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12/05/2015 | FRANCE | N°13/05021

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 12 mai 2015, 13/05021


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 13/05021





[K]



C/

Me [N] [D] - Mandataire liquidateur de SARL MAP

SARL SOFIC

SA J. BOURGEOIS

CGEA DE TOULOUSE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 28 Mai 2013

RG : F.11/4145











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 12 MAI 2015













APPELANT :



[V] [K]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 14]

[Adresse 3]

69700 [Localité 9]



comparant en personne, assisté de Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉES :



Me [D] [N] - Mandataire liquidateur de la SARL MAP

[Adresse 5]

[A...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/05021

[K]

C/

Me [N] [D] - Mandataire liquidateur de SARL MAP

SARL SOFIC

SA J. BOURGEOIS

CGEA DE TOULOUSE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 28 Mai 2013

RG : F.11/4145

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 12 MAI 2015

APPELANT :

[V] [K]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 14]

[Adresse 3]

69700 [Localité 9]

comparant en personne, assisté de Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Me [D] [N] - Mandataire liquidateur de la SARL MAP

[Adresse 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Ingrid BARBE, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me COURTOIS Nathalie, avocat au barreau de LYON

SARL SOFIC

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me PARFAIT Charlotte, avocat au barreau de LYON

SA J. BOURGEOIS

[Adresse 4]

[Localité 4]

représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me PARFAIT Charlotte, avocat au barreau de LYON

CGEA DE TOULOUSE

[Adresse 1]

[Adresse 6]

[Localité 2]

représenté par Me Jean-claude DESSEIGNE de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Mars 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel BUSSIERE, Président

Agnès THAUNAT, Conseiller

Vincent NICOLAS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Mai 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel BUSSIERE, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

En 2008, le groupe SOFIC était composé de :

- la S.A.R.L. SOFIC, société holding, ayant son siège à [Localité 13] (Aveyron),

- la S.A. CCM INDUSTRIES à [Localité 13],

- la S.A.R.L. METAL FAÇON à [Localité 7],

- la S.A. BOURGEOIS à [Localité 7],

- la S.A.R.L. TNB à [Localité 12] (Puy-de-Dôme),

qui exerçaient des activités complémentaires dans le domaine de la métallurgie,

- la S.A.R.L. Mécanique albigeoise de précision (MAP) à [Localité 7], qui n avait plus qu une activité réduite et employait alors un seul salarié.

Par jugement du 6 mai 2008, le Tribunal de commerce de Lyon a ouvert le redressement judiciaire de la société LERM AUTOMATION à Loire-sur-Rhône (Rhône).

Le groupe SOFIC, par le biais de la société MAP, s est porté candidat à la reprise du fonds d industrie de conception et de fabrication d équipements de convoyage, de palettisation et d encaissage exploité par la société LERM AUTOMATION en proposant de poursuivre le contrat de bail commercial relatif aux locaux situés à [Localité 9] ainsi que 22 contrats de travail sur 35.

Par jugement du 3 juin 2008, le Tribunal de commerce de Lyon a arrêté le plan de cession de la société LERM AUTOMATION au bénéfice de la société MAP.

Le 5 mars 2009, la société MAP a informé les délégués du personnel sur les licenciements économiques envisagés et résultant de la suppression de quatre postes de travail.

Dans un contexte de baisse de chiffre d'affaires et de difficultés de trésorerie lui imposant de se recentrer sur son c'ur de métier d'assemblage et de mise au point de lignes industrielles automatisées, nécessitant moins d espace, la société MAP a décidé de ne pas renouveler le bail commercial. Elle a donné congé au propriétaire des locaux au 31 mars 2010. La S.C.I. LAUBILE ayant objecté que le bail ne pouvait être résilié qu au 30 juin 2011, M. [V] [C], gérant de la société MAP, a répondu que celle-ci se maintiendrait dans les locaux jusqu à la date indiquée.

Une partie des équipements qui n étaient pas nécessaires en vue de l'activité de montage a été vendue par un commissaire priseur entre le 27 mars et le 27 avril 2011.

Par courriel du 7 avril 2011, le gérant a organisé le départ des équipements déplacés vers les sites de la société CCM Equipements à Saint-Gauzens et de la S.A. J. BOURGEOIS à [Localité 7].

