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16/10/2015 | FRANCE | N°14/07762

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 16 octobre 2015, 14/07762


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/07762





[S]



C/

SAS ISOR







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 18 Septembre 2014

RG : F 13/00269











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2015













APPELANT :



[Z] [S]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 4] (42)



[Adresse 3]

[Adresse 2]

[Localité 1]



représenté par Me Valérie MALLARD de la SELARL MALLARD AVOCATS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SAS ISOR

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Carine KOKORIAN, avocat au barreau de PARIS de la société d'avo...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/07762

[S]

C/

SAS ISOR

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 18 Septembre 2014

RG : F 13/00269

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2015

APPELANT :

[Z] [S]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 4] (42)

[Adresse 3]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Valérie MALLARD de la SELARL MALLARD AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS ISOR

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Carine KOKORIAN, avocat au barreau de PARIS de la société d'avocats PARIS FISCAL ET JURIDIQUE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 1er décembre 2014

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Septembre 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Louis BERNAUD, Président

Isabelle BORDENAVE, Conseiller

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 16 Octobre 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Louis BERNAUD, Président, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [Z] [S] a été embauché par la SAS ISOR selon contrat à durée indéterminée du 1er mars 2004 ; il était, au dernier état de la collaboration, chef de secteur classification cadre niveau CA échelon 2 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté.

Son contrat de travail contenait une clause de non concurrence lui faisant interdiction pour une durée de deux ans à compter de la cessation de son contrat de travail d'entrer au service ou de s'intéresser directement ou indirectement à une autre société ayant les mêmes activités que la SAS ISOR, sur une zone ainsi définie : « [Localité 3] et la région lyonnaise et tous les départements gérés par l'établissement dont vous dépendez dans lesquels la SAS ISOR exercera son activité le jour de la cessation du contrat de travail » ; la contrepartie financière a été fixée à 15 % du salaire de base mensuel brut et une pénalité égale à 9 mois de salaire a été prévue en cas de non-respect de cette clause.

M. [Z] [S] a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire pour une durée de 5 jours, du 13 au 17 février 2012, ayant reconnu les faits qui lui étaient reprochés, à savoir être l'un des associés d'une société sous-traitante

Il a été à nouveau convoqué en entretien préalable le 4 mai 2012 et il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception du 25 mai 2012 son employeur lui reprochant :

- une déclaration préalable à l'embauche d'un salarié sur l'agence de [Localité 5] en l'occurrence M. [R], réalisée le 6 mars 2012 alors que son embauche effective avait eu lieu le 2 mars, avec report des heures effectuées

- 13 retards dans les DUE pour les mois de janvier février et mars 2012

-des violations graves de la réglementation sur la durée du travail au détriment de ce même M. [R] et de M. [W],

-le duplicage des signatures numériques de salariés sur divers documents contractuels ([Q], [I], [R]),

-l'établissement de divers contrats à durée déterminée sans autorisation parentale en juillet, août et octobre 2011 avec Mlle [V] [Q] alors qu'elle était mineure.

Par courrier du 5 décembre 2012, la société ISOR a informé M. [Z] [S] de ce que dans le courant du mois de novembre 2012 un salarié de la société se rendant auprès d'un prospect avait découvert qu'il se présentait également sur le site afin de réaliser une étude pour le compte de la société IOS France, sise à [Localité 5] et lui a rappelé les termes de la clause de non concurrence ; M. [Z] [S] a contesté les faits par courrier du 13 décembre 2012.

Agissant selon requête du 22 janvier 2013, la SAS ISOR a saisi le Conseil de prud'hommes de [Localité 3] pour être indemnisé de la violation par M. [Z] [S] de la clause de non concurrence et, agissant lui-même selon requête du 12 mars 2013, M. [Z] [S] a saisi cette même juridiction pour entendre dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que sa convention de forfait annuel en jour est nulle et obtenir ses indemnités de rupture, des dommages et intérêts et un rappel d'heures supplémentaires.

