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18/06/2015 | FRANCE | N°14/08690

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 18 juin 2015, 14/08690


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 14/08690





[P]



C/

SOCIETE MEDICREA INTERNATIONNAL







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 05 Février 2013

RG : F 12/00036











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 18 JUIN 2015







APPELANT :



[B] [P]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localit

é 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par Me Laurent CHABRY de la SELARL LAMBERT-VERNAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SOCIETE MEDICREA INTERNATIONNAL

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Arnaud DE SAINT...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 14/08690

[P]

C/

SOCIETE MEDICREA INTERNATIONNAL

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 05 Février 2013

RG : F 12/00036

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 18 JUIN 2015

APPELANT :

[B] [P]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Laurent CHABRY de la SELARL LAMBERT-VERNAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SOCIETE MEDICREA INTERNATIONNAL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Arnaud DE SAINT LEGER de la SELARL SAINT LEGER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Mai 2015

Présidée par Didier JOLY, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Jean-Charles GOUILHERS, président

- Didier JOLY, conseiller

- Marie-Claude REVOL, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 Juin 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, conseiller, le Président étant empêché, et par Christophe BOUCHET, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

La S.A. MEDICREA INTERNATIONAL fabrique et commercialise une gamme d'implants destinés à la chirurgie de la colonne vertébrale. Elle est la société mère d'un groupe qui réalise l'essentiel de son activité sur ce seul secteur et qui comprend les filiales suivantes :

Medicrea Technologies, basée à [Localité 1],

Medicrea Technologies UK, basée à Cambridge,

Medicrea USA, basée à New-York,

Medicrea Europe francophone, basée à [Localité 3].

Dans le prolongement d'une proposition d'embauche du 25 août 2009, la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL a engagé [B] [P] en qualité de directeur marketing (statut cadre dirigeant, coefficient 600) suivant contrat écrit à durée indéterminée du 17 septembre 2009, soumis à la convention collective nationale de l'import-export.

L'article 5 ('rémunération') du contrat de travail contenait les clauses suivantes :

En rémunération de ses fonctions, Monsieur [B] [P] percevra un salaire fixe annuel brut de 85.000 € (quatre vingt cinq mille Euros) payable en douze mensualités égales, à terme échu.

Cette rémunération brute annuelle sera portée à 100.000 Euros dès lors que le Groupe aura réalisé un chiffre d'affaire consolidé supérieur à 5 M€ durant 3 trimestres consécutifs (hors acquisitions éventuelles). L'augmentation sera effective le 1er du mois suivant l'atteinte de cet objectif.

Il sera par ailleurs attribué à Monsieur [B] [P], une prime annuelle de 15 000 Euros brut (congés payés inclus) versée dans les deux mois suivant la clôture de chaque exercice, en fonction de l'atteinte d'objectifs qualitatifs et quantitatifs conjointement définis entre les parties. Pour chaque année, ces objectifs devront être définis avant la fin de l'année précédente. Il est convenu qu'aucune prime sur objectif ne sera attribuée au titre de l'exercice 2009.

Par ailleurs, il sera attribué à Monsieur [B] [P], au titre de l'exercice 2009, des actions gratuites (AGA) et des stocks-options (SOP) dans le cadre des plans mis en place au sein du Groupe.

Monsieur [B] ,[P] pourra se voir attribuer à la discrétion du Président Directeur Général de la Société des éléments de rémunération supplémentaires (prime, bonus, plan de stock-options ou actions gratuites). Ces éléments s'ajoutant au salaire mentionné ci-dessus seront considérés comme une libéralité, que la Société se réserve le droit de cesser ou de réviser à tout moment et à la discrétion de son Président Directeur Général.

Par lettre recommandée du 15 novembre 2011, la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL a convoqué [B] [P] le 30 novembre en vue d'un entretien préalable à son licenciement pour motif économique, au cours duquel l'employeur a remis à ce dernier les documents relatifs au contrat de sécurisation professionnelle.

