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27/11/2015 | FRANCE | N°14/09353

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 27 novembre 2015, 14/09353


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 14/09353





[Z]



C/

SA TPAS







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de SAINT-ETIENNE

du 04 Novembre 2014

RG : F13/00062











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2015







APPELANT :



[E] [Z]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1]

[Adres

se 2]

[Adresse 2]



comparant en personne, assisté de Me Jacques DUFOUR de la SELARL DUFOUR & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SA TPAS

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Pascal GARCIA de la SELARL CAPSTAN RHONE ALPES, avocat au bar...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 14/09353

[Z]

C/

SA TPAS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de SAINT-ETIENNE

du 04 Novembre 2014

RG : F13/00062

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2015

APPELANT :

[E] [Z]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Jacques DUFOUR de la SELARL DUFOUR & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SA TPAS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Pascal GARCIA de la SELARL CAPSTAN RHONE ALPES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 26 Janvier 2015

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Octobre 2015

Présidée par Jean-Louis BERNAUD, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Jean-Louis BERNAUD, président

- Isabelle BORDENAVE, conseiller

- Chantal THEUREY-PARISOT, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Novembre 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Louis BERNAUD, Président et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Monsieur [E] [Z] a été embauché le 2 novembre 1981 selon contrat de travail à durée indéterminée par la société TPAS, qui exploite le réseau de transport public urbain de l'agglomération stéphanoise.

Il a travaillé en qualité de conducteur ' receveur jusqu'au 31 mai 2008, et à compter de cette date en qualité d'ouvrier OP3.

Il ne s'est pas présenté sur son lieu de travail le 22 mars 2012 en raison de son incarcération pour des faits relevant de sa vie privée.

Par courrier recommandé du 18 octobre 2012 il a informé son employeur qu'il était disponible pour reprendre le travail.

Prétendant qu'elle n'avait pas été informée du motif de son absence, ni de sa durée prévisible, la société TPAS l'a toutefois convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement pour faute grave.

Postérieurement à cet entretien qui s'est déroulé le 30 octobre 2012, la société TPAS, faisant application des dispositions de la convention collective nationale des transports publics urbains de voyageurs, a saisi le conseil de discipline qui a considéré que le salarié avait effectivement manqué à ses obligations conventionnelles et professionnelles.

Par lettre recommandée du 13 décembre 2012 la société TPAS a notifié à Monsieur [Z] son licenciement pour faute grave en raison de son absence injustifiée ayant perturbé le fonctionnement du service et de l'absence d'informations données à l'entreprise dans un délai raisonnable.

Monsieur [E] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne aux fins d'obtenir une somme de 45'727,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, outre indemnités de licenciement et de préavis et rappel de salaire pour la période du 18 octobre 2012 au 13 décembre 2012.

Par jugement du 4 novembre 2014 le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne, en formation de départage, a toutefois débouté Monsieur [E] [Z] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société TPAS une indemnité de 1000 € pour frais irrépétibles.

Pour retenir la faute grave le conseil de prud'hommes a considéré en substance que le salarié avait volontairement laissé son employeur pendant près de 7 mois dans l'ignorance de sa situation exacte.

Monsieur [E] [Z] a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 28 novembre 2014.

Vu les conclusions soutenues à l'audience du 15 octobre 2015 par M. [E] [Z] qui demande à la cour, par voie de réformation du jugement, de constater l'irrégularité de la procédure de licenciement, subsidiairement de dire et juger qu'il n'a commis aucune faute grave, en toute hypothèse de déclarer abusif le licenciement dont il a fait l'objet et en conséquence de condamner la société s* à lui payer les sommes de :

22863,60 euros à titre d'indemnité de licenciement,

5080,80 à titre d'indemnité de préavis, outre congés payés afférents de 508,08'€,

548,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

45'727,20 euros euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5080,80 euros au titre d'un rappel de salaire pour la période du 18 octobre 2012 au 13 décembre 2012 outre congés payés afférents de 508,08 euros,

1131,60 euros au titre de l'indemnisation des 120 heures de DIF,

3000 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre remboursement des indemnités de chômage versés au salarié dans la limite d'un mois d'indemnité,