Par jugement du 18 septembre 2014, le Conseil de prud'hommes de [Localité 3], après avoir ordonné jonction de ces 2 demandes, a :

-dit que la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail de M. [Z] [S] est licite et n'a pas été respectée,

-débouté en conséquence M. [Z] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non concurrence, et condamné ce dernier à payer à la société ISOR les sommes de :

* 2182,50 € à titre de remboursement de la contrepartie financière prévue par la clause de non concurrence,

*10'000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de ladite clause,

-dit que le licenciement de M. [Z] [S] est bien fondé sur une faute grave,

-débouté M. [Z] [S] de ses demandes en paiement du salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire, d'indemnité de préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause,

- ordonné la transmission à M. le Procureur de la République de [Localité 3] d'une copie du jugement ainsi que d'une copie des pièces n° 21, 24, 25 et 32 figurant au dossier de la SAS ISOR,

-dit que la clause de « forfait jours » figurant au contrat de travail de M. [Z] [S] est illicite et ne peut produire effet,

-condamné en conséquence la SAS ISOR à verser à M. [Z] [S] les sommes de :

* 15'000 € bruts à titre de rappel de salaire pour leurs supplémentaires,

* 1500 € bruts au titre des congés payés afférents,

outre intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation bureau de conciliation,

-débouté M. [Z] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour perte du droit au repos compensateur,

- ordonné à la SAS ISOR d'établir en faveur de M. [Z] [S] un bulletin de paie mentionnant, conformément à la présente décision, les heures supplémentaires, l'indemnité de congés payés afférents et à titre de trop-perçu, le remboursement des indemnités de non-concurrence,

- fixé à 3439,67 € le salaire moyen des trois derniers mois

- dit que la SAS ISOR opérera une compensation entre d'une part le « net à payer » figurant sur le bulletin de paie et d'autre part les dommages et intérêts qui lui sont dus

-débouté les parties de leurs demandes fondées sur des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit que les dépens seront partagés à parts égales entre les parties.

M. [Z] [S] a interjeté appel de ce jugement le 2 octobre 2014.

Il demande à la Cour de réformer la décision déférée en toutes ses dispositions et de :

-dire que son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner en conséquence la société ISOR à lui verser les sommes de :

* 2057,921 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,

*205,79 € de congés payés afférents,

*9079,05 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*907,90 € au titre des congés payés afférents,

*5790,34 € à titre d'indemnité de licenciement,

*42'000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-dire que la convention de forfait annuel en jour est nulle et de nul effet et condamner en conséquence la société ISOR à lui verser les sommes de :

*149'630,74 € au titre des heures supplémentaires effectuées sur la période de mars 2008 à mai 2012,

*14'963,07 € au titre des congés payés afférents,

*101792,76 € à titre de dommages et intérêts pour perte de droit au repos compensateur du fait de l'absence d'information de ses droits en la matière,

- dire à titre principal que la clause de non concurrence est nulle et condamner la société ISOR à lui verser la somme de 3500 € à titre de dommages et intérêts,

-dire subsidiairement qu'il a respecté cette clause de non concurrence, dire que la société ISOR n'établit pas d'agissements de concurrence interdite postérieurement à la mise en demeure du 5 décembre 2012, et la condamner à lui payer les sommes de :

*7857 € au titre de la contrepartie financière due en exécution de cette clause de non concurrence et jusqu'à son terme fixé au mois de juin 2014,

-débouter la société ISOR de sa demande de remboursement de la somme de 1384 € bruts correspondant à la contrepartie financière de la clause de non concurrence de juin à novembre 2012 ainsi que de sa demande d'indemnisation, et dire subsidiairement qu'elle ne justifie d'aucun préjudice,

-condamner la société ISOR à lui verser la somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Concernant son licenciement, M. [Z] [S] soutient en substance :

- qu'il réalisait les embauches mais n'était pas chargé de l'établissement des DUE qui incombaient au service du personnel de l'agence, qu'aucune faute ne lui est imputable concernant le retard enregistré dans la déclaration relative à M. [R] et qu'il n'a jamais eu l'intention de dissimuler les heures réalisées par ce dernier ; que les reproches formulés sur ce point à son encontre ne sont pas démontrés et que si une lettre circulaire du 9 novembre 2007 a bien été adressée à tous les chefs de secteur à ce sujet pour faire état d'une difficulté récurrente, cela démontre que son employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour permettre le respect de la réglementation, alors qu'il avait en charge plus de 115 sites en gestion et 160 salariés pour une masse salariale de plus de 120'000 €,

-que les dépassements de la durée maximale hebdomadaire de travail et le non respect du repos hebdomadaire pour M. [R] et M. [W] sont prescrits puisqu'il résulte de la lettre de licenciement que la SAS ISOR en a eu connaissance lors d'une demande de congés payés en 2011 et que ces dépassements ne sont de surcroît aucunement démontrés,

