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13/10/2015 | FRANCE | N°14/06055

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 13 octobre 2015, 14/06055


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/06055





SAS INTERNATIONAL RESORTS MANAGEMENT



C/

[I]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Juillet 2014

RG : F 12/01657











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2015













APPELANTE :



SAS INTERNATIONAL RESORTS MANAGEMENT


[Adresse 1]

[Adresse 2]



représentée par Me Caroline GARNERO, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉ :



[R] [I]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1] (86)

[Adresse 3]

[Localité 2]



représenté par Me Laurent BURGY de la SELAS LLC ET ASSOCIES -BUREAU ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/06055

SAS INTERNATIONAL RESORTS MANAGEMENT

C/

[I]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Juillet 2014

RG : F 12/01657

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2015

APPELANTE :

SAS INTERNATIONAL RESORTS MANAGEMENT

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Caroline GARNERO, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

[R] [I]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1] (86)

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Laurent BURGY de la SELAS LLC ET ASSOCIES -BUREAU DE LYON, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Juin 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel BUSSIERE, Président

Agnès THAUNAT, Conseiller

Vincent NICOLAS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 Octobre 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel BUSSIERE, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Attendu que selon contrat de travail à durée indéterminée M. [I] a été embauché par la SAS International Resorts Management à compter du 18 août 2008 comme directeur de maintenance avec statut de cadre, niveau 7 et coefficient 380, la relation de travail étant régie par la convention collective de l'immobilier car la SAS International Resorts Management est un prestataire de services qui exploite des résidences de tourisme.

Attendu que les relations avec l'employeur s'étant dégradées, une rupture conventionnelle du contrat de travail a été infructueusement tentée ; qu'un avertissement a été infligé le 12 décembre 2011 à M. [I] et qu'après un entretien préalable du 6 mars 2012 une mise à pied conservatoire lui a été notifiée ; que par lettre en date du 19 mars 2012 il prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur dans les termes suivants :

« Par la présente, je prends acte de la rupture de mon contrat de travail du fait de vos manquements répétés et suffisamment graves lors de l'exécution du contrat de travail.

Depuis un environs un an , je fais l'objet d'un harcèlement moral de votre part dans le but de l'évincer de l'entreprise.

Apres avoir refusé votre proposition de rupture conventionnelle, j'ai vu mes conditions de travail se détériorer davantage par votre faute.

Vous avez annoncé à mes collègues de travail mon départ de l'entreprise alors qu'il n'était plus question que je parte, me plaçant dans une situation délicate et gênante vis-à-vis d'eux.

Vous avez mis en place à mon égard une surveillance accrue alors que j'ai un statut de cadre autonome en me demandant de faire des comptes rendus par demi-journées et en m'obligeant à demander sept jours à l'avance un accord préalable pour mes déplacements professionnels.

A de multiples reprises, vous m'avez exclu, à dessein, de la vie de l'entreprise en m'évinçant des réunions, des mails groupés.

Vos manquements se caractérisent également par des sanctions disciplinaires injustifiées dans le but de me faire quitter l'entreprise (avertissement du 12 décembre 2011et mise à pied conservatoire du 9 février 2012).

Dernièrement, vos agissements ont pris des proportions telles que je ne peux que constater que la relation de travail qui nous unissait a été rompue.

En effet vous me prêtez des propos que je n'ai jamais tenus et que j'ai du a chaque fois démentir.

Enfin, vous me laissez sciemment dans une situation précaire et incertaine en me mettant à pied pour une durée excessive, me privant ainsi de mon salaire et de mon travail.

Ces différents manquements rendent impossible la poursuite du contrat de travail qui nous lie et j'en prends acte.

Merci de me rayer des effectifs à compter du lundi 19 mars 2012.

Je vous informe également que je saisis immédiatement la juridiction prud'homale. »

Attendu que par lettre recommandée du même jour mais reçue le lendemain 20 mars 2012 par le salarié, la SAS International Resorts Management lui notifiait son licenciement pour faute grave

Attendu que par jugement n° RG F 12/01657 daté du 10 juillet 2014 le conseil de prud'hommes de Lyon, section encadrement, a statué ainsi :

- dit et juge que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [I] le 19 mars 2012 est intervenue aux torts exclusifs de la SAS International Resorts Management et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du prononcé du licenciement le 20 mars 2012

- condamne la SAS International Resorts Management à verser à M. [I] les sommes suivantes à titre de :

