La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/2015 | FRANCE | N°14/04961

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 23 octobre 2015, 14/04961


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 14/04961





[W]



C/

SAS CCM







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX

du 26 Mai 2014

RG : F.12/0040





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2015







APPELANT :



[N] [W]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1] (MAROC)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

<

br>
comparant en personne, assisté de Me Frédérique GRATTARD de la SCP GRATTARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



SAS CCM

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Philippe CLEMENT de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON sub...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 14/04961

[W]

C/

SAS CCM

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX

du 26 Mai 2014

RG : F.12/0040

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2015

APPELANT :

[N] [W]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1] (MAROC)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Frédérique GRATTARD de la SCP GRATTARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS CCM

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Philippe CLEMENT de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Mathieu HUGUEVILLE, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 19 DÉCEMBRE 2014

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 SEPTEMBRE 2015

Présidée par Michel SORNAY, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Christophe BOUCHET, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Didier JOLY, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 octobre 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Lindsey CHAUVY, Greffier placé à la Cour d'Appel de LYON suivant ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel de LYON en date du 16 septembre 2015, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

[N] [W] a été embauché par la société FRANK METAL aux droits de laquelle intervient la société CCM à compter du 2 octobre 2000 en qualité d'opérateur polyvalent.

La relation de travail était régie par la convention nationale des Matières Plastiques.

[N] [W] a occupé successivement divers postes, en dernier lieu celui de conducteur moyen-chaîne (conducteur de lignes) coefficient 740.

Le 23 juin 2006, [N] [W] de retour d'un arrêt-maladie a été visité par le médecin du travail qui a établi une fiche d'aptitude pour ce salarié travaillant à la chaîne qui mentionnait une 'contre indication au travail les bras en l'air et charges lourdes (métallisation robots) 3 mois'.

Les fiches d'aptitude établies les 8 décembre 2006, 28 juin 2007 et 20 juin 2008 confirmaient ces réserves.

Le 26 août 2008, une reconnaissance de travailleur handicapé du 5 mai 2008 au 31 mai 2013 a été accordée à [N] [W].

Par courrier du 23 octobre 2008, le médecin du travail a indiqué à la société CCM que 'le poste de conducteur de ligne...ne pose pas de problème' en rappelant toutefois les restrictions à son aptitude, et en ajoutant: '...il ne pourra de toute façon pas y assurer une cadence normale'.

Par courrier du 19 octobre 2009, [N] [W] a fait savoir à la société CCM que son poste n'était pas adapté à son état de santé et qu'il souhaitait occuper d'autres fonctions compatibles avec les avis du médecin du travail.

[N] [W] a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 27 octobre 2009.

Par courrier du 2 décembre 2009, la société CCM a indiqué à [N] [W] que les gestuelles contre-indiquées avaient été supprimées de son poste et qu'il n'avait plus été astreint ni à une cadence normale ni au soulèvement répété de charges. L'employeur a ajouté que dans l'objectif de maintenir son emploi, il convenait d'affecter [N] [W] sur plusieurs postes de la chaîne.

L'arrêt de travail pour maladie de [N] [W], dont la maladie professionnelle a été reconnue par la CPAM le 23 mars 2010 mais cette reconnaissance a été déclarée inopposable à la société CCM le 7 juillet 2010, s'est poursuivi jusqu'au 20 novembre 2010.

[N] [W] a de nouveau été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 8 avril 2011.

Par courrier en date du 24 mai 2011, la société CCM a informé [N] [W] qu'il devait se présenter à une visite médicale de reprise le 6 juin 2011, son arrêt de travail pour maladie étant arrivé à terme.

Le 6 juin 2001, le médecin du travail a établi une fiche d'aptitude pour [N] [W] exerçant ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique en concluant comme suit : 'apte sur poste sans port de charges de + de 10 kg, sans travaux bras en élévation au-dessus de l'horizontale, sans gestes cadencés impliquant les épaules'.

[N] [W] a été placé en congés payés.

Par courrier en date du 28 juin 2011, la société CCM a informé [N] [W] qu'il devait se présenter à une visite médicale de reprise le 8 juillet 2011, ses congés payés se terminant le 7 juillet 2011.

