R.G : 14/03055
Décision du tribunal de commerce de
Villefranche-Tarare
Au fond du 20 février 2014
RG : 2013J54
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 10 Décembre 2015
APPELANTE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE BELLEVILLE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par la SELARL REBOTIER ROSSI ET ASSOCIES, avocat au barreau de Lyon
INTIMES :
[G] [I]
né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 2] (Ain)
[Adresse 2]'
[Localité 1]
représenté par la SELARL COLBERT LYON, avocat au barreau de Lyon
[Q] [I]
né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 3] (Rhône)
[Adresse 2]'
[Localité 1]
représenté par la SELARL COLBERT LYON, avocat au barreau de Lyon
[S] [I]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3] (Rhône)
[Adresse 3]'
[Localité 1]
représenté par la SELARL COLBERT LYON, avocat au barreau de Lyon
******
Date de clôture de l'instruction : 09 décembre 2014
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 octobre 2015
Date de mise à disposition : 10 décembre 2015
Audience tenue par Michel GAGET, président et Françoise CLEMENT, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Michel GAGET, président
- Catherine ROSNEL, conseiller
- Françoise CLEMENT, conseiller
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Le 20 juin 2001, la Caisse de Crédit Mutuel de Belleville a consenti à la société Proleg, un prêt professionnel numéro 57 d'un montant de 396.000 francs, soit 60.369,81 € remboursable en 60 mensualités ayant pour objet le financement de matériel.
Ce prêt était garanti par la caution solidaire de [G], [Q] et [S] [I] à hauteur de 475.200 francs, soit 72.443,77 €.
Le 26 octobre 2001, la Caisse de Crédit Mutuel de Belleville a consenti à la société Proleg un prêt professionnel numéro 58 d'un montant de 76.224,51 € remboursable en 120 mensualités, ayant pour objet le financement de travaux de forage et matériels annexes.
Ce prêt était garanti par la caution solidaire de [G], [Q] et [S] [I] à hauteur de 91.469,41 €.
Par jugement du 27 janvier 2005, le tribunal de commerce de Lyon a placé la société Proleg en redressement judiciaire.
La Caisse de Crédit Mutuel de Belleville a alors effectué une déclaration de créance auprès du mandataire judiciaire et par jugement du 26 janvier 2006, le tribunal de commerce de Lyon a arrêté les modalités du plan de cession de la société Proleg au bénéfice de la société Primeurs des Champs.
Le 19 mars 2009 le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a prononcé le redressement judiciaire de la société Primeurs des Champs.
La Caisse de Crédit Mutuel de Belleville a effectué une déclaration de créance auprès du mandataire judiciaire et le 9 avril 2009, la procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire.
Par lettres recommandées avec accusé de réception du 9 juin 2011, la Caisse de Crédit Mutuel de Belleville a mis en demeure [G], [Q] et [S] [I] de respecter leur engagement de caution à hauteur de 73.908,87 €.
Par exploit du 6 mars 2013, elle a fait assigner ces derniers devant le tribunal de commerce de Viilefranche-Tarare, en paiement solidaire des sommes de :
- 12.161,10 € outre intérêts au taux conventionnel majoré de 7,20 % l'an à compter du 5 décembre 2012, date d'arrêté des comptes, au titre du prêt professionnel n° 57,
- 5.276,14 € outre intérêts au taux conventionnel majoré de 7,65 % l'an à compter du 5 décembre 2012, date d'arrêté des comptes, au titre du prêt professionnel n° 58,
- 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 20 février 2014, le tribunal de commerce a débouté la Caisse de Crédit Mutuel de Belleville de l'intégralité de ses demandes en la condamnant aux dépens et à payer à [G], [Q] et [S] [I] une indemnité de 500 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions du 2 octobre 2014 déposées et notifiées par la Caisse de Crédit Mutuel de Belleville, appelante selon octobre déclaration du 15 avril 2014, laquelle conclut à la réformation du jugement susvisé et reprend devant la cour ses demandes en paiement telles que formées devant le premier juge,
Vu les dernières conclusions du 1er décembre 2014 déposées et notifiées par [G], [Q] et [S] [I] qui concluent à la confirmation de la décision critiquée et demandent à la cour :
- à titre principal, de débouter la Caisse de Crédit Mutuel de Belleville de ses demandes faute de toute déclaration de créance dans le cadre de la liquidation judiciaire,
- à titre subsidiaire de rejeter les demandes dont le bien fondé n'est pas justifié dans le quantum, de déclarer irrecevable pour cause de prescription la demande au titre des intérêts et dire en tout état de cause que la responsabilité de la banque est engagée faute d'avoir agi en temps utile et la condamner au versement de dommages-intérêts se compensant avec la dette,
- à titre reconventionnel :
- ordonner la main levée de toutes les garanties conservatoires en cours, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard passé un délai de 10 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner la Caisse de Crédit Mutuel de Belleville à leur payer à chacun, les sommes de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS ET DECISION
La Caisse de Crédit Mutuel de Belleville soutient que la créance invoquée au titre des prêts 57 et 58, qui n'ont effectivement pas été déclarés au titre de la liquidation judiciaire de la société Primeurs des Champs puisque seul un prêt n° 52 a été repris dans le cadre de la cession, a été déclarée au passif de la liquidation judiciaire de la société Proleg en 2005 et qu'elle est en cela opposable aux cautions.