- que la SAS ISOR n'a jamais émis la moindre réserve sur l'absence d'accord parentale concernant les contrats signés avec [V] [Q] en 2011 et que ne lui ayant pas donné les moyens d'exercer ses fonctions dans des conditions normales au regard du rythme de travail qui était le sien, elle n'est pas fondée à lui reprocher un quelconque manque sur ce point,

- qu'il a effectivement fait signer les documents contractuels par la voix numérique, ce qui n'est aucunement irrégulier, mais qu'il n'a jamais dupliqué la signature des salariés,

Concernant sa demande en paiement d'heures supplémentaires, M. [Z] [S] soutient :

-que la Convention de forfait en jours sur une base annuelle prévue dans son contrat de travail et fondée sur un accord d'entreprise du 29 décembre 2003 n'est pas valable, son employeur ne fournissant aucune garantie tant au niveau collectif qu'au niveau individuel sur la protection de la santé de la sécurité des droits au repos du salarié et que la SAS ISOR n'a jamais mis en place le moindre entretien individuel en plus de 8 ans de relation de travail,

-qu'il justifie par la production de ses agendas électroniques pour les années 2008 à 2010 le bien-fondé de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et qu'il doit être également indemnisé de la perte de ses droits à repos compensateur, son employeur ne l'ayant jamais informé de la contrepartie obligatoire à laquelle il pouvait prétendre, alors qu'il dépassait systématiquement le contingent annuel conventionnel,

Il soutient enfin la nullité de la clause de non concurrence stipulée dans son contrat de travail, la contrepartie financière en étant selon lui dérisoire ; il réplique subsidiairement qu'il a respecté cette clause de non-concurrence et observe, à titre infiniment subsidiaire, que son employeur ne justifie d'aucun préjudice.

La SAS ISOR a formé appel incident pour obtenir la réformation du jugement déféré en ses dispositions relatives au montant de l'indemnisation qui lui a été allouée en raison de la violation par M.[Z] [S] de la clause de non concurrence, à la nullité de la convention contractuelle de forfait et aux heures supplémentaires ; elle réclame paiement des sommes de 26'190 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de non-concurrence et de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que la clause de non concurrence la liant à son ancien salarié répond à l'ensemble des conditions de validité fixée par la jurisprudence puisqu'elle est limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle est également limitée aux entreprises ayant la même activité, ce qui n'empêchait donc pas M. [Z] [S] de trouver un autre emploi relevant de ses compétences, qu'elle est assortie d'une contrepartie financière acceptée par le salarié en l'absence de toute disposition de la Convention collective sur ce point, qu'elle tient compte de la spécificité des fonctions occupées par ce dernier et répond à des nécessités de protection des intérêts légitimes de la société compte tenu de l'importance du risque concurrentiel de ce secteur d'activité ; elle réitère ses affirmations selon lesquelles M. [Z] [S] a bien développé une activité concurrente pour le compte de la société IOS France et considère dès lors qu'elle est fondée à obtenir remboursement de la contrepartie financière indûment versée à son salarié de juin à novembre 2012 ainsi que le versement de l'indemnité prévue par le contrat de travail en cas de persistance par le salarié, après mise en demeure, dans la violation de la clause contractuelle de non concurrence qui le lie.

Elle fait valoir, concernant le licenciement :

- que M. [Z] [S] avait l'obligation de communiquer tous les éléments au service du personnel relatif aux embauches réalisées par ses soins pour permettre l'établissement de la déclaration préalable et qu'il n'a pas rempli ses obligations sur ce point ; que le report des heures réalisées par M. [R] avait manifestement pour but de dissimuler son retard dans l'établissement de la DUE et que sa volonté de dissimulation est parfaitement caractérisée ce d'autant que la société a précisément découvert les faits à la suite de la plainte de l'intéressé,

- que le grief relatif au non respect des durées maximales de travail, des repos quotidiens et de repos hebdomadaires obligatoires des salariés n'est pas prescrit et qu'il est démontré par la production des relevés horaires fournis et annotés par le salarié lui-même,

-que les griefs relatifs à l'établissement de divers contrats à durée déterminée avec une mineure et les duplicata de signatures sur des documents contractuels sont parfaitement démontrés, que son représentant a d'ailleurs été convoqué à l'initiative du Procureur de la république, qu'elle a déposé une plainte contre M. [Z] [S] à l'issue de cette audition et que la procédure est actuellement pendante.

