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26/05/2015 | FRANCE | N°14/04077

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 26 mai 2015, 14/04077


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/04077





FEDERATION DEPARTEMENTALE DU RHONE DU MOUVEMENT CONTRE LE RACISME& POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES

Association COMITE DE SOS RACISME DU RHONE

[A]

SYNDICAT SCERAO CFDT



C/

SAS RHODIA OPERATIONS









APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Avril 2014

RG : 11/4480











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMB

RE SOCIALE A



ARRÊT DU 26 MAI 2015













APPELANTES :



FEDERATION DEPARTEMENTALE DU RHONE DU MOUVEMENT CONTRE LE RACISME& POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/04077

FEDERATION DEPARTEMENTALE DU RHONE DU MOUVEMENT CONTRE LE RACISME& POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES

Association COMITE DE SOS RACISME DU RHONE

[A]

SYNDICAT SCERAO CFDT

C/

SAS RHODIA OPERATIONS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Avril 2014

RG : 11/4480

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 26 MAI 2015

APPELANTES :

FEDERATION DEPARTEMENTALE DU RHONE DU MOUVEMENT CONTRE LE RACISME& POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Bertrand SAYN, avocat au barreau de LYON substitué par Me Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON

Association COMITE DE SOS RACISME DU RHONE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON

appelant dans 14/04141 (Fond)

[G] [A]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 5]

comparant en personne, assisté de Me Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON

appelant dans 14/04141 (Fond)

SYNDICAT SCERAO CFDT

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON

appelant dans 14/04141 (Fond)

INTIMÉ :

SAS RHODIA OPERATIONS

Mme [D], responsable des ressources humaines

[Adresse 5]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Christophe BIDAL de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Mars 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel BUSSIERE, Président

Agnès THAUNAT, Conseiller

Vincent NICOLAS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Mai 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel BUSSIERE, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Attendu que sur saisine du 20 octobre 2011 et par jugement n° RG 11/4480 daté du 24 avril 2014 le conseil de prud'hommes de Lyon, section industrie, présidé par le juge départiteur a statué ainsi :

- Ecarte des débats la pièce 49 (mail du 31 janvier 2013) produite par la société Rhodia Opérations,

- DÉBOUTE M. [G] [A] de l'ensemble de ses demandes, fin et prétentions

- DÉCLARE recevable mais non fondée l'intervention du Syndicat SCERAO-CFDT et le déboute de ses demandes

- DÉCLARE recevable mais non fondée l'intervention du MRAP Fédération Départementale du Rhône du Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié des Peuples et le déboute de ses demandes

- Déclare recevable mais non fondée l'intervention de l'Association Comité de SOS RACISME du Rhône et le déboute de ses demandes

- CONDAMNE M. [G] [A] aux entiers dépens de la présente instance

Attendu que par lettre recommandée expédiée le 16 mai 2014 et reçue au greffe de la cour le 19 mai 2014, la Fédération départementale du Rhône du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (le MRAP, premier appelant) a déclaré interjeter appel du jugement précité mais sans désigner d'intimé ;

Attendu que par lettre datée du 20 mai 2014, enregistrée le même jour au greffe de la cour d'appel, M. [A], le Syndicat Chimie Énergie Rhône-Alpes Ouest (SCERAO-CFDT) et l'Association Comité de SOS Racisme du Rhône (seconds appelants) ont interjeté appel du jugement précité à l'encontre de la société par actions simplifiées à associé unique Rhodia Opérations ;

Attendu que les deux appels ont été joints par ordonnance du 21 juillet 2014 ;

Attendu que par conclusions déposées au soutien de leurs observations orales à l'audience, M. [A], le Syndicat Chimie Énergie Rhône-Alpes Ouest (SCERAO-CFDT) et l'Association Comité de SOS Racisme du Rhône (seconds appelants) demandent de :

- INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a écarté des débats la pièce produite par la société Rhodia Opérations et numérotée 49

- STATUER à nouveau et dire et juger l'appel interjeté par M. [A], le Syndicat SCERAO-CFDT et le Comité SOS RACISME du Rhône recevable, justifié et bien fondé

- CONSTATER que M. [A] établit un ensemble de faits précis et objectifs qui démontrent une différence de traitement par rapport aux autres salariés de l'atelier HMD/SEL

- CONSTATER que la société Rhodia Opérations ne démontre pas que cette différence de traitement est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination

- DIRE ET JUGER que cette disparité manifeste trouve sa seule justification dans les origines de M. [A]

