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27/05/2015 | FRANCE | N°13/01408

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 27 mai 2015, 13/01408


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 13/01408





CONSULAT GENERAL DE TUNISIE



C/

[R]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 Janvier 2013

RG : F 11/01508











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 27 MAI 2015













APPELANTE :



CONSULAT GENERAL DE TUNISIE

pris en la personn

e de son Consul,

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Aurélie BONNET, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[K] [R]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par Me Cyril JUILLARD, avocat au barreau de LYON



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AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/01408

CONSULAT GENERAL DE TUNISIE

C/

[R]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 Janvier 2013

RG : F 11/01508

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 27 MAI 2015

APPELANTE :

CONSULAT GENERAL DE TUNISIE

pris en la personne de son Consul,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Aurélie BONNET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[K] [R]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Cyril JUILLARD, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/3425 du 06/02/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

PARTIES CONVOQUÉES LE : 15 Juillet 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Décembre 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre

Christian RISS, Conseiller

Vincent NICOLAS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Mai 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Michèle GULLON, Greffier en chef auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

[K] [R] a poursuivi son employeur, le Consulat Général de TUNISIE, devant le conseil des prud'hommes de LYON et a réclamé des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'indemnité pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour manquement aux règles de santé et de sécurité, des dommages et intérêts pour non respect du droit individuel à la formation, l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement abusif, des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, les intérêts au taux légal et une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 25 janvier 2013, le conseil des prud'hommes a :

- déclaré le licenciement privé de cause et vexatoire,

- condamné le Consulat Général de TUNISIE à verser à [K] [R] les sommes suivantes:

* 45.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 9.364,92 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

* 3.121,64 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement aux règles de santé et de sécurité,

* 1.101,60 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du droit individuel à la formation,

* 1.872,98 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période 2009/2010,

* 56.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire,

* 2.500 euros au titre des frais irrépétibles,

- ordonné la capitalisation des intérêts à compter de la saisine du conseil des prud'hommes,

- ordonné l'exécution provisoire de l'entier jugement,

- rejeté les autres demandes,

- condamné le Consulat Général de TUNISIE aux dépens.

Le jugement a été notifié le 29 janvier 2013 au Consulat Général de TUNISIE qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 20 février 2013.

L'affaire a été fixée à l'audience du 13 février 2014 et a été renvoyée contradictoirement à l'audience du 4 décembre 2014.

Par conclusions maintenues et soutenues oralement à l'audience du 4 décembre 2014, le Consulat Général de TUNISIE :

- expose qu'il n'est pas une personne morale autonome mais une émanation de la République Tunisienne,

- au principal, soulève la nullité de l'action engagée contre une personne dépourvue du droit d'agir,

- au subsidiaire, oppose la fin de non recevoir tirée de son immunité de juridiction,

- à l'infiniment subsidiaire, conteste les demandes et souhaite le rejet des prétentions de [K] [R],

- demande la condamnation de [K] [R] aux dépens.

Par conclusions maintenues et soutenues oralement à l'audience du 4 décembre 2014, [K] [R] qui interjette appel incident :

- allègue, sur le fondement de la règle de l'estoppel, l'irrecevabilité de la fin de non recevoir soulevée par le Consulat Général de TUNISIE et tirée de son défaut de capacité juridique et reproche au Consulat de s'être toujours présenté comme légitimement défenseur à l'action, et ce volontairement et intentionnellement,

- ajoute que le Consulat Général de TUNISIE détient tous les attributs de la personnalité morale,

- critique le caractère tardif de l'exception de fin de non recevoir et réclame la somme de 115.000 euros à titre de dommages et intérêts dans l'hypothèse où la Cour accueillerait la fin de non recevoir et réclame la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts dans l'hypothèse où la Cour rejetterait la fin de non recevoir,

- soutient que l'immunité de juridiction ne s'applique pas dans la mesure où il était agent administratif et n'exerçait pas des fonctions relevant de l'exercice de la souveraineté de l'Etat Tunisien,

- sur le fond, fait valoir qu'il était embauché par contrat de travail à durée indéterminée, que l'employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail, a dissimulé son travail, n'a pas respecté les règles relatives à la santé et à la sécurité des travailleurs ni les règles relatives au droit individuel à la formation et a rompu de manière abusive et vexatoire le contrat de travail,

- réclame les sommes suivantes :

* 60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 9.364,92 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

* 3.121,64 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement aux règles de santé et de sécurité,

* 1.101,60 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du droit individuel à la formation,

* 56.189,52 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

- demande les intérêts au taux légal sur les créances salariales à compter de la saisine du conseil des prud'hommes et sur les dommages et intérêts à compter du jugement et la capitalisation des intérêts,

- sollicite, en cause d'appel, la somme complémentaire de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'employeur aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'action :

L'article 32 du code de procédure civile dispose : 'Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir'. L'article 123 du code de procédure civile dispose : 'Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages et intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt'.

