AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 14/05555
SARL PRIN ET FILS
C/
[H]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE
du 05 Juillet 2013
RG : F 12/00310
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 17 JUIN 2015
APPELANTE :
SARL PRIN ET FILS
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Brigitte DEMONT-HOPGOOD de la SELARL TISSOT HOPGOOD DEMONT, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE substituée par Me Maïté PELEIJA, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE
INTIMÉ :
[L] [H]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 3] (69)
[Adresse 2]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Michel NICOLAS, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Mai 2015
Présidée par Agnès THAUNAT, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Michel BUSSIERE, président
- Agnès THAUNAT, conseiller
- Vincent NICOLAS, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 17 Juin 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel BUSSIERE, Président et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
M. [L] [H] a été embauché par la société CATHERIN THOMAS TRANSPORTS, selon un contrat à durée indéterminée du 15 janvier 2007, en qualité de chauffeur moyennant une rémunération mensuelle brute de 1.741, 48€ pour 169 heure. Cette société a cédé quatre camions type malaxeur de béton à la Société PRIN ET FILS qui a repris les quatre contrats de travail des chauffeurs de la société CATHERIN THOMAS TRANSPORTS affectés à ces camions malaxeurs, dont celui de M. [H]
Le 1er juin 2009, la société PRIN ET FILS et M. [H] ont signé un document intitulé avenant au contrat de travail aux termes du préambule duquel la société a accepté de « reprendre M. [L] [H] avec son ancienneté depuis son embauche par la société CATHERIN THOMAS TRANSPORTS et à des conditions de salaire globalement non inférieures (primes incluses) à celles dont il bénéficiait jusqu'alors, étant précisé que le système de calcul et de primes en vigueur dans la société PRIN ET FILS se substituera de façon définitive au système anciennement pratiqué dans la société CATHERIN ; qu'il est apparu évident aux deux parties que pour des raisons pratiques d'égalité de traitement entre les salariés de la S.A.R.L. PRIN et FILS, une adaptation à l'horaire collectif et aux conditions de rémunérations pratiquées par la S.A.R.L. PRIN et FILS était indispensable ». L'article 1 intitulé « engagement » stipulait que « le présent avenant se substitue à tous contrats et accords ayant précédemment existé entre M. [L] [H] et la société CATHELIN TRANSPORTS ». L'article 4 stipulait que « M. [L] [H] percevrait une rémunération horaire brute de 9,25€ pour un horaire hebdomadaire de 35 heures de travail effectif. M. [L] [H] sera amené à effectuer des heures supplémentaires rémunérées avec une majoration de 25 % du taux horaire applicable ; M. [L] [H] recevra également :
- une prime de non-accident de 153€
- une prime d'entretien mensuelle brute de 100€
- une indemnité de repas selon le barème en vigueur pour le repas de midi par jour travaillé (tarif en vigueur:12,10€) (...) »
Le 25 février 2012, la S.A.R.L. PRIN et FILS a notifié à M. [L] [H] un avertissement. Par lettre recommandée datée du 30 avril 2012 M. [L] [H] a contesté cet avertissement et a indiqué à son employeur qu'il engageait à son encontre une procédure devant le conseil de prud'hommes en contestation de la validité de l'avenant et en raison du non paiement des primes de non-accident, d'entretien, d'ancienneté, d'heures supplémentaires et de RCS, de primes de petits déjeuner et de congés payés acquis chez les TPS CATHERIN THONAS versés au taux de 9, 25€ au lieu de 10,90 €.
Le 11 mai 2012, M. [H] a adressé à la S.A.R.L. PRIN et FILS une lettre recommandée rédigée de la façon suivante : « Par la présente je vous informe de mon intention de démissionner de votre entreprise. Mon préavis étant d'une semaine je ne ferais définitivement plus partie de votre société à compter du lundi 21 mai 2012. je vous remercie de me faire parvenir rapidement mon solde de tout compte. De plus n'ayant pas de régularisation de votre part suite à mon précédent courrier (prime d'ancienneté , prime de non-accident, prime d'entretien '), je maintiens la procédure en conseil de prud'hommes à votre encontre.(...) ». M. [L] [H] a quitté effectivement son poste le 21 mai 2012.
