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12/11/2015 | FRANCE | N°12/09088

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 12 novembre 2015, 12/09088


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 12/09088





SCEA DU GRAND ROMANS

[O]

C/

[I]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 15 Novembre 2012

RG : F 11/00203







COUR D'APPEL DE [Localité 1]



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2015







APPELANTS :



SCEA DU GRAND ROMANS

[Adresse 1]

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représentée par Me Camille ROUSSET de la SELARL ASEA, avocat au barreau de [Localité 1]



[S] [O]

né le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 1] (69)

[Adresse 1]

[Adresse 1]



non comparant, représenté par Me Camille ROUSSET de la SELARL ASEA, avocat au ba...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 12/09088

SCEA DU GRAND ROMANS

[O]

C/

[I]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 15 Novembre 2012

RG : F 11/00203

COUR D'APPEL DE [Localité 1]

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2015

APPELANTS :

SCEA DU GRAND ROMANS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Camille ROUSSET de la SELARL ASEA, avocat au barreau de [Localité 1]

[S] [O]

né le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 1] (69)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

non comparant, représenté par Me Camille ROUSSET de la SELARL ASEA, avocat au barreau de [Localité 1]

INTIMÉ :

[A] [U] [I]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 2] ([Localité 2])

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Maïté ROCHE, avocat au barreau de LYON

Parties convoquées le : 22 janvier 2015

Débats en audience publique du : 24 septembre 2015

Présidée par Natacha LAVILLE, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christophe BOUCHET, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Didier JOLY, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 novembre 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Lindsey CHAUVY, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

[S] [O], né en 1941, est propriétaire d'un domaine forestier et agricole situé dans la région des Dombes dans le département de l'AIN et géré par la société SCEA DU GRAND ROMANS dont il a souhaité assuré le développement.

Suivant convention en date du 18 octobre 2010 intitulée 'contrat d'assistance', [S] [O] a confié à la société SFG représentée par [Y] [I] une mission de prestation de services concernant l'exploitation forestière, l'exploitation piscicole liée aux étangs du domaine outre un suivi comptable, financier et administratif, le tout pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, un préavis de 3 mois étant fixé pour la rupture du contrat ; en contrepartie, il a été prévu qu'une facturation d'un montant de '7 480 euros hors taxes, par mois...' révisable à chaque échéance du contrat serait établie par la société SFG représentée par [Y] [I] .

Le 2 février 2011, [Y] [I] a été victime d'un malaise cardiaque.

Par courriel du 10 février 2011 ayant pour objet 'Proposition G Delore', [X] [X], en sa qualité de membre du comité de direction de la société patrimoniale GD FINANCES contrôlée par [S] [O], informait [Y] [I] qu'en l'état de ses problèmes de santé et de sa difficulté à s'adapter aux travaux ruraux, il était envisagé de lui confier de nouvelles fonctions comprenant l'aménagement de la résidence et du parc, la restauration des bâtiments et des espaces abandonnés ou mal aménagés, le règlement d'un contentieux avec GEPAC et la comptabilité de la société SCEA DU GRAND ROMANS, moyennant une rémunération révisée de manière conséquente.

Par courrier du 18 février 2011, [X] [X] informait [Y] [I] qu'il serait destinataire d'une notification par lettre recommandée d'une convention portant résiliation du contrat d'assistance pour cas de force majeure et qu'il lui serait proposé un contrat à souscrire par la société SFG d'une durée de 3 mois minimum.

Par courriel du 20 février 2011, [X] [X] complétait son précédent message en indiquant à [Y] [I] qu'il avait rejoint initialement [S] [O] sur recommandation d'un ami commun qui souhaitait l'aider à sortit d'une grande précarité et ajoutait que :

'Malgré vos meilleurs efforts, vous n'avez pas réussi à convaincre [S] sur votre capacité à réussir la mission de gestion du domaine. Vous nous aviez dit que vous n'aviez pas de compétences dans le domaine forestier, mais nous vous avons donné une chance de prendre cette mission.

Nous avons la gentillesse de vous proposer un nouveau contrat pour vous retourner avec une rémunération décente. La mission proposée par [S] a pour but de vous permettre de vous reposer pendant trois mois en vous occupant des petits travaux de la propriété. [S] souhaitait vous proposer les mêmes conditions que M. [U] (que je n'ai jamais rencontré) à savoir 2 500 euros brut par mois ...'.