Plusieurs projets d'installation à [Localité 8], [Localité 5] et [Localité 6] ont été successivement envisagés, sans succès. Aucune solution n ayant été trouvée, le départ de [Localité 9] a été décalé d'un mois avec l accord du propriétaire. Enfin, le 29 août 2011, un bail a été signé en vue de l'occupation de locaux à [Localité 11]. Dans l intervalle, il avait été nécessaire de commencer à transférer une partie du stock et du matériel vers le siège de [Localité 7].

Aucune entrée de trésorerie n étant intervenue depuis le début de septembre 2011, la société MAP n'a pu terminer l'installation des nouveaux locaux et faire les approvisionnements que les commandes en cours rendaient nécessaires.

M. [V] [K] a été embauché par une société aux droits de laquelle se trouve la SARL MECANIQUE ALBIGEOISE DE PRECISION (MAP), selon contrat à durée indéterminée du 14 novembre 1985. En dernier lieu, il exerçait les fonctions de chaudronnier (niveau IV coefficient 270) et percevait une rémunération mensuelle brute de 2.313,78€.

Par jugement du Tribunal de commerce de Rodez du 13 septembre 2011, la SARL MAP a fait l objet d une procédure de sauvegarde. Me [D] a été nommé en qualité de mandataire judiciaire et Me [H] en qualité d administrateur judiciaire pour une mission de surveillance.

M. [V] [K] a saisi le Conseil de prud hommes de [Localité 10] le 29 septembre 2011 afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat en raison des « manquements de son employeur » et a sollicité le paiement du solde du salaire d'août 2011 soit 84 ,23€ outre les congés payés afférents, le salaire du mois de septembre 2011 soit 1879€, outre les congés payés afférents, le remboursement des notes de frais soit 139,46€, ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement abusif, indemnité de préavis et indemnité conventionnelle de licenciement .

Par lettre recommandée du 29 septembre 2011, M. [V] [K] a informé la société MAP des motifs de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat dans les termes suivants :

« ( ) Je me vois contraint de vous adresser le présent courrier recommandé AR afin de dénoncer une situation qui n a que trop duré dès lors que depuis le 16 juillet 2011, la société MAP ne fournit plus aucun travail (ni à moi, ni à mes collègues) et que nous en sommes réduits à passer nos journées sur une chaise, sans pouvoir rien faire (les nouveaux locaux ne disposant au demeurant ni de téléphone, ni de connexion internet).

Bien plus, mon salaire du mois d'août ne m'a pas été réglé en totalité puisqu'il me reste dû 84,23€. La société MAP ne m'a pas non plus remboursé ms notes de frais des mois de septembre à hauteur de la somme de 41,35€ et 98,11€. Mes tickets restaurant au nombre de 4, ne m'ont pas non plus été remis. Cette situation est d'autant plus difficile à accepter et à vivre que nous ne disposons d'aucune information de votre part.

Je vous informe que j ai donc pris la décision de solliciter la résiliation judiciaire de mon contrat de travail en raison de nombreux et graves manquements de la société MAP à ses obligations.(...) »

Les ordres de virement des salaires de septembre et des soldes des salaires d août 2011 ont été donnés le 6 octobre 2011 seulement.

Par lettre du 6 octobre 2011, le gérant a apporté aux salariés quelques éclaircissements sur les événements écoulés depuis les dernières semaines . Il a estimé en conclusion que le prévisionnel de trésorerie établi avec le mandataire devait permettre de recommencer progressivement à passer des commandes, que ce soit pour avancer dans

l' aménagement des locaux ou travailler sur les commandes de clients.

Les 22 septembre,13 octobre et 10 novembre 2011, les contrôleurs du travail ont constaté l absence totale d activité à [Localité 11].

Par jugement du 25 octobre 2011, la sauvegarde de la société MAP a été convertie en redressement judiciaire et la date de l'état de cessation des paiements fixée au 20 octobre 2011 et par jugement du 13 décembre 2011, le Tribunal de commerce de Rodez a ouvert la liquidation judiciaire de la société MAP et nommé Me [N] [D] comme mandataire liquidateur.