- en conséquence, DIRE ET JUGER que M. [A] est victime d'une discrimination raciale

- CONDAMNER la société Rhodia Opérations à procéder à l'inscription de M. [A] à la prochaine session de formation TEX

- CONDAMNER la société Rhodia Opérations à positionner successivement M. [A] aux coefficients :

- 225 de janvier 2002 à décembre 2008

- 235 de janvier 2009 à décembre 2011

- 250 de janvier 2012 à décembre 2013

- 275 à compter de janvier 2014

- CONDAMNER, en tout état de cause, la société Rhodia Opérations à payer à minima à M. [A] les sommes de :

- 23.643,87 € à titre de rappel de salaire pour la période d'octobre 2006 à décembre 2014, outre 2.364,39 € au titre des congés payés afférents,

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi,

- 30.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi

- DIRE ET JUGER que la société Rhodia Opérations devra régler également les sommes liées au positionnement de M. [A], postérieurement à décembre 2014 et pour l'avenir

- CONDAMNER la société Rhodia Opérations à produire, sous astreinte de 100 € par jour de retard, à compter du 8ème jour de retard, les éléments et le montant des rémunérations versées aux salariés au coefficient 225 pour la période 2006-2008, au coefficient 235 pour la période 2009-2011, au coefficient 250 pour la période 2012-2013 et au coefficient 275 à compter de 2014 et pour l'avenir afin de parfaire le calcul de rappel de salaire dû

- ORDONNER la réouverture des débats afin de parfaire les sommes dues à M. [A] en terme de salaire

- ORDONNER à la société Rhodia Opérations de remettre à M. [A] les bulletins de salaire rectifiés afférents à la période considérée, sous astreinte de 50 € par bulletin de salaire manquant et par jour de retard constaté dans les 8 jours de la notification de la décision à intervenir

- SE RÉSERVER la possibilité de liquider l'astreinte

- CONDAMNER la société Rhodia Opérations à verser au syndicat SCERAO-CFDT la somme de 5.000 € réparation du préjudice porté à l'ensemble de la profession

- CONDAMNER la société Rhodia Opérations à payer à l'association Comité SOS RACISME du Rhône la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice porté à l'intérêt collectif qu'elle représente

- DIRE ET JUGER que ces sommes porteront intérêt à compter de la demande en justice

- CONDAMNER la société Rhodia Opérations à verser à M. [A], au Syndicat SCERAO-CFDT et au Comité SOS RACISME du Rhône la somme de 4.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, soit 1.500 € à chacun d'entre eux

- CONDAMNER la même aux entiers dépens de l'instance

Attendu que par conclusions déposées au soutien de ses observations orales à l'audience, la Fédération départementale du Rhône du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP, premier appelant), demande de :

- INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions notamment en ce qu'il a jugé non fondées les demandes formulées par le MRAP

- DIRE ET JUGER recevable et bien fondées les prétentions de l'ensemble du demandeur principal,

- DÉCLARER l'intervention volontaire du MRAP fédération départementale du Rhône recevable et fondée et y faire droit

- CONDAMNER la société Rhodia Opérations au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au MRAP, partie intervenante

- CONDAMNER la même aux entiers dépens

- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir

Attendu que par conclusions déposées au soutien de ses observations orales à l'audience, l'intimée demande de :

- CONFIRMANT les jugements entrepris

- DÉBOUTER les demandeurs et le Syndicat et les Associations intervenants de leurs prétentions

- les CONDAMNER aux entiers dépens

Attendu que l'affaire a été plaidée à l'audience du 17 mars 2015 ;

Attendu qu'il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs faits, moyens et prétentions ;

SUR CE

Attendu que la recevabilité de l'appel de la Fédération départementale du Rhône du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples n'est pas contestée, malgré l'absence de désignation d'intimé ;

Attendu que les dispositions du jugement entrepris concernant la pièce n° 49 produite par la société Rhodia Opérations et la recevabilité des actions du syndicat et des associations de luttes contre le racisme seront confirmées, à défaut de contestation ;

