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30/10/2015 | FRANCE | N°14/03770

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 30 octobre 2015, 14/03770


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/03770





[Localité 3]



C/

[T]

ASSOCIATON COMITE GESTION LOCAUX RESIDENTS DITE COGELORE







SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION D'UNE DECISION :



du CPH de LYON

du 17 juin 2011

RG F 10/01015



de la Cour d'Appel de LYON

section B

du 14 décembre 2012

RG 11/04663



de la Cour de Cassation

du 09 Avril 2014

Pourvoi : [Localité 6] 1312079











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2015













APPELANTE :



[Localité 3]

[Adresse 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]



représentée par Me Stéphanie ATTIA-COLOMBIN, avocat au barreau de LYON






...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/03770

[Localité 3]

C/

[T]

ASSOCIATON COMITE GESTION LOCAUX RESIDENTS DITE COGELORE

SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION D'UNE DECISION :

du CPH de LYON

du 17 juin 2011

RG F 10/01015

de la Cour d'Appel de LYON

section B

du 14 décembre 2012

RG 11/04663

de la Cour de Cassation

du 09 Avril 2014

Pourvoi : [Localité 6] 1312079

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2015

APPELANTE :

[Localité 3]

[Adresse 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Stéphanie ATTIA-COLOMBIN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

[G] [T]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 5] (Tunisie)

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Karine THIEBAULT de la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

ASSOCIATON COGELORE

[Adresse 1]

[Localité 1]

non comparante

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Septembre 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Louis BERNAUD, Président

Isabelle BORDENAVE, Conseiller

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : DEFAUT

Prononcé publiquement le 30 Octobre 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Louis BERNAUD, Président, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Créée en 1971, l'association COGELORE ( comité de gestion des locaux collectifs résidentiels ) avait pour objet la gestion, la coordination et l'animation de locaux résidentiels de la ville de [Localité 3].

En 1998, l'association a conclu une convention avec la municipalité de [Localité 3], qui prévoyait un financement de ses activités par subventions de la ville.

Par contrat de travail écrit à durée indéterminée, daté du 1er juillet 2000, l'association COGELORE à embauché madame [G] [T] en qualité de secrétaire, le contrat relevant de la convention collective nationale de l'animation socioculturelle.

Par avenant du 1er mars 2007, madame [T] devenait coordinatrice de projet.

Par lettre du 10 septembre 2008, la ville de [Localité 3] dénonçait la convention de 1998, en raison du dysfonctionnements de l'association, le conseil municipal prenant une délibération en ce sens le 25 septembre 2008.

La ville cessait alors de subventionner l'association le 1er avril 2009.

L'association COGELORE convoquait madame [T] à un entretien préalable au licenciement pour motif économique puis, par lettre recommandée avec avis de réception du 29 juillet 2009, licenciait la salariée pour motif économique, visant la cessation d'activité et le refus de reprise du contrat de travail par la ville de [Localité 3], de même que l'impossibilité de reclassement.

Cette dernière saisissait le conseil de prud'hommes de [Localité 4], aux fins de voir constater le transfert de son contrat de travail de l'association à la ville de [Localité 3] réclamant diverses indemnités et dommages et intérêts.

Par jugement du 17 juin 2011, le conseil de prud'hommes de [Localité 4] disait que le contrat de travail avait été transféré à la ville de [Localité 3] le 1er avril 2009, déclarait nul le licenciement prononcé postérieurement par l'association COGELORE, prononçait la résiliation du contrat aux torts de la ville de [Localité 3], et condamnait celle-ci à régler à la salariée des rappels de salaires pour 49 005, 46 euros, outre congés payés afférents, un rappel sur indemnité de licenciement pour 1308, 36 euros, des dommages intérêts pou licenciement sans cause réelle et sérieuse pour 25000 euros, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour 1200 euros.

Le conseil de prud'hommes ordonnait par ailleurs le remboursement aux organismes sociaux des indemnités de chômage payées à madame [T] dans la limite de 6 mois.

La ville de [Localité 3] a interjeté appel de ce jugement le 29 juin 2011.

