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01/07/2015 | FRANCE | N°14/05559

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 01 juillet 2015, 14/05559


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEURS





R.G : 14/05559





SA AKKA INGENIERIE PROCESS



C/

[L]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 27 Avril 2012

RG : F.10/04554











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 01 JUILLET 2015







APPELANTE :



SA AKKA INGENIERIE PROCESS

[Adresse 1]

[Adresse 1]





représentée par Me Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[B] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



comparant en personne, assisté de Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON











DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 05 Mai 2015



Agnè...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEURS

R.G : 14/05559

SA AKKA INGENIERIE PROCESS

C/

[L]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 27 Avril 2012

RG : F.10/04554

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 01 JUILLET 2015

APPELANTE :

SA AKKA INGENIERIE PROCESS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[B] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 05 Mai 2015

Agnès THAUNAT, Conseiller présidant l'audience et Vincent NICOLAS, Conseiller, tous deux magistrats rapporteurs, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel BUSSIERE, président

- Agnès THAUNAT, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 01 Juillet 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel BUSSIERE, Président et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

[B] [L] a été engagé le 13 février 2004, par la société Erdimat, aux droits de laquelle vient la société Akka Ingenierie Process, en qualité de technicien automatisme, selon un contrat à durée indéterminée. Le contrat de travail stipule qu'il exerce ses fonctions dans l'établissements de la société Akka Ingenierie Process situé à [Localité 1] ou éventuellement dans les établissements de ses clients afin de l'accompagner dans la réalisation de leurs projets. Dans ce cadre, [B] [L] a été affecté sur le site de [Localité 2] appartenant à la société Sanofi Aventis, du 16 février 2004 à la fin de l'année 2008, et sur celui de la société Gerflor, situé à [Localité 3], du 19 juillet 2010 à la fin du mois de septembre suivant.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, société de conseils (SYNTEC). [B] [L] était classé, lors de son embauche, dans la catégorie des ETAM, à la position 2.2, coefficient 310, prévue à l'annexe 1 de la convention collective. Au mois d'octobre 2010, la société Akka Ingenierie Process l'a classé à la position 2.3, coefficient 355. [B] [L] est titulaire de mandats représentatifs.

Par lettre du 1er mars 2011, la société Akka Ingenierie Process lui a notifié un avertissement.

Le 23 novembre 2010, il a saisi le conseil de prud'homme de Lyon en lui demandant de :

- ordonner sa reclassification à la position 3.3 coefficient 500,

- condamner en conséquence la société Akka Ingenierie Process à lui payer un rappel de salaire,

- la condamner aussi à lui payer un rappel de prime de vacances, des sommes au titre de remboursement de frais de déplacement afférents aux années 2005 à 2010, une somme en paiement de ses heures de déplacement, des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et pour prêt de main d'oeuvre illicite.

- annuler l'avertissement soit annulé et condamner la société Akka Ingenierie Process à lui payer des dommages-intérêts pour avertissement injustifié.

Par jugement du 27avril 2012, le conseil de prud'homme a, avec exécution provisoire:

- reclassé [B] [L] à la position 3.3 coefficient 500 dans la limite de la prescription quinquennale

- condamné la société Akka Ingenierie Process à lui payer les sommes de :

* 21.013,82 € à titre de rappel de salaire en raison de la reclassification, outre les congés payés afférents ;

* 117,72 € à titre de rappel de prime de vacances

* 7.027,80 € à titre de remboursement de frais de déplacement afférents à la période de 2005 à 2010

* les intérêts au taux légal produits par ces sommes à compter de la date de réception par la société Akka Ingenierie Process de sa convocation devant le bureau de conciliation

- annulé l'avertissement du 1er mars 2011

- ordonné à la société Akka Ingenierie Process de remettre sous astreinte à [B] [L] les bulletins de paie rectifiés

- débouté celui-ci du surplus de ses demandes

- condamné la société Akka Ingenierie Process à lui payer 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté la société Akka Ingenierie Process de sa demande fondée sur le même article

Par déclaration envoyée au greffe le 23 mai 2012 , la société Akka Ingenierie Process a interjeté appel de ce jugement.

