La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2015 | FRANCE | N°14/07938

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 09 novembre 2015, 14/07938


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/07938





société KDI (KLOCKNER DISTRIBUTION INDUSTRIELLE)



C/

[G]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 18 Septembre 2014

RG : F 13/04373











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2015













APPELANTE :



société KDI (KLOCKNER

DISTRIBUTION INDUSTRIELLE)

[Adresse 2]

[Localité 2]



représentée par Me Anne VINCENT-IBARRONDO de la SELARL VOLTAIRE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Nicolas LE ROSSIGNOL



Autre qualité : intimé dans 14/09170 (Fond)





INTIMÉE :



[I] [G]

née le [...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/07938

société KDI (KLOCKNER DISTRIBUTION INDUSTRIELLE)

C/

[G]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 18 Septembre 2014

RG : F 13/04373

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2015

APPELANTE :

société KDI (KLOCKNER DISTRIBUTION INDUSTRIELLE)

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Anne VINCENT-IBARRONDO de la SELARL VOLTAIRE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Nicolas LE ROSSIGNOL

Autre qualité : intimé dans 14/09170 (Fond)

INTIMÉE :

[I] [G]

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 13] (76)

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Jean-Bernard MICHEL de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Autre qualité : Appelant dans 14/09170 (Fond)

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 22 Septembre 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel BUSSIERE, Président

Agnès THAUNAT, Conseiller

Vincent NICOLAS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 09 Novembre 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel BUSSIERE, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

La SAS KDI est une société spécialisée dans la distribution de produits métallurgiques et de fournitures associés. Elle emploie environ 1500 salariés. Elle appartient au Groupe Klöckner qui emploie environ 10.000 salariés, dans plusieurs pays.

Mme [I] [G] a été embauchée par la société KDI à compter du 30 juillet 2007 suivant un contrat écrit à durée indéterminée en qualité de responsable crédit recouvrement relevant du statut cadre. Le lieu de travail était fixé à [Localité 8] (69) au [Établissement 1].

La convention collective applicable était celle des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Au dernier état de sa collaboration, sa rémunération mensuelle brute était de 3419,39€ .

En juillet 2012, la société KDI a annoncé la suppression de 434 postes et la création de 206 postes. Un plan de sauvegarde de l'emploi a été présenté au comité d'établissement et au comité central d'entreprise le 5 janvier 2013 . Ce plan prévoyait une première phase réservée au volontariat puis une seconde phase dans laquelle des licenciements pourraient être envisagés, mais ne seraient prononcés qu'à défaut de reclassement interne.

Mme [I] [G] a été placée en congé maternité du 21 novembre 2012 au 21 mai 2013.

La société KDI a adressé à Mme [I] [G] un courrier daté du 9 avril 2012, lui indiquant que l'application des critères d'ordre déterminés au plan de sauvegarde de l'emploi la désignait comme « licenciable » dans sa catégorie d'emploi et lui demandant de répondre dans le délai de 8 jours à compter de la réception dudit courrier aux trois offres qui lui était proposées, ledit courrier précisant en outre « par ailleurs, vous trouverez également ci-joint un questionnaire concernant votre volonté de reclassement interne hors de France ».

Le 22 mai 2013, la salariée a été placée en dispense d'activité dans l'attente de son reclassement.

Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 3 septembre 2013, la société KDI a notifié à Mme [I] [G] son licenciement pour motif économique dans les termes suivants :

«(...)  Face à la dégradation de sa situation financière, la société KDI a dû procéder à une réorganisation afin de restaurer son équilibre économique et sauvegarder la compétitivité du groupe auquel elle appartient.

En effet, le Groupe Klöckner a été très largement touché par la crise de 2008. Alors qu'il enregistrait 6,750 millions d'euros de vente en 2008, ces dernières ont chuté à 3,860 millions d'euros en 2009. De fait, le Groupe a enregistré sur l'exercice 2009 un résultat avant impôts en perte de 240 millions d'euros, soit un recul de 460 millions d'euros par rapport à l'année précédente.

