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04/09/2015 | FRANCE | N°14/09157

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 04 septembre 2015, 14/09157


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/09157





[U]



C/

SA FINANCIERE DU PLANIL







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 27 Mars 2013

RG : F 12/00360











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2015













APPELANT :



[W] [U]

né le [Date naissance 1] 1943

à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



comparant en personne, assisté de Me Sandra ABOUKRAT, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉE :



SA FINANCIERE DU PLANIL

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par M. Thierry ORIOL (Directeur général adjoint) muni d'un pouv...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/09157

[U]

C/

SA FINANCIERE DU PLANIL

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 27 Mars 2013

RG : F 12/00360

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2015

APPELANT :

[W] [U]

né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Sandra ABOUKRAT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SA FINANCIERE DU PLANIL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par M. Thierry ORIOL (Directeur général adjoint) muni d'un pouvoir

et

par Me Béatrice CHAINE de la SELAS LAMY- LEXEL AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Aurélie BONNET-VILLEMIN, avocat au barreau de LYON,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 12 Juin 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Christine DEVALETTE, Président de chambre

Isabelle BORDENAVE, Conseiller

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Septembre 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Christine DEVALETTE, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

La SA FINANCIÈRE DU PLANIL est une holding administrative qui est actionnaire à hauteur de 80,26% de la société FROMAGERIE GAILLET qui elle-même contrôle à 99% la société FROMAGERIE DU PILAT.

Monsieur [W] [U] a été embauché le 20 mai 1997 en qualité de Directeur Commercial de la société FROMAGERIE GUILLOTEAU, coefficient 600, position cadre , contrat soumis à la Convention Collective Nationale de l'Industrie Laitière.

Il a été licencié pour motif économique pour courrier du 12 novembre 2003, à l'âge de 60 ans.

Il a fait alors valoir ses droits à la retraite.

Le 18 septembre 2006, suite à la démission de son successeur, Monsieur [U] a été embauché en CDI, avec reprise de son ancienneté, en qualité de Directeur Commercial par la société FROMAGERIE GUILLOTEAU. Selon l'article 3 de son contrat de travail , il était soumis à un forfait annuel de 205 jours visant l'accord d'entreprise du 15 septembre 2004.

Monsieur [U], étant à la retraite, a informé les organismes de retraite de sa reprise d'activité ce qui a eu pour effet une suspension intégrale de ses prestations.

Le 30 septembre 2008, , le contrat de travail de Monsieur [U] a été transféré avec son accord à la holding FINANCIERE DU PLANIL, qui regroupe moins de 11 salariés dans les mêmes conditions d'emploi et avec reprise d'ancienneté. La rémunération mensuelle moyenne de Monsieur [U] sur les 12 derniers mois était de 8699€ bruts .

Par courrier du 8 janvier 2010, l'employeur a interrogé Monsieur [U], alors âgé de 67 ans sur sa volonté de partir à la retraite.

Par courrier du 22 janvier 2010, le salarié a exprimé sa volonté de continuer sa relation de travail au sein de la société FINANCIERE DU PLANIL .

Par courrier recommandé du 7 juin 2010, la société FINANCIERE DU PLANIL a convoqué son salarié à un entretien préalable.

Par courrier du 23 juin 2010, Monsieur [U] a interrogé son employeur sur son possible reclassement au sein du groupe ensuite du regroupement du poste de directeur commercial et de directeur de marketing.

Par courrier du 6 juillet 2010, Monsieur [U] a été licencié pour motif économique, en ces termes :

'[...] Du fait de la conjoncture économique globale particulièrement morose sur l'ensemble de nos marchés et de la crise plus spécifique de la filière laitière, les résultats de l'exercice 2009 du groupe constitué autour de la Financière du Planil se sont singulièrement détériorés.

En effet, les résultats de la Fromagerie du Pilat ne se sont pas redressés et l'exercice se solde par une perte de 628.866 € contre 419.545 € en 2008. La Fromagerie Guilloteau a enregistré une baisse de 7% de sa production vendue, son résultat d'exploitation a été divisé par deux par rapport à 2008 et son résultat net comptable est passé de 847.347 € à 621.538 €.