 Vu les conclusions écrites de la société Akka Ingenierie Process remises au greffe le 5 mai 2015 et reprises oralement à l'audience, par lesquelles elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement ;

- débouter [B] [L] de toutes ses demandes

- subsidiairement, déclarer prescrites la demande de remboursement de frais engagés avant le 20 novembre 2005, celle en paiement des temps de trajet afférente à une période antérieure au 9 décembre 2006, ainsi que les demandes relatives au marchandage avant le mois de décembre 2007

- limiter à 211,20 € la somme susceptible d'être réclamée, pour l'année 2005, au titre des remboursement de frais

- rejeter la demande fondée sur la discrimination syndicale

- dire que [B] [L] ne peut prétendre, en cas d'application du coefficient 500 à un rappel de salaire supérieur à 25.921,46 €, et que les demandes relatives au marchandage sont incompatibles avec celles tendant à des rappels de salaire, fondée sur les dispositions de la convention collective

- débouter [B] [L] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions écrites de [B] [L] remises au greffe le 4 mai 2015 et reprises oralement à l'audience, par lesquelles il demande à la cour :

- d'infirmer le jugement, sauf en ce qu'il l'a reclassé à la position 3.3, condamné la société Akka Ingenierie Process à lui rembourser ses frais de déplacement pour la période de 2005 à 2010, et annulé l'avertissement

- de condamner la société Akka Ingenierie Process à lui payer les sommes suivantes:

* 40.816,78 € à titre de rappel de salaire subséquent à la requalification, outre les congés payés afférents

* 408,22 € au titre du rappel de primes de vacances

* 1.000 € à titre d'indemnisation de ses heures de déplacement

* 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

* 25.000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale

* 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié

Formant des demandes nouvelles, il sollicite la condamnation de la société au paiement de 170.000 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier d'un salaire calculé en application de la convention collective nationale de la chimie, ainsi que 80.000 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de participer à l'intéressement et à la participation.

Il sollicite aussi la condamnation de la société Akka Ingenierie Process à la remise de bulletins de salaire rectifiés conformes aux condamnations à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard.

Il demande enfin sa condamnation au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour de plus amples relations des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises.

SUR QUOI, LA COUR :

Sur la demande de rappel de salaire subséquente à la reclassification sollicitée

Attendu que pour justifier de cette demande, [B] [L] soutient que :

- eu égard aux fonctions par lui exercées et de son diplôme de brevet de technicien supérieur, il aurait dû, dès son embauche, être classé à la position 3.3

- cela résulte de la mission qui lui a été confiée par son employeur lors de son affectation sur le site de [Localité 2] de la société Sanofi Aventis, de son travail en total autonomie sur ce site , ainsi que sur celui des autres clients où il a été affecté, de ses feuilles de pointage des années 2006 et 2007, faisant apparaître ses fonctions d'assistance au dépanneur maintenance

- ses fonctions n'étaient pas limitées aux phases d'étude et de préparation mais comportaient aussi des phases de conception et de gestion élargies

- aucun contrôle de son travail sur les sites des clients n'était opéré sur lui par la société Akka Ingenierie Process ;