Par courriel du 25 février 2011, [Q] [W] a transmis pour le compte de [S] [O] un contrat à durée déterminée a été établi le 23 février 2011 aux termes duquel la société SCEA DU GRAND ROMANS embauchait [Y] [I] en qualité d'employé administratif et rural moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 502.56 euros ; [Q] [W] ajoutait qu'il s'agissait d'un contrat-type.

Par courriel du 5 mars 2011, [Y] [I] a indiqué à [X] [X] que la résiliation du contrat d'assistance était unilatérale de surcroît pour un motif fallacieux, et a ajouté la phrase suivante :

'[Q] m'a envoyé par mail en PDF vendredi dernier un contrat de salarié : il ne correspond en rien à ce que nous étions convenus, ni sur le montant de la rémunération, ni sur le contenu de la mission.'

[X] [X] a adressé à [Y] [I] un courriel en date du 8 mars 2011 énonçant que :

'... le constat est que la collaboration avec [S] [O] n'est plus possible.

Par conséquent, nous devons trouver un terrain d'entente afin de résilier notre précédent contrat. Au regard de l'ambiance actuelle, il me semble préférable de ne pas effectuer le préavis de trois mois et de se séparer dès aujourd'hui...'.

Par courrier du 9 mars 2011, [Y] [I] a notifié à [S] [O] son départ en réclamant la rémunération des jours effectués au mois de mars ainsi que le paiement du préavis.

Le 30 mai 2011, [Y] [I] a saisi le conseil de prud'homme de BOURG-EN-BRESSE en lui demandant :

- de requalifier le contrat d'assistance en contrat de travail à durée indéterminée en retenant comme salaire de référence la somme de 7 480 euros bruts par mois et de condamner en conséquence [S] [O] à lui payer un rappel de salaires et les congés payés afférents, de juger qu'une exécution déloyale du contrat de travail devait être imputée à [S] [O] et de le condamner en conséquence à lui payer des dommages et intérêts, de prononcer la nullité de la rupture du contrat intervenue en raison de l'état de santé de [Y] [I] et de condamner [S] [O] à lui payer en conséquence une indemnité pour procédure irrégulière, une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents et des dommages et intérêts,

- de dire que la rupture du contrat à durée déterminée a été abusive et de condamner la société SCEA DU GRAND ROMANS à lui payer les salaires du 23 février 2011 au 22 août 2011 outre les congés payés afférents et une indemnité de fin de contrat.

Le 25 juillet 2011, [S] [O] a assigné la société SFG devant le tribunal de commerce de BOURG-EN-BRESSE en résolution judiciaire du contrat d'assistance aux torts exclusifs de la société SFG et paiement de diverses sommes.

Par jugement rendu le 15 novembre 2012 , le conseil de prud'homme a :

- dit qu'il n'y avait pas de contrat à durée déterminée entre [Y] [I] et la société SCEA DU GRAND ROMANS,

- dit que le contrat d'assistance devait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée en retenant comme salaire de référence la somme de 7 480 euros,

- dit que la rupture du contrat à durée indéterminée était à l'initiative de l'employeur et s'analysait donc comme un licenciement,

- déclaré la rupture abusive et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné [S] [O] à établir la DUE et à délivrer les bulletins de salaires du 18 octobre 2011 au 8 mars 2011,

- condamné [S] [O] à payer à [Y] [I] :

* 11 625.96 euros au titre d'un rappel de salaires du 18 octobre 2011 au 8 mars 2011 outre 1 162 au titre des congés payés afférents,

* 20 000 euros à titre de dommages-intérêts,

* 22 440 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 2 244 euros au titre des congés payés afférents,

- ordonné l'exécution provisoire pour la délivrance des bulletins de salaires et le règlement du rappel de salaires,

- condamné [S] [O] au paiement de la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté [S] [O], la société SCEA DU GRAND ROMANS et [Y] [I] de leurs autres demandes,

- condamné [S] [O] aux dépens.