Me [D] a informé et consulté le délégué du personnel le 23 décembre 2011 et le même jour, il a demandé à l'inspection du travail l autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de M. [V] [K], eu égard à son mandat de délégué du personnel, par courrier aux termes duquel il indiquait :

« Il convient de rappeler que cette procédure de licenciement s'inscrit dans le cadre du licenciement collectif pour motif économique de l'ensemble du personnel de la SARL MAP à la suite du prononcé de la liquidation judiciaire de l'entreprise et de l'arrêt de toute activité à compter du 13 décembre 2011.

En effet, en l'état de la cessation totale de l'activité de l'entreprise entraînant la suppression de l'intégralité des postes de travail et de l'absence immédiate de solutions de reclassement du personnel de la société conformément aux dispositions de l'article L1233-4 du code du travail, je me vois contraint d'envisager également le licenciement des salariés protégés de la SARL MAP dans le délai préfixe de l'article L3253-8-2 du code du travail étant précisé que des mesures concrètes et précises pour faciliter le reclassement interne et externe des salariés de la SARL MAP ont été mises en 'uvre ».

Par décision du 6 janvier 2012, l'inspection du travail, retenant qu'aucune reprise n'était envisagée, a autorisé ce licenciement. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 janvier 2012, Me [D] en qualité de mandataire judiciaire de la société MAP a notifié à M. [V] [K] son licenciement pour motif économique.

Par jugement du 28 mai 2013, le Conseil de prud hommes de Lyon (section industrie) a :

- dit et jugé que le Conseil de prud hommes est incompétent pour statuer sur la résiliation judiciaire du contrat de travail et sur le licenciement économique,

- fixé la créance de M. [V] [K] à la liquidation de la S.A.R.L. MAP aux sommes suivantes:

300 euros au titre de dommages et intérêts pour non respect de la portabilité,

1 000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- dit que toutes les créances sont opposables à l AGS et au CGEA de Toulouse dans la limite de leur garantie légale,

- débouté [I] [U] du surplus de ses demandes,

- débouté la SARL MAP de ses autres demandes,

- mis les éventuels dépens à la charge de la liquidation de la SARL MAP.

M. [V] [K] a interjeté appel de cette décision le 18 juin 2013 et sollicité sa réformation totale.

L'affaire a été fixée à l'audience du 30 juin 2014.

Dans un écrit motivé déposé au greffe de la cour le 3 avril 2014, le conseil de M. [V] [K] a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'interprétation jurisprudentielle du principe de la séparation des pouvoirs, ensemble de la loi des 16 et 24 août 1790, qui est issue notamment de l'arrêt n 12-20.301 rendu le 27 novembre 2013 par la Chambre sociale de la Cour de cassation en ce qu'elle interdit à un salarié protégé de poursuivre son action en résiliation judiciaire lorsque, postérieurement à la saisine de la juridiction prud homale, mais avant que cette dernière statue, l'administration du travail a, y compris pour un tout autre motif, autorisé le licenciement.

Après débats à l'audience du 2 juin 2014, la cour d'appel de céans, statuant sur la question de la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité a, par un arrêt en date du 30 juin 2014 :

- dit qu'il n'y a pas lieu à transmission à la cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. [V] [K] ;

- dit qu'en application de l'article 126-7 du code de procédure civile, les parties comparantes et le ministère public seront informés par tout moyen de la présente décision ;

- dit que la présente décision ne pourra être contestée qu'à l'occasion d'un pourvoi formé contre l'arrêt à intervenir sur le fond du litige ;

- réservé les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions développées oralement à l'audience du 24 mars 2015, par M. [V] [K] qui demande principalement à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé sa créance au passif de la société MAP à la somme de 300 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la portabilité et à celle de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu il a dit lesdites créances opposables à l AGS et au CGEA,

- Réformer, pour le surplus, le jugement entrepris, et y ajoutant,

- fixer sa créance au passif de la société MAP à la somme de 33.100 € à titre de dommages et intérêts pour perte d'emploi et manquement de la société MAP à ses obligations.