Mais attendu qu'au regard de l'annexe 1 de la convention collective, la position 3.3 relève des fonctions de conception ou de gestion élargie ; que le travail de l'agent qui exerce de telles fonctions consiste à déterminer les schémas de principe qui sont susceptibles d'intégrer les éléments divers d'un problème complet et à les poser comme hypothèse de travail pour lui même et autrui, ainsi qu'à élaborer et à coordonner un programme cadre en vue de sa réalisation par lui-même ou par autrui ; que le classement dans la position 3.3 suppose d'une part que l'agent maîtrise la connaissance du mode de résolution de problèmes complets courants pouvant être traités avec des méthodes et des procédés habituels, nécessitant en raison de leur nombre et de leur variété, une expérience diversifiée, et d'autre part qu'il ait des facultés d'adaptation à des problèmes présentant un certains caractère de nouveauté sur le plan technique ; qu'en l'espèce, les fonctions de [B] [L] consistaient à rédiger des analyses fonctionnelles de procédés et d'automatismes, à programmer des automates, à écrire la procédure des tests de validation et à opérer les mises en service ; que le fait qu'il ait disposé d'autonomie pour l'exercice de ses fonctions, notamment lors de son affectation sur le site de la Société Sanofi, ne suffit pas à justifier son classement dans la position revendiquée, dans la mesure où cette autonomie fait aussi partie des caractéristiques des fonctions d'étude ou de préparation, catégorie dans laquelle il est classé ; que selon l'annexe 1, le classement dans la position 2 suppose une autonomie relative, avec des contrôles de conformité qui ne sont pas systématiques, alors que le classement dans la position 3 nécessite une autonomie de l'agent élargie, la qualité des travaux étant du domaine de l'appréciation plus que du contrôle de conformité ; que [B] [L] n'établit pas, en dehors de ses seuls affirmations, qu'il n'était soumis à aucun contrôle ; qu'il ressort au contraire d'un courrier du 28 novembre 2008, qui lui avait été envoyé par le directeur des ressources humaines de la société Akka Ingenierie Process, courrier dans lequel il lui est reproché d'avoir transmis en retard un compte rendu de mission, que son travail faisait l'objet d'un contrôle par un manager d'affaires ; que les éléments du dossier ne permettent pas de constater que ce contrôle relevait plus du domaine de l'appréciation que du contrôle de conformité ; qu'ensuite, au regard de l'article 3 de l'annexe 1, la possession du BTS ne suffit pas pour entraîner la classification au niveau 3, dès lors que le classement professionnel est déterminé par les fonctions réellement exercées par le salarié ; que les contrats conclus entre la société Akka Ingenierie Process et la société Sanofi Aventis, ainsi que les comptes rendus de mission établis par [B] [L], ne font pas ressortir que les fonctions qui lui étaient confiées nécessitaient les connaissances requises pour bénéficier de la position 3.3 ; qu'il ne justifie pas que dans leur exercice, il devait, avec l'assistance d'un supérieur hiérarchique, rechercher des solutions par approches successives, afin d'aboutir à l'élaboration de schémas de principe ou à la définition de programme cadres incluant des considérations de coût ou de délais ; que pas davantage il n'établit que ses fonctions le conduisait à découper les problèmes posés en problèmes secondaires à l'intention d'autres agents sur lesquels il exerçait une action de commandement, de coordination, d'assistance, de conseil ou de formation, ni qu'il établissait des comptes rendus sous une forme achevée, par la production de dossiers ou de rapports d'études, alors qu'il s'agit de caractéristiques communes à toutes les fonctions relevant de la position 3 ; que notamment les comptes rendus de mission qu'il produit, afférent à la période d'avril 2005 à juillet 2008, qui résument de manière sommaire les réalisations effectuées et celles prévues dans les phases suivante, ne sont pas des comptes rendus sous une forme achevée ; qu'il ne peut être déduit d'un document interne à la société Sanofi, décrit par le salarié comme étant une feuille de pointage, qui fait apparaître des heures de travail durant lesquelles il aurait assisté des dépanneurs maintenance employés par cette société, qu'il exerçait des fonctions dont les caractéristiques communes correspondent à celles décrites dans l'annexe 1 relatives aux fonctions de conception ou de gestion élargie ; que dans ces conditions, faute pour lui d'établir qu'il a exercé et exerce réellement les fonctions correspondant à la position 3.3, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il ordonne son reclassement à cette position et en ce qu'il condamne la société Akka Ingenierie Process à lui payer un rappel de salaire et de primes de vacances calculé sur la base du salaire minima afférent à cette position ;

Sur la demande en paiement des frais de déplacement :

Attendu que [B] [L], en invoquant les dispositions des articles 50, 51 et 60 de la convention collective, fait valoir que :

- au regard de ses ordres de mission, et du nombre de kilomètres qu'il devait parcourir pour se rendre de son domicile au site de la société Sanofi, et sur celui de la société Gerflor, il a droit au remboursement de ces frais ;

- pour aller à [Localité 3], lieu du site de la société Gerflor, il effectuait 100 km par jour, ce dont il résulte que la franchise de 15 km, appliquée par la société Akka Ingenierie Process, ne lui procurait aucun gain ;

- il n'est pas contesté que pour effectuer ses déplacements, il utilisait son véhicule personnel, avec l'accord de la société Akka Ingenierie Process ;