Fin 2010, Le Groupe Klöckner est parvenu du fait d'acquisition de société et de la reprise des ventes en Europe à renouer avec un résultat positif (80 millions d'euros) sans pour autant retrouver son niveau de performance d'avant crise.

En 2011, le Groupe a procédé à l'acquisition de nouvelles sociétés. Ces deux acquisitions ont permis un développement des ventes (7 095 millions d'euros en 2011 vs 5 198 millions d'euros en 2010), mais le niveau de rentabilité du Groupe s'est dégradé dès le 2nd trimestre 2011. Le Groupe a donc lancé parallèlement au projet Klöckner 2020 un plan de restructuration touchant principalement les pays européens où la crise était la plus marquée. Ce plan incluait une diminution des effectifs de l'ordre de 6%, notamment au travers d'une restructuration de l'Espagne et d'un désengagement des pays de l'Est.

Le résultat avant impôt du Groupe au terme de l'année 2011 a cependant marqué un recul de plus de 87% par rapport à l'année précédente (10 millions d'euros contre 80 en 2010).

De fait, l'EBITDA du Groupe a reculé de 40% en cumul à tin juin 2012 par rapport à la même période 2011, ce qui-a conduit à constater un résultat net en perte de 48 millions d'euros à la fin du premier semestre 2012 contre un bénéfice de 50 millions d'euros l'an dernier sur la même période.

Par ailleurs, le marché de la distribution des produits métallurgiques a connu une succession de crises depuis 2008, générant une baisse importante des volumes, notamment dans les produits longs et dans le secteur du bâtiment (60% environ des ventes de KDI).

Le premier choc lié à la crise financière des « subprimes » de septembre 2008 (avec la chute de la banque Lehmann Brother) a connu son paroxysme sur l'exercice 2009. Au terme de cet exercice KDI a enregistré une perte de 25 millions d'euros (hors exceptionnel) et ce malgré un plan d'économies drastiques incluant une période de chômage partiel.

Depuis septembre 2011, une nouvelle crise touche le secteur de la distribution des produits métallurgiques, en France et en Europe, impactant de façon négative les ventes de KDI. Cette crise dite « des dettes souveraines » s'est d'abord manifestée au second semestre 2011 par un ralentissement de l'activité de notre marché de -4%. Au second trimestre 2012 cette crise s'est encore accrue, touchant l'ensemble des intervenants du secteur.

De son côté le marché français de référence (base FFDM) n'a pas été épargné par la crise ce qui a eu une incidence sur les résultats de KDI.

Ainsi KM a enregistré sur l'année 2011 une perte de l'ordre de 15 millions d'euros (Résultat Comptable Avant Impôt - RCAI). Au total de l'année, KDI régresse de -2% par rapport au marché FFDM lui a progressé ultimement de +2%.

Du fait de la crise du marché qui touche ce dernier, KDI connaît une aggravation de ses pertes. En effet, à fin juillet, le marché est en baisse de -7% par rapport à la même période de 2011, KDI étant en retrait de - 3%. La récession touche l'ensemble des grandes régions et les spécialistes.

Au cumul à fin août 2012, KDI affiche une perte (RCAI) de -15,7 millions d'euros contre un profit l'an dernier à la même période de +1,8 millions d'euros.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que l'endettement de la société augmente, principalement du fait de l'augmentation des prix de l'acier depuis 2009, et sous l'effet des pertes comptables enregistrées depuis 12 mois.

A fin 2012 les résultats de KDI, sont de - 40 millions d'euros et ceux du groupe KIlickner de - 80 millions d'euros.

Dans ce contexte économique particulièrement difficile KDI a été contrainte de se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité et celle du Groupe auquel l'entreprise appartient.

KDI a donc dû repenser son organisation pour diminuer ses coûts de structure et réduire ses capacités afin de s'adapter à son marché.

KDI a donc présenté aux représentants du personnel un projet de réorganisation articulé autour de trois axes : la réduction des coûts de fonctionnement de l'entreprise pour retrouver une situation non déficitaire, et assurer la pérennité de l'entreprise, le maintien du modèle économique de KDI, dont la vocation est d'être un réseau de distribution alliant volume et proximité, et la poursuite du projet d'entreprise 4D initié en 2010.