Selon jugement du 4 mai 2012, le tribunal de commerce de BOURG-EN-BRESSE a ordonné le sursis à statuer jusqu'au jugement définitif statuant sur la requalification du contrat d'assistance en contrat de travail à durée indéterminée.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 19 décembre 2012 par [S] [O] et la société SCEA DU GRAND ROMANS à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 24 septembre 2015, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, [S] [O] et la société SCEA DU GRAND ROMANS ont demandé à la cour de réformer le jugement déféré et de :

- mettre hors de cause la société SCEA DU GRAND ROMANS,

- juger que [S] [O] et [Y] [I] ont été liés par un contrat de prestation de services en l'absence d'éléments caractérisant un contrat de travail ,

- renvoyer la présente affaire devant le tribunal de commerce de BOURG-EN-BRESSE en l'état du sursis à statuer qu'il a ordonné,

- condamner [Y] [I] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner [Y] [I] à payer à [S] [O] une amende civile d'un montant de 3 000 euros outre des dommages et intérêts d'un montant de 2 000 euros pour procédure abusive.

A titre subsidiaire en cas de requalification en contrat à durée indéterminée, [S] [O] et la société SCEA DU GRAND ROMANS ont demandé à la cour :

- de juger qu'aucun contrat à durée déterminée n'a été conclu entre la société SCEA DU GRAND ROMANS et [Y] [I] et de mettre hors de cause la société SCEA DU GRAND ROMANS,

- de juger que la rupture du contrat est à l'initiative de [Y] [I] et produit les effets d'une démission abusive,

- de condamner [Y] [I] en conséquence à payer à [S] [O] la somme de 15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non respect du préavis et brusque rupture,

- d'ordonner la compensation d'éventuelles condamnations de salaires avec la somme de 35 190.43 euros versées au titre du contrat d'assistance.

A titre infiniment subsidiaire, [S] [O] et la société SCEA DU GRAND ROMANS ont conclu à la limitation des sommes allouées à [Y] [I].

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 24 septembre 2015, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, [Y] [I] a demandé à la cour sur le contrat en date du 18 octobre 2010 de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé qu'il devait être requalifié en contrat à durée indéterminée avec un salaire de référence de 7 480 euros et de condamner [S] [O] en conséquence à établir les bulletins de salaire de [Y] [I] et à lui payer les sommes suivantes:

* 11 625.96 euros au titre des rappels de salaires et 4 063 euros au titre des congés payés afférents,

* 44 880 euros au titre du travail dissimulé,

- de déclarer déloyale l'exécution du contrat de travail par [S] [O] et de le condamner en conséquence à payer à [Y] [I] la somme de 44 880 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- déclarer la rupture du contrat intervenue le 8 mars 2011 nulle à titre principal et abusive à titre subsidiaire, et de condamner [S] [O] en conséquence à payer à [Y] [I] la somme de 44 880 euros à titre de dommages et intérêts,

- en tout état de cause de condamner [S] [O] à remettre à [Y] [I] les documents de fin de contrat et à lui payer les sommes suivantes:

* 7 480 euros pour procédure irrégulière,

* 22 440 euros au titre d'une indemnité compensatrice de préavis outre 2 244 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le contrat à durée déterminée du 23 février 2011, [Y] [I] à demandé à la cour de :

- juger que le contrat à durée déterminée le liant à la société SCEA DU GRAND ROMANS peut se cumuler avec le contrat à durée indéterminée le liant à [S] [O],

- juger que le contrat à durée déterminée a été rompu de façon abusive par l'employeur,

- dire que le salaire est de 2 502.56 euros bruts par mois,

- condamner la société SCEA DU GRAND ROMANS en conséquence à établir les bulletins de salaires et à lui payer les sommes suivantes:

* 15 015.36 euros au titre des salaires du 23 février 2011 jusqu'au 22 août 2011, outre 1 501.53 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 501.53 euros à titre d'indemnité de fin de contrat,

* 15 015.36 euros au titre du travail dissimulé.

