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12/10/2015 | FRANCE | N°14/06294

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 12 octobre 2015, 14/06294


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 14/06294





[I]



C/

SA EURONEWS







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 03 Juillet 2014

RG : F 13/00447











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2015







APPELANT :



[U] [I]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1] (IRAN)

[Adresse

1]

[Localité 2]



représenté par Me Liliane SABER, avocat au barreau de PARIS substituée par Me HAZEGHI Sina







INTIMÉE :



SA EURONEWS

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Nazanine FARZAM-ROCHON de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON

...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 14/06294

[I]

C/

SA EURONEWS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 03 Juillet 2014

RG : F 13/00447

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2015

APPELANT :

[U] [I]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1] (IRAN)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Liliane SABER, avocat au barreau de PARIS substituée par Me HAZEGHI Sina

INTIMÉE :

SA EURONEWS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Nazanine FARZAM-ROCHON de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 29 Juin 2015

Présidée par Agnès THAUNAT, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel BUSSIERE, président

- Agnès THAUNAT, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Octobre 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel BUSSIERE, Président et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

M. [U] [I] a été engagé par SA Euronews, suivant un contrat à durée indéterminée du 18 novembre 2010, en qualité de journaliste bilingue de langue farsi en niveau 9, de la classification des fonctions mise en place dans la société et soumis à la convention collective nationale des journalistes.

Le contrat de travail signé par M . [U] [I] et la S.A. Euronews stipulait : "Vous serez rattaché hiérarchiquement au Rédacteur de Chef et aux rédacteurs en Chef Adjoints et, par délégation, au(x) Responsable(s)d'Edition, Responsable de rubrique ou Producer selon votre affectation en équipe News, Rubrique ou magazines. Vous devrez respecter leurs directives éditoriales. Vous devrez par ailleurs respecter les directives, notamment linguistiques et d'organisation qui vous seront données par votre responsable de langue ."

M. [U] [I] travaillait dans l'équipe de langue farsi. Mme [G] [U] était chef de ce service.

Par lettre recommandée du 5 décembre 2012 et remise en main propre le 7 décembre 2012, l'employeur a convoqué M. [I] à un entretien préalable le 19 décembre 2012, avec mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée du 31 décembre 2012, la société Euronews a notifié à M. [I] son licenciement pour faute grave en ces termes :

'(...)Faisant suite à l'entretien préalable du 19 décembre dernier, nous vous informons que nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave pour les raisons exposées ci-après.

Pour mémoire, vous avez été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement par courrier recommandé daté du 5 décembre 2012. Le courrier recommandé vous a été présenté mais vous avez délibérément refusé de le recevoir.

Vous ne vous êtes donc pas présenté à l'entretien.

Le 13 novembre 2012, vous avez rédigé un article intitulé '[I] [F] réclame le statut d'Etat observateur pour la Palestine '. Cet article, publié le même jour sur le site internet Euronews.com, a été légèrement modifié par votre responsable hiérarchique, Madame [G] [U], Chef de service Perse, afin de le rendre plus juste.

En effet, en qualité de chef de service de l'équipe perse, Madame [G] [U] est garante du respect de la ligne éditoriale d'Euronews ainsi que de la qualité linguistique des scripts et des articles publiés sur le site internet. Elle est donc régulièrement amenée à effectuer des corrections sur les articles des journalistes de l'équipe perse.

Aussi, après cette modification, le titre de votre article était rédigé comme suit : '[I] [F] réclame le statut d'observateur pour l'Autorité Palestinienne'.

Suite à cette légère modification, vous avez envoyé à votre Responsable une série de courriels parfaitement inappropriés, lui ordonnant instamment de retirer la modification qu'elle avait effectuée sur le titre de votre article, au motif que celle-ci était incorrecte.

Entre le 13 et le 16 novembre 2012, constatant que Madame [U] ne cédait pas à votre demande, vous lui avez envoyé pas moins de 12 courriels dans lesquels vous avez tenu des propos absolument inacceptables, notamment envers elle, et ce, en mettant à chaque fois en copie l'ensemble des journalistes de l'équipe perse.

Vous lui avez ainsi renvoyé un premier courriel, le 13 novembre 2012 à 12h11, dans lequel vous la remerciez ironiquement de l'attention qu'elle porte à vos articles et vous lui demandez instamment, lorsqu'elle procède à la modification d'un de ceux-ci, de ne pas changer le correct en incorrect.