Par arrêt du 14 décembre 2012, la cour d'appel de Lyon, chambre sociale B, a infirmé le jugement déféré et, statuant à nouveau, dit que le contrat de travail de madame [T] n'a pas été transféré à la ville de [Localité 3], dit que le licenciement prononcé par l'association COGELORE le 29 juillet 2009 n'est pas nul, déclaré irrecevable les demandes formulées par madame [T] contre la ville de [Localité 3], dit n'y avoir lieu à ordonner à la ville de [Localité 3] le remboursement des indemnités de chômage payées par Pôle Emploi.

Ajoutant au jugement, il a été dit que la décision serait opposable à l'association COGELORE, les demandes d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ont été rejetées, et madame [T] a été condamnée aux dépens de première instance d'appel.

Cette dernière a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision.

Par arrêt du 9 avril 2014, la chambre sociale de la Cour de Cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 14 décembre 2012 par la cour d'appel de Lyon, a remis en conséquence les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et les a renvoyées devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.

La commune de [Localité 3] a été condamnée aux dépens et à verser à madame [T] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, étant elle-même déboutée de la demande présentée à ce titre.

Le 12 mai 2014, la commune de [Localité 3] a adressé au greffe une lettre recommandée avec avis de réception pour interjeter appel du jugement rendu le 17 juin 2011 par le conseil des prud'hommes de [Localité 4], visant les dispositions des articles 1032 et suivants du code de procédure civile.

Par conclusions reçues au greffe le 21 octobre 2014, maintenues et soutenues à l'audience, la commune de [Localité 3] sollicite la réformation du jugement, le rejet de l'ensemble des demandes de madame [T], et la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens.

La commune rappelle que l'association COGELORE a pour activité principale la gestion des locaux collectifs résidentiels, la coordination des locaux collectifs résidentiels, la coordination de leurs utilisations par les usagers, le développement à l'appui résidentiel et rappelle que, le 10 décembre 1998, une convention a été conclue entre elle-même et cette association, aux termes de laquelle la commune a accepté de verser des subventions au titre des activités pouvant être considérées comme d'intérêt général, à savoir l'accueil de réunions d'usagers, famille et association, le développement d'initiatives et d'animation sociale de proximité et l'animation des locaux.

Elle précise qu'en parallèle, l'association a conclu avec des bailleurs sociaux distincts de la commune des conventions de location de locaux collectifs résidentiels, précisant que ces conventions étaient exclusivement conclues entre les bailleurs sociaux et l'association.

La commune de [Localité 3] rappelle qu'après avoir découvert de graves manquements dans le cadre du fonctionnement de cette association elle a, par lettre du 10 septembre 2008, dénoncé la convention de subvention précisant que les bailleurs sociaux ont ensuite résilié les conventions de mise à disposition à titre gratuit des locaux collectifs résidentiels.

Elle précise que l'association employait à l'époque six salariés, que sensible au caractère d'intérêt général des activités gérées par cette association elle a tenté de participer au reclassement professionnel de ceux ci, dans la mesure de ses possibilités mais n'a pu, au regard de la qualification et de l'emploi de secrétaire exercés par madame [T], lui proposer quelconque emploi, et expose que c'est dans ce contexte que l'association a proposé à la salariée une convention de reclassement personnalisée, son contrat étant rompu d'un commun accord pour motif économique.

Elle indique que c'est dans ce contexte que la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 4], lequel l'a condamnée à verser à la salariée, après prononcé de la nullité du licenciement, et après prononcé de la résiliation du contrat de travail aux torts de la commune, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un rappel de salaire et un solde d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Elle rappelle que cette décision a été infirmée par arrêt de la cour de Lyon du 14 décembre 2012, que deux autres salariés avaient également saisis la cour d'appel laquelle a rendu un arrêt à leur encontre à ce jour définitif, arrêt par lequel la cour retenait l'existence d'un transfert volontaire de leur contrat de travail, mais en aucune façon d'un transfert par l'application des dispositions de l'article L 1224-3 du code du travail.

La commune soutient que doit être considéré comme transfert, au sens de l'article L 1224-1 du code du travail la poursuite du contrat avec le cessionnaire avec pour condition celle d'une entité économique autonome, maintenant son identité.