De ce fait, les dividendes remontés des filiales ne permettront pas à la SA Financière du Planil, notamment de faire face aux échéances des concours financiers importants de notre société qui devront être rééchelonnés, plaçant celle-ci dans une situation économique particulièrement difficile.

Les perspectives 2010 à ce jour montrent que la détérioration de la situation économique de chaque société du groupe, et donc du groupe dans son ensemble, se poursuivra en 2010 compte tenu du retard pris sur le déroulement du budget 2010.

Ainsi, pour assurer la survie de la SA Financière du Planil et tenter de pallier les difficultés économiques auxquelles elle doit faire face, la société SA Financière du Planil est contrainte de diminuer de manière drastique ses charges et de se réorganiser en supprimant notamment plusieurs postes de travail.

Dans le cadre de cette réorganisation, nous avons décidé de supprimer le poste de Directeur Commercial que vous occupez.

Nous avons recherché toutes les possibilités pour vous reclasser au sein de notre entreprise et du groupe auquel elle appartient ; nous ne disposons malheureusement d'aucun poste de reclassement vacant et susceptible de vous convenir au sein de notre groupe.

[...]'

Monsieur [W] [U] a alors saisi le Conseil de Prud'hommes le 27 juin 2012 en dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 239 500€.

Par jugement du 27 mars 2013, le Conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne (section encadrement) a :

- dit que le licenciement de Monsieur [W] [U] est sans cause réelle ni sérieuse,

- condamné la société LA FINANCIERE DU PLANIL au paiement à Monsieur [W] [U] de :

- 50.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- débouté Monsieur [W] [U] du surplus de ses demandes,

- débouté la société défenderesse de sa demande reconventionnelle,

- laissé les dépens de l'instance à la charge de la société FINANCIERE DU PLANIL.

Monsieur [W] [U] a interjeté appel de cette décision par lettre recommandée avec accusé réception du 3 mai 2013.

Une ordonnance de radiation a été rendue le 17 octobre 2014.

L'affaire a été réinscrite au rôle le 24 novembre 2014.

Monsieur [W] [U] demande à la Cour de :

- déclarer recevables et bien fondées les demandes de Monsieur [U],

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a dit le licenciement économique notifié à Monsieur [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Et jugeant à nouveau,

- dire et juger que la société SA FINANCIERE DU PLANIL a manqué à son obligation de reclassement,

- dire et juger que la convention de forfait annuel en jours de Monsieur [U] n'est pas valable, de sorte que le salarié était nécessairement soumis à un décompte horaire des heures travaillées,

En conséquence,

- condamner la société SA FINANCIERE DU PLANIL à payer à Monsieur [U] les sommes suivantes :

- 239.500 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 494.309,77 € au titre des heures supplémentaires réalisées, outre 49.430,98 € au titre des congés payés afférents,

- 84.435,22 € à titre d'indemnité compensatrice de la contrepartie obligatoire en repos,

- 16.287,40 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales quotidienne, hebdomadaire et annuelle de travail,

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect du travail dominical,

- 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société SA FINANCIERE DU PLANIL aux entiers dépens des instance de première instance et d'appel, incluant les droits de timbre.

Il fait notamment valoir que l'indemnisation allouée de moins de 6 mois de salaire ne répare pas intégralement son préjudice ; qu'il a subi un important préjudice moral du fait de son investissement dans son poste, de son âge et de l'impossibilité de pouvoir continuer à travailler jusqu'à l'âge de la mise en retraite d'office soit à 70 ans ;

que l'employeur a fait défaut à son obligation de recherche d'une solution de reclassement, et ce malgré le courrier de relance de Monsieur [U];que concomitamment à la suppression du poste de directeur commercial de Monsieur [U], la société FINANCIERE DU PLANIL a créé un poste de directeur marketing et commercial, sans s'assurer, préalablement à un recrutement externe, que Monsieur [U] disposait des compétences suffisantes pour prétendre à ce poste qui correspondait parfaitement à son expérience professionnelle , à sa classification 600,que l'embauche de Monsieur [G] a été initiée avant son licenciement .