Mais attendu que si l'alinéa 1 de l'article 50 de la convention collective stipule que les déplacements du salarié hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne doivent pas être pour le salarié l'occasion d'une charge supplémentaire ou d'une diminution de salaire, l'alinéa 2 dispose aussi que ces frais peuvent faire l'objet d'un forfait préalablement au départ, soit par accord particulier, soit par règlement spécifique propre ; qu'en l'espèce, [B] [L], avant son envoi sur le site de Sanofi et sur celui de la société Gerflor, a signé avec la société Akka Ingenierie Process, conformément aux dispositions de l'article 51 de la convention collective, un ordre de mission au vu duquel il était prévu qu'il aurait comme moyen de transport pour se déplacer son véhicule personnel et qu'il serait remboursé de ses frais de déplacement sur la base d'une indemnité kilométrique initialement fixée à 7,04 € par jour de travail ; qu'il était aussi prévu que pour les petits déplacements, compris entre 10 km et 90 km, l'indemnité kilométrique serait égale à 0,34 € par km, avec une franchise de 15 km ; qu'il en résulte que les parties ont convenu que le remboursement de ces frais s'effectuerait de manière forfaitaire ; que ce forfait n'était pas manifestement disproportionné au regard des montant réel des frais que devait engager [B] [L], pour se rendre de son domicile à [Localité 4] au site de Sanofi (soit une distance de 52 kilomètre aller et retour), dans la mesure où la distance qui séparait son domicile de son lieu de travail fixé à [Localité 1], lieu prévu dans le contrat de travail pour l'exercice de ses fonctions, était équivalente (50 km aller et retour) ; que la distance qui séparait son domicile de [Localité 3], ville où se trouve le site de la société Gerflor, lieu de sa nouvelle mission, était certes plus importante (102 km aller et retour) ; que cependant, il ne fournit aucun élément permettant de constater que la somme forfaitaire qui lui a été versée pour le remboursement de ses frais pour se rendre à [Localité 3], du 19 juillet au 30 septembre 2010, était manifestement disproportionnée par rapport aux frais réellement engagés, et que sa rémunération durant cette période, compte du montant de ce forfait, s'est trouvée inférieure au SMIC ; que dans ces conditions qu'il y a lieu de le débouter de sa demande de remboursement de frais ;

Sur la demande en paiement des heures de déplacement :

Attendu que la société Akka Ingenierie Process soutient que :

- cette demande est prescrite pour la période antérieure au 9 décembre 2006 ;

- les ordres de mission prévoyaient une indemnité de déplacement, en sus des frais kilométrique, de 9 € par jour, qui correspondait à une indemnisation fixée par convention des parties, et l'existence de cette contrepartie fait échec à ce chef de la demande, au regard de l'article L.3121-4 du code du travail ;

- le temps de trajet de [B] [L], pour se rendre de son domicile à l'agence de [Localité 1], est de 23 minutes au minimum, de sorte que seul le temps de trajet dépassant ce minimum peut donner lieu à compensation ;

- le temps de trajet de [B] [L] pour se rendre sur le site de Sanofi à [Localité 2] était de 22 minutes, son temps de trajet ne dépassait pas en conséquence son temps normal de trajet pour se rendre sur son lieu habituel de travail, de sorte qu'il ne peut prétendre à aucune indemnisation en application de l'article L.3124-4 du code du travail

- son temps de trajet pour se rendre sur le site de la société Gerflor excédait de 52 minutes par jour son temps normal de trajet, mais il a bénéficié de l'indemnité de 9 € et de repos compensateur ;

Mais attendu que [B] [L] sollicite seulement l'allocation d'une contrepartie à ses temps de trajet pour se rendre sur le site de la Société Gerflor, soit durant une période postérieure au 9 octobre 2006, ce dont il résulte que sa demande n'est pas prescrite ;

Attendu ensuite que selon l'article L.3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif ; que s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière ; que si aucune compensation n'a été fixée dans l'entreprise par accord ou décision unilatérale, il appartient au juge d'évaluer la contrepartie en fonction de l'importance de la sujétion ; qu'en l'espèce, l'indemnité de 9,5 € fixée dans l'ordre de mission signé par les parties avant l'envoi de [B] [L] sur le site de la société Gerflor, est mentionnée dans cet ordre comme étant une indemnité de déplacement, et ne peut donc correspondre à la contrepartie financière prévue par l'article L.3121-4 du code du travail ; que les temps de trajet de [B] [L], entre son domicile et [Localité 3], ayant excédé de 52 minutes par jour, durant la période du 19 juillet au 30 septembre 2010, son temps normal de trajet pour se rendre à l'agence de [Localité 1], il y a lieu de fixer à 1.000 € la compensation financière à laquelle il a droit en vertu de l'article L.3121-4 ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Attendu que [B] [L] soutient que la société Akka Ingenierie Process n'a pas exécuté de bonne foi ce contrat, motifs pris de ce qu'elle n'a pas respecté la convention collective en matière de classification hiérarchique , d'indemnisation de frais de déplacement et de paiement de ses temps de déplacement ;