La théorie de l'estoppel interdit à une partie de se contredire au détriment d'autrui.

Le 1er novembre 1996, [K] [R] a été embauché par le Consul Général de TUNISIE à [Localité 2] en qualité d'agent local auprès du consulat avec mission 'de prêter assistance aux membres de la colonie tunisienne installée dans la circonscription consulaire de [Localité 2], de les informer et de les orienter sur toutes les questions qui les préoccupent et de renforcer le service social et d'accomplir toute mission qui lui sera confiée'.

L'article 11 du contrat de travail stipule : 'Tout différend qui pourrait surgir de l'application du présent contrat est de la compétence des tribunaux de Lyon'. Les parties ne tirent pas argument de cette clause s'agissant des deux fins de non recevoir en litige.

Le 3 mai 2007, le Consulat Général de TUNISIE à [Localité 2] a attesté que [K] [R] détenait la qualité d'agent consulaire. Le 31 janvier 2008, le Consulat Général de TUNISIE à [Localité 2] a attesté que [K] [R] détenait la qualité d'agent administratif. Le 7 mars 2012, le Consul Général a écrit à [K] [R] que le Consulat Général était son employeur. Les fiches de paie sont à l'en tête du Consulat Général de TUNISIE.

[K] [R] agi contre le Consulat Général de TUNISIE.

En première instance, le Consulat Général de TUNISIE n'a pas soulevé la fin de non recevoir tirée de son absence de personnalité morale. En revanche, il a soulevé la fin de non recevoir tirée de l'immunité de juridiction. Il a fait écrire qu'il dépendait du ministère des affaires étrangères de la République Tunisienne et qu'il était l'employeur juridique de [K] [R].

Les fonctions d'une ambassade consistent essentiellement à représenter l'Etat accréditant, à protéger les intérêts de celui-ci et à promouvoir les relations avec l'Etat accréditaire. Dans l'exercice de ces fonctions, l'ambassade peut devenir titulaire de droits et d'obligations à caractère civil. Tel est le cas lorsqu'elle conclut des contrats de travail avec des personnes qui n'accomplissent pas de fonctions relevant de l'exercice de la puissance publique. Le consulat constitue un établissement de l'Etat lorsque les fonctions accomplies par le salarié relève de l'exercice de la puissance publique. Le Consulat est alors le simple représentant de son Etat.

La question du droit à agir et de l'immunité de juridiction sont intriquées. En effet, un consulat peut être un employeur distinct de l'Etat qu'il représente dès lors que son salarié ne participe pas à une mission de service public. Par contre, lorsque le salarié exerce une mission de service public, le consulat est dans les relations avec le salarié une simple émanation de l'Etat qu'il représente, est dépourvu d'un droit propre à agir et bénéficie de l'immunité de juridiction.

Dès lors que, dès la première instance, le Consulat Général de TUNISIE a soulevé la fin de non recevoir tirée de l'immunité de juridiction et a fait écrire qu'il dépendait du ministère des affaires étrangères de la République Tunisienne, il ne se contredit pas au détriment de [K] [R] à soutenir qu'il n'a pas la personnalité morale même après avoir admis qu'il était son employeur juridique.

Dans ces conditions, [K] [R] ne peut pas invoquer la théorie de l'estoppel.

La convention de VIENNE intègre dans les fonctions consulaires le fait de prêter secours et assistance aux ressortissants. Les missions stipulées au contrat de travail et précédemment rappelées démontrent que [K] [R] participait à une fonction consulaire et donc à une mission de service public.

Dans ces conditions, dans les relations de travail en litige, le Consulat est le simple représentant à [Localité 2] de l'Etat de la République de TUNISIE et il est dépourvu d'un droit propre à agir. Par ailleurs, la coutume internationale qui consacre l'immunité des Etats pour les actes de puissance publique et pour les actes accomplis dans l'intérêt du service public de l'Etat doit recevoir application.

En conséquence, l'action exercée par [K] [R] à l'encontre du Consulat Général de TUNISIE à [Localité 2] doit être déclarée irrecevable.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Il n'est nullement établi que le Consulat Général de TUNISIE à [Localité 2] qui avait déjà soulevé une fin de non recevoir devant le conseil des prud'hommes s'est abstenu, dans un but dilatoire, d'opposer en sus une seconde fin de non-recevoir en cause d'appel.

En conséquence, [K] [R] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour invocation tardive et dilatoire de la fin de non-recevoir.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de débouter [K] [R] de ses demandes présentées en première instance et en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[K] [R] qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable l'action exercée par [K] [R] à l'encontre du Consulat Général de TUNISIE à [Localité 2],

Déboute [K] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour invocation tardive et dilatoire de la fin de non-recevoir,

Déboute [K] [R] de ses demandes présentées en première instance et en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [K] [R] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER EN CHEF,LE PRESIDENT,

Michèle GULLONJean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 13/01408
Date de la décision : 27/05/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°13/01408 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-27;13.01408 ?
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