Il observe que le licenciement économique est dénué de cause réelle et sérieuse , que la lettre de licenciement omet de préciser l'existence de difficultés économiques au sein de la société FINANCIERE DU PLANIL, mais ne mentionne que les difficultés de ses filiales; que l'employeur n'avait aucune difficulté économique au moment du licenciement, que la société FINANCIERE DU PLANIL et la société FROMAGERIE GUILLOTEAU ont eu des résultats d'exploitation positifs en 2010 ; que le résultat net du Groupe est positif en 2010 et que des bénéfices de la société FROMAGERIE GUILLOTEAU ont été distribués aux actionnaires , dont il faisait partie, pour un montant doublé par rapport à 2009;

Il soutient que la véritable cause de son licenciement est son refus de partir à la retraite.

Il soutient que la saisine du Conseil de Prud'hommes a interrompu la prescription concernant le rappel de salaire sur heures supplémentaires , demande nouvelle formulée en appel qu'il estime parfaitement recevable.

Monsieur [U] soutient que le forfait annuel en jours est sans effet car l'employeur n'a pas tenu un relevé des jours travaillés avant juillet 2009 , sans d'ailleurs que ce relevé enregistre le nombre de jours travaillés , de CP et de RTT. Il relève qu'aucun entretien individuel ne s'est tenu sur ce point et que les entretiens annuels d'évaluation n'abordent non plus jamais cette question . Il indique qu'il a réalisé de nombreuses heures supplémentaires, entre septembre 2006 et décembre 2010, dont la réalité est avérée par les courriers professionnels , par ses agendas et ses relevés journaliers ; qu'il avait à diverses reprises des journées et des semaines de travail supérieures aux durées maximales de travail et a même régulièrement travaillé le dimanche. Il chiffre le nombre total des heures supplémentaires 3383 heures soit une somme de 494 307,77€(après déduction des 23 jours de RTT par an) outre congés payés afférents.

Il invoque le non respect des durées maximales de travail (56 heures hebdomadaires en moyenne), du repos dominical

La SA FINANCIERE DU PLANIL au terme de ses dernières conclusions intégralement reprises à l'audience demande à la Cour de :

A titre principal :

- réformer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Saint Etienne du 27 mars 2013,

- dire et juger fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique dont a été l'objet Monsieur [W] [U],

- déclarer irrecevables les demandes nouvelles de Monsieur [U] en cause d'appel, à double titre pour celles se rapportant à la période du 18 septembre 2006 au 30 septembre 2008,

En conséquence,

- débouter Monsieur [U] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Monsieur [U] à payer à la société la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

A titre subsidiaire :

- réduire la demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de Monsieur [U] à de plus justes proportions en considération de l'absence de préjudice subi et démontré,

- débouter Monsieur [U] de ses demandes au titre d'heures supplémentaires et congés payés afférents, des repos compensateurs, du non-respect des durées maximales du travail et du repos dominical,

A titre infiniment subsidiaire :

- réduire les demandes de Monsieur [U] au titre des heures supplémentaires, en repos compensateur, non-respect des durées maximales de travail et du repos dominical à une allocation forfaitaire de principe,

En tout état de cause,

- débouter Monsieur [U] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait notamment valoir que le salarié a formulé de nouvelles demandes en cause d'appel ne tendant pas aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges et sont donc irrecevables. Que Monsieur [U] n'a été salarié de la Financière du Planil qu'à compter du 1er octobre 2008.

Que Monsieur [U] avait été réembauché pour organiser la cession de la Fromagerie Guilloteau.