Cette réorganisation a conduit l'entreprise à élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi emportant la suppression de 434 postes.

Lors de la réunion du 25 janvier 2013, le comité central d'entreprise a exprimé son avis sur ce projet de réorganisation et sur le projet de plan de sauvegarde de l'emploi en découlant.

Les deux périodes successives dédiées à l'identification des salariés candidat à un départ volontaire, du 4 au 22 février 2013 et dit 4 au 22 mars 2013, ne nous a malheureusement pas permis d'atteindre l'organisation cible prévue par le projet Compétitivité 2013.

Nous sommes donc contraints de procéder à des suppressions de postes.

Aussi, dans le cadre de cette réorganisation et pour les motifs économiques évoqués ci-dessus, nous vous informons de la suppression de votre poste de Responsable Crédit recouvrement. En effet, vous avez été désignée comme licenciable par l'application des critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements au sein de la catégorie professionnelle à laquelle vous appartenez.

Pour éviter de devoir procéder à votre licenciement, nous avons recherché les postes au sein de l'entreprise et du groupe pouvant être compatibles avec vos qualifications, et c'est à ce titre que nous vous avons proposé des postes par courrier en date du 09 avril 2013. En date du 26 juin 2013, nous vous avons également proposé de nouveaux postes.

Par notre courrier du 1er août 2013, nous vous avons envoyé de nouvelles propositions de postes, ce courrier nous étant revenu avec la mention « pli avisé non réclamé » nous avons réitéré cet envoi en date du 23 août 2013 par courrier simple et recommandé par lequel les propositions de postes étaient les suivantes :

Poste n°1 : Assistant commercial pour spécialistes H/F

Poste n°2 : Assistant de Direction H/F

Poste n°3 : Commercial itinérant H/F

Poste n°4 : Commercial sédentaire grands clients H/F

Poste n°5 : Commercial sédentaire pour spécialiste (CM) H/F

Poste n°6 : Commercial sédentaire H/F

Poste n°7 : Préparateur/magasinier H/F

Poste n°8 : Assistant commercial

Compte tenu de l'absence de réponse de votre part valant refus, nous n'avons d'autre choix que de devoir procéder, par la présente, à la notification de votre licenciement pour motif économique.

Vous pouvez bénéficier du congé de reclassement, dont la durée, conformément au plan de sauvegarde de l'emploi, est de 9 mois, incluant votre préavis conventionnel de 3 mois.

Vous disposez d'un délai de 8 jours à compter de la date de présentation de cette lettre pour accepter le bénéfice de ce dispositif, en renvoyant, d ûment signé, à la Direction des Ressources Humaines, revêtu de votre signature.

En l'absence de réponse dans le délai imparti, vous serez considéré comme ayant refusé d'adhérer au congé de reclassement.

Durant le congé de reclassement, vous serez totalement dispensé d'activité et pourrez vous consacrer, avec l'aide de l'Antenne Emploi mis à votre disposition par nos soins pour vous assister dans votre repositionnement professionnel. Pendant la durée du congé de reclassement excédant celle du préavis, vous percevrez 65 % de votre rémunération brute moyenne des 12 derniers mois.

En cas d'adhésion au congé de reclassement, une « Convention de congé de reclassement» sera soumise à la signature du salarié. Ce document fixera les modalités définitives de votre congé de reclassement.

En cas de refus du congé de reclassement ou en l'absence de réponse dans le délai imparti, la première présentation de la présente lettre fixera le début de votre préavis conventionnel, dont la durée est de 3 mois, que nous vous dispenserons d'effectuer. (') »

Mme [I] [G] a accepté le congé de reclassement.

Le 20 septembre 2013, elle a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 8].