* indemnité compensatrice de préavis : 10'325,25 €

* congés payés afférents : 1 032,52 €

* indemnité conventionnelle de licenciement : 3 083,23 €

* dommages-intérêts pour licenciement : 30'000 €

* article 700 du code de procédure civile : 1 600 €

- ordonne la remise par la SAS International Resorts Management à M. [I] des documents afférents à la rupture de contrat de travail rectifié en fonction du présent jugement

- ordonne l'exécution provisoire totale du présent jugement conformément à l'article 515 du code de procédure civile

- déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

- condamner la SAS International Resorts Management aux entiers dépens de l'instance, y compris les éventuels frais d'exécution forcée de la présente décision

Attendu que par lettre recommandée expédiée le 17 juillet 2014 et reçue au greffe de la cour le 18 juillet 2014, la SAS International Resorts Management (l'appelante) a déclaré interjeter appel du jugement précité à l'encontre de M. [I] (l'intimé)

Attendu que par conclusions en réponse n° 2 déposées au soutien de ses observations orales à l'audience, l'appelante demande de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel et infirmer le jugement entrepris

- débouter M. [I] de toutes ses demandes

- dire et juger que 'la prise d'acte du contrat' de M. [I] s'analyse en une démission

- condamner M. [I] à lui payer la somme de 10'325,25 € à titre d'indemnité de préavis non effectué avec intérêts de droit à compter du prononcé de l'arrêt et la somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens

Attendu que par conclusions déposées au soutien de ses observations orales à l'audience, l'intimé demande de :

- dire et juger qu'il apporte des éléments de nature à démontrer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages intérêts pour harcèlement moral

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé aux torts exclusifs de la SAS International Resorts Management la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail du 19 mars 2012

- requalifier la prise d'acte de rupture du contrat de travail du 19 mars 2012 en licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner la SAS International Resorts Management à lui verser les sommes suivantes à titre de :

* indemnité compensatrice de préavis : 10'325,25 €

* congés payés afférents : 1 032,52 €

* indemnité conventionnelle de licenciement : 3 083,23 €

* dommages intérêts pour licenciement : 30'000 €

- ordonner la remise des documents de rupture et de bulletin de paye de mars 2012 rectifié, sous astreinte de 50 € par jour de retard d à compter de la notification à intervenir

- fixer sa rémunération mensuelle moyenne à la somme de 3.441,75 €

- condamner la SAS International Resorts Management à lui verser la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;

Attendu que l'affaire a été plaidée à l'audience du 16 juin 2015 ;

Attendu qu'il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs faits, moyens et prétentions ;

SUR CE

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ;

Attendu que l'employeur explique que la qualité du travail de M. [I] ayant baissé, ce dernier avait accepté par lettre du 29 août 2011 le principe d'une rupture négociée du contrat de travail mais qu'à la suite d'un entretien réalisé le 16 septembre 2011 avec possibilité de se faire assister, il avait refusé l'indemnité proposée par l'employeur ;

Attendu que la prise d'acte de rupture du contrat de travail par l'employé est antérieure à la notification de la lettre de licenciement par l'employeur et qu'il convient dans ces conditions d'apprécier la portée de la décision de M. [I] ;

Attendu que les premiers juges ont retenu que M. [I] rapportait la preuve de ce qu'il avait été écarté d'informations importantes et que ces faits avaient eu pour conséquence de le priver d'une partie de ses moyens d'action, en instaurant des obligations nouvelles en contradiction avec son statut contractuel de cadre autonome, et que ces faits constituaient des manquements graves de l'employeur à ses obligations de nature à justifier la prise d'acte par le salarié de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, sans toutefois présenter des caractéristiques de harcèlement moral ;

Attendu que l'appelante conteste les motifs des premiers juges en expliquant que si certains courriers électroniques n'étaient pas diffusés à M. [I], c'est parce qu'ils concernaient seulement les responsables régionaux, contrairement à M. [I] qui n'était que directeur de maintenance et que notamment pour le courrier électronique du 21 juin 2011 (pièce n° 17) il ne pouvait pas en être destinataire, comme cela avait été le cas pour tous les autres messages électroniques diffusés aux responsables régionaux sur la période de 2008 à 2011 sans protestation de la part de M. [I] ; que l'employeur explique encore que M. [I] avait bien été convié à l'inauguration de la résidence [Adresse 4] aux Gets le 19 janvier 2012 alors que cette invitation récompensant le travail effectué était réservée à un nombre très restreint de salariés et que s'il a produit une demande de récupération du temps de travail pour tenter de faire croire qu'il n'avait pas été invité, ladite demande était antérieure à l'envoi des invitations à cette inauguration et que la présence de M. [I] lors de l'inauguration confirme que l'employeur n'avait aucune intention de le mettre à l'écart ;

