chapitre 3.2, article 3.25.3 de la convention collective de l'enseignement privé pour les personnels des services administratifs et économiques, les personnels d'éducation et documentalistes, ainsi rédigé :

« Au salaire de base s'ajoutent, pour les catégories 2, 3 et 4, l'indemnité de résidence et le supplément familial selon les règles de la fonction publique » .

qu'il soutient à cet effet que si l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose :

«' Le supplément familial de traitement n'est pas cumulable avec un avantage de même nature accordé pour un même enfant par un employeur mentionné aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que par un établissement public à caractère industriel et commercial, une entreprise publique ou un organisme dont le budget de fonctionnement est alimenté en permanence et pour plus de 50 % de son montant soit par des taxes parafiscales, soit par des cotisations rendues obligatoires en vertu d'un texte légal ou réglementaire, soit par des subventions allouées par un des employeurs, établissements, entreprises ou organismes précités »,

il en déduit a contrario que le cumul avec un avantage de même nature est possible dès lors que le conjoint de l'agent public exerce son activité dans une entreprise privée majoritairement financée sur fonds privés dont la convention collective prévoit un avantage similaire, ce qui est son cas en l'espèce ;

Attendu qu'il ressort toutefois des dispositions du 2ème alinéa de l'article 3.25.3 précité de la convention collective applicable que :

« Toutefois, dans le cas où les deux conjoints sont susceptibles de bénéficier du supplément familial, un seul d'entre eux pourra prétendre le percevoir, quels que soient leurs employeurs respectifs » ;

Attendu que Monsieur [T], qui ne conteste pas la profession de fonctionnaire territorial de son épouse, agent de mairie, bénéficiant à ce titre du supplément familial pour les 4 enfants du couple, soutient que cette clause de la convention collective ne peut lui être opposée en ce qu'elle déroge à la loi qui prévoit la possibilité d'un cumul d'avantages de même nature;

Mais attendu que la convention collective ne déroge pas à la loi du 13 juillet 1983 dans la mesure où elle ne porte pas sur les droits et obligations des fonctionnaires mais bien des personnels des services administratifs, économiques, d'éducation et documentalistes de l'enseignement privé et qu'à ce titre elle ne fait que transposer pour les personnels concernés les règles de la fonction publique relatives au bénéfice du supplément familial en écartant toutefois expressément son double versement dans l'hypothèse où les deux conjoints sont susceptibles d'en bénéficier ;

que le jugement rendu par le conseil de prud'hommes déboutant Monsieur [T] de ce chef de demande doit dès lors être confirmé ;

3°) Sur les heures supplémentaires :

Monsieur [T] , qui avait obtenu le versement par l'OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE à la barre du conseil de prud'hommes, de la somme de 761,08 € brut au titre des heures supplémentaires qu'il avait effectuées et qui ne lui avaient pas été rémunérées, a sollicité en première instance le versement d'un solde de 86,68 € brut, outre 8,66 € au titre des congés payés afférents, au motif que la somme de 761,08 € versée correspondait bien à la totalité des 58 des heures supplémentaires réclamées mais rémunérées sur la base d'un salaire de référence inexact; que le conseil de prud'hommes ayant fait droit à sa demande, il sollicite la confirmation du jugement sur ce point;

Attendu que l'OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE s'y oppose en faisant valoir qu'elle a d'ores et déjà procédé à la régularisation complète du rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents ;

Attendu qu'il apparaît cependant que Monsieur [T] sollicite la rémunération des heures supplémentaires effectuées de 2010 à 2013 sur la base d'un salaire de référence correspondant à la classification qu'il n'a pas obtenue aux termes des développements qui précèdent ;

qu'il importe dès lors d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes sur ce point et de débouter le salarié de sa demande en paiement du solde de 86,68 €, outre 8,66 € au titre des congés payés afférents;

4°) Sur la prétendue dégradation des conditions de travail et la discrimination liée au mandat représentatif :

Monsieur [T], qui a été élu délégué du personnel titulaire dans le cadre de la délégation unique du personnel le 31 janvier 2012, soutient avoir été victime d'une dégradation de ses conditions de travail et d'une discrimination liée à son mandat représentatif;

Attendu qu'il invoque tout d'abord les propos tenus par Monsieur [J], délégué de la tutelle, lors de la réunion du comité d'entreprise du 6 décembre 2011 et retranscrits dans le procès-verbal selon lesquels « la situation du collège qui' souffre d'un métissage trop important, est préoccupante » ; que leur auteur ayant toutefois souhaité évoquer l'absence d'homogénéité sur le plan social de la population de l'établissement et non un métissage au sens ethnique, Monsieur [T], qui n'était pas présent à cette réunion et non encore délégué du personnel, ne peut dès lors reprocher à son employeur, que ne représentait pas au demeurant Monsieur [J], de lui avoir adressé des propos totalement inadmissibles ;

Attendu qu'il prétend ensuite avoir fait l'objet d'une mise à l'écart, et en fournit plusieurs exemples :

- il aurait ainsi été évincé le 2 avril 2012 d'une réunion de la vie scolaire réunissant tous les surveillants, mais n'en rapporte pas la preuve, l'attestation de Monsieur [G], ancien cadre administratif, n'étant corroborée par aucune pièce ;