Attendu cependant que pour les motifs sus-exposés le manquement de la société Akka Ingenierie Process à son obligation de classer au niveau correspondant aux fonctions réellement exercées n'est pas avéré ; que les frais de déplacement ont été remboursés conformément aux dispositions de la convention collective et aux ordres de mission signés ; que si la société Akka Ingenierie Process, en contravention avec les dispositions de l'article L.3121-4 du code du travail, n'a pas versé à [B] [L] une contrepartie financière aux temps de trajet dépassant son temps normal pour se rendre sur son lieu habituel de travail, les éléments du débat ne permettent pas de constater que le non paiement de cette contrepartie a procédé de sa déloyauté ; qu'il y a lieu dans ces conditions de le débouter de ce chef de sa demande ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination :

Attendu que pour justifier de cette demande, [B] [L] soutient que depuis le mois de décembre 2010, date de la fin de sa mission sur le site de la société Gerflor, la société Akka Ingenierie Process ne lui a plus confié de mission ; que cependant, il ne fournit aucun élément permettant de constater un tel fait ; qu'il y a donc lieu de le débouter de chef de sa demande ;

Sur les demandes fondées sur un prêt de main d'oeuvre illicite :

Attendu que [B] [L] soutient que l'existence d'une situation de prêt de main d'oeuvre est caractérisée, motifs pris de ce que :

- la prestation qu'il a fournie auprès des société Sanofi et Gerflor a été facturée pour un prix qui excède largement le coût de son salaire et des charges sociales afférentes

- en sa qualité de consultant, il recevait directement du client des instructions et l'ensemble des outils appartenait à l'entreprise utilisatrice

- si le contrat de prestation prévoyait une facturation forfaitaire, les factures en réalité étaient établies en tenant compte du nombre de jours de présence du salarié en mission

- il existe un écart entre le nombre de projets effectivement réalisés par ses soins au sein de la société Sanofi et le nombre de projets prévus au contrat de sous-traitance, les autres projets, non contenus dans le contrat de prestation, lui ayant été affectés directement par la société Sanofi ;

Attendu que la société Akka Ingenierie Process dénie l'allégation selon laquelle sa facturation révélerait un prêt de main d'oeuvre illicite ;

Attendu cependant que selon l'article L.8241-1 du code du travail, une opération de prêt de main d'oeuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l'entreprise prêteuse facture seulement à l'entreprise utilisatrice pendant la mise à disposition les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de la mise à disposition ; qu'en l'espèce, il résulte des contrats cadre conclus entre la société Sanofi et la société Akka Ingenierie Process que le prix payable à cette dernière en contrepartie de sa prestation excédait les salaires et charges sociales payés à [B] [L] ; qu'il n'est pas contesté que celui-ci a été mis à la disposition de la société Akka Ingenierie Process pour mener à bien cette prestation ; qu'il s'agit donc d'une opération de prêt de main d'oeuvre poursuivant un but lucratif ; que toutefois, au regard de l'article L.8241-1 du code du travail, une telle opération est illicite seulement si elle a pour objet exclusif le prêt de main d'oeuvre ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; qu'en effet, les contrats cadre conclus entre la société Sanofi et la société Akka Ingenierie Process ont pour objet la réalisation par cette dernière d'une prestation informatique d'assistance technique et fonctionnel, consistant en la réalisation des différentes étapes d'un projet d'informatique industrielle destiné au contrôle commande d'unités de production de principe actif pharmaceutique pour l'usine de la société Sanofi située à [Localité 2] ; que ces contrats stipulent que la société Akka Ingenierie Process s'engage à apporter toute la diligence et le soin nécessaire à la bonne réalisation de la prestation, et à respecter strictement les délais et dates de réalisation convenus ; que cet objet précis de la prestation confiée à la société Akka Ingenierie Process ainsi que la nature de son obligation caractérise l'existence d'un contrat d'entreprise ; qu'il ressort de ces conventions cadre qu'elles avaient pour finalité la mise en oeuvre de techniques relevant de la spécificité propre de la société Akka Ingenierie Process ; que les contrats stipulaient que le personnel intervenant de cette dernière resterait en toutes circonstances sous sa responsabilité, sa subordination, son autorité hiérarchique et son contrôle ; que le fait que [B] [L] ait rempli des fiches de pointage établies par la société Sanofi, afin d'y mentionner le travail accompli et le temps passé à chaque tâche n'est pas suffisant pour établir qu'en réalité il était dans un état de subordination à l'égard de l'entreprise utilisatrice ; qu'il ne saurait être inféré des mêmes documents qu'il travaillait pour le compte de la société Sanofi ; qu'il ne produit aucun document établissant qu'il était placé sous l'autorité directe du personnel d'encadrement de cette société, ou que celle-ci établissait ses planning de travail ou qu'il était intégré dans ses équipes ; qu'enfin, le mode de rémunération de la société Akka Ingenierie Process était forfaitaire, et les éléments produits par les parties ne permettent pas de constater que le prix versé était fonction des seules heures de travail effectuées par [B] [L] ;