Par lettre remise en main propre le même jour, la société a rappelé au salarié les motifs, exposés au cours de l'entretien, qui la conduisait à envisager son licenciement :

Le Groupe continuant à afficher des pertes (de l'ordre de 800K€ pour le 3ème trimestre), il est nécessaire de réduire les charges afin d'assurer la pérennité de l'entreprise. Une des solutions envisagée consiste en la suppression du poste de Directeur marketing, poste qui avait été créé lors de votre embauche en 2009 et dont les missions peuvent être réparties sur d'autres salariés, comme c'était le cas avant votre embauche. [...]

[B] [P] ayant accepté le 6 décembre 2011 le contrat de sécurisation professionnelle, la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL a repris dans un courrier du 20 décembre les motifs de la suppression de son poste exposés dans sa lettre du 30 novembre, précisé qu'elle était dans l'impossibilité de lui proposer une solution de reclassement compte tenu à la fois de la situation économique du groupe et de la nature des emplois qui le composent, et conclu que le contrat de travail serait réputé rompu d'un commun accord le 21 décembre, à l'issue du délai de réflexion.

[B] [P] a saisi le Conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse le 23 janvier 2012.

*

* *

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté le 13 mars 2013 par [B] [P] du jugement rendu le 5 février 2013 par le Conseil de prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE (section encadrement) qui a :

- pris acte du fait que [B] [P] renonçait à sa demande de rappel de salaire de 2 651,51 €

- dit que le licenciement de [B] [P] est fondé sur un motif économique et repose sur une cause réelle et sérieuse,

- dit que les critères d'ordre de licenciement ont été respectés,

- débouté [B] [P] de ses demandes d'indemnité de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

- fixé le salaire mensuel de [B] [P] à la somme brute de 9 583,33 €

- condamné la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL à payer à [B] [P] les sommes suivantes :

rappel de salaire18 000,00 €

complément d'indemnité de préavis3 750,00 €

congés payés afférents375,00 €

rappel d'indemnité de licenciement 1 025,09 €

- débouté [B] [P] de l'ensemble de ses autres demandes,

- condamné la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL à payer à [B] [P] la somme de 1 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL aux dépens ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 21 mai 2015 par [B] [P] qui demande à la Cour de :

- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de BOURG EN BRESSE du 5 février 2013 en ce qu'il a condamné la Société MEDICREA INTERNATIONAL à payer à Monsieur [P] les sommes suivantes :

rappel de salaire brut18 000,00 €

complément d'indemnité de préavis brut3 750,00 €

congés payés afférent bruts375,00 €

rappel d'indemnité de licenciement (net)1 025,08 €

article 700 du code de procédure civile1 000,00 €

- le réformer pour le surplus et statuant à nouveau,

- dire et juger que le licenciement pour motif économique de Monsieur [P] est dénué de cause réelle et sérieuse,

- dire et juger subsidiairement que les critères d'ordre des licenciements n'ont pas été sérieusement appliqués,

- condamner en conséquence la Société MEDICREA INTERNATIONAL à payer à Monsieur

[P] les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes de BOURG EN BRESSE :

solde d'indemnité compensatrice de préavis (brut)7 499,33 €

congés payés afférents (bruts)749,90 €

Très subsidiairement,

solde d'indemnité compensatrice de préavis (brut)3 750,00 €

congés payés afférents (bruts)375,00 €

congés payés sur rappel de salaire objectifs 2010 et 2011 (bruts)1800,00 €

dommages et intérêts pour licenciement

dénué de cause réelle et sérieuse (nets)98 000,00 €

dommages et intérêts pour non respect

des critères d'ordre des licenciements (nets)98 000,00 €

dommages et intérêts pour perte de droit à actions (nets)18 000,00 €

dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (nets)7 000,00 €

- condamner la Société MEDICREA INTERNATIONAL à remettre à Monsieur [P] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi dûment rectifiés en fonction des condamnations qui seront prononcées, le tout sous astreinte de 75,00 € par jour de, retard passé un délai de 10 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir,

En y ajoutant,

- condamner la Société MEDICREA INTERNATIONAL à payer à Monsieur [P] la somme de 2 500,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile,