De la même manière, vous lui avez envoyé un courriel le même jour à 13h22 dans lequel vous citez la première partie d'un célèbre proverbe iranien, dont l'intégralité pourrait être traduite de la manière suivante : 'Nous ne pouvons rien attendre de bien de ta part, alors épargne nous ton vice'.

Le 14 novembre à 15h09, Madame [U] refusant toujours d'accéder à votre demande, vous lui avez cette fois-ci envoyé un courriel, dans lequel vous sous-entendez qu'elle ne dispose pas des facultés de compréhension nécessaires pour saisir votre argumentation.

Pis encore, le 14 novembre à 15h27, vous avez remis officiellement en cause ses compétences professionnelles et managériales devant l'ensemble de l'équipe perse, en lui indiquant par courriel, que si vous deviez être honnête, nous ne voyez pas chez elle les qualifications éditoriales qui lui permettent aujourd'hui d'être responsable du service perse.

Aussi, au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que vous utilisez un élément éditorial pour dénigrer, critiquer et discréditer votre responsable hiérarchique à l'égard de l'ensemble de son équipe.

Nous vous rappelons qu'en qualité de journaliste bilingue de la langue perse, vous avez la possibilité de discuter des données éditoriales mais en aucun cas cela ne vous autorise à ordonner à votre responsable le retrait d'une modification d'un article et à attaquer et décrier ses compétences.

Cette attitude est d'autant plus inadmissible que vous avez déjà fait l'objet de plusieurs sanctions pour des faits similaires. Ainsi, ce nouvel incident traduit clairement votre volonté manifeste de ne pas tenir compte de nos précédentes remarques.

Dès lors, vous comprendrez que nous ne pouvons tolérer plus longtemps au sein de l'entreprise une telle attitude qui dénigre son supérieur hiérarchique, remet en cause le bon fonctionnement du service perse, et plus largement celui de la société.

Nous considérons que l'ensemble de ces éléments constitue une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire dans l'entreprise.

Dans ces conditions, votre licenciement prendra effet ce jour, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Nous vous signalons également qu'en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire à compter du 7 décembre 2012 ne vous sera pas versé.(...) »

C'est en l'état que le Conseil de Prud'hommes de Lyon a été saisi, le 1er février 2013, par M. [U] [I].

LA COUR,

statuant sur l'appel interjeté par M. [U] [I] le 24 juillet 2014, à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de LYON, section Encadrement, qui a le 3 juillet 2014 :

- dit et jugé que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement de Monsieur [U] [I] sont ceux ayant motivé la décision de la SA Euronews,

- dit et jugé que le licenciement de Monsieur [U] [I] par la SA Euronews repose sur une faute grave,

- dit et jugé que la procédure applicable à ce licenciement a été respectée,

en conséquence,

- débouté Monsieur [U] [I] de toutes ses demandes,

- condamné Monsieur [U] [I] à payer à la SA Euronews la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé de la présente décision,

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Vu les conclusions développées oralement à l'audience du 29 juin 2015, par M. [U] [I] qui demande principalement à la cour de :

- infirmer entièrement le jugement rendu en première instance,

A titre principal,

- reconnaître le non respect des garanties de fond de la procédure de licenciement de la convention applicable en l'espèce,

- dire et juger que le licenciement de M. [I] pour faute grave comme dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Euronews au paiement des sommes suivantes :

- 9.078 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 52.284 € au titre de l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 8.715 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 871 € au titre des congés payés y afférent,

- 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- requalifier le licenciement de M. [I] pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Euronews au paiement des sommes suivantes :

- 9.078 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 8.715 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 871 € au titre des congés payés y afférent,

- 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions développées oralement à l'audience du 29 juin 2015 par la SA Euronews qui demande à la cour de :

- dire et juger que le licenciement prononcé à l'encontre de Monsieur [I] repose sur une faute grave,

En conséquence,

- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Lyon du 3 juillet 2014 dans toutes ses dispositions,

- débouter Monsieur [I] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouter Monsieur [I] de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement et de préavis,

- débouter Monsieur [I] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner reconventionnellement Monsieur [I] à verser à la société Euronews la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [I] aux entiers dépens.

Sur le non-respect de la procédure conventionnelle de licenciement

M. [U] [I] soutient qu'en application des dispositions combinées des articles 3B et 47 de la convention collective des journalistes, la société Euronews aurait dû saisir préalablement à la procédure de licenciement la « commission paritaire amiable », ce défaut de saisine préalable, rendant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'article 3 B. - « Liberté d'opinion » de la convention collective applicable en l'espèce est rédigé ainsi qu'il suit : « Les organisations contractantes rappellent le droit pour les journalistes d'avoir leur liberté d'opinion, l'expression publique de cette opinion ne devant en aucun cas porter atteinte aux intérêts de l'entreprise de presse dans laquelle ils travaillent. Les litiges provoqués par l'application de ce paragraphe seront soumis à la commission paritaire amiable prévue à l'article 47 ».