Attendu dans ces conditions que la preuve d'un prêt illicite de main d'oeuvre n'étant pas rapportée, il y a lieu de débouter [B] [L] de ses demandes tendant au paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier d'un salaire en application des dispositions de la convention collective de la chimie, ainsi que de l'intéressement et de la participation qu'il aurait perçu en qualité de salarié de la société Sanofi ;

Sur la demande d'annulation de l'avertissement :

Attendu que pour s'opposer à cette demande de [B] [L], la société Akka Ingenierie Process fait valoir que :

- la lecture du procès-verbal de réunion du comité d'entreprise du 25 février 2011 révèle qu'il s'est adressé à la directrice des ressources humaines, qui présidait la réunion de ce comité, de manière comminatoire, méprisante et vulgaire ;

- il a ainsi outrepassé sa liberté d'expression

Attendu cependant que [B] [L] a été sanctionné le 1er mars 2011 par un avertissement pour avoir fait preuve d'une violence verbale intolérable et tenu des propos agressifs, grossiers et totalement irrespectueux à l'égard de la directrice des ressources humaines, Mme [F] ; que la lecture du procès-verbal de réunion du comité d'entreprise, qui relate les propos tenus le 25 février 2011, ne contient pas de propos excessifs, diffamatoires ou injurieux envers cette dernière ; que dans ces conditions, [B] [L] n'ayant pas abusé de sa liberté d'expression, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il annule cet avertissement ;

Attendu que cette sanction disciplinaire ayant nécessairement causé un préjudice à [B] [L], il y a lieu de le réparer par l'allocation d'une somme de 500 € ;

PAR CES MOTIFS

Statuant après en avoir délibéré conformément à la loi, en matière sociale, publiquement, en dernier ressort et contradictoirement

Infirme le jugement, en ce qu'il :

- ordonne le reclassement de M. [B] [L] à la position 3.3 coefficient 500

- condamne la société Akka Ingenierie Process à lui payer les sommes de :

* 21.013,82 € à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents,

* 117,72 € à titre de rappel de prime de vacances

* 7.027,80 € à titre de remboursement de frais de déplacement afférents à la période de 2005 à 2010

L'infirme également en ce qu'il déboute M. [B] [L] de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de ses heures de déplacement, et de dommages-intérêts pour avertissement nul et en ce qu'il ordonne à la société Akka Ingenierie Process de remettre sous astreinte à M. [B] [L] des bulletins de salaire rectifiés ;

Le confirme pour le surplus et statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés,

Déboute M. [B] [L] de sa demande de rappel de salaire par application de la position 3.3 coefficient 500, de sa demande de rappel de prime de vacances, et de sa demande de remboursement de ses frais de déplacement afférent à la période de 2005 à 2010 ;

Le déboute aussi de sa demande tendant à la remise de bulletins de paie rectifiés, sous astreinte ;

Condamne la société Akka Ingenierie Process à payer à M. [B] [L] :

- 1.000 € au titre de l'indemnisation de ses heures de déplacement

- 500 € à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié

Y ajoutant,

Déboute M. [B] [L] de sa demande tendant à la condamnation de la société Akka Ingenierie Process au paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier d'un salaire convention collective nationale de la chimie et de sa demande de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier de l'intéressement et de la participation ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président

Sophie MascrierMichel Bussière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 14/05559
Date de la décision : 01/07/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°14/05559 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-07-01;14.05559 ?
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