En tout état de cause, [Y] [I] a conclu à l'encontre de [S] [O] au paiement des sommes suivantes :

* 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

A. SUR LES DEMANDES AU TITRE DU CONTRAT EN DATE DU 18 OCTOBRE 2011

- sur la qualification du contrat

Attendu qu'il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

qu'en l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

Attendu qu'en l'espèce, [S] [O] d'une part et la société SFG représentée par [Y] [I] d'autre part ont signé le 18 octobre 2011 un contrat intitulé 'contrat d'assistance' stipulant les missions à effectuer au niveau de l'exploitation forestière, de l'exploitation piscicole liée aux étangs du domaine et au niveau du suivi comptable, administratif et financier, pour le compte de [S] [O], moyennant une facturation d'un montant de '7 480 euros hors taxes , par mois...' révisable à chaque échéance du contrat.

Attendu que [Y] [I] soutient que cette convention doit être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée entre lui-même et [S] [O].

Attendu qu'il convient de relever d'abord sur l'élément de rémunération que la somme de 7 480 euros a été qualifiée expressément comme telle ('rémunération actuelle') par [X] [X], présenté par [S] [O] comme un secrétaire agissant pour son compte, dans son courriel du 18 février 2011 adressé à [Y] [I] ; que cette somme a fait l'objet d'une facturation mensuelle ;

que les notes de frais pour les sommes exposées par [Y] [I] à l'occasion de ses interventions ont fait l'objet non pas de factures mais de remboursements de la part de [S] [O] (achats d'effets vestimentaires ; repas au restaurant) ;

que ces éléments établissent donc que la somme de 7 480 euros stipulée à la convention constituait une rémunération au profit de [Y] [I].

Attendu ensuite sur le travail fourni qu'il convient de relever que :

- les attestations de [P] [M] et de [E] [C], exploitants agricoles sur le domaine du GRAND ROMANS, établissent que [Y] [I] n'a jamais été vu sur le domaine de [S] [O] alors que le contrat incluait au titre des missions la définition d'un plan d'aménagement et de plantation du domaine ;

- le maire de la commune de Saint André Le Bouchoux atteste en outre qu'il n'a pas été amené à rencontrer [Y] [I] alors que ce dernier était susceptible d'effectuer des démarches à la mairie dans le cadre de la gestion du domaine qui comprenait une partie administrative ;

- une note manuscrite de [S] [O] établie après le malaise cardiaque de [Y] [I] porte la mention suivante :

'Vendredi 4 février

[A] Ph = reprendrait lundi (pas de nouvelle à mon niveau) ...je me propose de lui confier le rôle de majordome ou mieux...';

- une note manuscrite de [S] [O] porte la mention suivante :

' 7 mars 2011 Langautier

Faire le point sur :

Travaux de la salle de bains : retard anormal ...

La femme de ménage doit ce lundi mettre sur le corridor le produit pour le carrelage ancien...

Quid de la fin des travaux à l'étage...

Veiller à la propreté de la salle de séjour, de la cuisine mais aussi de l'entrée centrale et du bureau...

Mettre en place les tablettes...

Voir s'il est possible de remédier à l'installation téléphonique bureau 1er étage...

Concernant la nourriture me prévenir des besoins en temps utile ' ;

qu'il s'ensuit que les missions visées dans le contrat en cause concernant la gestion du domaine ont évolué durant l'exécution de la convention souscrite le 18 octobre 2010 vers des tâches uniquement matérielles confiées à [Y] [I] personnellement.

Attendu enfin sur le lien de subordination qu'il ressort des pièces du dossier que :

- la note du 4 février 2011 précitée précise que [Y] [I] exerce ses fonctions matérielles sous le contrôle de [Q], dont il est établi qu'il s'agit de [Q] [W] agissant pour le compte de [S] [O] ;

- la note du 7 mars 2011 précitée dresse la liste de diverses tâches qui incombaient à [Y] [I] au sein de la demeure de [S] [O] ;

- [Y] [I] a occupé un logement de fonction situé sur le domaine et disposait d'un véhicule appartenant au domaine de [S] [O] ;

- l'attestation de Mme [K], gérante d'un domaine forestier, indique qu'elle a passé la journée du 17 janvier 2011 en compagnie de [S] [O] et de [Y] [I] sur le domaine du GRAND ROMANS, qu'elle a constaté à cette occasion que [S] [O] employait [Y] [I] à des travaux d'élagage et de nettoyage dans les bois et que [S] [O] lui avait indiqué qu'il donnait des directives à [Y] [I] ;