C'est en l'état que le Conseil de Prud'hommes de Bourg en Bresse a été saisi, le 1er octobre 2012, par M. [L] [H].
LA COUR,
statuant sur l'appel interjeté par la SARL PRIN ET FILS le 23 juillet 2013, à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de BOURG EN BRESSE, section commerce, qui a le 5 juillet 2013 :
- requalifié la démission de M. [L] [H] en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la SARL PRIN ET FILS à payer à M. [L] [H] les sommes suivantes :
- au titre de la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse 11.330,00€
- au titre de l'indemnité de licenciement 3.122,65€
- au titre des congés payés sous précédent employeur 330,00€
- au titre de la prime de petit déjeuner 62,64€
- au titre de la prime non accident 3.442,50€
- au titre des congés payés afférents 344,25€
- au titre de l'indemnité de préavis 3.965,34€
- au titre de rappel des heures supplémentaires 3.408,70€
- au titre des congés payés afférents 340,87€
- au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile 850,00€
- ordonné à la SARL PRIN ET FILS de remettre à M. [L] [H] l'attestation PÔLE EMPLOI et du certificat de travail rectifiés,
- débouté M. [L] [H] du surplus de ses autres demandes,
- débouté la SARL PRIN ET FILS de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la SARL PRIN ET FILS aux entiers dépens.
Vu l'ordonnance de radiation du 31 mars 2014.
Vu la demande de réinscription au rôle du 10 avril 2014 et la réinscription effective au 7 juillet 2014.
Vu les conclusions développées oralement à l'audience du 4 mai 2015, par la SARL PRIN ET FILS qui demande principalement à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande de rappel de salaire pour la somme de 10.121,76 € et des congés payés afférents, en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de prime d'ancienneté et en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de prime d'entretien,
- le réformer pour le surplus,
- débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes et prétentions,
- donner acte à la société PRIN ET FILS de ce qu'elle s'engage à régulariser la somme de 62,64 € nets correspondant à l'indemnité de petit-déjeuner,
- dire et juger que la prise d'acte de la rupture par M. [H] doit produire les effets d'une démission, en conséquence,
- condamner M. [H] au versement de la somme de 541 € au titre du préavis de démission non exécuté,
- le condamner au versement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, correspondant aux frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les conclusions développées oralement à l'audience du 4 mai 2015, par M. [L] [H] qui demande à la cour de :
- déclarer la société PRIN ET FILS recevable et mal fondée en son appel du jugement contradictoire en première instance du 5 juillet 2013 du Conseil des Prud'hommes de Bourg en Bresse,
- déclarer M. [L] [H] recevable en son appel incident,
- débouter la société PRIN ET FILS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié la démission de M. [L] [H] en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- confirmer en outre le jugement en ce qu'il a condamné la société PRIN ET FILS à payer à M. [H] les sommes suivantes :
- 11.330 € au titre de la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3.122,65 € au titre de l'indemnité de licenciement,
- 330 € au titre des congés payés sous précédent employeur,
- 62,64 € au titre de la prime de petit déjeuner,
- 3.442,50 € au titre de la prime de non-accident,
- 344,25 € au titre des congés payés afférents,
- 3.965,34 € au titre de l'indemnité de préavis,
- 3.408,70 € au titre de rappel sur heures supplémentaires,
- 340,87 € au titre des congés payés afférents,
- 850 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Le tout avec intérêts au taux légal capitalisés par année entière à compter de la signature de la lettre recommandée avec accusé de réception de convocation à l'audience de conciliation soit le 10 octobre 2012,
- ordonné à la SARL PRIN ET FILS de remettre à M. [L] [H] l'attestation Pôle Emploi et le certificat de travail rectifiés,
- condamné la SARL PRIN ET FILS aux entiers dépens,
- infirmer pour le surplus le jugement et statuant à nouveau, condamner la société PRIN ET FILS à payer à M. [H] les sommes suivantes :
- 10.121,76 € au titre de la cession du contrat de travail de l'employeur précédent,
- 2.250 € au titre de la prime d'ancienneté ;
- 5.000 € au titre des frais irrépétibles