Elle soutient en l'espèce que l'association COGELORE et la ville étaient liées par une simple convention, prévoyant un financement de ses activités par subventions et non par une délégation de service public, et que la convention de subvention ne peut être qualifiée de délégation de service public, puisque la commune ne faisait que financer une activité déjà en place, simple convention de subvention devant être conclue par une stricte application de la loi numéro 2000- 321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, alors que cette subvention était d'un montant supérieur à 23'000 euros.

Elle rappelle que l'association avait pour objectif de gérer des locaux résidentiels et de développer, à l'appui des locaux résidentiels, toute action visant à favoriser le développement de la vie sociale dans la commune, et indique que les locaux mis à disposition appartenaient exclusivement aux bailleurs sociaux, et étaient gérés exclusivement par l'association, précisant qu'à ce jour cette gestion est assurée par l'association des centres sociaux.

La commune de [Localité 3] soutient en conséquence que, contrairement à ce qu'a retenu le jugement, les locaux ne lui appartenaient pas et indique n'avoir jamais repris cette activité ; elle précise qu'elle était tenue d'établir une convention au titre des subventions versées alors que le montant dépassait le plafond de 23 000 euros, et conteste que puisse être retenu un transfert d'activités, au seul motif qu'elle aurait cessé le versement de ces subventions.

Elle rappelle que l'association exerçait des missions de médiation et d'animation de quartier, qu'elle-même exerce de telles missions d'animation sociale, mais que cette seule circonstance ne saurait impliquer qu'il y a eu transfert des activités qui étaient gérées par l'association, une telle analyse pouvant amener à considérer que le contrat de travail de l'intimé serait susceptible d'être potentiellement transférable auprès des 22 autres associations basées sur la commune.

La commune de [Localité 3] soutient que la poursuite d'une activité identique ne suffit pas à caractériser le transfert d'une entité économique autonome, et que si par extraordinaire la cour devait considérer qu'il y eut transfert d'une activité identique encore faudrait-il que soit caractérisé un transfert un ensemble organisé.

Elle précise que les moyens corporels rattachés aux activités gérées par l'association COGELORE étaient non seulement son local, mais également ses moyens de fonctionnement, et surtout les locaux loués par les bailleurs sociaux, et indique qu'aucun de ces éléments n'a été repris par elle, de sorte que ne peut être soutenu l'existence d'un transfert d'une entité économique et que les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail n'avaient pas à s'appliquer.

Elle considère en conséquence qu'elle n'avait aucune obligation légale de procéder à une reprise des contrats de travail des salariés de l'association, précise que c'est seulement animée par des considérations à caractère social qu'elle a tenté de proposer un poste à certains salariés, en tenant compte des emplois disponibles et de leurs qualifications, et qu'à aucun moment elle n'a manifesté son intention d'embaucher madame [T] après son départ de l'association.

À titre subsidiaire, elle demande qu'il soit dit que la nullité ne pourrait être prononcée que sur la base d'un licenciement, et indique que la cour ne pourrait prononcer la résiliation judiciaire qu'avec effet soit au 1er juillet 2009, date à laquelle madame [T] sollicite un rappel de salaires, soit au 4 août 2009, date de la rupture d'un commun accord pour motif économique.

Concernant la demande de rappel de salaire, elle sollicite qu'il soit constaté que madame [T] ne procède à aucune déduction des sommes versées par l'assurance-chômage et sollicite le rejet de ses demandes ; concernant la demande de dommages et intérêts elle fait observer que celle-ci réclame l'équivalent de 15 mois de salaire, sans justifier d'un quantum, très au-delà du minimum prévu par les textes.

Par conclusions reçue au greffe le 25 août 2015, maintenues et soutenues à l'audience, madame [T] demande qu'il soit dit que le licenciement est nul et de nul effet, que soit confirmée la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la ville de [Localité 3], en raison des manquements graves commis par celle-ci, et sollicite condamnation de la ville de [Localité 3] à lui verser les sommes suivantes :

-rappel de salaires sur la période du 1er juillet 2009 au 17 juin 2011 : 49'515,46 euros outre 4951,54 euros de congés payés afférents,