Elle soutient enfin que l'accord d'entreprise du 29 décembre 2003 sur lequel est fondée la convention de forfait en jours prévue par le contrat de travail de M. [Z] [S] est parfaitement valable et que le décompte d'heures supplémentaires produit par ce dernier est parfaitement déloyale dans la mesure où il y intègre des rendez-vous personnels, des prestations non réalisées par lui, des inspections à répétition sur les mêmes sites, et des trajets impossibles,

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la Convention de forfait, les heures supplémentaires et le repos compensateur :

- la Convention de forfait :

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, tant journaliers qu'hebdomadaires,

Selon les dispositions de l'article L 3121-46 du code du travail, l'employeur doit organiser un entretien annuel individuel avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année qui porte sur sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale ainsi que sur sa rémunération.

Lorsque l'une de ces conditions n'est pas respectée, la convention de forfait en jour se trouve privée d'effet et le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre.

Le contrat de travail signé par M.[Z] [S] prévoit en son paragraphe intitulé -durée du travail- que ce salarié n'est pas soumis à la durée légale de travail de 35 heures et que, suite à l'accord d'entreprise du 29 décembre 2003 relatif aux conventions de forfait en jours sur une base annuelle, son temps de travail est décompté sur la base de 217 jours et de 20 jours de repos par an.

L'article 4 de cet accord est ainsi rédigé en ses paragraphes 3 et 4:

' Les durées maximales de travail ne sont pas applicables excepté les 6 jours de travail maximum par semaine, c'est à dire que les salariés concernés pourront travailler plus de 10 heures par jours, plus de 48 h par semaine (ou 44 heures sur une période de 12 semaines).

Les règles applicables en matière de repos quotidien et hebdomadaire (11 heures par jours et 35 heures par semaine) doivent être respectées'.

Il ne prévoit manifestement aucune disposition sérieuse particulière propre à assurer le respect de ces dispositions, la simple mention relative à l'instauration d'un planning individuel en concertation avec le supérieur hiérarchique étant à cet égard tout à fait insuffisant, ce d'autant qu'il est fait obligation au salarié d'aviser la direction du personnel dans un délai de 15 jours et par lettre recommandée avec avis de réception de toute anomalie devant justifier l'établissement d'un planning annuel rectificatif ; la SAS ISOR ne justifie pas, en outre, avoir mené avec M.[Z] [S] l'entretien annuel spécifique prévu par le texte précité.

C'est en conséquence à bon droit que les premiers juges, après avoir relevé que l'intimée n'avait pas pris toutes les mesures propres à sauvegarder la santé et le droit au repos de son salarié, a dit que la Convention de forfait intégrée dans le contrat de travail de M.[Z] [S] devait être privée d'effet.

Il en résulte que ce salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre.

- la demande en paiement d'heures supplémentaires :

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'article L 3171-4 du code du travail précise que l'employeur doit présenter les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M.[Z] [S] communique, pour étayer sa demande, ses agendas électroniques pour les années 2008 à 2010, mentionnant ses heures de travail pour chaque journée travaillée ; son employeur, produit en réplique les planning 2004 à 2011 de son salarié, ainsi que son planning prévisionnel pour l'année 2012, mais ces documents, qui ne sont même pas signés par le salarié, ne comportent aucune mention relative à ses durées journalières de travail, de sorte qu'ils ne sont pas de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par ce dernier.

La SAS ISOR critique les décomptes présentés par son salarié en lui reprochant de comptabiliser des prestations qu'il n'a pas réalisées lui même, ou de procéder à des inspections inutiles à répétition mais elle ne produit aucun justificatif sur ce point ; elle ne démontre pas plus en quoi M.[Z] [S] aurait intégré dans ses plannings des trajets impossibles, les exemples qu'elle évoque n'étant à cet égard aucunement probant ; enfin, ses remarques d'ordre général sur le nombre de contremaître dont disposait son salarié ou le nombre de ses clients sont inefficaces au regard de la charge de la preuve qui lui incombe.