Le tout avec intérêts au taux légal capitalisés par année entière à compter de la notification de la convocation à l'audience de conciliation,
- condamner la société PRIN ET FILS aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Sur l'application de l'article L1224-1 du code du travail
Il est constant que l'article L1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001, s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise et que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; que le transfert d'une telle entité se réalise si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par le nouvel exploitant.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la S.A.R.L. PRIN et FILS a acheté quatre camions malaxeurs à la société CATHERIN THOMAS TRANSPORTS et a accepté de reprendre les contrats de travail des quatre salariés affectés à la conduire de ces véhicules. La cour constate qu'il n'est pas démontré que ces quatre camions malaxeurs constituaient une entité économique autonome ; en effet, la vente des camions ne s'est accompagnée d'aucun autre transfert d'élément corporels ou incorporels. Le fait que l'acquéreur des camions ait accepté de prendre à son service les chauffeurs affectés à ces véhicules, avec reprise de leur ancienneté chez leur précédent employeur, ne peut suffire à démontrer que ces contrats de travail ont été transférés en application de l'article L1224-1 du code du travail. Dans ces conditions, le nouvel employeur et le salarié ayant signé un nouveau contrat de travail, annulant expressément tous les contrats antérieurs, le salarié ne peut se référer à ces anciens contrats de travail conclus avec la société CATHERIN pour en demander le bénéfice à la S.A.R.L. PRIN et FILS.
Sur le rappel de congés payés acquis chez le précédent employeur
M. [L] [H] sollicite à ce titre le paiement de la somme de 330€.
La cour relève que c'est à juste titre que la S.A.R.L. PRIN et FILS fait observer qu'en acceptant de reprendre l'ancienneté du salarié acquise chez son précédent employeur, elle lui a permis de prendre, dès son embauche à son service, les 31 jours de congés qu'il avait obtenu au service de la société CATHELIN ; qu'ayant pris ces congés, il a été remplis de ses droits.
Il résulte des pièces produites aux débats que M. [L] [H] a pris ses congés payés, du 17 août au 30 août 2009, du 28 décembre 2010 au 2 janvier 2010, du 14 mai 2010 au 24 mai 2010 , du 14 juin au 17 juin 2010 et du 25 au 28 juin 2010, soit 33jours, alors que son bulletin de salaire établi pour le mois de juillet 2010, fait apparaître un solde de 38jours de congés acquis. Dans ces conditions, il est établi que le salarié a bénéficié des congés payés auxquels il pouvait prétendre en raison de la reprise de son ancienneté chez son précédent employeur et il doit être débouté de sa demande en paiement.
Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires :
Aux termes de l'article L 3121-24 du code du travail, une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations prévues à l'article L. 3121-22, par un repos compensateur équivalent. Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical non assujetties à l'obligation annuelle de négocier prévue à l'article L. 2242-1, ce remplacement peut être mis en place par l'employeur à condition que le comité d'entreprise ou les délégués du personnel, s'ils existent, ne s'y opposent. La convention ou l'accord d'entreprise ou le texte soumis à l'avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel peut adapter les conditions et les modalités d'attribution et de prise du repos compensateur de remplacement à l'entreprise.
Aucune disposition de la convention collective nationale des transports routiers ou des accords y attachés, applicable au transport de marchandises, ne prévoit en faveur des conducteurs courte distance le remplacement du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations prévues à l'article L. 3121-22, par un repos compensateur équivalent.
En l'espèce, la S.A.R.L. PRIN et Fils, dont l'effectif était supérieur à onze personnes, était tenue, aux termes de l'article L 2312-1 du code du travail, d'organiser l'élection de délégués du personnel. Elle ne peut, sans présenter un procès verbal de carence, se prévaloir de l'absence de délégués du personnel pour justifier la mise en place du repos compensateur de remplacement par décision unilatérale. En conséquence, les heures supplémentaires dont le paiement a été remplacé indûment par des repos compensateurs restent dues.
