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15/09/2015 | FRANCE | N°14/02784

France | France, Cour d'appel de Lyon, Sécurité sociale, 15 septembre 2015, 14/02784


AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE



COLLÉGIALE



RG : 14/02784





[U]



C/

CNRACL







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de ROANNE

du 22 Mars 2014

RG : 20130044











COUR D'APPEL DE LYON



Sécurité sociale



ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2015

















APPELANTE :



[V] [U]

née le [Date naissance 1] à [Loc

alité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Catherine MILLET-URSIN, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



CNRACL

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par Me Géraldine PERRET de la SELARL SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE substitué par Me Julie U...

AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE

COLLÉGIALE

RG : 14/02784

[U]

C/

CNRACL

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de ROANNE

du 22 Mars 2014

RG : 20130044

COUR D'APPEL DE LYON

Sécurité sociale

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2015

APPELANTE :

[V] [U]

née le [Date naissance 1] à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Catherine MILLET-URSIN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

CNRACL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Géraldine PERRET de la SELARL SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE substitué par Me Julie URCISSIN, avocat au même barreau

PARTIES CONVOQUÉES LE : 2 décembre 2014

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Juin 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Christine DEVALETTE, Président de chambre

Isabelle BORDENAVE, Conseiller

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Assistées pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 Septembre 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Christine DEVALETTE, Président de chambre et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [V] [U] a été engagée par la commune de THIZY en qualité d'agent spécialisé des écoles maternelles stagiaire à compter du 28 avril 1986 pour une durée de 20h00 par semaine et elle a été titularisée à compter du 28 avril 1987 ; son nombre d'heures de travail hebdomadaire ayant été porté à 31,5 heures par semaine le 1er novembre 2000 la Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Locales (CNRACL) a procédé à compter de cette date à son affiliation.

En 2008, elle a été placée en indisponibilité pour convenances personnelles.

Le 28 novembre 2011, Mme [V] [U] a sollicité, en tant que mère de trois enfants, la liquidation anticipée de sa retraite auprès de la CNRACL, ainsi que la régularisation de sa situation pour la période du 28 avril 1987 au 1er novembre 2000 en indiquant qu'elle avait été affectée à tort au régime général pour cette période, ayant réalisé un nombre d'heures hebdomadaires de travail très supérieur à celui indiqué dans ses différents arrêtés de nomination et allant au-delà du seuil d'affiliation qui était à cette période de 31,5 heures.

Après plusieurs rejets de sa demande d'affiliation, en dernier lieu le 1er février 2013, Mme [V] [U] a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Roanne qui, statuant selon jugement du 22 mars 2014, s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige.

Statuant selon arrêt du 2 décembre 2014 sur l'appel interjeté par Mme [V] [U] , la Cour d'appel de ce siège à réformé le jugement déféré, dit que le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Roanne était compétent pour connaître du litige et ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer contradictoirement sur le bien-fondé de la demande.

La CNRACL a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt ; elle demande à titre principal à la Cour de surseoir à statuer sur le bien-fondé de la demande de Mme [V] [U] dans l'attente de l'issue de ce pourvoi et sollicite subsidiairement le rejet des prétentions exprimées par cette dernière ; elle réclame enfin paiement d'une somme de 3000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures reprises oralement lors de l'audience, Mme [V] [U] s'oppose à la demande de sursis à statuer en soutenant que le pourvoi interjeté par la Caisse des dépôts et Consignation n'est pas recevable indépendamment de l'arrêt intervenir sur le fond ; elle demande à titre principal à la Cour de constater que l'article 107 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et l'article 7 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ne sont pas conformes au droit européen, de constater qu'elle a effectivement constitué le nombre minimum d'années requis pour être affiliée auprès de la CNRACL, de dire que cet organisme doit en conséquence lui servir la retraite correspondante et de le condamner à lui verser la somme de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Elle rappelle au soutien de son action :

-que le droit de l'union européenne prohibe toute forme de discrimination directe ou indirecte résultant de la législation nationale, notamment dans le domaine du droit de la sécurité sociale, que l'article 4 de la directive 79/7/CEE du 19 décembre 1978 énonce notamment à cet égard que le « principe d'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l'état familial, en ce qui concerne le champ d'application des régimes et des conditions d'accès au régime...... »,

- que la Cour de Cassation n'a pas encore pris position sur l'existence d'une discrimination indirecte en raison du sexe produite par la réglementation litigieuse, mais que la Cour de justice de l'Union Européenne a récemment précisé la portée de la directive précitée qui s'oppose à la réglementation d'un État membre exigeant des travailleurs à temps partiels, dont la majorité est constituée de femmes, par rapport aux travailleurs à temps plein, une durée de cotisation proportionnellement plus importante pour accéder, le cas échéant, à une pension de retraite de type contributif dont le montant est proportionnellement réduit en fonction de leur temps de travail,

