AFFAIRE PRUD'HOMALE
DOUBLE RAPPORTEUR
R.G : 14/04162
[F]
C/
SAS GSF ORION
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Cour de Cassation de PARIS
du 14 Mai 2014
RG : F1310315
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 13 MAI 2015
APPELANTE :
[T] [F]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
représentée par Me Cédric MENDEL, avocat au barreau de DIJON
substitué par Me Marie RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE :
SAS GSF ORION
[Adresse 3]
[Adresse 7]
[Adresse 4]
représentée par Me Arnaud BRULTET, avocat au barreau de DIJON
substitué par Me Marion MARAGNA, avocat au barreau de DIJON
PARTIES CONVOQUÉES LE : 29 Août 2014
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Avril 2015
Présidée par Didier JOLY, Conseiller et Marie-Claude REVOL, Conseiller, Conseillers Rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Didier JOLY, conseiller faisant fonction de président
- Marie-Claude REVOL, conseiller
- Agnès THAUNAT, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 13 Mai 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Marie-Claude REVOL, Conseiller, par empêchement du Président et par Michèle GULLON, Greffière en chef auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Le 13 décembre 2000, [T] [F] a été embauchée par la S.A.S. GSF ORION en qualité d'agent de service par contrat à durée déterminée puis par contrat à durée indéterminée.
Le 29 décembre 2008, [T] [F] a saisi le conseil des prud'hommes de DIJON ; elle a demandé la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, a poursuivi la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et a réclamé des indemnités.
Par jugement du 19 mars 2009, le conseil des prud'hommes a :
- requalifié le contrat à durée déterminée du 13 décembre 2000 en contrat à durée indéterminée,
- condamnée la S.A.S. GSF ORION à verser à [T] [F] la somme de 1.416,89 euros à titre d'indemnité de requalification et la somme de 350 euros au titre des frais irrépétibles,
- rejeté les autres demandes,
- condamnée la S.A.S. GSF ORION aux dépens.
[T] [F] a interjeté appel.
[T] [F] a été licenciée le 5 juin 2009 pour faute grave, l'employeur lui reprochant une absence injustifiée.
Par arrêt du 21 janvier 2010, la Cour d'Appel de DIJON a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du 5 juin 2009,
- fait produire à la résiliation les effets d'un licenciement sans cause,
- condamnée la S.A.S. GSF ORION à verser à [T] [F] la somme de 11.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause, la somme de 1.425,51 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et la somme de 2.851,02 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 285,10 euros de congés payés afférents,
- constaté que [T] [F] se désistait de sa demande au titre des congés payés,
- débouté [T] [F] de sa demande indemnitaire supplémentaire,
- condamnée la S.A.S. GSF ORION à verser à [T] [F] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et à acquitter les dépens.
La S.A.S. GSF ORION a formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt du 3 novembre 2011, la Cour de Cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de DIJON mais seulement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée aux torts exclusif de l'employeur et a renvoyé sur ce point la cause et les parties devant la Cour d'Appel de BESANCON.
Par arrêt du 6 novembre 2012, la Cour d'Appel de BESANCON a :
- déclaré irrecevables les demandes relatives à l'indemnité de congés payés et à l'indemnité de requalification,
- débouté [T] [F] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,
- débouté [T] [F] de ses demandes indemnitaires,
- rejeté les demandes fondées sur les frais irrépétibles,
- condamné [T] [F] aux dépens.
[T] [F] s'est pourvue en cassation.
Par arrêt du 14 mai 2014, la Cour de Cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de BESANCON mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes, en tant qu'elles sont fondées sur le licenciement, en paiement de sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse, d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés, a remis, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la Cour d'Appel de LYON.
[T] [F] a saisi la présente Cour par lettre recommandée adressée au greffe le 20 mai 2014.
Par conclusions visées au greffe le 2 avril 2015 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [T] [F] :
- reconnaît qu'elle a été absente à compter du 20 avril 2014 (sic),
- soutient que son absence était justifiée par son refus d'accepter les changements d'affectation et d'horaire portant une atteinte excessive au respect de sa vie personnelle et par la procédure de résiliation du contrat,
- considère que le licenciement est privé de cause et réclame la somme de 20.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause, la somme de 2.423,37 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement et la somme de 2.851,02 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 285,10 euros de congés payés afférents,
- demande la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,
- sollicite la somme complémentaire de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'employeur aux dépens.
Par conclusions visées au greffe le 2 avril 2015 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. GSF ORION :
- analyse le refus persistant et injustifié de la salariée d'accepter sa nouvelle affectation et son refus de travailler en un abandon de poste lequel justifiait le licenciement,
- précise que les sites sont proches, que l'employeur peut modifier les horaires de travail et que le contrat de travail contient une clause de mobilité,
- objecte que le changement d'affectation ne portait pas une atteinte excessive à la vie personnelle de la salariée ni à son droit au repos,
- demande le rejet des prétentions de la salariée et sa condamnation à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à acquitter les dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement :
L'employeur qui se prévaut d'une faute grave du salarié doit prouver l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement et doit démontrer que ces faits constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; dans la mesure où l'employeur a procédé à un licenciement pour faute disciplinaire, il appartient au juge d'apprécier, d'une part, si la faute est caractérisée, et, d'autre part, si elle est suffisante pour motiver un licenciement.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige énonce un seul grief, celui d'être en absence injustifiée depuis le 20 avril 2009.