- le trouble mental qu'invoque [S] [O] pour le première fois en cause d'appel pour soutenir que son discernement est insuffisant et qu'il se trouve dans l'incapacité de maintenir [Y] [I] dans un lien de subordination, ne se trouve étayé par aucun élément probant ; que l'examen psychiatrique de [S] [O] établi dans le cadre de poursuites devant le tribunal correctionnel pour des faits de rébellion et violences volontaires sur un gardien de la paix et qui a conclu à un syndrome pré-démentiel ayant altéré son discernement et le contrôle de ses actes, a été réalisé le 24 avril 2012, soit plus d'un an après l'exécution du contrat en cause ; qu'il en est de même de la synthèse du dossier médical de [S] [O] versé aux débats concluant à une pathologie cérébrale mixte (vasculaire et dégénérative) en date du 19 avril 2012.

qu'il résulte de ces éléments que dans l'accomplissement de ses tâches, [Y] [I] recevait des directives de la part de [S] [O], qu'il ne disposait d'aucune autonomie pour les accomplir et se trouvait à la disposition de [S] [O].

Attendu qu'il s'ensuit que tous les éléments caractérisant un contrat à durée indéterminée sont réunis et que doit être confirmé le jugement qui a dit que le contrat souscrit le 18 octobre 2010 doit être requalifié en contrat à durée indéterminée entre [S] [O] et [Y] [I], qui a retenu un salaire de référence d'un montant de 7 480 euros, qui a condamné [S] [O] à établir la déclaration unique d'embauche, et qui a condamné [S] [O] à délivrer les bulletins de salaires du 18 octobre 2011 au 8 mars 2011.

- sur l'exécution déloyale

Attendu que [Y] [I] soutient que l'employeur n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail aux motifs que [S] [O] a modifié unilatéralement sa rémunération et la nature de ses tâches en invoquant la santé défaillante ; que l'intimé soutient qu'il a été victime d'une discrimination de la part de [S] [O] en raison de son état de santé.

Mais attendu que la preuve d'une modification de la rémunération de [Y] [I] dans le cadre du contrat souscrit le 18 octobre 2015 n'est pas établie, les modifications invoquées concernant la rémunération dans le cadre d'un nouveau contrat d'une durée de trois mois proposé par courriel du 18 février 2011 complété le 20 février 2011 ; que [S] [O] n'a donc commis aucun manquement à son obligation de loyauté de ce chef.

Et attendu qu'il n'est pas contestable à la lecture des courriers et courriels échangés entre les parties que la nature des tâches confiées par [S] [O] a rapidement évolué pour consister en des interventions manuelles sur le domaine ; qu'en effet, [Y] [I] a été affecté notamment à des travaux d'aménagement de la demeure de [S] [O], travaux d'élagage et de coups de bois dans la forêt ;

que toutefois, le cour conçoit difficilement la thèse de [Y] [I] selon laquelle il a été amené à accomplir davantage de tâches matérielles du fait de sa santé défaillante alors qu'au contraire c'est nécessairement en considération d'une santé satisfaisante que les tâches de [Y] [I] ont été modifiées en ce sens ;

qu'il convient de constater en outre que jusqu'à la survenance de son malaise cardiaque le 2 février 2011, [Y] [I] n'a aucunement dénoncé la modification de ses tâches ; que s'agissant de la période postérieure, la cour croit comprendre que [Y] [I] a poursuivi une activité identique ; que la modification par l'employeur des tâches de [Y] [I] ne caractérise donc aucune exécution déloyale.

Attendu qu'il s'ensuit que la preuve d'une exécution déloyale du contrat de travail imputable à [S] [O] n'est pas rapportée, et que le jugement qui a débouté [Y] [I] de ce chef doit donc être confirmé.

- sur la rupture du contrat

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ;

qu'aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse ; que l'absence de motif dans la lettre de notification du licenciement prévue par l'article L 1232-6 du code du travail équivaut à une absence de cause réelle et sérieuse au licenciement.

Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L 1235-3 et L 1235-5 du code du travail que le salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise ou le salarié d'une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi ;

que le licenciement ne reposant pas sur une cause réelle et sérieuse ou le licenciement intervenu en violation des règles de procédure constituent chacun un licenciement abusif ouvrant droit à l'indemnité précitée.