- que l'article 107 de la loi du 26 janvier 1984 prévoit qu'un fonctionnaire nommé dans un emploi à temps non complet doit être affilié à la CNRACL s'il consacre à son service un nombre minimal d'heures de travail fixé par délibération de cette caisse, l'article 7 du décret 2003-1306 du 26 décembre 2003 dans sa version applicable au cas d'espèce, précisant qu'un fonctionnaire doit avoir été affilié au minimum 15 années pour pouvoir constituer son droit à pension de retraite, (cette disposition s'appliquant aux fonctionnaires et ouvriers radiés des cadres avant le 1er janvier 2011),

- que cette réglementation, tout en étant formulée en termes neutres, concerne essentiellement les femmes qui représentent 61 % de la fonction publique territoriale avec un temps partiel s'élevant à 25,7 %, ce chiffre étant porté à 51,6% si l'on ne considère que les femmes non titulaires et les assistantes maternelles,

- que ce dispositif, en ce qu'il affecte en grande majorité les femmes, sans qu'il apparaisse justifié par un motif d'intérêt général, doit être considéré comme constitutif d'une discrimination indirecte prohibée par la réglementation européenne,

-que lui refuser son affiliation pour la période s'étendant de 1987 à 2000, lui interdit de constituer le total de 15 années nécessaires pour l'ouverture du droit à pension, et que pour considérer qu'elle n'a pas atteint le seuil nécessaire de 31h 30 sur la période considérée, la Caisse se retranche derrière les arrêtés de nomination de la commune de THIZY sans tenir compte ni des bulletins de salaire correspondants qui lui ont été communiqués et qui démontrent l'existence d'heures de travail allant au-delà de celles fixée dans ses arrêtés de nomination, ni des attestations produites par la Commune admettant l'existence d'un volume horaire supérieur,

-que pour l'année 1987, elle a effectué sur plusieurs mois des remplacements qui ont donné lieu à l'émission de 2 bulletins de paie différents émis pour des activités distinctes effectuées en vertu de contrats successifs conclus sans écrit et que cette pratique de la commune de [Localité 2] s'est reproduite en 1988 ; qu'un seul bulletin de paie a ensuite été émis, les heures accomplies en sus de celles fixée par les arrêtés de nomination étant mentionnées tantôt en heures supplémentaires tantôt en heures complémentaires, mais qu'il s'agissait, ici encore, de contrats verbaux successifs et distincts.

La Caisse des Dépôts et Consignations, agissant comme gestionnaire de la CNRACL conteste l'existence d'une discrimination en raison du sexe de ces règles d'affiliation pour les salariés à temps partiel en répliquant :

- que l'article 107 de la loi du 26 janvier 1984 se borne à fixer un seuil minimal d'heures de travail s'appliquant indistinctement aux fonctionnaires masculins et féminins qui se trouvent placés dans des situations identiques et qu'il en est de même de l'article 7 du décret du 26 décembre 2003 qui vise tous les fonctionnaires sans distinction,

- que son conseil d'administration a fixé le nombre d'heures minimales de travail que doivent accomplir les agents à temps non complet pour pouvoir être affiliés à 31h 30 hebdomadaires par délibération du 11 janvier 1983 puis à 28 h par délibération du 3 octobre 2001 prenant effet au 1er janvier 2002,

- que la création des emplois à temps non complet ainsi que leur durée hebdomadaire de travail relève de la seule responsabilité de la collectivité employeur ; que la circonstance invoquée par la requérante selon laquelle les emplois à temps non complet seraient pourvus majoritairement par les femmes ne relève donc pas de la réglementation qui est neutre mais des employeurs eux-mêmes, et que si Mme [U] estime que la commune de THIZY a fixé, en ce qui la concerne, une durée insuffisante de travail, il lui appartient de se retourner contre elle,

-qu'enfin le fonctionnaire, à la différence du salarié de droit privé, se trouve dans une situation statutaire et non dans une situation contractuelle , que la référence, pour son affiliation, doit être le nombre d'heures fixé par la délibération de son employeur et non le nombre d'heures contractuellement travaillé et que les heures excédentaires doivent être considérées comme réalisées au titre d'une activité accessoire distincte des services effectués en qualité de fonctionnaire ; qu'il en résulte que les heures supplémentaires qui ont pu être effectuées par Mme [U], sont sans influence sur la décision de refus attaquée et que seule une nouvelle délibération de la collectivité employeur portant fixation de la durée du travail à un niveau au moins égal au seuil d'affiliation aurait pu lui permettre de reconsidérer sa position.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ sur la demande de sursis à statuer :

Un arrêt statuant sur un contredit de compétence sans mettre fin à l'instance ne peut être frappé de pourvoi indépendamment de la décision sur le fond.