Le 8 juillet 2011, le médecin du travail concluait ainsi : 'Pas de port de charge de plus de 10 kg. Pas de mouvements des membres supérieurs au-dessus de 90°, éviter les mouvements répétitifs des épaules. Inapte au poste selon visite du poste du 27 juin 2011. Serait apte à un poste ne présentant pas les restrictions ci-dessus. Exemple de poste possible sous réserve d'un essai préalable par le salarié: conducteur de lignes sur les chaînes 2,5 et 6 sous réserve d'une petite aide lors des préparations avec les bidons de plus de 10 kg (sauf adaptation du poste avec moyen de levage par exemple), les bidons étant vidés et remplis à la réserve par un autre salarié (sauf adaptation du poste : moyen de levage par exemple), sans changement de filtre ; ou poste au contrôle.'

Par courrier du 8 juillet 2011, la société CCM a informé [N] [W] qu'il ne pouvait pas reprendre son emploi et qu'il procédait à une recherche de reclassement au sein des sociétés du groupe auquel elle appartenait.

Par courrier du 12 juillet 2011, la société CCM a confirmé l'impossibilité pour [N] [W] de reprendre ses fonctions et ses recherches de reclassement en cours.

Le 18 juillet 2011, les délégués du personnel, convoqués à la demande de la société CCM, concluaient à l'impossibilité de reclassement de [N] [W].

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 juillet 2011, la société CCM a convoqué [N] [W] le 26 juillet 2011 en vue d'un entretien préalable à son licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 juillet 2011, la société CCM a notifié à [N] [W] son licenciement dans les termes suivants :

'Monsieur,

Nous faisons suite à nos courriers des 8, 12 et 18 juillet 2011 et à notre entretien préalable du 26 juillet dernier. Par la présente, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour les motifs que nous vous avons exposés lors de l'entretien et que nous vous rappelons ci-après :

- inaptitude à votre poste de travail constatée par le médecin du travail dans le cadre de deux visites de reprise, la deuxième ayant eu lieu le 8 juillet 2011, à l'issue de laquelle le médecin du travail a fixé votre inaptitude comme suit :

'Pas de port de charge de plus de 10 kg. Pas de mouvements des membres supérieurs au-dessus de 90°, éviter les mouvements répétitifs des épaules. Inapte au poste selon visite du poste du 27 juin 2011.'

- impossibilité de vous reclasser dans l'entreprise, ce dont nous vous avions informé par nos courriers rappelés sur la présente. Compte tenu de celles-ci, il nous est impossible d'aménager ou de transformer un poste afin qu'il soit compatible et aucun autre poste adapté à vos aptitudes restantes n'existe, ni n'est à créer. Les délégués du personnel ont exprimé également un avis en date du 18 juillet 2001 qu'il n'existait aucune possibilité de reclassement chez CCM compte tenu des restrictions d'aptitude qui vous avaient été fixées.

- impossibilité de reclassement auprès des entreprises du Groupe auquel appartient notre société. Celles-ci ont répondu négativement à nos recherches de reclassement auprès d'elles, réponses que nous vous avons confirmées lors de notre entretien préalable du 26 juillet 2011 et donc vous avez pu prendre connaissance à cette occasion.

Votre licenciement est donc motivé tant par votre inaptitude à votre emploi, que par l'impossibilité de procéder à votre reclassement dans notre entreprise comme auprès des entreprises du Groupe auquel nous appartenons, compte tenu des restrictions d'aptitude qui vous ont été fixées...'

Le 28 mars 2012, [N] [W] a saisi le conseil de prud'homme d'OYONNAX en lui demandant de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la société CCM à lui payer des dommages-intérêts pour harcèlement moral, une indemnité pour licenciement abusif, une indemnité pour perte d'emploi et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 26 mai 2014 , le conseil de prud'homme a :

- dit que la société CCM a respecté son obligation de reclassement,

- débouté [N] [W] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté [N] [W] de sa demande au titre du harcèlement moral,

- s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande au titre de la perte d'emploi,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné [N] [W] aux dépens.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 17 juin 2014 par [N] [W].

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 17 septembre 2015, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, [N] [W] a demandé à la cour d'infirmer le jugement entrepris et :

- de dire que la moyenne de sa rémunération brute mensuelle s'élevait à la somme de 2 418.43 euros,

- de dire son licenciement à titre principal nul faute de deux avis médicaux d'inaptitude et pour discrimination du fait de son état de santé, et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société CCM à lui payer les sommes suivantes :

* 58 042 à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture de con contrat de travail,

* 268.75 euros nets au titre du complément de l'indemnité de licenciement,

* 1 302.23 euros bruts au titre du rappel de salaires du 22 juin au 7 juillet 2011,

- de dire que les éléments salariaux porteront intérêts de droit à compter de leur date d'exigibilité, à défaut de la date de la demande en justice,

- de condamner la société CCM à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société CCM aux dépens.