LA COUR,

statuant sur l'appel interjeté le 7 octobre 2014 par la société KDI et sur l'appel incident interjeté le 20 novembre 2014 par Mme [I] [G] à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de [Localité 8], section encadrement le 18 septembre 2014, qui a :

-dit et jugé que le licenciement de Mme [I] [G] par la société KDI n'est pas frappé de nullité en raison d'une protection lors du congé maternité,

-dit et jugé que le licenciement de Mme [I] [G] par la société KDI pour motif économique ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

-condamné la société KDI à payer à Mme [I] [G] les sommes suivantes :

* 3 162,01€ au titre de rappel de salaires au titre du bonus contractuel pour 2013,

* 316,20€ au titre d'indemnité de congés payés correspondante

outre intér êt légaux à compter de la réception par la défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation soit le 23 septembre 2013,

*40.000€ au titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

* 1 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

outre les intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement,

-ordonné d'office à la société KDI de remettre à Mme [I] [G] les bulletins de salaire et l'attestation pour Pôle emploi corrigés en fonction du présent jugement, dans le délai de 15jours après la notification du jugement,

-ordonné le remboursement à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à Mme [I] [G] du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent jugement dans la limite de 6 mois d'indemnités perçues,

-fixé a moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaires de Mme [I] [G] à la somme de 3.990€,

-ordonné l'exécution provisoire pour la moitié des dommages-intérêts soit 20.000€,

-débouté les parties pour leurs demandes plus amples et contraires,

-condamné la société KDI aux entiers dépens de l'instance y compris le timbre fiscal et les éventuels frais d'exécution forcée de la présente décision.

Les procédures enregistrées sous les numéros RG 14/07938 et RG14/09170 ont été jointes par ordonnance du 26 janvier 2015 .

Vu les conclusions développées oralement à l'audience du 22 septembre 2015 par la société KDI qui demande principalement à la cour de :

-Dire et juger la société KDI bien fondée en son appel,

-Constater que :

*la lettre de licenciement notifiée à Mme [G] était suffisamment motivée,

*le motif économique invoqué par la Société était réel,

*la Société n'a pas manqué à son obligation de reclassement,

*la Société a parfaitement appliqué les critères d'ordre au licenciement,

*aucun rappel de salaire n'était dû à Madame [G],

*Mme [G] n'a pas respecté les conditions de versement de la prime de création d'entreprise.

-D'infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de [Localité 8] le 18 septembre 2014, sauf en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande de nullité du licenciement,

- Dire et juger que le licenciement de Mme [G] est fondé et justifié.

En conséquence, de :

-Débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-Condamner Mme [G] à verser à la société KDI, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

-La condamner également aux dépens.

Vu les conclusions développées oralement à l'audience du 22 septembre 2015 par Mme [I] [G] qui demande principalement à la cour de :

A titre principal :

-Dire et juger que le licenciement de Mme [G] est nul,

-Réformer en conséquence le jugement

A titre subsidiaire :

-Dire et juger que le licenciement de Mme [G] est dénué de cause réelle et sérieuse,

A titre infiniment subsidiaire :

-Dire et juger que la société n'a pas correctement appliqué les critères d'ordre, au détriment de Mme [G],

-Condamner à ce titre la société à lui verser la somme de 65.000€ nets de toutes charges à titre de dommages-intérêts,

AU TITRE DE L'EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL :

-Condamner la société à verser à Mme [G] la somme de 10.000€ au titre de la prime prévue dans le cadre du Plan de Sauvegarde de l'Emploi,

-Condamner la société à verser à Mme [G] la somme de 10.000€ à titre de dommages-intérêts pour non versement de cette prime,

-Condamner la société à verser à Mme [G] la somme de 4.531,50€ à titre de rappel de salaire, outre 453,15 à titre de congés payés y afférents,

Sur la nullité du licenciement

L'article L1225-4 du code du travail dispose que : « aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes. Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnée au premier alinéa. »

Mme [I] [G] soutient que son licenciement est nul au double motif qu'elle bénéficiait de la protection accordée au retour de maternité et que son contrat était toujours suspendu au moment de son licenciement à défaut de visite de reprise.