Que suite à l'opération de LBO, et aux résultats financiers de la holding et de ses filiales, la société Financière du Planil s'est trouvée dans l'incapacité de rembourser sa dette. Que les dividendes distribués ont été prélevés des comptes de réserves. Que la restructuration d'une entreprise entraînant des suppressions d'emplois constitue une cause réelle et sérieuse dès lors qu'elle est justifiée par des difficultés économiques. Que le résultat de l'activité de prestation de services aux filiales en 2009 ne dépasse pas le résultat des trois derniers mois de 2008 pour la Financière du Planil.

Que le juge ne peut se substituer à l'employeur pour les choix opérés au stade de la réorganisation effectuée. Que Monsieur [U] a opéré une présentation erronée de son CV en incohérence avec ses affirmations actuelles et qu'il ne produit aucun certificat de travail pour ses précédents emplois. Qu'il ne justifie pas des qualifications nécessaires au poste de Directeur Marketing et Commercial et que ce poste est de niveau supérieur à celui qu'il tenait.

Qu'aucun poste de reclassement ne pouvait être proposé à Monsieur [U] au sein du Groupe. Que Monsieur [U] n'a d'ailleurs jamais fait valoir sa priorité de réembauchage.

Qu'aucun critère d'ordre n'est applicable au cas de Monsieur [U] puisqu'il était le seul salarié de sa catégorie professionnelle.

Que l'indemnité de licenciement du salarié a été calculée en prenant en compte sa reprise d'ancienneté, contrairement aux stipulations de la convention collective applicable, dans son intérêt et qu'il a bénéficié de conditions très favorables pour l'acquisition de son véhicule de fonction et de son matériel téléphonique et informatique.

Que Monsieur [U] n'apporte pas la preuve de la réalité de ses heures supplémentaires, et que l'irrégularité d'une convention de forfait annuel en jours ne suffit pas à prouver la réalité des heures supplémentaires.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

Les demandes de rappels de salaire et de congés payés afférents , liées aux moyens d'inapplicabilité de la convention de forfait jours sont parfaitement recevables en cause d'appel dés lors qu'elles concernent l'exécution du contrat de travail qui a été rompu .Il en est de même pour les demandes complémentaires d'indemnités compensatrice de contrepartie obligatoire en repos ou de dommages intérêts pour non respect de durée hebdomadaire du travail ou de repos dominical .

Monsieur [U] est également recevable à réclamer à la société FINANCIERE DU PLANIL qui a repris son contrat de travail avec la société FROMAGERIE GUILLOTEAU avec effet au 1er octobre 2008 , les sommes et indemnisations dont il s'estime créancier pour la période antérieure du 18 septembre 2006 au 30 septembre 2008 et la saisine par Monsieur [U] du conseil des prud'hommes le 27 juin 2012 a interrompu la prescription pour l'ensemble des demandes nées de son contrat de travail, y compris celles formulées pour la première fois en cause d'appel , seules les demandes sur la période antérieure au 27 juin 2007 , étant prescrites .

Dans le cadre de son contrat de travail du 18 septembre 2006 , intégralement repris par la société FINANCIERE DU PLANIL Monsieur [U] était soumis à une convention de forfait annuel en jours , parfaitement compatible avec son statut cadre , et avec l'accord d'entreprise du 15 septembre 2004 , prévoyant , conformément aux dispositions légales , que les journées et demi-journées travaillées ou de repos doivent être décomptées et l'employeur doit en tenir un relevé , et qu'un entretien individuel doit être organisé au mois une fois par an , pour évoquer notamment la charge de travail du salarié , à défaut de quoi la convention de forfait en jours est privée d'effet, et le salarié est en droit de prétendre au paiement de ses heures supplémentaires au delà de la durée légale du travail .

Or , à l'examen des pièces produites , il ressort que la société FINANCIERE DU PLANIL n'a tenu un relevé des jours travaillés qu'à compter de juillet 2009 mais que celui-ci ne comporte que l'indication des jours travaillés , des congés pris ou des RTT acquises et non l'amplitude des heures de travail accomplies par jour . Par ailleurs , la société FINANCIERE DU PLANIL n'est pas en mesure de justifier d'entretiens individuels annuels sur les horaires de travail , les deux seuls entretiens d'évaluation produits ne faisant aucune allusion à la charge de travail de Monsieur [U] ou à son amplitude journalière de travail .