- condamner la Société MEDICREA INTERNATIONAL aux entiers dépens tant de première instance que d'appel ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 21 mai 2015 par la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL qui demande à la Cour de :

Sur le licenciement pour motif économique :

- constater que le Groupe MEDICREA connait depuis plusieurs exercices de fortes pertes,

- constater qu'au 31 décembre 2011, le résultat consolidé du Groupe MEDICREA était déficitaire de 2 394 797 €,

- constater qu'aucune proposition de reclassement sur un poste correspondant aux qualifications et à l'expérience de Monsieur [P] n'était disponible ou à pourvoir au sein du Groupe MEDICREA lors de la recherche de reclassement,

En conséquence,

- dire et juger que, le motif économique invoqué par la société MEDICREA INTERNATIONAL pour rompre le contrat de Monsieur [P] est réel et sérieux,

- débouter purement et simplement Monsieur [P] de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef,

Sur les critères d'ordre de licenciement :

- constater que la société MEDICREA INTERNATIONAL a fait application des critères d'ordre légaux de licenciement,

- constater que l'application de ces critères conduit au licenciement de Monsieur [P], En conséquence,

- débouter purement et simplement Monsieur [P] de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef,

Sur l'absence d'exécution déloyale du contrat :

- constater que Monsieur [P] a librement régularisé son contrat de travail tout autant qu'il avait accepté la proposition d'embauche du 25 août 2009, indiquant le statut de cadre dirigeant conféré au poste proposé,

- constater que Monsieur [P] a donc, en toute connaissance de cause, accepté de bénéficier des avantages et d'assumer les inconvénients contractuellement liés au statut de cadre dirigeant,

- constater que Monsieur [P] n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'il n'exerçait pas ses fonctions de directeur marketing dans les conditions contractuellement précitées,

En conséquence,

- dire et juger que Monsieur [P] ne peut prétendre avoir été victime d'une exécution déloyale par l'employeur de ses obligations contractuelles,

- débouter purement et simplement Monsieur [P] de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef,

Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés pavés afférents :

- constater que la rupture du contrat de travail de Monsieur [P] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- constater que le contrat de travail de Monsieur [P], qui a accepté de bénéficier d'un contrat de sécurisation professionnelle, a été rompu au terme de son délai de réflexion sans préavis, ni indemnité compensatrice,

En conséquence,

- débouter purement et simplement Monsieur [P] de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef,

Subsidiairement,

- constater que la société MEDICREA a reversé au Pôle Emploi la somme de 21 249,99 (soit 7 083,33 € x 3 mois) au titre de sa participation au financement du contrat de sécurisation professionnelle dont bénéficie Monsieur [P],

- En conséquence, débouter purement et simplement Monsieur [P] de sa demande de rappel de préavis et de congés payés afférents,

Très subsidiairement,

- cantonner l'indemnité compensatrice de préavis éventuellement allouée à la somme de 7 499 outre la somme de 749,9 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

Sur la demande de rappel de salaire :

- constater que la régularisation de salaire opérée par la société MEDICREA est justifiée par diverses rémunérations indument perçues par Monsieur [P],

En conséquence,

- débouter purement et simplement Monsieur [P] de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef,

Sur la demande de rappel d'indemnité de licenciement :

- constater que le salaire mensuel de Monsieur [P] est de 7 083,33 € et non de 9 583,33 €,

- constater que Monsieur [P], à qui la charge de la preuve incombe en sa qualité de demandeur, ne démontre pas ne pas avoir été remplis de ses droit,

En conséquence,

- débouter purement et simplement Monsieur [P] de sa demande de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement,

Très subsidiairement,

- cantonner le rappel d'indemnité de licenciement éventuellement alloué à la somme de 1 025,09 €,

Sur la demande d'article 700 du NCPC :

- constater que Monsieur [P] succombe en chacune de ses demandes,

En conséquence,

- débouter purement et simplement Monsieur [P] de sa demande formée de ce chef,

- condamner Monsieur [P] aux entiers dépens ;