En l'espèce, la cour rappelle qu'il est constant que la visite de reprise à l'issue du congé maternité prévue par l'article R4624-22 du code du travail n'a pas pour effet de prolonger la durée de la période de protection résultant de l'article L1224-5 dudit code. Par ailleurs, si le délai de protection est prolongé de la durée des congés payés pris par la salariée à l'issue de son congé de maternité, aucune disposition légale ne donne un tel effet à la dispense d'activité dans le cadre d'une recherche de poste de reclassement, pour une salariée dont le poste a été supprimé pour des motifs économique pendant son congé maternité.

En conséquence, il n'y a pas lieu de constater la nullité du licenciement de Mme [I] [G] pour non respect de l'article L1225-4 du code du travail.

Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement

L. 1233-4 du Code du travail, énonce que « le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque que tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ».

Il appartient à l'employeur, même quand un plan de sauvegarde de l'emploi a été établi, de rechercher effectivement s'il existe des possibilités de reclassement prévues ou non dans le plan de sauvegarde de l'emploi, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé, des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification des contrats de travail, en assurant au besoin l'adaptation de ces salariés à l'évolution de leur emploi.

En raison de l'application combinée des articles L1225-4 et L1233-4 du code du travail, l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur, dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, prend naissance dès que le licenciement d'un salarié en raison de l'application des critères d'ordre est envisagé.

En l'espèce, le plan de sauvegarde pour l'emploi prévoyait une phase de départ volontaire entre le 4 février 2013 et le 25 mars 2013, puis à compter du 2 avril 2013 jusqu'au 29 avril 2013 une période de reclassement interne, et à compter du 29 avril 2013 le début de la notification des licenciements accompagnés d'une période de reclassement externe jusqu'en janvier 2014 .

Par courrier daté du 9 avril 2013, que la salariée indique avoir reçu le 17 avril 2013, la société KDI lui a indiqué que l'application des critères d'ordre déterminés au plan de sauvegarde de l'emploi la désignait comme « licenciable » dans sa catégorie d'emploi et lui a demandé de répondre dans le délai de 8 jours à compter de la réception dudit courrier aux trois offres qui lui était proposées, ledit courrier précisant en outre « par ailleurs, vous trouverez également ci-joint un questionnaire concernant votre volonté de reclassement interne hors de France » et lui demandant de retourner un questionnaire dans le même délai de huit jours après l'avoir renseigné. Deux fiches étaient annexées à l'envoi : l'une concernait deux postes de « responsable commercial grands clients » localisés à [Localité 4] et [Localité 14] en contrat à durée indéterminée et l'autre un poste de « gestionnaire de recouvrement » en contrat à durée indéterminée basé à [Localité 8]. Aucune précision n'était donnée quant à la rémunération de ces postes.

Par courrier daté du 24 avril 2013, Mme [I] [G] a répondu qu'elle souhaitait « étudier toutes les possibilités de reclassement » et a retourné le bulletin réponse pour un reclassement à l'étranger par lequel elle acceptait d'occuper un poste en Allemagne ([Localité 6] et [Localité 11]), Royaume Uni ([Localité 7]), Suisse ([Localité 5] et [Localité 3]), Espagne ([Localité 9]) et Etats Unis ([Localité 12]).

Selon la fiche de renseignement individuelle établie au nom de la salariée à son entrée dans l'entreprise le 30 juillet 2007, celle-ci ancienne élève de l'école supérieure de commerce de [Localité 10] était titulaire d'un Deug de Communication et d'un Deug d'anglais et indiquait parler, lire et écrire la langue anglaise.

A l'issue de son congé maternité, Mme [I] [G] indique s'être présentée dans l'entreprise et avoir alors été informée de la suppression de son poste depuis le 1er avril 2013 et de sa dispense de travail . Par courrier du 23 mai 2013, la société KDI confirmait à la salariée sa mise en dispense d'activité professionnelle à compter du 22 mai 2013 et ce jusqu'à son reclassement ou la notification de la décision qui serait prise par la direction, indiquait prendre bonne note de son refus des postes proposés par courrier du 9 avril 2013, de son accord pour recevoir des postes à l'étranger et lui indiquait qu'elle lui adresserait prochainement la liste des postes disponibles à l'étranger au sein du groupe. Par courriel du 10 juin 2013 , le directeur des ressources humaines de la société KDI précisait qu'il était toujours en attente des postes à pourvoir à l'international. Par courrier du 26 juin 2013, la société KDI adressait à Mme [I] [G] des propositions de reclassement sous la forme de 7 fiches de poste en France et 2 fiches de postes en Suisse et précisait que malheureusement, elle ne disposait actuellement d'aucun poste disponible au sein du groupe correspondant à ses aptitudes professionnelles, en particulier compte tenu de sa connaissance restreinte de la langue allemande. Seules les offres correspondant aux postes en Suisse précisaient la rémunération offerte.