Attendu qu'en l'espèce, à la suite d'un échange de courriels et de plusieurs entretiens, [X] [X] a adressé à [Y] [I] un courriel en date du 8 mars 2011 se présentant comme suit :

' le constat est que la collaboration avec [S] [O] n'est plus possible.

Par conséquent, nous devons trouver un terrain d'entente afin de résilier notre précédent contrat. Au regard de l'ambiance actuelle, il me semble préférable de ne pas effectuer le préavis de trois mois et de se séparer dès aujourd'hui...'.

Attendu qu'il s'ensuit sans ambiguïté que la rupture du contrat est intervenue à la seule initiative de [S] [O], la circonstance que [Y] [I] a notifié son départ le 9 mars, soit le lendemain, n'étant que la conséquence de la rupture imputable à l'employeur et ne correspondant aucunement à une démission; que la rupture s'analyse donc en un licenciement pour motif personnel en date du 8 mars 2011.

Attendu qu'il convient dès lors de condamner [S] [O] à remettre à [Y] [I] les documents de fin de contrat soit l'attestation POLE EMPLOI, le certificat de travail et le solde pour tout compte.

Attendu qu'en l'absence de moyens soulevés par [Y] [I] pour contester la validité de son licenciement, il convient d'en apprécier le bien-fondé et la régularité.

Attendu que force est de constater que le licenciement est intervenu alors que [Y] [I] n'a pas été convoqué à un entretien préalable et n'a pas été destinataire d'une lettre de licenciement énonçant les motifs de son licenciement, et que le licenciement se trouve dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la rupture était à l'initiative de l'employeur et s'analysait comme un licenciement, et qui a dit que cette rupture était abusive et dépourvue de cause réelle et sérieuse.

- sur les dommages et intérêts pour rupture abusive

Attendu que l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement a causé à [Y] [I] un préjudice qui a justement été évalué par les premiers juges à la somme de 20 000 euros compte tenu des conditions dans lesquelles est intervenue la rupture et en l'absence d'éléments permettant de reconstituer l'évolution de la situation professionnelle et des ressources de [Y] [I].

Attendu qu'en outre, le licenciement est intervenu en violation des règles de procédure ; que le licenciement de [Y] [I] est ainsi abusif à un second titre ; qu'il a donc droit à une seconde indemnité sur le fondement de l'article 1235-5 du code du travail précité ; que la violation des règles de procédure a causé à [Y] [I] un préjudice qui mérite d'être réparé à hauteur de 7 840 euros, somme qui correspond à un mois de salaire ; que [S] [O] sera donc condamné à payer à [Y] [I] la somme de 7 840 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

- sur les indemnités de rupture

Attendu qu'aucune des parties ne remet en cause les bases sur lesquelles le conseil de prud'hommes a liquidé les droits de [Y] [I] à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents ; que le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

- sur les rappels de salaires

Attendu que le contrat signé le 18 octobre 2011 stipule une rémunération de 7 480 euros bruts par mois ; que le jugement qui a retenu comme salaire de référence la somme de 7 480 euros doit être confirmé.

Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats par [Y] [I] et notamment l'attestation de l'expert-comptable de la société SFG que [S] [O] a réglé entre le 30 octobre 2010 et le 14 mars 2011 la somme totale de 26 220,43 euros toutes taxes comprises, soit 22 148,01 euros hors taxes

Attendu en outre qu'au vu des bulletins de salaire du 18 octobre 2010 au 8 mars 2011 établis par [S] [O] en vertu du jugement du conseil de prud'hommes exécutoire par provision de ce chef, [Y] [I] est bien-fondé à soutenir qu'il aurait dû percevoir la somme totale de 33 773.97 au titre de ses salaires bruts.

Attendu que [S] [O] se trouve donc redevable du solde soit la somme de 11 625.96 euros (33 773,97 - 22 148,01) au titre du rappel de salaires;

que la somme de 1 162 euros est également au titre des congés payés afférents, [Y] [I] ne justifiant pas que cette somme s'établirait à 4 063 euros ;

que le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.

- sur le travail dissimulé

Attendu qu'il résulte de l'article L.8221-1 du code du travail qu'est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'emploi salarié ; qu'aux termes des dispositions de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l'embauche et le fait de se soustraire intentionnellement à l'obligation de délivrer un bulletin de paie ;

qu'il résulte de l'article L 8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois.