Partant, la convention de forfait annuel en jours est sans effet et Monsieur [U] est en droit de réclamer le paiement d'heures supplémentaires , l'article L3171-4 du code du travail disposant que 'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies , l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié qui , pour sa part , doit étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effective ment réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments'.

En l'espèce , Monsieur [U] fournit , sur la période non couverte par la prescription , un nombre très important de courriels professionnels envoyés après 20 heures , et un tableau semaine par semaine et mois par mois des heures supplémentaires accomplies faisant apparaître les amplitudes journalières , les RTT , les congés payés . Contrairement à ce qu'il indique dans ses écritures , il ne produit pas ses agendas sur la période considérée, de sorte qu'il est impossible de les rapprocher des tableaux qu'il a établis lui même a posteriori , nécessairement à partir de ces documents contemporains des périodes travaillées . Sur ces tableaux figurent cependant , notamment pour les journées passées à l'extérieur du siège de la société , l'indication des clients en cause , et incluant dans ce cas les heures de trajet en TGV et pour se rendre aux lieux de rendez-vous .

Pour contredire ces éléments suffisamment étayés pour établir l'accomplissement d'heures supplémentaires au delà de l'horaire légal de travail , la société FINANCIERE DU PLANIL, qui de fait , n'est pas en mesure de fournir un relevé des heures accomplies dans le cadre du forfait, se contente d'invoquer la très large autonomie dont disposait Monsieur [U] pour organiser son temps de travail, argument inopérant pour un cadre supérieur , mais non dirigeant, soumis à un forfait annuel en jours , ou le fait que l'amplitude journalière dont il se prévaut ne lui aurait pas été demandée par son employeur , ce dont ce dernier , tenu d'une obligation de sécurité et de santé au travail, aurait du précisément se prémunir par un relevé d'emploi du temps . L'employeur ne remet pas en cause les déplacements notés sur les tableaux produits par le salarié , ce qu'il lui était possible de vérifier , puisque les noms des clients visités figurent sur ces tableaux et argue simplement du fait que le salaire touché par Monsieur [U] était supérieur au salaire conventionnel , ce qui , là encore, n'est pas opérant dans le cadre d'une convention de forfait inapplicable.

Compte tenu toutefois des éléments fournis par l'employeur sur les heures d'arrivée de Monsieur [U] le matin , mais également de la prescription de la période antérieure au 27 juin 2007 , de la prise en compte des jours non travaillés , de l'exclusion des temps de déplacement en début ou fin de journée , qui , sauf preuve d'une durée anormale , ne sont pas du temps de travail effectif , de la prise en compte , enfin , pour le rappel d'heures supplémentaires , du seul salaire de base et non du salaire augmenté des primes , la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à 148 000€ bruts

le montant du rappel de salaire dû à Monsieur [U] au titre des heures supplémentaires, outre 14 800€ de congés payés afférents, en tenant compte des taux de majorations de 25 et 50%.

A titre d'indemnité compensatrice de repos non pris , en dehors des 23 jours de RTT par an, et toujours sur la valorisation du salaire horaire de base et sur la période non prescrite , la société FINANCIERE DU PLANIL doit être condamnée à payer à Monsieur [U] l a somme de 28 000€ bruts;

Monsieur [U] justifie par ailleurs avoir envoyé , sur la période considérée , un certain nombre de courriels à contenus professionnels le dimanche ou avoir travaillé certains dimanches . Il doit être indemnisé pour non respect du repos dominical à hauteur de 8 00€ outre 2000€ de dommages intérêts pour non respect des durées maximales de travail journalier et hebdomadaire , fixées respectivement, conventionnellement , à 9h30 et 48 heures , et qui ont été dépassées à plusieurs reprises .