Aux motifs :

que la procédure de licenciement est irrégulière comme ayant été engagée au-delà du délai de prescription de deux mois de l'article L. 1332 '4 du code du travail,alors que la société TPAS était pleinement informée de son incarcération, puisqu'il avait été interpellé sur son lieu de travail, que l'assistante sociale de l'entreprise lui avait rendu visite et que par ses courriers des 19 et 27 avril 2012 il avait clairement fait état de sa détention,

que si l'employeur ne connaissait pas le motif de son absence, il devait en toute hypothèse le licencier dans les deux mois de celle-ci,

que le licenciement est au demeurant infondé, alors que son incarcération pour des faits d'abandon de famille relevant de sa vie privée n'est pas en soi une cause de licenciement, que son absence n'a pas perturbé l'organisation et le fonctionnement de l'entreprise, que la société TPAS a été informée de sa situation, qu'il a été empêché de répondre à son employeur dans le délai fixé en raison des conditions de sa détention et qu'il ne lui a été demandé à aucun moment de préciser la durée de sa détention,

que sur la base de la moyenne de ses trois derniers mois de salaire (2540,40 euros) il a droit à une indemnité légale de licenciement de 22'863,60 euros,

qu'eu égard à son ancienneté et à sa difficulté à retrouver un emploi à l'approche de la retraite il est fondé à réclamer une indemnité pour licenciement abusif de 45'727,20 euros correspondant à 18 mois de salaire,

que sur la base des dispositions légales plus favorables il a également droit à une indemnité de préavis de 5080,80 euros correspondant à deux mois de salaire,

qu'il est en droit de prétendre à un complément d'indemnité de congés payés et à un rappel de salaire pour la période s'étendant du 17 octobre 2012 (date de sa libération) au 13 décembre 2012 (date du licenciement),

qu'il doit être indemnisé au titre des 120 heures acquises de droit individuel à la formation.

Vu les conclusions soutenues à l'audience du 15 octobre 2015 par la SA TPAS qui sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de l'appelant à lui payer une indemnité de procédure de 2000 EUR aux motifs :

que les faits fautifs n'étaient pas prescrits au jour de l'engagement de la procédure de licenciement, alors que la preuve n'est nullement rapportée de ce qu'elle avait une connaissance exacte et entière du motif de l'absence et de sa durée prévisible et que ce n'est que le 18 octobre 2012 qu'elle a été informée de l'incarcération par le courrier de Monsieur [Z],

que la faute grave est caractérisée par l'omission de notifier l'absence dans un délai raisonnable, ce qui était possible au moyen d'un appel téléphonique ou par l'intermédiaire de la famille, par l'absence totale d'information quant à la durée prévisible de l'absence et par l'atteinte portée au bon fonctionnement du service matériel roulant de l'entreprise,

qu'en toute hypothèse Monsieur [Z] ne justifie pas de la réalité du préjudice allégué, ne peut prétendre au paiement de ses salaires après le 17 octobre 2012, puisqu'il ne s'est pas présenté à son poste de travail et n'a fourni aucune prestation, et aurait dû entreprendre toute démarche utile pour bénéficier de son droit individuel à la formation dont il connaissait l'étendue.

*

* *

MOTIFS DE L'ARRÊT

Aux termes de la lettre de licenciement du 13 décembre 2012 les trois griefs suivants ont été faits à Monsieur [E] [Z]':

«'Absence injustifiée, provoquée par votre détention, qui a perturbé le fonctionnement du service matériel roulant et rendu votre remplacement nécessaire après plusieurs semaines de dysfonctionnement,

omission de notifier votre absence auprès de l'entreprise dans un délai acceptable alors que vous avez continué à entretenir des liens personnels avec des salariés de l'entreprise,

absence totale d'information de l'entreprise sur la durée de votre incarcération'».

Ainsi qu'en ont justement décidé les premiers juges, la prescription de deux mois de l'article L. 1332'4 du code du travail n'était pas acquise au jour de l'engagement de la procédure de licenciement par lettre de convocation à un entretien préalable du 22 octobre 2012, alors que l'absence injustifiée, comme le défaut d'information quant au motif et à la durée prévisible de l'absence, sont des faits continus qui se sont poursuivis jusqu'au 18 octobre 2012, date à laquelle le salarié a demandé à reprendre son travail au sein de l'entreprise.

Monsieur [Z] ne peut sérieusement soutenir que la société TPAS était pleinement informée dès l'origine des raisons de son absence.

Son affirmation, selon laquelle il aurait été interpellé par les forces de l'ordre sur son lieu de travail, est nouvelle en appel, puisque aux termes de ses conclusions soutenues devant les premiers juges il a expliqué qu'il avait été arrêté alors qu'il se rendait à son travail.

Le témoignage de Monsieur [C] [G] (salarié de l'entreprise) ne saurait par ailleurs emporter la conviction de la cour, alors que c'est quelques jours avant sa mort et plus de deux ans après les faits, que ce témoin, qui était hospitalisé pour une grave maladie, a attesté que l'interpellation s'était déroulée le 22 mars 2012 sur le lieu de travail, circonstance qu'il n'avait pas cru devoir signaler spontanément aux termes d'une première attestation délivrée quelques jours auparavant destinée à préciser les fonctions de Monsieur [Z], étant observé que l'authenticité de la seconde attestation est sérieusement contestée par l'employeur qui fait observer, ce que la cour a pu elle-même constater, que les signatures apposées sur les deux attestations sont très différentes.