Vu les conclusions développées oralement à l'audience du 24 mars 2015, par la SARL MAP, représentée par Me [N] [D], son mandataire liquidateur, qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu il s est dit incompétent pour statuer sur la résiliation judiciaire du contrat de travail et sur le licenciement pour motif économique de M. [K],

- l'infirmer en ce qu il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société MAP des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour non-respect de la portabilité,

- le confirmer en ce qu il a débouté M. [V] [K] du surplus de ses demandes et y ajoutant,

- dire et juger que la SARL MECANIQUE ALBIGEOISE DE PRECISION n'a commis aucun manquement fautif grave,

- débouter M. [V] [K] de sa demande de dommages-intérêts pour perte d'emploi et manquement de la SARL MECANIQUE ALBIGEOISE DE PRECISION à ses obligations,

- condamner M. [V] [K] à verser à Me [N] [D] es qualité de liquidateur de la SARL MAP la somme de 500 € sur le fondement de l article 700 du Code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

Vu les conclusions développées oralement à l'audience du 24 mars 2015, par le CGEA de Toulouse qui demande à la cour de :

- Recevoir l'appel de M. [K] et de Mme [U] comme régulier en la forme,

- allouer à Me [D] es qualité l'entier bénéfice de ses écritures,

- Subsidiairement, réduire à une plus juste proportion d'éventuels dommages et intérêts,

* A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6 et L.3253-8 et suivants du Code du Travail , que dans les termes et conditions résultant des dispositions des article L.3253-15, L.3253-17, L.3253-19 et L.3253-20 du Code du Travail et que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du Code du Travail,

- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

- mettre les concluants hors dépens.

Vu les conclusions développées oralement à l'audience du 24 mars 2015, par la SARL SOFIC et la SA J. BOURGEOIS qui demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du Conseil de prud hommes de Lyon en ce qu il a mis hors de cause la SARL SOFIC et la SA J. BOURGEOIS,

- renvoyer les demandeurs à se pourvoir devant la Tribunal de grande instance de Rodez quant à l'éventuelle responsabilité délictuelle des sociétés SOFIC et J. BOURGEOIS à leur encontre,

- débouter les demandeurs de toutes leurs demandes à l'encontre des sociétés SARL SOFIC et la SA J. BOURGEOIS,

- et les condamner à verser chacun la somme de 1.000 € à chacune des deux sociétés sur le fondement de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens et du fait de la mise en cause non justifiée des deux sociétés.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualité de co-employeurs des sociétés J. BOURGEOIS et SOFIC :

Le conseil des prud'hommes a dit que ces sociétés n'avaient pas la qualité de co-employeurs de M. [V] [K] et l'a débouté des demandes présentées de ce chef. Au dernier état de la procédure M. [V] [K] ne développe aucun moyen au soutien de cette demande tout en sollicitant la réformation de la décision entreprise. Les sociétés SOFIC et J. BOURGEOIS, sollicitent leur mise hors de cause.

La cour rappelle qu'hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; et qu'une situation de co-emploi ne peut résulter du seul fait que des sociétés appartenant à un groupe exercent des activités complémentaires sous la direction de la même personne physique .

En l'espèce, l'existence au sein du groupe SOFIC d'un bureau d'études techniques unique procède de la collaboration nécessaire entre sociétés d'un même groupe dans une perspective de maîtrise des coûts. L'absence de facturation à la société MAP des prestations de la société holding SOFIC au cours des mois ayant précédé la constatation de l'état de cessation des paiements de la première société est la manifestation du soutien financier habituellement apporté par une société mère à une filiale en difficulté. Le transfert, initialement conçu comme provisoire, d une partie de l'actif de la société MAP dans les locaux des sociétés J. BOURGEOIS et SOFIC n était qu une solution de repli permettant de libérer les locaux de [Localité 9], dans l'attente de la conclusion d'un nouveau bail commercial . Il n'est pas la manifestation d'une confusion de patrimoine dont la juridiction consulaire n'aurait pas manqué de tirer les conséquences. M. [V] [K] ne caractérise pas une ingérence directe des sociétés SOFIC et J. BOURGEOIS ou de l'une

d'elles dans la direction du personnel de la société MAP, ayant eu pour effet de placer collectivement les salariés de celle-ci sous la subordination des deux autres sociétés.