Sur le rappel de salaire (juillet à décembre 2011) :

Attendu que pour imputer à la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL une exécution déloyale du contrat de travail justifiant l'octroi de dommages-intérêts, [B] [P] lui fait grief d'avoir appliqué avec retard la clause de son contrat de travail qui stipulait que sa rémunération brute annuelle serait portée à 100.000 Euros dès lors que le Groupe aurait réalisé un chiffre d'affaire consolidé supérieur à 5 M€ durant 3 trimestres consécutifs ; qu'en effet, l'employeur lui a réglé la somme de 7 500 € due à ce titre sur les mois de juillet à décembre 2011 en mars 2012, et non dès le 1er jour du mois suivant l'atteinte de l'objectif  ; que l'appelant ne caractérise cependant pas le manquement allégué de la société à l'obligation résultant de l'article L 1222-1 du code du travail d'exécuter le contrat de travail de bonne foi ; qu'il ne justifie d'aucune demande antérieure à la saisine du Conseil de prud'hommes alors que sa participation au comité de direction lui donnait accès aux données utiles pour connaître ses droits à augmentation de salaire ; que la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL lui a versé le rappel de salaire demandé sans attendre l'audience du bureau de jugement ; que dans ces conditions, [B] [P] doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts ;

Sur la demande de rappel sur rémunération variable :

Attendu que [B] [P], qui a perçu 12 000 € seulement au titre de la prime annuelle 2010 sur objectifs et aucune somme en 2011, soutient que ses objectifs n'ont jamais été définis et sollicite un rappel de 18 000 € (3 000 € + 15 000 €) ; que la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL objecte à ce chef de demande que les objectifs étaient définis dans la fiche de poste qui lui assignait :

un objectif quantitatif : assurer la croissance des ventes,

un objectif qualitatif : assurer la rentabilité du portefeuille ;

Qu'une fiche de poste, définissant en termes généraux les missions permanentes qui constituent l'essence même des fonctions confiées à un salarié, ne peut être assimilée aux objectifs annuels assignés à ce dernier en fonction d'éléments circonstanciels ; qu'en outre, la fiche communiquée porte la mention 'validé le 06/01/10", ce qui implique qu'elle n'était pas annexée au contrat de travail du 17 septembre 2009 ; que la preuve de la définition conjointe des prétendus objectifs n'est pas rapportée ;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a alloué à [B] [P] le rappel de prime de 18 000 € qu'il sollicitait ; qu'il y a lieu d'y ajouter une indemnité de congés payés de 1 800 € ;

Sur le motif économique du licenciement :

Attendu qu'en application de l'article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, des mutations technologiques, la cessation d'activité de l'entreprise ou sa réorganisation en vue de sauvegarder sa compétitivité ;

Qu'en l'espèce, les lettres des 15 novembre et 20 décembre 2011 qui font état d'une suppression d'emploi consécutive à une réorganisation de l'entreprise, dont il appartient au juge de vérifier qu'elle était justifiée par des difficultés économiques, sont suffisamment motivées ;

Que les comptes consolidés du groupe font apparaître les données chiffrées suivantes :

2009

2010

2011

Chiffre d'affaires

13 090 516

18 163 680

19 055 477

Résultat opérationnel

- 2 432 549

- 1 284 414

- 1 720 072

Résultat net consolidé

- 2 778 907

- 2 507 774

- 2 394 797

Que les résultats était déjà déficitaires en 2009, année de l'engagement de [B] [P] ; que l'année 2010 a été clôturée sur le constat d'un redressement du résultat opérationnel dont le déficit a été réduit de 47%, ce qui reflétait une progression du chiffre d'affaires de 38% ; que l'année 2011 a vu le résultat opérationnel baisser de 33%, même si le résultat consolidé du groupe a opéré un léger redressement ; que les deux semestres 2011 ont été contrastés ; qu'au premier semestre, le chiffre d'affaires a progressé de 39% par rapport au premier semestre 2010 et le résultat opérationnel est devenu positif (+ 545 000 €) alors que le premier semestre 2010 avait enregistré une perte opérationnelle de 1 029 000 € ; que la situation s'est dégradée au second semestre 2011 ; qu'au troisième trimestre 2011, le chiffre d'affaires était en repli par rapport au premier et au deuxième trimestre respectivement de 24% et 31% ; que le résultat opérationnel s'établissait au troisième trimestre à - 1 142 000 € contre respectivement + 134 000 € et + 411 000 € ; que le résultat net après impôt et l'EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) ont évolué ainsi qu'il suit en 2011 :