[N] [W] a fait valoir que son inaptitude n'avait pas été valablement constatée par deux avis en ce sens ; que son licenciement était discriminatoire comme reposant sur l'état de santé du salarié reconnu travailleur handicapé ; que la société CCM avait commis plusieurs manquements dans la mise en oeuvre de son licenciement pour inaptitude.

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 17 septembre 2015, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société CCM a demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter [N] [W] de l'intégralité de ses demandes, de le condamner aux dépens et à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société CCM a soutenu que l'inaptitude du salarié résultant des deux examens médicaux prescrits par l'article R 4624-31 du code du travail ne nécessitait qu'un seul avis ; que la discrimination alléguée n'était établie par aucun élément probant; que l'employeur avait respecté ses obligations et notamment avait constaté l'impossibilité de reclasser [N] [W] après échec de ses recherches personnalisées, puis après avoir pris contact avec le médecin du travail le 8 juillet 2011 et avoir consulté les délégués du personnel le 18 juillet 2011.

MOTIFS

- sur la validité du licenciement

Attendu que [N] [W] conclut à la nullité de son licenciement en faisant valoir que son inaptitude n'avait pas été valablement constatée par deux avis et que son licenciement était discriminatoire comme reposant sur l'état de santé du salarié reconnu travailleur handicapé ; qu'il convient donc d'examiner successivement ces deux moyens.

1. sur la constatation de l'inaptitude

Attendu que l'article R4624-31 du code du travail dispose que :

'Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé :

1° Une étude de ce poste ;

2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ;

3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires...'.

Attendu qu'il s'ensuit que la déclaration d'inaptitude du salarié suppose la réalisation de deux examens médicaux, le premier étant susceptible de conclure à une aptitude avec restriction.

Attendu qu'en l'espèce, il est constant que [N] [W] a fait l'objet d'une première visite le 23 juin 2006 par le médecin du travail qui a établi une fiche d'aptitude mentionnant une 'contre indication au travail les bras en l'air et charges lourdes (métallisation robots) 3 mois', puis d'une seconde visite le 8 juillet 2011 par le médecin du travail qui a donné lieu à l'avis suivant : ' Inapte au poste selon visite du poste du 27 juin 2011'.

Attendu qu'en conséquence, la société CCM a régulièrement procédé à au licenciement de [N] [W] sur la base de la déclaration d'inaptitude précitée ; que c'est à tort que l'appelant soutient que deux avis d'inaptitude seraient nécessaires à la validité de son licenciement ; que le moyen sera donc rejeté.

2. sur le caractère discriminatoire du licenciement

Attendu que l'article L1132-1 du code du travail dispose que : 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.'

Attendu que l'article L1133-3 du code du travail énonce que 'Les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l'état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées.'

Attendu que l'article L5213-6 du code du travail dispose que : 'Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l'article L. 5212-13 d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l'aide prévue à l'article L. 5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur. Le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d'une discrimination au sens de l'article L. 1133-3.'

Attendu que l'article L2242-13 du code du travail stipule que : 'L'employeur engage, chaque année, une négociation sur les mesures relatives à l'insertion professionnelle et au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés.

La négociation porte notamment sur :

1° Les conditions d'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles ;

2° Les conditions de travail et d'emploi ;

3° Les actions de sensibilisation au handicap de l'ensemble du personnel de l'entreprise.

Lorsqu'un accord collectif comportant de telles mesures est signé dans l'entreprise, la périodicité de la négociation est portée à trois ans.'

Attendu qu'en l'espèce, [N] [W] conclut au caractère discriminatoire de son licenciement en faisant valoir que la société CCM n'a pas engagé les négociations conformément à l'article L2242-13 du code du travail, n'a pas pris les mesures appropriées à son handicap en vertu de l'article L 5213-6 du code du travail et n'a pas tenu compte des gestuelles prohibées par le médecin du travail.

Mais attendu d'abord qu'en ce qui concerne les respect des dispositions de l'article L2242-13 du code du travail, [N] [W] ne justifie pas dans quelle mesure les manquements, nécessairement de portée générale et à supposer qu'ils soient établis notamment quant à leur date, seraient en lien avec son licenciement pour inaptitude intervenu le 29 juillet 2011.