-solde d'indemnité conventionnelle de licenciement : 1423,62 euros

Elle demande que soit ordonnée, en tant que de besoin, le remboursement par la commune des indemnités de rupture avancées par l'association COGELORE et sollicite la somme brute de 4158,84 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, et la somme de 31'190 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle demande que la ville de [Localité 3] soit condamnée à lui remettre les bulletins de salaire depuis le 1er juillet 2009, jusqu'à l'expiration du préavis, et à lui verser la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Elle rappelle que l'association comité de gestion des locaux collectifs résidentiels a été créée le 25 janvier 1971, pour gérer les locaux collectifs résidentiels de la commune de [Localité 3], et que cette association a régularisé avec la commune diverses conventions définissant les actions mises en place et les moyens alloués se voyant, dans le cadre de ce partenariat, mettre à disposition gracieusement un local propriété de la société d'économie mixte de construction du département de l' Ain.

Elle indique que c'est dans ce contexte que l'association l 'a embauchée suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité de secrétaire, à compter du 1er juillet 2000, qu'elle s'est vue confier des fonctions de coordinatrice de projet le 1er mars 2007 percevant, au dernier état de sa relation de travail, une rémunération brute mensuelle de 2079,44 euros.

Elle expose que peu après les élections municipales de mars 2008, la ville de [Localité 3] a indiqué à l'association qu'elle dénonçait la convention les liant, précisant que par la suite les autres conventions conclues avec l'association ont été dénoncées par les autres partenaires.

Elle précise que dans ce contexte, les salariés de l'association, inquiets quant à la pérennité de leur emploi ont écrit au maire pour envisager leurs conditions de reclassement, que l'association COGELORE a relayé l'inquiétude des salariés et pris actes des engagements exprimés par la mairie de reprendre ou faire reprendre le contrat de travail de chaque salarié lié à des activités de l'association, indiquant pour autant que la mairie l'a exclue de ce dispositif de transfert.

Elle indique que par lettre du 16 mars 2009, adressée au président de l'association la ville de [Localité 3] a confirmé la reprise du contrat de travail des salariés, par lettre recommandée du 2 avril 2009, soit postérieurement à la cessation effective de la convention, le maire a confirmé à l'association que la ville reprendrait les contrats des salariés de l'association et que, malgré ses déclarations de principe, aucune proposition de reprise ne lui a été adressée par la commune.

Elle expose que, compte tenu de l'inertie manifestée par la ville, le conseil municipal a décidé de reporter la date d'effet de la résiliation de la convention au 30 juin 2009, la ville prenant en charge le paiement des salaires d'avril et mai 2009 par le biais d'une subvention.

Elle indique que son conseil a été contraint de rappeler à la ville le 22 juin 2009 l'obligation de procéder au licenciement, à défaut d'accord du salarié pour la conclusion d'un contrat de travail de droit public, et indique que par réponse du 31 juillet 2009 la commune lui a exposé ne pas s'estimer liée par les dispositions du code du travail sur le transfert automatique des contrats, et à fortiori sur le licenciement des salariés qui refuseraient un contrat de droit public.

Elle expose que c'est dans ces circonstances que l'association COGELORE lui a rappelé que son contrat avait été régulièrement transféré à la ville depuis le 1er avril 2009, alors que parallèlement, par décision du conseil municipal, la ville avait indiqué que l'application des dispositions de l'article L 1224-3 du code du travail procédait d'une application purement volontaire, et qu'elle n'avait aucune obligation envers elle.

Elle rappelle qu'elle s'est alors vue notifier son licenciement pour motif économique à titre conservatoire par l'association, par lettre recommandée du 29 juillet 2009, et qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes, lequel a accédé à ses demandes, en considérant que l'association ne pouvait procéder au licenciement à une date où elle n'était plus l'employeur, et que la commune avait commis une faute justifiant la résiliation du contrat de travail avec effet au jugement le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Madame [T] précise qu'en dépit de demandes réitérées elle n'a perçu aucun règlement des condamnations prononcées, et rappelle que la cour d'appel de Lyon a infirmé l'analyse des premiers juges, en estimant que la ville de [Localité 3] n'avait pas repris l'activité de l'association sous la forme d'un service public administratif et que dans ces conditions l'article L 1224-3 du code du travail n'avait pas à être appliqué, décision l'ayant conduite à saisir la cour de Cassation qui a infirmé cet arrêt en toutes ses dispositions.