Il est en revanche exacte que M.[Z] [S] a comptabilisé 18 heures de rendez-vous personnels en heures supplémentaires entre le 15/07/2009 et le 25/11/2010 et il admet en page 29 de ses conclusions l'exclusion, le cas échéant, de ses demandes afférentes aux 28 octobre, 31 octobre et 18 novembre 2009 :

La Cour au vu de l'ensemble de ces considérations chiffre le montant des heures supplémentaires dont M.[Z] [S] est fondé à réclamer paiement au sommes suivantes :

- 2008 : 30247,08 €

- 2009 : 18823,08 €

- 2010 : 37320,78 €

- 2011: 47983,13 €

- 2012 : 13946,18 €

Soit 148320,25 € bruts augmentés de la somme de 14832 € bruts au titre des congés payés afférents.

- la perte du droit au repos compensateur :

Selon l'article L3121-11 du code du travail pris dans sa version issue de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel, légal ou conventionnel, ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos de 100 % pour les entreprises de plus de 20 salariés ; pour la période antérieure (ancien article L 3121-26) elle est égale à 50 % de chaque heure supplémentaire accomplie au-delà de 41 heures.

L'article D 3171-11 du même code prévoit qu'à défaut de précision conventionnelle contraire, le salarié est informé du nombre d'heures de repos compensateur auquel il a droit par un document annexé à son bulletin de paie ; le salarié qui, par manque d'information n'a pas été mis en mesure de formuler une demande de contrepartie obligatoire en repos peut prétendre à l'indemnisation de son préjudice qui comporte le montant d'une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos, augmentée des congés payés afférents.

Le contingent annuel fixé par la Convention collective nationale des entreprises de propreté est de 190 heures.

Au vu du décompte très détaillé produit en pièce 34 par M.[Z] [S] et qui n'est pas discuté à titre subsidiaire par son adversaire, ce salarié est fondé à obtenir paiement d'une indemnité calculée comme suit :

- 2008 : 20275,24 €

- 2009 :10310,88 €

- 2010 : 23860,01 €

- 2011: 31202,39 €

- 2012 : 5963,30 €

Soit la somme de 91611,82 €

2/ sur le licenciement :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; c'est à l'employeur qui invoque l'existence d'une faute grave privative d'indemnité d'en démontrer l'existence.

La Cour constate, à l'examen des pièces communiquées par la SAS ISOR, qu'elle ne démontre pas le bien fondé de sa première série de griefs relative à l'établissement des déclarations uniques d'embauche.

En effet, lorsque l'embauche du personnel est réalisée par M.[Z] [S] lui même, la délégation de pouvoir qu'il a acceptée le 1er mars 2004 prévoit expressément qu'il doit 'informer et communiquer au préalable au service du personnel, toute embauche, afin que la déclaration préalable à l'embauche soit faite, au plus tard au jour et à l'heure de l'engagement du salarié'; il en résulte que la SAS ISOR, n'est pas fondée à reprocher à son salarié une absence ou un retard dans l'établissement des DUE puisque cette mission ne lui incombe pas, sauf à démontrer qu'il n'a pas respecté son obligation d'information auprès du service du personnel.

Or, le courrier adressé à son salarié le 9 novembre 2007 pour attirer son attention sur la nécessité de respecter les dispositions relatives aux DUE ne revêt aucun caractère disciplinaire, et l'avertissement délivré sur ce point à l'intéressé le 1er décembre 2008 est antérieur de plus de 3 ans à son licenciement ; elle ne produit par ailleurs aucun document de nature à justifier les défaillances qu'elle reproche sur ce point à son salarié dans la lettre de licenciement, alors que ce dernier communique en revanche une attestation de Mme [A] excluant sa responsabilité pour le retard enregistré dans la déclaration de M. [R] ; M.[Z] [S] a par ailleurs observé avec pertinence lors de l'audience que son employeur, à qui incombe la charge de la preuve, ne démontrait pas de lien entre lui et les salariés mentionnés dans les 13 DUE produites pour la première fois par son adversaire en pièce 37 devant la Cour.

La Cour constate également que l'examen des contrats de travail et avenants établis au nom de Mme [Q], de Mme [I] et de M. [R], ne permet pas de caractériser l'existence d'une signature par duplicage et les intéressés n'en ont d'ailleurs pas attesté ; M.[Z] [S] produit en revanche les attestations de plusieurs salariés déclarant avoir signé leur engagement par voie électronique après avoir reçu de sa part toutes les informations nécessaires ; ce grief n'est donc pas plus établi que le précédent.