Attendu ensuite que pour affirmer que l'employeur n'a pris aucune mesure appropriée à son handicap conformément aux prévisions de l'article L 5213-6 du code du travail pour lui permettre de conserver son emploi ou pour qu'une formation adaptée à ses besoins lui soit dispensée, [N] [W] soutient que la société CCM n'a mis en oeuvre aucun moyen de levage et n'a proposé aucune formation pour accéder à un emploi de type administratif ;

qu'il convient toutefois de relever que le poste initialement occupé par [N] [W] s'insérait dans une chaîne de tâches où il occupait la fonction de conducteur de ligne ; qu'ainsi, compte tenu des restrictions d'aptitude de [N] [W] résultant des avis du médecin du travail à partir de l'année 2008, le maintien du salarié à son poste aurait nécessité l'installation d'un levage spécifique, soit concrètement des machines propres à assister [N] [W], donc un investissement à la charge de l'employeur pour une utilité éventuellement limitée dans le temps s'agissant d'une maladie dont il n'est pas contesté qu'elle est évolutive ;

qu'en réalité, la société CCM a affecté [N] [W] à de nouvelles tâches tenant compte de ses restrictions d'aptitude et n'a reçu aucune observation du médecin du travail ; que cette circonstance n'établit pas que l'employeur n'a pas pris les mesures appropriées au sens de l'article L 5213-6 du code du travail précité ;

que d'autre part, [N] [W], titulaire du baccalauréat et ayant étudié en première année des cours de psychologie à l'université, ne présente pas les qualifications suffisantes pour postuler, sans reprendre l'intégralité de ses études, à un emploi administratif dont la disponibilité n'est d'ailleurs pas justifiée ;

que la preuve de la prise par l'employeur des mesures appropriées au handicap de [N] [W] est donc rapportée.

Et attendu enfin que selon [N] [W], la société CCM lui a imposé des cadences trop importantes et n'a donc pas respecté les avis du médecin du travail faisant état de contre-indications de gestuelles les 23 octobre 2008 et 25 mars 2009 ;

que cependant il y a lieu de relever que la société CCM produit un courrier du 2 décembre 2009 qu'elle a adressé à [N] [W] aux termes duquel elle rappelle que les gestuelles contre-indiquées ont été supprimées de son poste de travail et qu'il n'a plus été astreint ni à une cadence normale, ni au soulèvement répété de charges ;

que [N] [W] ne saurait se prévaloir de ses propres courriers et du certificat de son médecin traitant en date du 27 octobre 2009 pour justifier de la persistance des gestuelles contre-indiquées, ces pièces étant dépourvues de valeur probante en ce qu'elles se limitent à faire état des affirmations de l'appelant ;

Que d'ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le docteur [B], médecin traitant de [N] [W], a dans un courrier adressé à la société CCM le 17 mars 2015 précisé : 'Il est évident que je ne peux parler qu'au nom du patient et selon ses propres dires, n'ayant aucune preuve de ce qu'il me dit, n'ayant jamais assisté à son travail, n'ayant jamais vu ses postes!' ;

Que le praticien indique en outre dans ce courrier que sa lettre du 27 octobre 2009 était destinée au médecin conseil de la CPAM dans le cadre d'une procédure de reconnaissance d'une maladie professionnelle pour l'épaule droite, après que [N] [W] ait bénéficié de la reconnaissance d'une maladie professionnelle pour l'épaule gauche ;

qu'un nouveau certificat a été rédigé par le 22 mars 2015 aux termes duquel le docteur [B] précise que selon les dires de [N] [W], il lui a été attribué des postes inadaptés à son état physique ;

qu'ainsi la preuve du non-respect par la société CCM des contre-indications de gestuelles du médecin du travail n'est pas rapportée.

Attendu qu'il s'ensuit que [N] [W] se trouve mal fondé en son moyen tiré du caractère discriminatoire de son licenciement.

Attendu qu'en définitive, la demande en nullité du licenciement n'est pas fondée ; que [N] [W] en sera donc débouté.

- sur le motif du licenciement

Attendu qu'en vertu de l'article L.1232-1 du code du travail le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Attendu que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que le juge doit dès lors s'en tenir aux motifs qui y sont énoncés, même s'ils sont postérieurs à l'entretien préalable, mais ne se trouve pas lié à la qualification donnée aux faits l'employeur.

Attendu que selon l'article 1235-1 du code du travail, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié.

Attendu que l'article L1226-10 du code du travail dispose que : 'Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.'