1er trimestre

2ème

trimestre

3ème

trimestre

4ème trimestre

Résultat net

- 111 000

+ 198 000

- 1 116 000

- 367 000

EBITDA

+ 890 000

+ 1 165 000

- 592 000

-

Qu'au premier semestre 2012, le résultat opérationnel est resté légèrement négatif ; qu'il était cependant positif sur le seul deuxième trimestre ; que le chiffre d'affaires du troisième trimestre 2012 était en hausse de 25% par rapport à l'exercice précédent ;

Que les difficultés économiques mises en avant pour justifier la suppression du poste de [B] [P] ont donc été passagères (troisième trimestre 2011) ; que les changements intervenus au second semestre 2011 dans l'organisation commerciale de la filiale Medicrea USA, qui réalisait près de 50% du chiffre d'affaires du groupe, ont pesé sur son chiffre d'affaires et sur son résultat opérationnel ; qu'à la date de la rupture du contrat de travail de [B] [P], le redressement des résultats du groupe était déjà entrevu ;

Que la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL ne justifie pas de difficultés économiques suffisamment sérieuses pour justifier l'engagement d'une procédure de licenciement le 15 novembre 2011 et la rupture du contrat de travail le 21 décembre ; que la suppression du poste de directeur marketing, deux ans seulement après sa création, s'explique plutôt par le fait que l'expérience n'avait pas été concluante, la concentration sur ce directeur de missions auparavant dispersées n'ayant pas apporté la plus-value escomptée ;

Qu'en conséquence, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement entrepris sera donc infirmé ;

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Attendu que [B] [P] qui a été licencié sans cause réelle et sérieuse, alors qu'il avait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, est en droit de prétendre, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que le 25 juillet 2012, il était encore demandeur d'emploi ; que l'appelant a été engagé le 22 octobre 2012 en qualité de directeur commercial et marketing Europe (cadre, coefficient 9) par la S.A.S. AUDEVARD ; que la Cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à 60 000 € le montant de l'indemnité due à [B] [P] en réparation de son préjudice ;

Attendu qu'en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ; qu'en application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner, sous cette déduction, le remboursement par la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage payées à [B] [P] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

Sur la demande de solde d'indemnité compensatrice de préavis :

Attendu qu'en l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées ; que seules les sommes versées par l'employeur au salarié peuvent être déduites de la créance au titre de l'indemnité de préavis ; que la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL sera donc condamnée à payer à [B] [P] un solde d'indemnité compensatrice de préavis de 7 499 € outre 749,99 € d'indemnité de congés payés afférente ;

Sur la demande de solde d'indemnité de licenciement :

Attendu que l'ouverture du droit à un solde d'indemnité de licenciement résulte de la prise en compte des sommes versées par l'employeur en mars 2012 ou allouées par le présent arrêt ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour perte du droit à actions :

Attendu que l'assemblée générale des actionnaires de la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL a autorisé le 25 juin 2009 le conseil d'administration à mettre en place un plan d'options de souscription et/ou d'achat d'actions de la société ; que les principales caractéristiques du plan arrêté par le conseil d'administration le 17 juin 2010 sont les suivantes (pièce 2-1) :

- nombre d'options attribuées : 112 800

- prix de souscription : 6,14 €

- période d'acquisition des droits : un tiers le 17 juin 2011, un tiers le 17 juin 2012, un tiers le 17 juin 2013,

- durée de vie des options : 7 ans ;

Que le 30 juillet 2010, la société a informé [B] [P] de ce que 2 000 actions lui étaient attribuées gratuitement, sous les conditions suivantes :