Sur le licenciement

Même si la lettre de licenciement vise bien les incidences sur la holding FINANCIERE DU PLANIL qui employait Monsieur [U] , des difficultés économiques de ses deux filiales en termes de remboursement de ses engagements financiers et l'incidence de ces difficultés sur le poste occupé par Monsieur [U] , il reste, comme le note le conseil des prud'hommes , que l'impossibilité pour la holding de faire face aux concours financiers n'est pas établie , que les résultats de celle-ci entre 2009 et 20010 étaient positifs et en croissance de 131,3% en résultats nets ; que la prétendue détérioration des résultats des deux filiales du groupe est contredite par les éléments comptables produits qui démontrent que la société FROMAGERIE DU PILAT, qui représente 5% du groupe, a eu en 2010 un chiffre d'affaires et un résultat d'exploitation positifs et en hausse pour le dernier de 27,5% par rapport à 2009 . La FROMAGERIE GUILLOTEAU qui, elle, représente 95% du chiffre total du groupe , a de son côté , eu un résultat net comptable de 113 993 € en 2010 , intégralement distribué aux actionnaires et son résultat d'exploitation , qui était négatif en 2009 , s'élevait au premier semestre à 10 521 €.

En conséquence , la prétendue détérioration des résultats du groupe n'est pas établie , non plus que l'impossibilité pour la holding de faire face à ses concours financiers , et les perspectives négatives pour 2010 évoquées dans la lettre de licenciement , ne se sont pas réalisées , comme le prévoyaient d'ailleurs les budgets prévisionnels des sociétés du groupe pour 2010.

Le jugement qui a considéré que le motif économique du licenciement était dénué de réalité et de sérieux doit être confirmé d'autant que Monsieur [U] établit également que la société FINANCIERE DU PLANIL a manqué à son obligation de recherche de reclassement loyale en supprimant son poste de directeur commercial sans lui proposer le poste de directeur marketing devenu vacant par suite du licenciement de sa titulaire, Madame [F], certes avec effet le 7 juillet 2010 , soit le lendemain de son propre licenciement, alors que ce licenciement était nécessairement programmé , et que la procédure de recrutement du nouveau directeur de marketing, Monsieur [G] était déjà entamée .

Monsieur [U] qui présentait toute l'expérience requise pour assumer ces fonctions déjà exercées dans le passé ,l' avait signalé à son employeur qui ne lui a pas répondu sur ce point avant d'entamer la procédure de licenciement , de sorte qu'il importe peu que Monsieur [U] n'ait pas postulé sur ce poste dans le cadre de la priorité d'embauche.

Dans le cadre des dispositions de l'article 1235-5 du code du travail , les dommages intérêts alloués à hauteur de 50 000€ à Monsieur [U] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , doivent être confirmés comme réparant intégralement le préjudice subi par ce dernier qui , dans le cadre de la perte de chance qui'il avait de poursuivre son contrat de travail jusqu'à sa mise à la retraite d'office à 70 ans , ne peut solliciter une indemnisation équivalente au moment des salaires qu'il aurait pu toucher jusqu'à cette date .

L'indemnité de procédure allouée en première instance doit être complété en appel à hauteur de 2500€.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement , en audience publique,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Déclare Monsieur [U] recevable et bien fondé en ses demandes nouvelles , excepté sur le rappel de salaires et congés payés afférents , sur la période antérieur au 27 juin 2007, qui est prescrite,

Condamne la société FINANCIÈRE DU PLANIL à lui verser les sommes suivantes

- 148 000€ bruts de rappels de salaire pour heures supplémentaires,

- 14 800€ de congés payés afférents ,

- 28 000€ d'indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos ,

- 2000€pour non respect des durées maximales de travail,

- 800€ de dommages intérêts pour non respect du repos dominical,

- 2500€ d'indemnité de procédure .

Condamne la société FINANCIÈRE DU PLANIL aux dépens d'appel .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Christine DEVALETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 14/09157
Date de la décision : 04/09/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°14/09157 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-04;14.09157 ?
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