La cour relève que c'est à juste titre que la salariée souligne que les offres qui lui ont été faites ne mentionnaient pas les rémunérations correspondantes, alors même qu'il s'agit d'un élément déterminant dans le choix d'un poste pour le salarié et que l'employeur doit faire au salarié des offres précises selon l'article L1234-4 du code du travail . C'est en vain que l'employeur soutient que s'agissant de postes de cadres qu'il ne lui serait pas possible de préciser la rémunération correspondante, celle-ci dépendant de nombreuses données (ancienneté, expérience diplômes ') ainsi que d'une négociation entre les parties. Ainsi qu'il le reconnaît lui même dans ses écritures en cause d'appel, il lui aurait été possible de mentionner au moins les minima conventionnels, ce qu'il s'est également abstenu de faire.

Dans ces conditions, les propositions de reclassement qui ont été faites à la salariée n'étaient pas suffisamment précises et l'employeur a manqué à son obligation loyale de reclassement.

En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail de Mme [I] [G] était dénuée de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire d'étudier le bien fondé du motif économique allégué.

Sur le rappel de bonus

L'article 3 « rémunération » du contrat de travail à durée indéterminée de Mme [I] [G] , stipule que cette rémunération est fixée à un montant mensuel brut de 3000€, auquel s'ajoutera un treizième mois et que la salariée « bénéficiera par ailleurs d'un bonus annuel équivalent à un mois de salaire lié à sa performance. »

Mme [I] [G] sollicite un rappel de bonus pour l'année 2013 dont elle évalue le montant à la somme de 3420€ ; ce à quoi s'oppose l'employeur.

Il résulte du bulletin de salaire établi pour le mois de février 2013, que la salariée a perçu une prime de 2.564,54€ sous l'intitulé « PR résultat annuel », qui correspond au bonus annuel de l'année 2012. En ce qui concerne l'année 2013, la salariée était en congé maternité jusqu'au 21 mai 2013, puis son poste ayant été supprimé pendant son congé maternité, elle a été placée en dispense d'activité dans l'attente de son reclassement avant d'être licenciée .

Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'employeur soutient qu'aucune somme ne lui est due au titre de l'année 2013, liée à une performance individuelle, puisqu'elle n'a effectué aucun travail salarié pendant cette période et il convient d'infirmer sur ce point le jugement entrepris.

Mme [I] [G] ne peut davantage réclamer un rappel au titre des sommes perçues au titre de son congé de reclassement. En effet, elle a reçu une allocation mensuelle de congé de reclassement de 2700,84€ correspondant à 65 % de sa rémunération brute moyenne annuelle des douze derniers mois, ainsi que le prévoyait le plan de sauvegarde de l'emploi. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de cette demande en paiement.

Sur les conséquences de la rupture

Agée de 35 ans, et mère de quatre enfants, Mme [I] [G] avait une ancienneté de plus de deux ans dans une entreprise de plus de onze salariés, lors de la rupture du contrat de travail. Elle indique et justifie avoir tout d'abord envisagé de créer une agence immobilière, puis avoir créée une activité dans le domaine de la formation, avoir repris une activité salariée d'enseignement à temps partiel en contrat à durée déterminée et avoir été indemnisée ainsi que l'établit un relevé Pôle Emploi du 1er avril 2015, pendant 79 jours pour la période écoulée entre le 1er novembre 2014 et le 31 janvier 2015. En application de l'article L1235-3 du code du travail, l'indemnité à laquelle elle peut prétendre ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Dans ces conditions, et compte tenu des éléments sus visés, la cour est en mesure d'évaluer le préjudice subi par Mme [I] [G] à la somme de 26.000€.