Elle expose que le régime appliqué au salarié d'une entité privée dont l'activité est reprise par une personne publique a connu de notables évolutions législatives et jurisprudentielles, et que la cour de Cassation a modifié sa jurisprudence, de même que le Conseil d'État, amenant le législateur à intervenir par une loi du 26 juillet 2005, en ajoutant un nouvel alinéa à l'article du code du travail, pour déterminer le régime applicable au contrat de travail alors que par l'effet du transfert d'une activité auparavant exploitée par une personne privée, et reprise par une personne publique, les salariés sont intégrés dans le service public administratif.

Elle soutient que l'article L 1224-3 du code du travail, institué par cette loi, impose, lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est reprise par une personne publique, dans le cadre d'un service public administratif, à la dite personne publique de proposer au salarié concerné un contrat de droit public dont les clauses substantielles reprennent celles initialement prévues dans contrat conclu avec l'entreprise privée ; elle soutient qu'il appartient ensuite au salarié d'accepter ou de refuser le nouveau contrat et, dans cette dernière hypothèse, à la personne publique de procéder au licenciement dans les conditions prévues par le code du travail dans sa version applicable au fait de l'espèce.

Elle indique, conformément à la réglementation et à la jurisprudence européenne que l'application des dispositions légales est conditionnée par deux circonstances cumulatives, le transfert devant porter sur une entité économique autonome, qui doit par ailleurs conserver son identité chez le nouvel exploitant.

Elle rappelle que la directive communautaire du 12 mars 2001 définit l'entité économique comme l'ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire, que l'analyse doit être faite 'in concreto', et que la poursuite effective de l'activité en question par le repreneur constitue l'indice déterminant du transfert d'une entité économique.

Elle rappelle par ailleurs que la résiliation judiciaire du contrat emporte les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Elle soutient en l'espèce qu'il y a bien le transfert d'une entité économique, alors que le financement des objectifs poursuivis par l'association était assuré par les subventions versées par la ville de [Localité 3], par le biais de conventions, lesquelles explicitent en leurs articles un et deux la nature de la mission confiée par la ville à l'association, soutenant qu'il ressort de ces stipulations que cette convention n'était pas un simple accord de subventionnement, contrairement à ce que fait conclure la ville mais bien un contrat, aux termes duquel, moyennant un financement, celle-ci donnait à l'association les moyens économiques et matériels de son fonctionnement, et lui confiait, sous son contrôle, une double mission de gestion des locaux collectifs résidentiels de la commune et d'animation sociale des quartiers.

Elle conteste les allégations de la commune selon lesquelles la convention aurait été dénoncée du fait de graves manquements au titre de la gestion des comptes, rappelle que la ville, par différents courriers, s'était engagée dans la continuité des contrats de travail des salariés, et qu 'il ne peut être sérieusement contesté que l'activité exercée par l'association a été reprise par la ville, et ce d'autant moins qu 'elle a proposé un contrat de droit public à quatre anciens salariés, et en a effectivement repris deux.

Madame [T] soutient en conséquence que ne peut être discutée l'application en l'espèce des dispositions des articles L 1224-1 et L 1224-3 du code du travail, avec transfert du contrat, et indique que la ville ne peut prétendre qu'elle n'avait pas d'obligation de lui proposer le moindre emploi ni même de la licencier, ce alors qu'elle contribue nécessairement à l'activité développée par l'association.

Elle rappelle qu'elle avait été nommée le 1er mars 2007 coordinatrice de projet et que, de par ses fonctions, elle était occupée à la mise en oeuvre de l'action sociale, reprise par la commune, de sorte que celle ci ne pouvait l'exclure du champ d'application du code du travail.

Elle soutient que la ville était en conséquence tenue de lui proposer un contrat de droit public et, en cas de refus de procéder à son licenciement, et sollicite confirmation du jugement en ce qu'il a dit que l'association n'avait plus qualité pour procéder à son licenciement, postérieur au transfert du contrat de travail.