Statuant selon arrêt du 2 décembre 2014, la Cour d'appel de ce siège a réformé, sur contredit, le jugement rendu par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Roanne le 22 mars 2014 en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande formée par Mme [V] [U] à l'encontre de la CNRACL et, évoquant le fond, a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties d'exposer contradictoirement leurs arguments.

La Cour n'ayant pas mis fin à la présente instance, le pourvoi formé par la Caisse des Dépôts et Consignations apparaît manifestement prématuré et il n'y a pas lieu dans ces conditions de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de cassation.

2/ Au fond :

- sur l'existence d'une discrimination indirecte :

Une discrimination indirecte en raison du sexe est constituée lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'un sexe donné par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires.

L'article 107 de la loi du 26 janvier 1984 énonce que 'le fonctionnaire nommé dans un emploi à temps non complet doit être affilié à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, s'il consacre à son service un nombre minimal d'heures de travail fixé par délibération de cette caisse . Ce nombre ne peut être inférieur à la moitié de la durée légale du travail des fonctionnaires territoriaux à temps complet'.

L'article 7 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003, dans sa version applicable au cas d'espèce, précise que ' Le droit à pension est acquis : 1° Aux fonctionnaires après quinze années accomplies de services civils et militaires effectifs...';

Le seuil légal minimum précité correspond à la durée minimal du temps partiel visé à l'article 60 de cette même loi (qui ne peut être inférieur à un service à mi-temps) et s'applique indistinctement aux fonctionnaires masculins et féminins qui se trouvent placés dans des conditions rigoureusement identiques.

Ce n'est donc pas le sexe de l'agent concerné qui est en l'espèce déterminant mais le nombre d'heures de travail réalisé et s'il s'avère statistiquement que ce seuil affecte plus particulièrement les femmes amenées plus fréquemment à travailler à temps partiel, cela ne peut avoir pour effet de rendre le dispositif discriminatoire ; ce régime spécial de retraite étant par ailleurs fondé sur un principe contributif, il est de surcroît parfaitement légitime d'en soumettre le bénéfice à la réalisation d'un nombre minimum d'heures de travail.

La discrimination indirecte invoquée par Mme [V] [U] n'est donc pas constituée.

Il convient enfin de souligner que, selon l'article 3 du décret n° 091-298 du 20 mars 1991, les emplois permanents à temps non complet sont créés par délibération de l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement ; il en résulte que la circonstance invoquée par l'appelante, selon laquelle les emplois à temps non complet seraient pourvus en majorité par des femmes, n'est pas le fait de la réglementation incriminée mais de l'application qui en est faite par les employeurs, en l'occurrence la commune de [Localité 2].

- sur les heures travaillées par Mme [V] [U] :

Selon les dispositions précitées du décret du 20 mars 1991, relatif aux emplois à temps non complet, la durée hebdomadaire de service est fixée par délibération de l'employeur.

Le fonctionnaire, à la différence du salarié se trouve dans une situation statutaire ; son affiliation au régime spécial s'effectue en fonction du nombre d'heures fixé par délibération de l'employeur et les heures effectuées au delà du temps de service fixé par cette délibération ne sont pas accomplies par l'agent en qualité de fonctionnaire, mais au titre d'une activité contractuelle distincte ; elles ne sont pas de nature à entraîner son affiliation au Régime spécial de Retraite des Agents des Collectivités Locales et sont sans influence sur les droits acquis à ce titre.

Mme [V] [U] ayant été nommée en qualité d'agent spécialisée des Ecoles Maternelles à temps non complet à raison de 20 heures par semaine par arrêtés des 25 avril 1986 et 13 mai 1987, puis à raison de 31,5 h par arrêté du 25 octobre 2000, à effet du 1er novembre 2000, c'est à bon droit que la CNRACL n'a procédé qu'à compter de cette date à son affiliation.

Le recours de Mme [V] [U] a, en conséquence, été justement rejeté par cet organisme le 1er février 2013.

Il n'y a pas lieu de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure étant gratuite et sans frais devant les juridictions de la sécurité sociale en vertu de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, la demande relative aux dépens est dénuée d'objet.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,

Rejette la demande de sursis à statuer présentée par la Caisse des Dépôts et Consignations,

Confirme la décision de la CNRACL en date du 1er février 2013,

Déboute en conséquence Mme [V] [U] de sa demande d'affiliation au régime de retraite des agents des collectivités locales pour la période du 28 avril 1987 au 31 octobre 2000,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens.

LA GREFFIÈRELE PRESIDENT

Malika CHINOUNE Christine DEVALETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 14/02784
Date de la décision : 15/09/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon 51, arrêt n°14/02784 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-15;14.02784 ?
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