Elle ajoute que les documents et décomptes produits au dossier suffisent à établir le montant restant dû et qu'enfin la demande de main levée n'est pas justifiée en ce qu'elle concerne des garanties ne se trouvant nullement liées à la présente procédure.
[G], [Q] et [S] [I] font valoir quant à eux que des saisies attribution ont été pratiquées à tort sur leurs comptes bancaires malgré l'absence de toute décision définitive et que le juge de l'exécution est saisi d'un recours.
Ils ajoutent que contrairement à ce que soutient la banque, les deux prêts 57 et 58 devaient faire l'objet d'une reprise par la société Primeurs des Champs et que faute de toute déclaration de créance, celle-ci est devenue inopposable aux cautions.
À titre subsidiaire, ils soutiennent que la Caisse de Crédit Mutuel de Belleville est toujours dans l'impossibilité de justifier du montant de sa créance, les sommes aujourd'hui réclamées ne consistant que dans des intérêts et frais, qui s'avèrent prescrits faute d'action dans les 5 ans.
L'ensemble des documents produits au dossier par les parties permet à la cour de constater que selon jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon en date du 21 janvier 2006, arrêtant un plan de redressement par cession de la SARL Proleg à la SAS Primeurs des Champs, était prévue la 'poursuite des contrats de prêts bénéficiant d'une sûreté (nantissement) portant sur le matériel repris, sous réserve d'un accord négocié avec les établissements bancaires'.
Les prêts 57 et 58 conclus entre la Caisse de Crédit Mutuel de Belleville et la SARL Proleg en 2001 n'ont fait l'objet d'aucun nantissement et ils ne pouvaient donc comme le soutiennent à tort les consorts [I], faire l'objet d'une reprise dans le cadre de la cession intervenue en 2006.
Ces prêts ont fait l'objet d'une déclaration de créance au passif de la SARL Proleg suite au redressement judiciaire de cette dernière en 2005 ainsi qu'il ressort du bordereau de déclaration de créances produit en pièce 8 de l'appelant.
La créance est donc opposable aux cautions contrairement à ce qu'a décidé le premier juge.
Il appartient au débiteur de justifier les paiements intervenus pour éteindre sa dette ;
en application de l'article 1254 du code civil, 'le débiteur d'une dette qui porte intérêt ou produit des arrérages, ne peut point, sans le consentement du créancier, imputer le paiement qu'il fait sur le capital par préférence aux arrérages ou intérêts : le paiement fait sur le capital et intérêts, mais qui n'est point intégral, s'impute d'abord sur les intérêts.'
En l'absence d'accord contraire des parties en la matière, les frères [I] ne peuvent donc imputer les paiements réalisés sur le capital de préférence aux intérêts.
Il s'avère d'une part que les décomptes produits au dossier, établis le 4 décembre 2012, permettent à la cour de constater que les intérêts réclamés par la banque portent sur une période postérieure au 27 janvier 2005 ; ces documents ne font pas apparaître la date des paiements ni leur ventilation jusqu'au 4 décembre 2012.
D'autre part, les mises en demeure réalisées le 9 juin 2011, soit plus de 5 années après la déclaration de créance effectuée en 2005, sont intervenues après l'expiration du délai de prescription des articles 2277 ancien et 2224 nouveau du code civil.
La créance réclamée est donc prescrite.
Il convient en conséquence de débouter la Caisse de Crédit Mutuel de Belleville de l'intégralité de ses demandes présentées à l'encontre de [G], [Q] et [S] [I], confirmant en cela la décision critiquée.
Comme l'a justement relevé le premier juge, aucun élément du dossier ne permet à la cour de constater que [G], [Q] et [S] [I] feraient l'objet de mesures conservatoires prises de façon abusive au titre des prêts susvisés, les simples décomptes des comptes titres ne permettant aucune démonstration de ce chef ; il convient en conséquence de rejeter la demande de main levée de garanties non identifiées sauf à considérer qu'il s'agirait de la main levée de saisies attribution ayant donné lieu à assignations devant le juge de l'exécution, demandes hors saisine de la cour sur l'appel dont s'agit.
Aucun abus de procédure n'est caractérisé par [G], [Q] et [S] [I] à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel de Belleville et la demande en dommages-intérêts présentée en la matière doit être rejetée.
L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi en cause d'appel, à [G], [Q] et [S] [I], à la charge de la Caisse de Crédit Mutuel de Belleville, d'une somme complémentaire de 800 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare le 20 février 2014 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de Belleville à payer à [G], [Q] et [S] [I] une somme de 800 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de Belleville aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Joëlle POITOUXMichel GAGET