Attendu que les explications données par l'appelant sont pertinentes et que les autres faits relevés par l'employé en matière de rétention d'information ne sont pas de nature à caractériser les manquements graves imputables à l'employeur et pouvant justifier la prise d'acte de rupture du contrat de travail imputable à ce dernier dès lors que la SAS International Resorts Management était tenue de procéder à une réaffectation des locaux utilisés pour son activité, ce qui supposait pour M. [I] un changement de bureau mais avec maintien d'un local indépendant et non pas d'un local commun en 'open space' ;

Attendu que les motifs elliptiques du jugement entrepris semblent retenir que l'exigence de justification hebdomadaire de l'emploi du temps de M. [I] était incompatible avec son statut contractuel de cadre autonome et que l'employeur rappelle encore qu'un cadre autonome d'une entreprise n'est pas dispensé d'informer l'employeur de l'emploi de son temps de travail et que le fait de lui demander la transmission de ses plans de travail hebdomadaire et de ses déplacements ne constitue pas un traitement spécial pour ce salarié des lors que ces prescriptions avaient d'abord été imposées aux responsables généraux puis généralisée dans le cadre de la réorganisation des services avec pour objectif de rationaliser les tâches de chacun ; que s'agissant d'une mesure applicable à tous les cadres, il ne s'agissait pas d'une mesure destinée à amoindrir l'autonomie d'action de M. [I] en qualité de cadre ; qu'à ce propos l'appelante rappelle à bon droit que selon la convention collective applicable, l'autonomie s'entend « en tenant compte des consignes, instruction des directives reçues dans le cadre de l'organisation générale du travail » et que tel était bien le cas en l'espèce ;

Attendu que l'employeur a parfaitement justifié sa position et que si le statut de cadre confère à l'intéressé une autonomie certaine et indéniable dans l'organisation de son travail, elle ne fait pas de lui un travailleur indépendant dispensé de rendre compte de ses activités à son supérieur hiérarchique ou au chef d'entreprise ; que les reproches formulés à ce titre par M. [I] à son employeur ne justifient pas la rupture du contrat de travail ;

Attendu que M. [I] conteste encore le reproche concernant la réception des parties communes de la résidence [Adresse 5] et réalisée seulement par un stagiaire ; que cependant cet élément, tel qu'il est relaté par l'intimé lui-même, des notes avant tout un manque de coordination au sein de l'équipe chargée de la réception de cette résidence mais ne révèle nullement un manquement grave de l'employeur à ses obligations vis-à-vis du salarié et propre à justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ;

Attendu qu'au vu de ces éléments l'employeur a parfaitement expliqué que les reproches formulés par le salarié ne constituaient nullement des manquements graves aux obligations de l'employeur pouvant justifier la prise d'acte de rupture du contrat de travail imputable à la SAS International Resorts Management et que de ces conditions la prise d'acte de rupture constitue une démission ;

Attendu que l'employeur demande le paiement d'une indemnités de 10'325 € correspondant au préavis non effectué par le démissionnaire et qu'il sera fait droit la demande ;

Attendu que de même l'ensemble des faits repris par M. [I] dans ses conclusions ne sont pas des faits précis et concordants pouvant caractériser un harcèlement moral comme l'a retenu à bon droit le conseil de prud'hommes, d'autant qu'au vu des explications reprises ci-avant, l'employeur a justifié que les actions de gestion de l'entreprise dénoncées par M. [I] étaient bien justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que pour toutes ces raisons, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'absence de harcèlement moral mais de l'infirmer sur les faits de la prise d'acte de rupture du contrat de travail et de retenir au contraire la démission du salarié ;

Attendu que l'intimée qui succombe supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant après en avoir délibéré, publiquement, en matière sociale, en dernier ressort et contradictoirement

Déclare l'appel recevable et fondé ;

Confirme le jugement entrepris en qu'il a rejeté la demande au titre du harcèlement moral ;

L'infirme en ses autres dispositions et statuant à nouveau ;

Dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail par M. [I] s'analyse en une démission ;

Déboute M. [I] de toutes ses demandes ;

Condamne M. [I] à payer à la SAS International Resorts Management la somme de 10'325 € (dix mille trois cent vingt-cinq euros) au titre du préavis non effectué ;

Y ajoutant

Condamne M. [I] à payer à la SAS International Resorts Management la somme de 3500 € (trois mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [I] aux entiers dépens.

Le greffierLe président

Sophie MascrierMichel Bussière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 14/06055
Date de la décision : 13/10/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°14/06055 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-13;14.06055 ?
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