[T] [F] était affectée sur le site [Adresse 6] et travaillait du lundi au vendredi de 5 heures 30 à 10 heures et le samedi de 7 heures 30 à 10 heures. Après discussions, l'employeur l'a affectée sur le site [Adresse 5] du lundi au jeudi de 18 heures à 21 heures, le vendredi de 16 heures à 21 heures et le samedi de 17 heures à 20 heures et sur le site [Adresse 6] du lundi au jeudi de 15 heures à 17 heures 30, le vendredi de 12 heures 30 à 15 heures 30 et le samedi de 10 heures à 12 heures 30.
[T] [F] a été en arrêt de travail jusqu'au 19 avril 2009 inclus. Le 7 mai 2009, [T] [F] a écrit à l'employeur qu'elle refusait de travailler suite au changement de ses horaires et qu'elle exigeait le maintien de ses anciens horaires.
Le contrat de travail stipulait que les horaires de travail pouvaient être modifiés.
La coupure de trente minutes entre les prises des postes était suffisante pour accomplir le court trajet séparant les deux sites, à savoir 5,3 kilomètres.
Les nouveaux horaires de travail qui basculaient du matin à la fin de l'après-midi n'affectaient pas le droit au repos de la salariée puisque l'heure de travail la plus tardive était 21 heures et le travail commençait au plus tôt à 10 heures.
[T] [F] verse :
* l'attestation de sa fille qui explique qu'elle a suivi des études à PARIS de 2005 à 2009 et que les nouveaux horaires de travail de sa mère ne pouvaient pas lui permettre de la voir le week end à DIJON,
* l'attestation de son fils qui explique qu'il a suivi des études à MARSEILLE en 2008 et 2009 et que les nouveaux horaires de travail de sa mère ne pouvaient pas lui permettre de la voir le week end à DIJON,
* l'attestation de son mari qui explique que les nouveaux horaires de travail de son épouse qui empiétaient sur leurs soirées leur interdisaient d'avoir une vie familiale et sociale.
Cependant, la salariée bénéficiait systématiquement de son dimanche et n'avait pas de jeunes enfants scolarisés. Elle ne peut dès lors arguer d'une atteinte excessive à sa vie personnelle et familiale.
Dans ces conditions, le refus de prendre son poste est fautif.
Nonobstant l'ancienneté et l'absence d'antécédent disciplinaire, la sanction du licenciement est proportionnée à la faute commise.
En revanche, la faute commise ne rendait pas impossible le maintien de [T] [F] dans l'entreprise. La faute grave doit donc être écartée.
En conséquence, le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.
[T] [F] percevait un salaire de 1.404,84 euros.
En application de l'article L. 1234-1-3° du code du travail, [T] [F] dont l'ancienneté excédait deux ans a droit à une indemnité compensant un préavis de deux mois.
En conséquence, la S.A.S. GSF ORION doit être condamnée à verser à [T] [F] la somme de 2.809,68 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 280,97 euros de congés payés afférents.
A l'issue du préavis, [T] [F] comptabilisait une ancienneté de 8 ans, 7 mois et 24 jours, soit 8,64 années. L'indemnité légale de licenciement de un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté s'établit à la somme de 2.427,56 euros. [T] [F] réclame la somme de 2.423,37 euros.
En conséquence, la S.A.S. GSF ORION doit être condamnée à verser à [T] [F] la somme de 2.423,37 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.
[T] [F] doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
[T] [F] ne peut pas demander la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles car la Cour d'Appel de DIJON en ses dispositions non affectées par la cassation a condamné la S.A.S. GSF ORION à lui verser la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
L'équité commande de condamner la S.A.S. GSF ORION à verser à [T] [F] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés devant la présente Cour.
La S.A.S. GSF ORION doit supporter les dépens de l'instance engagée devant la présente Cour.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Juge que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
Condamne la S.A.S. GSF ORION à verser à [T] [F] la somme de 2.809,68 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 280,97 euros de congés payés afférents, et la somme de 2.423,37 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
Déboute [T] [F] de sa demande de dommages et intérêts,
Déboute [T] [F] de sa demande de confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,
Condamne la S.A.S. GSF ORION à verser à [T] [F] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés devant la présente Cour,
Condamne la S.A.S. GSF ORION aux dépens de l'instance engagée devant la présente Cour.
Le Greffier en Chef, Pour le Président empêché,
Michèle GULLON Marie-Claude REVOL