- date d'attribution gratuite des actions17 juin 2010

- durée de la période d'acquisition17 juin 2012

- durée de la période de conservation17 juin 2014

Que l'attribution gratuite devenait définitive le 17 juin 2012, sous réserve que le salarié ait été présent dans la société pendant toute la période d'acquisition ; que les actions devenaient librement cessibles au terme de la période de conservation ;

Attendu que lorsqu'une clause d'un plan d'options de souscription ou d'achat d'actions prévoit la caducité des options en cas de licenciement du bénéficiaire, le salarié dont le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse ne peut pas prétendre au maintien du bénéfice de l'option qui lui avait été consentie, mais seulement à l'indemnisation du préjudice subi ; que ce préjudice est la perte d'une chance de réaliser une plus-value, étant ici rappelé que la réparation de la perte d'une chance ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ;

Qu'en l'espèce, la rupture du contrat de travail n'a pas permis à [B] [P] de céder les titres attribués  ; que la perte de chance indemnisable comporte ici deux aléas :

- l'un inhérent à la présence du salarié dans l'entreprise jusqu'au 17 juin 2014,

- l'autre relatif à la date de vente des titres, la spéculation sur la hausse du cours des actions étant inhérente au dispositif  ;

Que l'évolution du cours des actions Medicrea n'est pas connue, ce qui ne permet pas de savoir s'il est raisonnable de penser que le salarié aurait vendu dès le 17 juin 2014 ou qu'il aurait escompté une évolution favorable du cours après cette date ; que [B] [P] évalue chacune des 2 000 actions attribuées à 9 € sans justifier le prix choisi ni communiquer aucune pièce permettant d'apprécier son préjudice ;

Qu'il y a donc lieu d'ordonner la réouverture des débats sur ce chef de demande ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL à payer à [B] [P] les sommes suivantes :

rappel de rémunération variable18 000,00 €

rappel d'indemnité de licenciement 1 025,09 €

- débouté [B] [P] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,,

- condamné la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL à payer à [B] [P] la somme de 1 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL aux dépens ;

Y ajoutant :

Condamne la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL à payer à [B] [P] la somme de mille huit cent euros (1 800 €) à titre d'indemnité de congés payés sur prime sur objectifs,

Infirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,

Statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de [B] [P] est dépourvu de cause économique réelle et sérieuse,

En conséquence, condamne la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL à payer à [B] [P] la somme de soixante mille euros (60 000 €) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Ordonne le remboursement par la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage payées à [B] [P] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage et sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail,

Condamne la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL à payer à [B] [P] :

la somme de sept mille quatre cent quatre-vingt-dix-neuf euros (7 499 €) à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis,

la somme de sept cent quarante-neuf euros et quatre-vingt-dix-neuf centimes (749,99 €) à titre d'indemnité de congés payés afférente ;

Ordonne à la Société MEDICREA INTERNATIONAL de remettre à [B] [P] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi rectifiés en fonction des condamnations prononcées,

Dit qu'il n'y a pas lieu, en l'état, d'assortir cette injonction d'une astreinte,

Dit qu'en présence d'une clause du plan d'options de souscription ou d'achat d'actions prévoyant la caducité des options en cas de licenciement du bénéficiaire, [B] [P], dont le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, peut prétendre à l'indemnisation du préjudice subi qui est la perte d'une chance de réaliser une plus-value à l'occasion de la cession des actions,

Ordonne la réouverture des débats sur ce chef de demande à l'audience du 04 décembre 2015 à 9 heures, la notification du présent arrêt tenant lieu de convocation,

Invite [B] [P] à communiquer l'évolution du cours de l'action de la S.A. MEDICREA INTERNATIONAL entre 17 juin 2012 et le 17 juin 2014, et au-delà en tant que de besoin, et à faire connaître les bases de calcul de son préjudice,

Réserve les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

[K] [E]

Pour le Président empêché,

[Y] [G]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 14/08690
Date de la décision : 18/06/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°14/08690 : Réouverture des débats


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-18;14.08690 ?
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