Elle expose qu'en s'abstenant de lui proposer un tel contrat, la ville de [Localité 3] a gravement manqué à ses obligations, rappelant qu'elle n'a pu bénéficier de rémunération depuis le 1er juillet 2009, et qu'elle s'est trouvée dans une situation matérielle délicate.

Elle rappelle qu'il est mère de trois enfants, toujours à sa charge, que son mari justifie d'un placement en invalidité et que le préjudice causé par l'inertie de la ville justifie sa demande de dommages et intérêts.

L'association COGELORE, citée à comparaître, n'était ni présente ni représentée la citation ayant été transformée en procès verbal de recherches.

MOTIFS DE LA DECISION

*Sur le transfert du contrat de travail

Attendu que l'article L 1224-3 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi du 3 août 2009, précise que lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est reprise par une personne publique, dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à ladite personne publique de proposer aux salariés concernés un contrat de droit public, dont les clauses substantielles reprennent celles initialement prévues dans le contrat conclu avec l'entreprise privée.

Que le transfert des contrats de travail suppose en conséquence, au regard de ce texte, que le transfert porte sur une entité économique autonome, et que celle ci soit poursuivie, ou reprise par la personne publique.

Que l'entité économique doit s'entendre d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels, permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.

Qu'il appartient au juge d'apprécier ' in concreto ' l'existence d'une entité économique poursuivant un objectif propre.

Attendu en l'espèce qu'il ressort de l'examen des pièces produites, et notamment de ses statuts, que l'association COGELORE avait pour but :

-de gérer les locaux collectifs résidentiels existants, à aménager, à édifier sur le territoire de la commune de [Localité 3],

-de favoriser et de coordonner leur utilisation par les usagers, familles, associations groupements sans distinction, dès lors que l'activité recherchée n'a pas de caractère lucratif,

-de développer, à l'appui de ces locaux collectifs résidentiels, toutes actions visant à favoriser le développement de la vie sociale dans la commune.

Que cette association, pour les besoins de son activité, a régularisé diverses conventions dont notamment :

- le 5 juin 1975 avec DYNACITE, pour mise à disposition à titre gratuit de locaux ayant pour destination de répondre aux besoins sociaux et culturels des habitants de la ville de [Localité 3],

- le même jour avec l'office départemental HLM de l'Ain, avec également une mise à disposition gratuite de locaux pour répondre aux besoins sociaux et culturels des habitants,

-le 10 décembre 1998 avec la commune de [Localité 3], cette convention en son article 1, rappelant que les orientations définies par les statuts de l'association rejoignaient les objectifs de la ville en matière de développement de la participation des habitants à la vie de la cité et de démocratie locale, et prévoyant par ailleurs l'engagement de la commune de contribuer financièrement au fonctionnement de l'association, ce financement donnant lieu à la signature d'une seconde convention le 4 août 2008, en application des dispositions de la loi n°2000 du 12 avril 2000,

-le 2 janvier 2007 avec la société d'économie mixte de construction du département de l'Ain, pour mise à disposition gratuite de locaux communs, avec pour destination de répondre aux besoins sociaux et culturels des habitants.

Attendu que madame [T] a été engagée par l'association COGELORE le 1er juillet 2000, en qualité de secrétaire, et est devenue coordinatrice de projet par avenant signé le 1er mars 2007.

Attendu que par courrier du 10 septembre 2008, la ville de [Localité 3] a dénoncé la convention la liant à l'association COGELORE, ce qui a conduit la société SEMCODA et la société DYNACITE à dénoncer à leur tour les conventions de mise à disposition gratuite des locaux, par courriers des 29 septembre 2008 et 6 octobre 2008.

Que les salariés de l'association COGELORE, faisant référence aux comptes rendus de conseils municipaux, ont interpellé la maire de la commune pour connaître leurs conditions de reclassement, par différents courriers des 6 octobre 2008, 16 décembre 2008 et 27 janvier 2009.

Que par réponse du 2 mars 2009, le maire a fait connaître l'importance pour la commune, d'une part de la continuation et du renforcement des actions d'animation sociale de proximité, et d'autre part de la préservation des emplois qui concourent à une activité au service des habitants, indiquant à l'équipe des salariés qu'il les rencontrerait dès lors 'que les modalités techniques, juridiques et financières des reprises et transferts auraient été validées '.