Par ailleurs, l'article 47 de ladite convention précise que : « Les parties sont d'accord pour recommander, avant le recours à la procédure prévue par les articles L761-4 et L761-5 du Code du travail, de soumettre les conflits individuels à une commission paritaire amiable, ayant uniquement mission conciliatrice, composée de deux représentants des employeurs et de deux représentants des journalistes désignés par les organisations patronales et de salariés en cause.

Une commission paritaire amiable pourra toujours être constituée en cas de besoin, dans chaque région, pour connaître les différends individuels.

Si l'une des parties récuse cette commission ou si la tentative de conciliation échoue, les intéressés auront toujours, suivant le cas, la faculté de porter le litige soit devant la commission arbitrale prévue par l'article L761-5 du Code du travail, soit devant toute autre juridiction compétente en la matière ».

Il résulte de la combinaison de ces textes que le préalable de conciliation par cette commission n'est exigé qu'en ce qui concerne les litiges relevant de la liberté d'opinion des journalistes.

En l'espèce, s'agissant d'un licenciement disciplinaire la lettre de licenciement fixe les limite du litige. Il est fait grief au salarié d' « utilisez un élément éditorial pour dénigrer, critiquer et discréditer (sa) responsable hiérarchique à l'égard de l'ensemble de son équipe. » Dans ces conditions, le licenciement dont s'agit n'est pas fondé sur la liberté d'opinion du journaliste, mais bien sur un abus de sa liberté d'expression.

Dans ces conditions, la saisine de cette commission n'avait pas un caractère obligatoire et le défaut de saisine de celle-ci est sans effet sur la régularité du licenciement de M. [U] [I].

 Sur le licenciement pour faute grave

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-6 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

M. [U] [I] a été licencié pour avoir adressé en deux jours douze courriels à sa supérieure hiérarchique, avec copie à l'ensemble du service Perse de la société Euronews, certains de ces courriels critiquant, dénigrant et discrétisant sa responsable hiérarchique devant son équipe.

La cour rappelle que si le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, d'une liberté d'expression, il ne peut en abuser en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.

En l'espèce, les courriels litigieux ont pour origine, la modification par Mme [G] [U], chef de service de l'équipe perse, de la rédaction du titre d'un article rédigé par M. [U] [I], publié sur le site internet Euronews.com le 13 novembre 2012 . A la rédaction de M.[U] [I] : « [I] [F] réclame le statut d'Etat observateur pour la Palestine », Mme [G] [U] a substitué la rédaction suivante : « [I] [F] réclame le statut d'observateur pour l'Autorité Palestinienne ».

A travers la succession des courriels litigieux, M. [U] [I] estimant que Mme [G] [U] se trompait, lui a demandé de revenir sur sa décision.

M. [U] [I] soutient que le licenciement serait intervenu sur le fondement de traductions non assermentées, celles-ci n'ayant été communiquées que postérieurement.

La cour constate qu'il résulte des pièces produites aux débats que le licenciement a visiblement été effectué sur le fondement de traductions en langue anglaise effectuées par Mme [U] , de courriels rédigés en langue farsi. Pour autant, le salarié ne critique pas à proprement parler les propos qui lui sont prêtés. Il produit en cause d'appel des traductions en langue française des courriels litigieux établies par M. [T] [R], expert près la cour d'appel de Grenoble, dont la teneur est reproduite ci-dessous. A quelques détails, près le texte de la traduction de M. [R] ne diffère pas de celui des propos qui sont reprochés au salarié dans la lettre de licenciement. Dans ces conditions, il importe peu que le licenciement soit intervenu sur le fondement de traductions libres.