Attendu qu'en l'espèce, [N] [W] a soutenu que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse aux motifs que la procédure avait été engagée avant la réalisation du second examen médical et que la société CCM avait manqué à ses obligations résultant de l'article L 1226-10 du code du travail précité.

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que [N] [W] a régulièrement fait l'objet de deux examens médicaux préalablement à sa déclaration d'inaptitude de sorte qu'aucun manquement ne peut être reproché à la société CCM à l'occasion de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement pour inaptitude.

Attendu qu'au titre des manquements invoqués par [N] [W] pour établir que son licenciement pour inaptitude n'est pas fondé, il est fait état de :

- l'absence d'avis du médecin du travail sur une formation,

- d'une annonce anticipée d'impossibilité de reclassement,

- de l'absence d'avis du médecin du travail sur le reclassement aux postes préconisés dans son avis du 8 juillet 2011,

- de l'absence de précisions sur le profil de [N] [W] dans les recherches de reclassement.

Mais attendu qu'il convient de relever que :

- la société CCM n'est pas tenue de répondre de la décision du médecin du travail de ne donner aucune précision sur l'aptitude de [N] [W] à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté lorsqu'il a établi ses conclusions à la suite de la seconde visite du 8 juillet 2011 ;

- la société CCM a informé [N] [W] de l'impossibilité de le reclasser par courrier du 18 juillet 2018, après avis des délégués du personnel, le courrier du 8 juillet 2011 invoqué par [N] [W] n'étant qu'une information donnée par la société CCM quant à la poursuite de ses recherches aux fins de reclassement du salarié ;

- la société CCM ne s'est pas substitué au médecin du travail puisqu'elle justifie qu'elle a pris attache avec le médecin du travail par courrier du 8 juillet 2011 pour l'informer de ce que les adaptations de poste préconisées ne pouvaient pas être mises en oeuvre, le médecin du travail ne donnant d'ailleurs aucune suite ;

- la société CCM vers aux débats les courriers adressés aux sociétés du groupe auquel elle appartient desquels il ressort que des précisions sur le profil de [N] [W] (qualifications ; poste occupé ; avis d'inaptitude ; préconisations du médecin du travail sur son reclassement) ont été apportées de sorte qu'il y a lieu de dire que les recherches de reclassement de [N] [W] ont été menées sérieusement.

Attendu qu'il s'ensuit que la preuve des manquements invoqués n'est pas rapportée ; que [N] [W] se trouve dès lors mal fondée en sa demande tendant à voir juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Attendu que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, le jugement qui a débouté [N] [W] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera confirmé.

- sur le complément de l'indemnité de licenciement et le rappel de salaires

Attendu que l'article L1234-20 du code du travail énonce que 'Le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail. Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.'

Attendu qu'il s'ensuit que le reçu pour solde de tout compte comportant le détail des sommes réglées qui n'est pas dénoncé par le salarié dans les six mois de sa signature possède un effet libératoire pour l'employeur à l'égard des sommes dont le paiement a été envisagé par les parties.

Attendu qu'il sera rappelé à [N] [W], qui sollicite pour la première fois en cause d'appel un complément de l'indemnité de licenciement et un rappel de salaires, qu'un reçu pour solde de tout compte a été établi par la société CCM pour la somme totale de 16 710.30 euros dont [N] [W] verse lui-même le reçu ; qu'il reconnaît dans ses écritures qu'il a perçu l'indemnité de licenciement à hauteur de 11 017.28 euros outre des éléments de salaires.

Attendu que [N] [W] n'ayant pas valablement dénoncé son reçu , il n'est pas fondé en ses demandes au titre du complément de l'indemnité de licenciement et un rappel de salaires dont il sera débouté.

- sur les demandes accessoires :

Attendu que [N] [W] sera condamné aux dépens d'appel.

Attendu que l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DÉBOUTE [N] [W] de sa demande en nullité du licenciement,

DÉBOUTE [N] [W] de ses demandes au titre du complément de l'indemnité de licenciement et d'un rappel de salaires,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la cour,

CONDAMNE [N] [W] aux dépens d'appel.

La minute a été signée le 23 octobre 2015 par Michel SORNAY, Président, et par Lindsey CHAUVY, Greffier placé à la Cour d'Appel de LYON suivant ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel de LYON en date du 16 septembre 2015.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 14/04961
Date de la décision : 23/10/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°14/04961 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-23;14.04961 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award