Au demeurant ce témoin n'affirme pas avoir assisté à l'interpellation sur le lieu de travail, puisqu'il se borne à faire état de ce que « des policiers sont venus au garage interpeller Monsieur [Z] qui devait arriver à 14h30'», ce qui ne constitue pas une preuve suffisante d'une arrestation effective dans les locaux de l'entreprise au vu et au su de tous.

L'attestation délivrée par Madame [L], qui est une amie de Monsieur [Z], n'est pas plus probante, alors que celle-ci se borne à faire état de ce qu'elle aurait été prévenue de l'incarcération par l'assistante sociale de l'entreprise, ce qui n'implique nullement que l'employeur a eu connaissance dans le même temps du motif de l'absence.

D'ailleurs Madame [P] [H], assistante sociale de l'entreprise, a attesté régulièrement le 2 septembre 2013 que les informations dont elle avait eu connaissance étaient soumises au secret professionnel et que «'le courrier qu'elle (avait) envoyé (avait) été fait à son initiative personnelle sans en référer à (son) employeur'».

Les courriers que Monsieur [Z] a adressés à la direction de la société TPAS n'apportent pas davantage la preuve d'une information précise et non équivoque donnée à l'employeur quant au motif et à la durée prévisible de l'absence.

Répondant à la mise en demeure du 29 mars 2012 le sommant de s'expliquer sur les raisons de son absence, Monsieur [Z] a en effet adressé le 19 avril 2012 à la société TPAS une première lettre particulièrement confuse, aux termes de laquelle il n'évoque pas sa détention et déclare ne pas connaître sa « nouvelle situation actuelle'», ce qui laissait l'employeur dans l'ignorance des raisons et de la durée de l'absence, ce d'autant plus qu'il y est mentionné l'adresse personnelle du salarié et non pas celle de la maison d'arrêt.

Le second courrier du 27 avril 2012 est, certes, plus explicite, alors que Monsieur [Z] fait état d'une absence « à l'encontre de sa volonté » et indique qu'il «'fait son possible auprès de son défenseur pour sortir'», mais ne donne toujours pas l'information claire et précise des raisons et de la durée prévisible de l'absence à laquelle l'employeur a droit.

S'il est établi que Monsieur [Z] a reçu en détention la visite de l'assistante sociale de l'entreprise, cette circonstance ne peut en outre faire présumer de la connaissance complète que la société TPAS aurait eue de la situation de son salarié.

Il en est de même du courrier que l'assistante sociale, tenue au secret professionnel, a adressé le 5 juin 2012 à Monsieur [Z] pour l'inciter à contacter l'employeur par l'intermédiaire de son avocat afin de connaître les conditions de son éventuel retour.

Ainsi, n'ayant adressé à son employeur aucun document officiel attestant des raisons et de la durée de son absence, alors pourtant que purgeant une peine il était en mesure de connaître la date de sa libération, Monsieur [Z] a-t-il laissé pendant plusieurs mois son employeur dans l'ignorance de sa situation exacte, étant observé que c'est seulement en réponse à la mise en demeure délivrée par ce dernier qu'il a tenté de justifier son absence en des termes pour le moins confus et ambigus trahissant sa volonté de ne pas exécuter loyalement son obligation d'information.

Ce manquement, qui a nécessairement affecté le bon fonctionnement de l'entreprise, laquelle a dû procéder au remplacement du salarié sans connaître la durée prévisible de l'absence, constitue une faute d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a décidé que le licenciement pour faute grave de Monsieur [Z] était justifié et que celui-ci devait donc être débouté de l'ensemble de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

N'ayant pas informé le salarié dans la lettre de licenciement de ses droits en matière de droit individuel à la formation en violation de l'article L. 6323'19 du code du travail, la société s* sera en revanche condamnée à titre de dommages et intérêts au paiement de la somme non contestée dans son quantum de 1131,60 euros correspondant aux 120 heures acquises de droit individuel à la formation, peu important que le salarié ait été informé de ses droits au cours de l'exécution du contrat de travail.

L'équité ne commande pas de faire à nouveau application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimée.

*

* *

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de Monsieur [E] [Z] par la société TPAS était fondé sur une faute grave et débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture, de dommages et intérêts et de rappel de salaire,

Réforme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau en y ajoutant :

Condamne la SA TPAS à payer à Monsieur [E] [Z] la somme de 1131,60 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de ses droits individuels à la formation,

Dit n'y avoir lieu en cause d'appel à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties, la condamnation prononcée de ce chef en première instance étant toutefois confirmée,

Condamne M. [E] [Z] aux entiers dépens .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Jean-Louis BERNAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 14/09353
Date de la décision : 27/11/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°14/09353 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-27;14.09353 ?
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