En conséquence, ni la S.A.R.L. SOFIC ni la S.A. J. BOURGEOIS n'était co-employeur de M. [V] [K]. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la responsabilité délictuelle des sociétés SOFIC et J. BOURGEOIS :

En dépit des suppressions d'emploi intervenues en 2009, M. [V] [C], gérant de la société MAP, n'est pas parvenu à redresser les résultats de l'exploitation du fonds d'industrie appartenant précédemment à la société LERM AUTOMATION. Loin de provoquer volontairement la cessation des paiements de la société MAP, le groupe SOFIC lui a apporté, en prestations non facturées, factures impayées, avance de trésorerie et caution solidaire, un soutien dont la pièce n 7 des sociétés dont la responsabilité civile est recherchée chiffre les principales composantes. La cour a exposé ci-avant le contexte et les motifs des transfert de matériels intervenus, pour certains sans retour compte tenu de la réorientation de l'activité de production de la société MAP ou de l'impossibilité faute de trésorerie de financer le coût de leur retour à [Localité 11]. M. [V] [K] n'a caractérisé à la charge de la société J. BOURGEOIS et/ou de la société SOFIC aucune faute en relation directe avec la perte de son emploi.

Sur la réparation du préjudice résultant de la perte d'emploi

Lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture. S'il reste compétent pour allouer des dommages-intérêts au salarié au titre des fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, il ne peut faire droit à une telle demande lorsque les manquements invoqués par le salarié ont nécessairement été pris en considération par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation.

Cependant l'autorisation de licenciement pour motif économique donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant des manquements de l'employeur à ses obligations, et sollicite la réparation du préjudice résultant de la perte d'emploi dans la mesure où ils n'ont pas fait l'objet d'une appréciation par l'autorité administrative.

En l'espèce, M. [V] [K] reproche à la SAR Mécanique Albigeoise de Précision (M.A.P.) un retard dans le paiement des salaires en août et septembre 2011 et un défaut de fourniture de travail à compter du 16 juillet 2011, manquements selon-lui constitutifs d'une exécution déloyale du contrat de travail, qui ont été à l'origine de sa perte d'emploi et ouvrent droit d'une part à des dommages-intérêts pour la perte d'emploi et au titre de l'exécution déloyale.

Ces griefs n'ont pas déjà été appréciées par l'autorité administrative qui a délivré l'autorisation de licencier pour motif économique M. [V] [K], au seul motif qu'aucune reprise n'était envisagée.

La cour relève que l'employeur qui ne peut plus en raison de difficultés financières assurer la fourniture du travail et payer les salaires, doit soit licencier le salarié pour motif économique, soit saisir le tribunal de commerce pour mettre en place les mesures destinées à assurer le maintien de l'emploi et la survie de l'entreprise.

En l'espèce, il résulte des différentes décisions rendues par le tribunal de commerce de RODEZ versées aux débats que la SAR Mécanique Albigeoise de Précision (M.A.P.) a dès le 8 septembre 2011 déposé auprès dudit tribunal une demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, à laquelle il a été fait droit le 13 septembre 2011, avec ouverture d'une période d'observation de six mois et une convocation intermédiaire au 25 octobre 2011 ; que le 25 octobre 2011, le redressement judiciaire a été ouvert et la date de cessation de paiement fixée au 20 octobre 2011 ; que sur rapport de Me [H] qui indiquait que les premiers mois de la période d'observation n'avaient pas permis malgré les effets mécaniques de la procédure, la reconstitution d'un fond de roulement, que la SARL Mécanique Albigeoise de Précision (M.A.P.) n'était pas en mesure de faire face au règlement de ses charges courantes et que l'évolution prévisible conduisait à une aggravation de cette situation, le tribunal de commerce a le 13 décembre 2011 prononcé l'ouverture de la liquidation de la SAR Mécanique Albigeoise de Précision (M.A.P.).

Dans ces conditions, le retard apporté au paiement des salaires résulte de difficultés économiques qui ont conduit quelques mois plus tard à la liquidation judiciaire de la société MAP ; l'absence de fourniture de travail à compter du 16 juillet 2011 résulte des mêmes circonstances qui ne révèlent aucun manquement caractérisé de la société MAP, dans la mesure où, son dirigeant a sollicité dès le 22 juillet 2011 la désignation d'un mandataire ad hoc qu'il a obtenu par ordonnance du président du tribunal de commerce de Rodez le 1er août 2011 ; que contraint de restituer les locaux pris à bail à [Localité 9] fin juillet 2011, il a signé un nouveau bail commercial le 29 août 2011 ; que dès le 8 septembre 2011, il a sollicité du tribunal de commerce de Rodez l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.