M. [L] [H] présente un décompte d'heures supplémentaires mois par mois, au sujet duquel il ne donne aucune explication. Il apparaît que cette pièce a été établie à partir de lettres de voiture sur lesquelles n'apparaissent que ses heures de départ et d'arrivée de la centrale et du chantier, ce qui l'a conduit à ne pas déduire des temps qui ne peuvent être considérés comme des temps de travail effectif. Il y a lieu de retenir les données incontestables tirées de la lecture numérique de sa carte conducteur par le logiciel OPTAC dont il résulte que n'ont pas été payées :
- 0 heure supplémentaire en 2009,
- 37,59 heures supplémentaires en 2010,
- 61,28heures supplémentaires en 2011,
- 0 heures supplémentaires en 2012 ;
Le rappel de salaire dû à M. [L] [H] s'établit ainsi :
- année 2010 : 37h59 x (10,259 € x 150%) = 578,45 €
- année 2011 : 61,28 x (10,259 € x 150%) = 943€ soit au total =1521,45 €, auquel il convient d'ajouter les congés payés afférents.
Sur la demande de primes de petit déjeuner :
M. [L] [H] sollicite la somme de 62,64€ à titre de primes de petit déjeuner en cas de travail de nuit de plus de quatre heures. Aucune prime de petit déjeuner n'étant prévue par le protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacement des ouvriers, il y a lieu de penser que le salarié demande paiement de l'indemnité de casse-croûte prévue par l'article 12 du protocole en faveur du personnel assurant un service comportant au moins 4 heures de travail effectif entre 22 heures et 7 heures. La S.A.R.L. PRIN et FILS dans ses conclusions indique que son comptable s'est trompé dans ses calculs et se reconnaît redevable de la somme demandée par le salarié.
Sur la demande de prime de non-accident :
La structure de la rémunération, prévue par le contrat de travail, ne peut être modifiée sans l'accord du salarié.
E n l'espèce, la prime de non-accident de153 €, prévue au contrat de travail, a été intégrée dans le salaire de base à dater de juillet 2010 après une réunion du personnel qui aurait majoritairement donné son accord. M. [L] [H], qui soutient que la nouvelle structure de sa rémunération lui est défavorable, sollicite un rappel de primes de 3.442,50 € sur la période de mois de juillet 2010 au mois de mai 2012.
Mais le créancier ne pouvant obtenir deux fois le paiement d'une même créance, il appartenait à M. [L] [H] de démontrer que le montant de la rémunération versée à la suite de l'intégration illicite de la prime dans le salaire n'était pas égal au montant total de la rémunération versée antérieurement, prime comprise, et de solliciter le paiement de la différence. Il ne peut prétendre cumuler le paiement de la prime intégrée, et donc détachée de l'aléa initialement inhérent à son versement, avec le paiement de la même prime à titre de sanction de la modification de son contrat de travail. En l'absence de toute perte de rémunération établie et de tout préjudice avéré, il sera débouté de ce chef de demande.
Sur la demande de prime d'entretien :
A dater de juillet 2010, une prime de responsabilité est apparue sur les bulletins de paie de M. [L] [H] et la prime d'entretien prévue au contrat de travail n'a plus été versée. Il résulte des pièces communiquées que la prime de responsabilité n'a pas le même objet que la prime d'entretien puisque le versement de la première est subordonné au respect de l'obligation de porter les équipements de protection. L'employeur ne pouvait, sans l'accord de M. [L] [H], en substituant une prime à l'autre, modifier unilatéralement les conditions d'attribution d'une prime contractuelle. Dès lors, les deux primes, qui ont des objets différents doivent se cumuler. La S.A.R.L. PRIN et Fils sera condamnée à payer à M. [L] [H] la somme brute de 2.250€ à titre de rappel de prime d'entretien sur une période de 22,5 mois.
Sur la prime d'ancienneté
A juste raison l'employeur fait valoir qu'aucune prime n'est stipulée à ce titre dans le contrat liant la SARL PRIN et FILS à M. [L] [H]. Par ailleurs, la cour a rappelé ci-dessus qu'il ne s'agissait pas d'un transfert automatique du contrat de travail et que le nouvel employeur n'était pas tenu par les engagements de l'ancien employeur.
La société PRIN et FILS fait encore valoir qu'en rémunérant le salarié 9,25€ de l'heure, alors que le minima conventionnel était de 8,8944€ pour une ancienneté de deux ans, puis à compter de juillet 2010, 10,25€ alors que le minima conventionnel intégrant une ancienneté de cinq ans était de 9,6928€,elle versait une rémunération supérieure au minima conventionnel.