Selon l'article L 1235-4 du code du travail dans les cas prévus aux articles L 1235-3 et L 1235-11 du même code, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné à la société KDI le remboursement à Pôle Emploi des indemnités chômages versées à Mme [I] [G] à compter de son licenciement jusqu'au jour du prononcé du jugement dans la limite de six mois d'indemnité chômage.

Sur la prime pour création d'entreprise

Mme [I] [G] sollicite le versement de la prime de 10.000€ prévue au plan de sauvegarde de l'emploi, au motif qu'elle a effectivement créée une entreprise. La société KDI s'y oppose aux motifs que la salariée ne remplirait pas les conditions d'octroi de cette prime.

Il résulte du plan de sauvegarde de l'emploi (pièce 28 de la salariée) page 79/113, que les « salariés créateurs/repreneurs d'entreprise bénéficieront des dispositions suivantes, sous réserve que ce projet soit présenté dans les trois mois suivant leur notification individuelle de licenciement et qu'il constitue leur solution d'emploi :

-un accompagnement individualisé tout au lors de l'élaboration du projet (')

-versement d'une prime à la création/reprise d'entreprise de 10.000€ bruts

-financement d'une action de formation nécessaire à la mise en 'uvre du projet dans la limite de 3000€ sur présentation de la facture,

-subvention à l'emploi (')

Ces aides seront versées sous réserve que le salarié soit mandataire social de la future entreprise et majoritaire ou égalitaire dans le capital de celle-ci (le régime d'auto entrepreneur n'est pas éligible). Le salarié devra également fournir à la direction des ressources humaines de KDI dans le délai de 12 mois suivant la rupture de son contrat de travail tout document démontrant la création/reprise de l'entreprise : demande d'immatriculation inscription au registre du commerce ou des métiers, extrait Kbis, contrat de franchise, contrat de bail, contrat de reprise, compromis de vente »

En l'espèce, pour établir sa création d'entreprise Mme [I] [G] verse aux débats en pièce 31 un certificat d'inscription au répertoire des entreprises et des établissements (SIRENE) en date du 21 juillet 2014, d'où il ressort qu'elle est immatriculée en son nom propre pour une activité de formation continue des adultes. La cour relève que cette création n'a pas été présentée dans les trois mois de la notification de son licenciement et que de surcroît, la salariée ne justifie pas avoir adressé à la société KDI dans le délai de douze mois suivant la rupture de son contrat de travail, les documents démontrant la création de son entreprise. En conséquence, c'est de manière justifiée que la société KDI s'oppose au versement de cette somme , la salariée ne remplissant pas les conditions d'attribution de celle-ci. La salariée doit en outre être déboutée de la demande présentée à titre subsidiaire en paiement de dommages-intérêts pour avoir été privée du paiement de cette prime. En effet, elle ne démontre ni que le refus de paiement de cette prime est abusif, ni qu'elle aurait subi comme elle l'affirme un préjudice lié au fait qu'elle avait intégré le versement de cette prime à son budget prévisionnel, puisqu'elle ne communique pas ce dernier document.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne :

- la condamnation de la société KDI à payer à Mme [I] [G] un rappel de salaires au titre du bonus 2013 outre les congés payés afférents

- le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

statuant à nouveau sur ces points,

DEBOUTE Mme [I] [G] de sa demande en paiement d'un bonus pour l'année 2013, outre les congés payés afférents ;

CONDAMNE la société KDI à payer à Mme [I] [G] la somme de 26.000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

y ajoutant,

DEBOUTE Mme [I] [G] de ses demandes en paiement de la prime de 10.000€ pour création d'entreprise et en dommages-intérêts pour non versement de cette prime ;

CONDAMNE la société KDI à verser à Mme [I] [G] une somme de 1500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société KDI aux entiers dépens.

Le greffierLe président

Sophie MascrierMichel Bussière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 14/07938
Date de la décision : 09/11/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°14/07938 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-09;14.07938 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award