- il lui aurait été demandé à la rentrée 2013 de retirer du bureau qu'il occupait la décoration qui s'y trouvait sans toutefois préciser la nature de cette décoration, alors que l'OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE soutient qu'elle était constituée d'objets ostentatoires à caractère musulman difficilement compatibles avec l'exercice de missions au sein d'un établissement catholique ; qu'en tout état de cause cette mesure relève du pouvoir de direction de l'employeur et ne caractérise en aucune façon une dégradation de ses conditions de travail ou une quelconque discrimination ;

- à la différence des autres salariés de l'établissement, y compris les conseillers principaux d'éducation, il n'aurait pu accompagner les élèves à l'occasion de voyages scolaires alors qu'il en avait fait la demande à de nombreuses reprises; qu'il ne verse toutefois aux débats aucun élément de nature à justifier ses affirmations;

- il a sollicité la reconnaissance de son expérience et de son ancienneté et rappelé son projet professionnel consistant à reprendre son poste de cadre d'éducation, notamment lors de l'entretien annuel d'activité du 4 février 2014 , mais n'a pu l'obtenir ainsi que la véritable classification;

Attendu qu'il résulte à cet égard des éléments qui précèdent qu'en dépit de la formation qualifiante de cadre d'éducation et du certificat de capacité à l'exercice de cette fonction qu'il avait obtenu le 20 juillet 2009, Monsieur [T] ne s'est jamais vu reconnaître sa titularisation au poste de conseiller principal d'éducation en remplacement de Monsieur [V] bien qu'exerçant ses fonctions;

qu'en outre, prétendument désigné en qualité de responsable de la vie scolaire à compter du mois d'octobre 2009, il a conservé le même salaire que précédemment pour un emploi de surveillant ;

que l'OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE a finalement reconnu, mais seulement après avoir été assignée devant le conseil de prud'hommes, que sa classification ne correspondait pas aux fonctions réellement exercées et a tenté de régulariser sa situation;

ATTENDU qu'il s'ensuit que Monsieur [T] a subi de ce fait des conditions de travail dégradantes ne correspondant pas à son niveau de responsabilité au sein d'établissements par rapport aux autres conseillers principaux d'éducation ;

qu'il importe en conséquence de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que, si les faits de discrimination liée au mandat représentatif n'étaient pas établis et que la demande du salarié ne pouvait prospérer sur ce fondement, en revanche il avait été victime d'une dégradation de ses conditions de travail pour n'avoir pu retrouver un poste de conseiller principal d'éducation en dépit de ses nombreuses demandes;

que l'allocation de la somme de 4.000,00 €à titre de dommages-intérêts doit dès lors être également confirmée, le salarié ne produisant aux débats pas d'éléments de nature à établir, ainsi qu'il le prétend, que la dégradation de ses conditions de travail aurait perduré après l'audience de plaidoirie du 20 octobre 2014, alors même que l'OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE a tenté en cours de procédure de régulariser sa situation en réexaminant sa classification et en lui versant un rappel de salaire non négligeable de 10'879 € ;

Attendu par ailleurs, qu'aucune des parties ne voyant aboutir intégralement ses prétentions devant la cour , il ne parait pas inéquitable de laisser à chacune d'elles la charge intégrale des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'elles ont exposé en cause d'appel ;

que l'OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE, qui succombe, supporte toutefois la charge des entiers dépens;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement par arrêt rendu public par mise à disposition des parties, après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement rendu le 15 décembre 2014 par le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne en ce qu'il a dit que Monsieur [S] [T] devait être classé en catégorie 4 échelle 2 du 1er octobre 2009 au 31 août 2010 et en strate III à compter du 1er septembre 2010 jusqu'au 31 août 2012,

L'INFIRME sur l'échelon et les degrés retenus ainsi qu'en ses dispositions condamnant l'association OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE - LE ROND-POINT à verser à Monsieur [S] [T] les sommes de :

- 20.575,29 € à titre de reclassification (soit 31.454,29 € - 10.879,00 € déjà versés),

- 2.057,52 € au titre des congés payés afférents,

- 86,68 € à titre d'heures supplémentaires (soit 847,76 € - 761,08 € déjà versés),

- 8,66 € au titre des congés payés afférents,

Et statuant à nouveau,

DIT que pour la période du 1er octobre 2009 au 31 août 2010, Monsieur [S] [T] est classé en catégorie 4 , échelle 2, échelon 1 au titre de la classification conventionnelle applicable,

DIT que pour la période du 1er septembre 2010 au 31 août 2012, Monsieur [S] [T] est classé en strate III avec 7 degrés au titre de la classification conventionnelle applicable,

CONDAMNE l'association OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE - LE ROND-POINT à verser à Monsieur [S] [T] les sommes de :

- 3.925,02 € (TROIS MILLE NEUF CENT VINGT CINQ EUROS ET DEUX CENTIMES) à titre de reclassification (soit 14.804,02 € - 10.879,00 € déjà versés),

- 392,50 € (TROIS CENT QUATRE VINGT DOUZE EUROS ET CINQUANTE CENTIMES) au titre des congés payés afférents,

DEBOUTE Monsieur [S] [T] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

DEBOUTE Monsieur [S] [T] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties en cause d'appel,

CONDAMNE enfin la l'association OGEC NOTRE DAME DE VALBENOITE - LE ROND-POINT aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Jean-Louis BERNAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 15/00272
Date de la décision : 18/12/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°15/00272 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-18;15.00272 ?
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