C'est à juste titre que les premiers juges ont considéré le grief relatif au non respect de la législation relative à la durée légale maximale de travail de M. [W] comme prescrit puisqu'il concerne l'année 2011 et que la SAS ISOR, qui soutient ne l'avoir découvert qu'au mois d'avril 2012, à l'occasion d'une demande de congés payés de ce salarié, ne communique pas le moindre justificatif sur ce point.

Si M.[Z] [S] ne conteste pas avoir fait travailler Melle [V] [Q] en contrat à durée déterminée au cours des mois de juillet, août et octobre 2011 soit plus de 7 mois avant son licenciement, sans justifier d'une autorisation parentale alors que cette salariée était mineure, il convient d'observer qu'une telle anomalie n'a pu échapper au service du personnel chargé d'effectuer les DUE et qu'il n'a pourtant reçu aucun rappel à l'ordre de la part de sa Direction à ce sujet ; ce grief peut d'autant moins être retenu à son encontre qu'il n'est pas contesté que les parents de [V] [Q] travaillaient en même temps que leur fille sur les mêmes sites.

La SAS ISOR reproche enfin à M.[Z] [S] d'avoir laissé M.[R] travailler 54 heures la semaine du 12 au 18 mars 2012 alors que la durée légale maximale de travail est de 48 heures par semaine, ainsi que 7 jours la semaine du 18 au 24 mars 2012 et 13 jours la semaine du 8 au 20 avril 2012, en violation des règles relatives au repos hebdomadaire.

L'examen des attachements de l'intéressé produits aux débats par la SAS ISOR, démontrent que ce salarié a en réalité travaillé 6 jours consécutifs du lundi 19 mars au samedi 24 mars 2012, 5 jours dont 4 consécutifs du mardi 10 avril au dimanche 15 avril et 6 jours dont 5 consécutifs du lundi 16 avril au dimanche 22 avril , soit dans la limite posée par l'article L 3132-6 du même code; s'il ressort de ce document qu'il aurait effectivement travaillé 54 heures au cours de la semaine du 12 au 18 mars 2012, c'est à dire au delà de la limite posée par l'article L3121-35 du code du travail, ce seul élément n'est pas de nature à justifier le prononcé d'un licenciement.

Il résulte de l'ensemble de ces considérations que le licenciement de M.[Z] [S] doit être considéré comme sans cause réelle et sérieuse ; la décision déférée sera en conséquence réformée en ce sens.

Le salaire de base de M.[Z] [S] s'élevait, au dernier état de la relation contractuelle à la somme de 3026,35 € bruts ; il est enconséquence fondé à obtenir paiement des sommes de :

* 2057,92 € bruts à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire du 6 au 26 mai 2012 augmentée de celle de 205,79 € bruts au titre des congés payés afférents,

*9079,05 € bruts à titre d'indemnité conventionnelle compensatrice de préavis (3 mois) augmentée de celle de 907,90 € bruts au titre des congés payés afférents,

*5790,34 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

M.[Z] [S] bénéficiait de 8 ans et 5 mois d'ancienneté à la date de son licenciement.

Il ne justifie pas de l'évolution de sa situation financière et matérielle suite à la rupture de son contrat de travail, les seuls documents produits sur ce point étant des justificatifs de Télé-actualisation sur Internet auprès de Pôle emploi, pour la période octobre 2012/juillet 2013 lesquels ne mentionnent ni la nature ni le montant des allocations qu'il a pu éventuellement percevoir.

La Cour chiffrera en conséquence son préjudice, au visa des dispositions de l'article 1235-3 du code du travail, à la somme de 18200 €.

3/ sur la clause de non concurrence :

La clause de non concurrence convenue par les parties est limitée dans le temps (deux ans suivant la cessation du contrat) et dans l'espace ([Localité 3] et la région lyonnaise), et ne concerne que les entreprises ayant la même activité que la société ISOR, ce qui ne plaçait pas M.[Z] [S] dans l'impossibilité de travailler ; elle tient compte de la spécificité des fonctions du salarié qui était en contact permanent avec la clientèle depuis de nombreuses années et a bien pour objet de protéger les intérêts légitimes de la SAS ISOR, compte tenu de l'importance du risque concurrentiel dans ce secteur d'activité.

La contrepartie financière, fixée à 15 % du dernier salaire de base mensuel brut perçu par le salarié, n'apparaît enfin aucunement dérisoire eu égard au montant dudit salaire et à sa durée.