Attendu que par courrier du 10 mars 2009, le président de l'association COGELORE a avisé la mairie de ce que l'association, du fait de la dénonciation des différentes conventions, allait cesser toute activité le 31 mars suivant.

Qu'il rappelait par ailleurs que la mairie s'était engagée à reprendre ou faire reprendre les contrats de travail de chaque salarié, en excluant cependant madame [T], et qu'elle avait par ailleurs indiqué pouvoir octroyer une quote part de subvention pour permettre de maintenir le règlement des salaires jusqu'à l'aboutissement des négociations, précisant qu'à défaut d'information sur ce dernier point avant le 16 mars, elle n'aurait d'autre choix que d'engager une procédure de licenciement.

Attendu que par un second courrier du 16 mars 2009, la commune de [Localité 3] a confirmé ses précédentes intentions quant à la situation des salariés, lesquels seraient soit affectés sur des services municipaux correspondant à leur mission actuelle, soit transférés ultérieurement auprès d'une autre structure gestionnaire, seule la situation de madame [T] étant tenue à l'écart de ce dispositif.

Que par un troisième courrier du 2 avril 2009, la mairie, suite à réunion tenue le 30 mars 2009, a confirmé la volonté de la ville de maintenir et développer l'ensemble des actions de COGELORE, et les modalités de transfert de quatre des salariés, visant expressément les dispositions de l'article L 1224-3 du code du travail, la mairie prorogeant par ailleurs le versement de subventions à l'association jusqu'au 30 juin 2009, pour permettre le maintien de l'activité, dans l'attente des opérations de transfert de salariés.

Attendu que la commune de [Localité 3] ne saurait soutenir qu'elle n'a pas entendu faire application des dispositions de l'article L 1224-3 du code du travail , et que le visa de cet article dans une délibération du conseil municipal et dans les courriers était purement indicatif, ce en invoquant l'absence de transfert de l'entité économique de l'association.

Qu'il apparaît en effet :

-que l'objet de l'association COGELORE était uniquement en lien avec le développement de l'activité sociale, avec pour ce faire une mise à disposition gratuite de locaux par des organismes locatifs, dans l'optique de développer, dans ces locaux collectifs résidentiels, toutes actions visant à favoriser le développement de la vie sociale dans la commune,

-que la commune n'établit nullement que cette association aurait exercé une réelle fonction de gestion des appartements mis à sa disposition,

-que la mairie, par la convention signée le 10 décembre 2008, ne se limitait pas à subventionner le fonctionnement de l'association mais lui confiait, au travers du financement, la mission d 'animation sociale des quartiers,

- que l'association exerçait dans ces locaux une activité de médiation et d'animation de quartier, deux des salariés ayant d'ailleurs la qualité d'animateurs, missions d'animation sociale également exercées par la commune,

- que la commune, dans ses différents courriers, et notamment dans le courrier du 2 mars 2009, a expressément fait référence à la continuation de ces activités sociales de proximité jusqu'alors exercées par l'association,

- qu'elle a également expressément mentionné, sur les courriers adressés aux salariés dont le contrat de travail était transféré, que ce transfert intervenait dans le cadre des dispositions de l'article L 1224-3 du code du travail, visant la reprise d'activités d'une association par une personne publique.

Que la preuve de l'existence d'une entité économique caractérisée par la seule poursuite d'activité à caractère purement social, et non d'une activité de gestion de biens comme tente de le soutenir la commune, résulte non seulement de la lecture de l'objet des conventions passées entre l'association et les organismes locatifs, mais également du fait que, dès lors que la mairie a cessé de subventionner les activités sociales menées par l'association, les deux organismes locatifs ont dénoncé eux mêmes les conventions lesquelles se trouvaient vidées d'objet en se référant expressément au désengagement de la commune.

Que c'est à bon droit en conséquence que les premiers juges ont retenu que le transfert des activités de l'association à la commune caractérisait le transfert d'une entité économique, et entraînait en conséquence le transfert du contrat de travail de madame [T], laquelle avait pour mission, depuis le 1er mars 2007, de coordonner les projets de l'association.