Attendu que M. [A] expose qu'il est entré au service de la société Rhône-Poulenc Chimie, usine de [Localité 6] à [Localité 8], le 1er février 1994 selon contrat de qualification daté du 28 décembre 1993 et qu'il a été embauché en qualité d'agent de production au coefficient 160 à compter du 1er février 1995 puis qu'il a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée daté du 23 avril 1996 à partir du 1er mai 1996 ; qu'il a successivement bénéficié des coefficients 175 en 1995, 190 en 1996 , 205 en 1998 puis 215 depuis juin 2008, coefficient non prévu par la convention collective, et qu'il perçoit maintenant un salaire brut de base de 2180,01 € outre une prime d'ancienneté de 359,51 € mais que depuis, son évolution professionnelle stagne, contrairement à ses autres collègues et qu'il n'a jamais été admis à suivre la formation dite TEX, nécessaire pour obtenir la qualification de technicien de production ou d'exploitation, malgré les candidatures exprimées depuis 1998 alors que d'autres collègues ont pu en bénéficier avec une ancienneté et une polyvalence moindres ; qu'en raison d'un climat de travail délétère avec une forte suspicion de racisme, il estime avoir été exclu de la formation qualifiante indispensable à sa promotion professionnelle pour des motifs tenant à son origine maghrébine ; qu'il soutient qu'aucun de ses collègues ayant la même origine n'est jamais parvenu à atteindre la qualification de technicien au coefficient 225 en bénéficiant de la formation TEX qui n'est pourtant qu'une étape normale dans la carrière des salariés de son atelier ; qu'il explique avoir dû suivre un traitement anxiolytique avec un suivi psychothérapique et que le 22 août 2012 il a été victime d'un infarctus du myocarde survenu dans un contexte anxio-dépressif réactionnel à une situation de conflit professionnel et dans l'imminence d'un procès prud'homal ; que postérieurement à l'introduction de l'instance il a été informé de l'ouverture d'une nouvelle session de formation TEX à laquelle il a dû renoncer en raison de son état de santé ; qu'il estime donc avoir été victime d'une discrimination raciale ; qu'il fournit cinq exemples d'évolution de carrière de salariés d'origine européenne révélant qu'après avoir été embauchés plus tard que lui, ils sont tous parvenus aux coefficients 225, 235 ou 275 ;

Attendu que la société Rhodia Opérations, nouveau nom de l'employeur, confirme que M. [A] est employé depuis le 1er juin 2008 comme opérateur de production au coefficient 215 avec un salaire de base mensuel brut de 2052,54 € et un salaire mensuel brut moyen de 3562,49 euros ;

Attendu que l'employeur rappelle que :

- la classification du salarié relève du pouvoir de direction de l'employeur et que la progression dans la classification n'est pas une obligation pour l'employeur, sauf accord collectif ou stipulation du contrat de travail, et qu'il se réfère aux annexes de la convention collective nationale des industries chimiques définissant les critères de classement des salariés selon leur catégorie

- le coefficient 215 résulte d'accords d'établissement et procure un avantage au salarié

- au cours des entretiens de carrière de 2010 et 2011, le supérieur hiérarchique a émis un avis favorable à une évolution vers des fonctions de technicien

- des tableaux comparatifs révèlent que de nombreux opérateurs d'origine européenne sont titulaires de coefficients inférieurs à celui du demandeur

- une campagne de sélection des opérateurs de production désireux d'être promus aux fonctions de technicien d'exploitation est organisée en moyenne tous les deux ans avec une phase de présélection assurée par l'encadrement de l'unité de production suivie d'une phase de sélection proprement dite, ce qui suscite des déceptions pour les candidats non retenus, mais que la candidature de M. [A] à l'occasion de la campagne 2009/2010 a été objectivement refusée

- la candidature de M. [A] a été présélectionnée lors de la campagne 2012/2013

- M. [A] a été admis à suivre la formation TEX après la deuxième phase de sélection mais il n'a pas pu la suivre en raison d'un accident cardiaque d'origine non professionnelle

- une rumeur relative à des propos racistes a fait l'objet d'une enquête dont les résultats négatifs ont été évoqués lors d'une réunion des délégués du personnel mais que les tensions ont été réactivées lors d'un conflit social à l'automne 2009

- les comptes-rendus d'entretiens individuels des personnes concernées réalisés les 26 et 27 octobre 2010 n'ont pas été restitués immédiatement, ce qui a donné lieu à un vif échange épistolaire entre l'organisation syndicale CFDT et la direction de l'usine au mois de mai 2011

- l'unité de production HMD/SEL est sous la responsabilité de M. [K] [H]

Attendu qu'il convient cependant d'examiner la situation du salarié à la date de saisine du conseil de prud'hommes soit le 20 octobre 2011 ;