Attendu qu'en l'espèce, il est indiscutable que [S] [O] n'a délivré aucune fiche de paie à [Y] [I] alors que celui-ci se trouvait embauché dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée depuis le 18 octobre 2011;

que toutefois, il convient de relever que ce sont les conditions d'exécution du contrat d'assistance du 18 octobre 2011 qui ont donné lieu à la qualification de contrat de travail ; que dès lors, toute intention de [S] [O] de dissimuler l'emploi de [Y] [I] doit être écartée ; que le travail dissimulé n'est donc pas établi ;

que le jugement qui a débouté [Y] [I] de ce chef doit donc être confirmé.

B. SUR LES DEMANDES AU TITRE DU CONTRAT À DURÉE DÉTERMINÉE

Attendu qu'il est constant qu'un projet de contrat à durée déterminée a été établi le 23 février 2011 aux termes duquel la société SCEA DU GRAND ROMANS engageait [Y] [I] en qualité d'employé administratif et rural moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 502.56 euros.

Attendu que [Y] [I] sollicite diverses sommes au titre de ce contrat en soutenant que son exécution résulte d'une fiche de paie établie à son nom par la société SCEA DU GRAND ROMANS pour la somme de 178.53 euros nets du 23 au 28 février 2011 en qualité d'employé.

Mais attendu qu'il convient de relever qu'aucun exemplaire du contrat à durée déterminée signé par les parties n'a été produit ; que le courriel du 25 février 2011 par lequel [Q] [W] a transmis pour le compte de [S] [O] le contrat à durée déterminée indiquait 'Je poste également ce contrat à [S] [O] pour que vous puissiez le signer avec lui dès lundi.'

Et attendu que [Y] [I] a indiqué dans un courriel du 5 mars 2011 destiné à [X] [X] pour le compte de [S] [O] que : '[Q] m'a envoyé par mail en PDF vendredi dernier un contrat de salarié : il ne correspond en rien à ce que nous étions convenus, ni sur le montant de la rémunération, ni sur le contenu de la mission.'

Et attendu qu'il n'est pas justifié que la somme de 178.53 euros visée dans la fiche de paie invoquée ait été effectivement perçue par [Y] [I] ; que la fiche de paie ne saurait à elle seule établir la réalité du contrat à durée déterminée invoqué.

Attendu qu'il s'ensuit que le contrat à durée déterminée était un projet et ne s'est jamais valablement formé faute de consentement des parties ; que le jugement qui a dit qu'il n'y avait pas de contrat à durée déterminée entre [Y] [I] et la société SCEA DU GRAND ROMANS doit dès lors être confirmé.

C. SUR LES DEMANDES À TITRE DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS

Attendu que l'amende civile prévue par l'article 32-1 du code de procédure civile en cas d'abus de procédure ne pouvant être mis en oeuvre que de la propre initiative du tribunal, [S] [O] et la société SCEA DU GRAND ROMANS seront déclarés irrecevables en leur demande de ce chef.

Attendu qu'en l'absence de preuve d'un abus imputable à [S] [O] et la société SCEA DU GRAND ROMANS d'une part, et à [Y] [I] d'autre part, dans la mise en oeuvre de la présente procédure, les demandes à titre de dommages et intérêts de ce chef seront rejetées.

D. SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Attendu que [S] [O] sera condamné aux dépens d'appel.

Attendu que l'équité commande de condamner [S] [O] à payer à [Y] [I] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE [S] [O] à payer à [Y] [I] la somme de 7 840 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt à titre d'indemnité pour licenciement abusif du fait de la violation des règles de procédure,

CONDAMNE [S] [O] à remettre à [Y] [I] les documents de fin de contrat soit l'attestation POLE EMPLOI, le certificat de travail et le solde pour tout compte,

DECLARE [S] [O] et la société SCEA DU GRAND ROMANS irrecevables en leur demande au titre de l'amende civile,

DEBOUTE les parties de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE [S] [O] à payer à [Y] [I] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés devant la cour,

CONDAMNE [S] [O] aux dépens d'appel.

Le Greffier,

Lindsey CHAUVY

Le Président,

Michel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 12/09088
Date de la décision : 12/11/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°12/09088 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-12;12.09088 ?
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