Le courriel expédié par le salarié le 13 novembre 2012, à 12h11 est rédigé ainsi qu'il suit : « Chère [G], Je vous remercie de l'attention que vous portez aux différents articles que j'ai écrits. L'Autorité palestinienne est une « organisation » et ne peut pas devenir Etat observateur, non membre de l'ONU et être reconnu, tel que le souhaite [I] [F]. Les pourparlers de [I] [F] sont sur l'existence d'un état palestinien indépendant à l'ONU et sa reconnaissance en tant que état observateur et c'est pour cette raison que j'ai utilisé Palestine (entre guillemet) ou d'après certains région palestinienne comme titre pour mon article . (') quand vous voulez apporter des modifications dans mes articles, je vous prie de ne pas transformer ce qui est juste en faux Effectivement, durant ces deux années rien n'a nécessité autant d'énergie à dépenser que de vous expliquer la justesse de mes écrits.(...) »

Le courriel du 13 novembre 2012 à 13h22, après un rappel de la position du salarié soulignant que « l'organisation autonome choisie par vous pour désigner cette entité, ne peut devenir un état observateur » continue de la manière suivante : « il est préférable d'arrêter la discussion à ce sujet car ces explications sans fin me rappellent l'histoire de « nous n'espérons rien de bon... »

Mme [U] a dans un courriel expédié le 14 novembre 2012 à 15H03 a tenté d'expliquer sa position de la manière suivante : « Je pense que vous n'avez pas compris le point sur lequel je voulais attirer votre attention Peut-être ne l'ai-je pas bien exprimé. A l'heure actuelle, l'organisation des Nations Unis n'a pas reconnu la Palestine comme un pays indépendant. Lorsqu'elle l'aura reconnue, si Dieu le veut, nous pouvons, dans ce cas là, dire Palestine, en tant que pays. (...) »

Le courriel de M. [U] [I] expédié le 14 novembre 2012 à 15h09 est rédigé comme suit, «  Chère [G], Ou vous faites semblant de ne pas comprendre ou vous me prenez pour un idiot et dans les deux cas vous n'êtes pas sur la bonne voie.

L'emplacement de cet intitulé dans le titre est le v'u de [I] [F] et le désir du média qui l'a transmis. C'est un point de vue, ce n'est pas l'acceptation de la création de l'Etat indépendant de Palestine. La frontière entre les deux est assez mince et la voir nécessite l'habilité pour comprendre la signification des mots. Vous passez toujours à coté de ce concept(...) »

Le courriel de M. [U] [I] du 14 novembre 2012 à 15h27 est rédigé de la façon suivante :

« Chère [G], Ces deux dernières années les pires insultes ont été faites à mon travail et ma dignité professionnelle a été bafouée. Si je veux bien être sincère vous n'avez aucune compétence d'éditorialiste nécessaire pour diriger le groupe (équipe). Même si on ne met pas Palestine entre guillemet cela ne signifie pas qu'on la reconnaît en tant qu'Etat. En plus il est écrit à côté qu'il est question de sa transformation en Etat. Avec respect. ».

Il est établi et non contesté que l'ensemble des courriels adressés par M. [U] [I] à Mme [U] , avait également pour destinataires en copie tous les membres de l'équipe Perse.

M. [U] [I] soutient que l'envoi de courriel en mettant en copie l'ensemble de l'équipe Perse a toujours été en usage dans l'entreprise. La cour relève que ce point est contesté et que les dires du salarié ne sont, sur ce point étayés, que sur la production d'un unique courriel de Mme [U] (pièce 16 du salarié) dont le texte a été occulté, si bien qu'on en ignore sa teneur, ce qui est insuffisant à établir l'usage dont se prévaut le salarié.

La cour retient que l'envoi des courriels reproduits ci-dessus adressés en copie à l'ensemble de ses collègues travaillant dans la même équipe de langue farsi, a excédé la liberté d'expression de M. [U] [I] dans l'entreprise, dans la mesure où devant l'ensemble des salariés placés sous l'autorité de Mme [U], ils mettaient en doute ses qualités professionnelles, voir ses aptitudes intellectuelles et sa compétence pour occuper son poste dans l'entreprise.

Dans ces conditions, il importe peu que le salarié ait eu raison ou non sur le fond en ce qui concerne la résolution soumise aux votes de l'assemblée générale des Nations Unies. Il a tenu des propos excessifs à l'encontre de sa supérieure hiérarchique, devant l'ensemble de ses collègues de langue farsi, remettant expressément en cause sa compétence.

La lettre de licenciement rappelle à juste titre que M. [U] [I] avait déjà fait l'objet de sanctions pour des faits similaires.