* Sur les conséquences du transfert du contrat de travail

Attendu que, du fait du transfert du contrat de travail à la ville de [Localité 3] le 2 avril 2009, l'association COGELORE a cessé d 'être l'employeur de madame [T], de sorte qu 'il convient de dire que le licenciement notifié le 29 juillet 2009 n'est pas nul, mais est privé d'effet

Attendu qu'il apparaît que madame [T], au regard de cette situation, pouvait soit exiger la poursuite de son contrat de travail avec la commune de [Localité 3], et dans cette hypothèse solliciter un rappel de salaires, soit faire prévaloir sa demande d'indemnisation au titre du licenciement privé d'effet.

Attendu qu'il convient de relever en l'espèce qu'elle ne demande plus la poursuite de son contrat de travail, de sorte qu'elle ne peut exiger le paiement de rappel de salaires.

Attendu que madame [T] est fondée, alors que le licenciement est privé d'effet, à solliciter, en cause d'appel, le paiement de deux mois de préavis, soit la somme de 4158, 84 euros, outre congés payés afférents pour 415, 88 euros.

Attendu par ailleurs que c'est à bon droit, au visa des dispositions des articles L 1234-9 et R 1234-1 du code du travail, que les premiers juges ont retenu, concernant l'indemnité de licenciement, qu'il convenait de faire application des dispositions conventionnelles, plus favorables à madame [T], alors que le transfert de ce contrat ne saurait avoir pour effet de minorer ses droits.

Qu'en application des dispositions de la convention collective nationale de l'animation en son article 4.4.3.2, elle est en droit de demander, pour la période du 1er juillet 1999, son ancienneté ayant été reprise dans son contrat de travail , jusqu'au 17 juin 2011, date de la résiliation à retenir, une indemnité équivalente à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les dix premières années, puis à un tiers de mois à compter de la onzième année, soit la somme de 6559, 66 euros.

Qu'ayant perçue de l'association, dans le cadre de la rupture, la somme de 5251, 30 euros, c' est à bon droit que les premières juges ont retenu qu'elle pouvait prétendre au versement du solde de cette indemnité, soit la somme de 1308, 36 euros.

Attendu qu'au titre des dommages intérêts, et au regard de l'ancienneté de madame [T], et des circonstances de la rupture du contrat, la somme allouée par les premiers juges apparaît justement réparer le préjudice.

* Sur les autres demandes

Attendu que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement par la commune de [Localité 3] des indemnités de chômage payées à madame [T], alors que les dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail n'ont vocation à s'appliquer que dans le cadre d'une procédure de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Attendu par ailleurs qu'il n'appartient pas à la cour, qui n'est pas saisie d'une telle demande par l'association COGELORE, défaillante, de dire que cette dernière devra se retourner contre la commune pour récupérer les sommes éventuellement versées par elle dans le cadre du licenciement privé d'effet.

Attendu que l'équité conduit à confirmer la décision déférée, en ce qu'elle a alloué à madame [T] la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à lui allouer, en sus, en cause d'appel, une somme identique.

Que la commune de [Localité 3], qui succombe en son appel, sera déboutée de la demande présentée à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour

statuant publiquement, par défaut, en audience publique,

Statuant sur renvoi après cassation,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a :

- dit le licenciement nul,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat,

- condamné la commune de [Localité 3] à verser à madame [T] un rappel de salaires outre congés payés afférents,

-ordonné le remboursement aux organismes sociaux des indemnités de chômage payées à madame [T] dans la limite de 6 mois de salaire,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement notifié par l'association COGELORE à madame [T] est privé d'effet,

Dit n'y avoir lieu à prononcé de la résiliation du contrat,

Déboute madame [T] de ses demandes de rappels de salaires et congés payés afférents,

Ajoutant au jugement,

Condamne la commune de [Localité 3] à verser à madame [T] la somme de 4158, 84 euros à titre d'indemnité de préavis, outre congés payés afférents pour 415, 88 euros,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la commune de [Localité 3] à verser à madame [T] la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la commune de [Localité 3] de la demande présentée à ce titre,

Condamne la commune de [Localité 3] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Jean-Louis BERNAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 14/03770
Date de la décision : 30/10/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°14/03770 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-30;14.03770 ?
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