Attendu qu'il est justifié par les pièces versées aux débats et notamment les comptes-rendus individuels d'entretien du salarié que dès le 11 décembre 2004, M. [N], responsable hiérarchique, formulait par la mention 'OK' un avis favorable au souhait de l'intéressé d'évoluer vers un poste de technicien de fabrication et que cet avis était confirmé par le même supérieur lors d'entretien du 5 août 2005 ; que le 23 septembre 2007, M. [Y] [C], nouveau responsable hiérarchique, confirmait que M. [A] possédait les qualités pour occuper avec succès la fonction nécessitant de suivre le cursus de formation TEX mais en précisant qu'il « devra néanmoins effectuer un travail sur lui-même pour parfaire ses qualités de synthèse et de mobilisation car la fonction de technicien de production nécessite de développer ces aspects » ; que cet avis été réitéré lors de l'entretien du 18 octobre 2008 et que M. [Y] [C] écrivait dans la fiche entretien : « Pour ma part, je suis favorable pour que M. [A] [G] soit dès cette année 2009 l'un des candidats pour suivre la formation TEX, il est aujourd'hui techniquement à la hauteur, il sait prendre du recul devant des situations humaines tendues, il nous l'a prouvé à plusieurs reprises au suppléant chef de poste et moi-même. Par contre, il est vrai que sa sensibilité contre l'intolérance et la bêtise humaine le fait parfois sortir de ses gonds, est-ce pour autant un défaut ou une raison pour lui fermer la porte de cette formation, moi je crois que non. C'est pourquoi, j'attire votre attention pour donner à M. [A] les moyens de contribuer au développement technique de l'atelier et de Rhodia Polyamide » ;

Attendu que le compte rendu d'entretien du 28 novembre 2009 rédigé par M. [X] [Q], nouveau responsable hiérarchique, indique : « [G] est désabusé. Il ne semble plus croire en ses possibilités d'accéder au poste de technicien d'exploitation, d'où son souhait de ne formuler aucune demande d'évolution en ce sens (malgré mon insistance...). J'émettrai donc, contrairement au souhait d'[G], un avis favorable pour une évolution vers la fonction TEX, au vu de son expérience et de son niveau de maîtrise générale sur l'ensemble de nos ateliers. Il serait regrettable qu'il ne puisse accéder rapidement à cette fonction. [G] doit conserver son sérieux et son niveau d'implication actuelle, malgré ce ressentiment. Il doit également veiller à établir des relations professionnelles plus conformes à cette perspective d'évolution. » ; que M. [X] [Q] maintenait sa position lors d'entretien du 18 octobre 2010 en ajoutant qu'il « serait regrettable qu'il ne puisse accéder à cette fonction, d'autant plus que l'équipe D n'a plus de TEX (excepté l'AMP suppléant..) » ; qu'un avis identique été réitéré par le même responsable hiérarchique lors de l'entretien du 16 septembre 2011 en précisant : « il me semble aujourd'hui nécessaire que son souhait d'évolution soit pris en compte avec la plus grande attention, d'autant que l'équipe D n'a plus de TEX (excepté l'AMP suppléant..) » ;

Attendu qu'un document également produit par M. [A] sous le numéro 20-A et intitulé plan de formation 2002/2003/2004 mentionnaient, comme personnes concernées par la formation TEX, pour l'exercice 2002/2003 MM [W] et [A] et pour l'exercice 2003/2004 MM [Z] et [R] ; qu'il résulte du tableau versé aux débats par M. [A] et non contestée par l'employeur, que MM [W], [Z] et [R] ont tous accédé à la catégorie supérieure et sont rémunérés selon un coefficient 225 pour M. [Z] et 275 pour MM [W] et [R] à la suite des formations suivies respectivement en 2009, 2006 et 2008 ; que M. [A] cite encore le cas de M. [U] qui a également bénéficié de la formation TEX en 2010 et a obtenu une promotion ;

Attendu en conséquence que M. [A] présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et qu'il incombe alors à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Attendu que l'article L 1132-1 du code du travail retient notamment au titre du principe de non-discrimination, l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise ;

Attendu que l'employeur réplique que la candidature de M. [A] a été objectivement refusée lors de la campagne 2009/2010 à la suite d'un classement le plaçant en quatrième position avec la note 15 derrière MM [U], [Z] et [T] mais devant MM [J] et [P] ayant respectivement obtenu les notes 14 et 13 ; que l'employeur rappelle également la réserve émise lors de l'entretien annuel d'activité de 2009 soit la phrase précitée : « Il doit également veiller à établir des relations professionnelles plus conformes à cette perspective d'évolution » ; qu'il rappelle que la candidature de M. [A] a été retenue pour la campagne 2012/2013 mais que cet élément postérieur à la saisine du conseil de prud'hommes ne peut pas être retenu ;