En effet, par courrier recommandé en date du 15 juillet 2011, la société Euronews reprochant à M. [U] [I] l'envoi de courriels à Mme [U], chef de service de langue farsi, contestant ses décisions et mettant en doute les corrections ou recommandations linguistiques qu'elle apportait à son travail et dont il avait mis en copie l'ensemble de l'équipe en langue farsi, lui indiquait qu'il était normal et souhaitable de dialoguer avec son supérieur hiérarchique, que cependant, l'employeur ne pouvait pas tolérer les contestations systématiques et les accusations publiques sans fondement, qui étaient sources de climat délétère et malsain ; que de même que le ton qu'il employait dans ses courriels adressés à Mme [U], avec copie à l'ensemble du service était un mode de communication que l'employeur ne pouvait admettre ; qu'il pouvait s'adresser au rédacteur en chef s'il avait des interrogations concernant certaines décisions ; qu'il décidait de ne pas donner suite à cette procédure disciplinaire, mais lui demandait de corriger son comportement et d'adopter une attitude constructive avec son chef de service et au sein de la rédaction.

Par courrier recommandée du 30 août 2011, un avertissement était délivré au salarié pour avoir adressé un courriel le 3 août 2011 à un très grand nombre de destinataires certains n'étant pas salariés d'Euronews portant des accusations graves et diffamatoires et lui rappelait que la charte informatique du 24 février 2011, précisait que s'il était possible d'exprimer une opinion personnelle dans un mail dans le système informatique d'Euronews, celui-ci devait faire preuve de la plus grande correction à l'égard des interlocuteurs. 

Par courrier recommandée en date du 30 novembre 2011, la société Euronews a reproché à M. [U] [I] l'envoi de deux courriels à Mme [G] [U] le 5 octobre 2011, le second étant adressé en copie à l'ensemble de l'équipe, d'un ton complètement inapproprié, agressif et remettant clairement en cause le professionnalisme de sa responsable. La société Euronews a indiqué renoncer à prononcer à son encontre une sanction disciplinaire mais lui a demandé de corriger son comportement et d'adopter une attitude constructive avec sa chef de service.

La charte informatique en vigueur dans l'entreprise précise que « l'utilisateur doit faire preuve de la plus grande correction à l'égard de ses interlocuteurs dans les échanges électronique par messages, forums de discussions.. ».

En l'espèce, les courriels litigieux s'ils se présentent à première vue comme employant un ton correct, portent atteinte à l'honneur et à la considération de Mme [G] [U] dans la mesure où ils laissent entendre que celle-ci serait incompétente.

A juste titre les premiers juges, ont estimé que la répétition du comportement fautif de M. [U] [I] permet de dire que la présence de ce dernier dans l'entreprise était impossible, même pendant la durée limitée du préavis, afin d'éviter de nouveaux conflits avec sa supérieur hiérarchique directe. Ce qui justifie le licenciement pour faute grave.

La validité du licenciement pour faute grave rend sans objet les demandes de M. [U] [I] relatives au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur l'indemnité de rupture :

Le code du travail contient des dispositions particulières relatives au licenciement des journalistes et à leur indemnité de rupture. En l'espèce, le salarié sous appellation « indemnité conventionnelle de licenciement » sollicite expressément l'application de l'article L7112-3 du code du travail.

L'article L7112-3 du code du travail dispose que : « si l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze ».

 L'article L7112-4 dudit code précise que «  lorsque l'ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l'indemnité due. ( ') en cas de faute grave ou de fautes répétées, l'indemnité peut être réduite dans une proportion qui est arbitrée par la commission ou même supprimée. La décision de la commission arbitrale est obligatoire et ne peut être frappée d'appel ».

Il résulte de ces dispositions combinées que la rupture du contrat de travail étant imputable à l'employeur, M. [U] [I] est en droit d'obtenir une indemnité de rupture que seule la commission arbitrale est compétente pour réduire ou supprimer.

En conséquence, il convient de surseoir à statuer et de renvoyer la cause et les parties devant la commission arbitrale pour déterminer le montant de l'indemnité de rupture auquel peut prétendre M. [U] [I].

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le débouté relatif à l'octroi de l'indemnité de rupture de l'article L7112-3 du code du travail,

L'INFIRME sur ce point,

statuant à nouveau

ORDONNE la réouverture des débats ;

DIT que la société Euronews ou à défaut M. [U] [I], devra saisir la commission arbitrale en réduction ou suppression ou de l'indemnité de rupture dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;

SURSEOIT à statuer sur les demandes présentées de ce chef jusqu'à l'issue de la procédure arbitrale ;

RENVOIE la cause et les parties à l'audience rapporteur du 8 juin 2016 à 9 heures salle [E] , pour plaidoiries des parties après décision de la commission ;

RESERVE les dépens.

Le greffierLe président

Sophie MascrierMichel Bussière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 14/06294
Date de la décision : 12/10/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°14/06294 : Sursis à statuer


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-12;14.06294 ?
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