En conséquence, aucun manquement ne pouvant être reproché à la SARL Mécanique Albigeoise de Précision (M.A.P.) à l'origine de la perte d'emploi de M. [V] [K], ni caractérisant l'exécution déloyale de la relation salariale, il convient de débouter M. [V] [K] des demandes présentées de ce chef et infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a accordé 1000€ à M. [V] [K] à titre de dommages-intérêts pour défaut de fourniture de travail depuis le 16 juillet 2011.

Sur la portabilité des couvertures complémentaires santé et prévoyance

Aux termes de l'article 14 de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, modifié par l'avenant n 3 du 18 mai 2009, étendu par arrêté du 7 octobre 2009, en cas de rupture du contrat de travail ouvrant droit à prise en charge par le régime d assurance chômage, les intéressés garderont le bénéfice des garanties des couvertures complémentaires santé et prévoyance appliquées dans leur ancienne entreprise pendant leur période de chômage et pour des durées égales à la durée de leur dernier contrat de travail, appréciée en mois entiers, dans la limite de neuf mois de couverture. Le bénéfice du maintien de ces garanties est subordonné à la condition que les droits à couverture complémentaire aient été ouverts chez le dernier employeur. Le financement du maintien de ces garanties est assuré conjointement par l'ancien employeur et l'ancien salarié dans les proportions et dans les conditions applicables aux salariés de l'entreprise ou par un système de mutualisation défini par accord collectif. A défaut d'accord collectif, ce système de mutualisation peut être mis en place dans les autres conditions définies à l'article L.911-1 du Code de la sécurité sociale. Le dispositif de portabilité entre en application à la date de cessation du contrat de travail.

En l'espèce, M. [V] [K] n'a pu bénéficier de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, le mandataire liquidateur ne disposant pas des fonds nécessaires pour financer la participation patronale. Maître [N] [D] qui n a pas fait mention du droit à la portabilité dans la lettre de licenciement, aurait dû solliciter l'assurance de garantie des salaires en l'absence de fonds disponibles. La perte du droit à garanties complémentaires santé et prévoyance dont bénéficiait le salarié est imputable à l'employeur représenté par son mandataire liquidateur. Elle a causé à M. [V] [K], contraint de souscrire à ses frais un contrat auprès de la mutuelle Radiance Rhône-Alpes, un préjudice qui justifie l'octroi par le jugement entrepris de la somme de 300 € à titre de dommages-intérêts.

Sur la garantie de l'AGS :

Selon l'article L 3253-8 du code du travail, alors applicable, l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre notamment les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation.

L'ensemble des créances fixées au passif de la société MAP résultant de la rupture, le présent arrêt sera opposable à l UNEDIC, délégation AGS-CGEA de Toulouse qui sera tenue dans les limites de sa garantie.

PAR CES MOTIFS,

statuant publiquement, après en avoir délibéré, contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit et jugé que les sociétés J. BOURGEOIS et SOFIC n'ont pas la qualité de co-employeurs de M. [V] [K],

- fixé la créance de M. [V] [K] au passif de la liquidation judiciaire de la société MAP à la somme de 300,00 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la portabilité des couvertures complémentaires santé et prévoyance, 

- dit que cette créance est opposable à l'A.G.S. et au C.G.E.A. de Toulouse dans la limite de leur garantie légale,

- débouté M. [V] [K] de sa demande de condamnation in solidum des sociétés J. BOURGEOIS et SOFIC,

Infirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions et statuant à nouveau :

Déboute M. [V] [K] de sa demande de dommages-intérêts pour perte d'emploi ;

Dit que M. [V] [K] n'a caractérisé à la charge de la société J. BOURGEOIS ou de la société SOFIC aucune faute délictuelle en relation directe avec la perte de son emploi,

Déboute M. [V] [K] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Déclare le présent arrêt opposable à l'UNEDIC, Délégation AGS CGEA de Toulouse, qui sera tenue à garantie dans la limite des plafonds prévus par les articles

L 3253-6 et suivants et D 3253-5 et suivants du code du travail,

Y ajoutant :

Dit qu'il n y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL MAP, représentée par son mandataire liquidateur aux dépens d'appel.

 

Le greffierLe Président

S. MASCRIERM. BUSSIERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 13/05021
Date de la décision : 12/05/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-12;13.05021 ?
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