Les articles 12 et 13 de l'annexe n°1 de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport instituent non pas une prime d'ancienneté s'ajoutant à chaque rémunération contractuelle mais une majoration de la rémunération globale minimale.
En l'espèce, il résulte de l'examen des bulletins de salaire de M. [H], que la rémunération globale qu'il percevait était au moins égale aux sommes fixées dans les tableaux annexés, augmentées, le cas échéant, pour chaque tranche d'ancienneté, des majorations que ce texte énumère.
Dans ces conditions, il convient de débouter le salarié de cette demande de rappel de salaire.
Sur les congés payés afférents aux primes :
L 'indemnité de congés payés afférente au rappel de primes d'entretien s'élève à 225 €.
Sur les effets de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail :
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
En l'espèce, M. [L] [H], qui ne justifie d'aucune réclamation antérieure à sa lettre recommandée du 30 avril 2012, a pris acte de la rupture du contrat de travail dès le 11 mai 2012, mais n'a chiffré ses demandes de rappels de salaire, primes et congés payés qu'il estimait lui être dus que lors de la saisine postérieure du conseil de prud'hommes. Il a manqué à la bonne foi contractuelle en ne permettant pas à son employeur d'examiner ses réclamations imprécises et portant sur toute la durée de la relation de travail.
Le grief principal se rapporte au non-respect prétendu de l'obligation de paiement du salaire exigible en fin de mois. Les dispositions de l'article L 3242-1 du code du travail imposent à l'employeur une périodicité mensuelle du paiement du salaire, mais non son paiement à une date déterminée.
E n l'espèce, il ressort de l'examen des relevés du compte bancaire de M. [L] [H] que celui-ci recevait un acompte de 1 200 € entre le 25 et le 31 du mois, le solde étant viré entre le 9 et le 15 du mois suivant. La périodicité mensuelle de la paie était ainsi respectée. M. [L] [H] n'était pas fondé à déplorer une méthode qui ne lui causait aucun préjudice et qui laissait à la société un délai suffisant pour calculer les droits des salariés sans devoir recourir au décalage de la paie, fréquent dans la branche des transports routiers.
E n conséquence, le jugement qui a dit que la démission du salarié produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être infirmé, aucun des manquements imputables à l'employeur n'étant d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Sur la demande reconventionnelle :
L'indemnité de brusque rupture, due par le salarié démissionnaire en cas de non-respect du préavis qu'il devait à son employeur, constitue la réparation forfaitaire du préjudice subi par ce dernie . L'employeur n'est donc pas tenu de rapporter la preuve d'un préjudice particulier. Le montant de l'indemnité est égale à la rémunération qui aurait été perçue par le salarié pendant l'exécution du préavis.
En conséquence, M. [L] [H] doit être condamné à payer à la S.A.R.L. PRIN et Fils la somme de 541 € à titre d'indemnité de brusque rupture.
PAR CES MOTIFS
statuant après en avoir délibéré, en matière sociale, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
- condamné la SARL PRIN ET FILS à payer à M. [L] [H] les sommes suivantes :
- au titre de la prime de petit déjeuner : 62,64€
- au titre de l'article 700 du Code de procédure civile : 850,00€
- condamné la SARL PRIN ET FILS aux entiers dépens.
l'infirme pour le surplus et statuant de nouveau,
CONDAMNE la SARL PRIN et FILS à payer à M. [L] [H] les sommes suivantes :
- prime d'entretien : 2.250€
- congés payés afférents : 225€
- au titre de rappel des heures supplémentaires : 1.521,45€
- congés payés afférents : 152,14€
Le tout avec intérêts au taux légal à compter de la signature de la lettre recommandée avec accusé de réception de convocation à l'audience de conciliation soit le 10 octobre 2012,
Dit que les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés
CONDAMNE M. [L] [H] à payer à la SARL PRIN et FILS la somme de 541€ au titre d'indemnité de brusque rupture
Y ajoutant
CONDAMNE la S.A.R.L. PRIN et Fils à payer à M. [L] [H] la somme de mille cinq cents euros (1 500 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la Cour,
CONDAMNE la SARL PRIN et Fils aux dépens .
Le greffierLe président
Sophie MascrierMichel Bussière