Attendu que si effectivement l'avis donné à la suite de l'entretien annuel d'activité du 28 novembre 2009, présente une réserve au regard des relations professionnelles, il est néanmoins fait état de ce que le salarié est désabusé et ne semble plus croire en ses possibilités d'accéder au poste de technicien d'exploitation alors qu'un avis favorable à la formation TEX avait été formulé sans réserve depuis l'année 2004 par M. [N] et confirmé par ses deux successeurs ; que l'aptitude avait été retenue sans ambiguïté dans le plan de formation 2002/2003/2004 et que l'avis de 2009 considéré par l'employeur comme réservé, rappelait la lassitude du salarié qui ne parvenait pas à accéder à cette formation ;

Attendu en conséquence qu'il convient de retenir que M. [A] n'a pas pu accéder à la formation TEX pour des raisons constitutives de discrimination en raison des origines lui ayant fait perdre une chance de promotion professionnelle et d'accéder à une catégorie professionnelle supérieure au cas où la formation aurait été fructueuse et qu'en raison de l'incertitude quant au succès de la formation qualifiante, l'indemnisation du préjudice matériel subi par M. [A] sera évaluée à hauteur de 60 % de la perte de salaire chiffrée mais qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la requalification professionnelle de l'intéressé des lors qu'aucun système d'avancement automatique n'est applicable ; qu'en outre, postérieurement à l'introduction instance, la candidature de M. [A] a été retenue pour la formation TEX et qu'il a donc été satisfait à la demande du salarié ;

Attendu que le préjudice matériel de M. [A] résulte de la perte des salaires qu'aurait pu lui procurer la formation Tex et qu'il convient de lui allouer à ce titre la somme de 14'186,32 euros outre 1418,63 euros au titre des congés payés afférents, ainsi qu'une somme complémentaire de 5000 € en réparation du préjudice moral lié aux sujétions diverses résultant de la discrimination ;

Attendu qu'il convient également de condamner la société Rhodia Opérations à payer au syndicat SCERAO CFDT la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;

Attendu qu'au vu des éléments sommairement développés par le comité SOS racisme de la Fédération départementale du Rhône, il convient de lui allouer une somme de 500 € à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que les sommes porteront intérêts à compter du jour de l'arrêt ;

Attendu qu'il convient de réformer en ce sens le jugement entrepris ;

Attendu que la société Rhodia Opérations qui succombe, supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant après en avoir délibéré, publiquement, en matière sociale, en dernier ressort et contradictoirement

Confirme le jugement entrepris en qu'il a :

- écarté des débats la pièce 49 (mail du 31 janvier 2013) produite par la société Rhodia Opérations,

- déclaré recevables les interventions du Syndicat SCERAO-CFDT, de la Fédération Départementale du Rhône du Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié des Peuples et de l'Association Comité de SOS RACISME du Rhône ;

L'infirme en ses autres dispositions et statuant à nouveau ;

Condamne la société Rhodia Opérations à payer à M. [A] les sommes de 14'186,32 € (quatorze mille cent quatre-vingt-six euros trente-deux centimes) en réparation du préjudice matériel outre 1418,63 € (mille quatre cent dix-huit euros soixante-trois centimes) au titre des congés payés afférents ainsi qu'une somme complémentaire de 5000 € (cinq mille euros) au titre du préjudice moral ;

Déboute M. [A] de ses autres demandes ;

Condamne la société Rhodia Opérations à payer au syndicat Chimie Énergie Rhône-Alpes Ouest (SCERAO-CFDT) la somme de 1000 € (mille euros) à titre de dommages-intérêts ;

Condamne la société Rhodia Opérations à payer à l'association Comité SOS racisme du Rhône la somme de 500 € (cinq cents euros) à titre de dommages-intérêts ;

Condamne la société Rhodia Opérations à payer à M. [A] la somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Rhodia Opérations à payer à la Fédération départementale du Rhône du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples la somme de 500 € (cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des autres parties ;

Condamne la société Rhodia Opérations aux entiers dépens de l'instance.

Le greffierLe président

Sophie MascrierMichel Bussière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 14/04077
Date de la décision : 26/05/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°14/04077 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-26;14.04077 ?
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