C'est en conséquence à bon droit que les premiers juges ont admis la licéité de cette clause de non concurrence et débouté M.[Z] [S] de sa demande de dommages et intérêts.

En cas de non respect par le salarié de cette clause de non concurrence, la SAS ISOR est contractuellement libérée du versement de sa contrepartie financière et, après mise en demeure non suivie d'effet, elle peut également prétendre au paiement d'une indemnité égale à 9 fois le montant du dernier salaire de base mensuel brut.

La SAS ISOR a mis M.[Z] [S] en demeure par lettre recommandée avec avis de réception du 5 décembre 2012 de mettre un terme à ses agissements concurrentiels pour le compte de la Société IOS France, auprès d'un de ses prospect, constatés au mois de novembre 2012 par l'un de ses salariés.

Il est en premier lieu admis que Mme [K] [M], compagne de M.[Z] [S] est bien la gérante de la Société IOS France, qui exerce une activité concurrentiel de nettoyage ; l'appelant ne conteste pas, en outre, avoir effectivement rencontré un ancien collègue, M. [J], courant novembre 2012 dans les locaux d'un prospect de son ancien employeur mais ne s'explique nullement sur les motifs de sa présence.

Ces éléments cumulés suffisent à caractériser la violation reprochée à M.[Z] [S] de sa clause contractuelle de non concurrence.

La SAS ISOR produit par ailleurs aux débats une attestation manuscrite claire, précise et circonstanciée établie le 15 avril 2013 par Mme [B] [T], sans qu'il soit soutenu que cette dernière comprend mal le français, aux termes de laquelle elle affirme avoir été contactée pour le compte de la société IOS France par M.[Z] [S], et avoir réalisé dans ce cadre diverses prestations fin 2012 et début 2013 ; ce témoignage démontre que l'activité concurrentielle de ce dernier a bien persisté, ainsi que le soutient la SAS ISOR, après la mise en demeure du 5 décembre 2012 et il ne se trouve pas utilement contredit par l'attestation contraire non datée, rédigée par cette même salariée pour affirmer que ses contacts avec M.[Z] [S] n'étaient pas professionnels mais amicaux, ces nouvelles déclarations étant manifestement de pure circonstance.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a condamné M.[Z] [S] à rembourser à la SAS ISOR la somme demandée de 2182,50 € perçue au titre de la contrepartie financière (436,50x5).

La Cour, constatant que la SAS ISOR procède par voie d'affirmation sans justifier d'un préjudice précis lié à cette activité concurrentielle, limitera le montant de ses dommages et intérêts à la somme de 5000 € par application des dispositions de l'article 1152 du code civil.

3/ Sur les demandes annexes :

Il serait contraire à l'équité de laisser M.[Z] [S] supporter seul l'entière charge de ses frais irrépétibles,

La SAS ISOR qui succombe dans l'essentiel de ses prétentions, sera justement condamnée aux dépens de la présente procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement rendu le 18 septembre 2014 par le Conseil de prud'hommes de [Localité 3] en ce qu'il a :

* dit que la clause de non concurrence liant la SAS ISOR et M.[Z] [S] était licite et n'avait pas été respectée,

* condamné ce dernier à rembourser la somme de 2182,50 € outre intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision,

* dit que la clause de 'forfait jours'figurant au contrat de travail de M.[Z] [S] est illicite et

* alloué à ce dernier une indemnité de procédure,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs de décision réformés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M.[Z] [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

Condamne la SAS ISOR, à verser à M.[Z] [S] les sommes de :

- 148320,25 € bruts au titre des heures supplémentaires,

- 14832 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 91611,82 €à titre de dommages et intérêts pour perte du droit au repos compensateur,

- 2057,92 € bruts à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire du 6 au 26 mai 2012 augmentée de celle de 205,79 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 9079,05 € bruts à titre d'indemnité conventionnelle compensatrice de préavis augmentée de celle de 907,90 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 5790,34 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

-18200 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne M.[Z] [S] à verser à la SAS ISOR la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause contractuelle de non-concurrence,

Condamne la SAS ISOR à verser à M.[Z] [S] la somme de 1500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS ISOR aux entiers dépens de la procédure.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Jean-Louis BERNAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 14/07762
Date de la décision : 16/10/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°14/07762 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-16;14.07762 ?
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