La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2015 | FRANCE | N°14/01893

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 30 avril 2015, 14/01893


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 14/01893





[L]



C/

SOCIETE SOFAM







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 13 Février 2014

RG : F 13/00434











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 30 AVRIL 2015







APPELANT :



[T] CHOMIENNE

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 1]



comparant en personne, assisté de Me Laétitia PEYRARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substitué par Me Chantal JULLIEN, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



SOCIETE SOFAM

[Adresse 2]

[Localité 2]



représentée par M...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 14/01893

[L]

C/

SOCIETE SOFAM

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 13 Février 2014

RG : F 13/00434

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 30 AVRIL 2015

APPELANT :

[T] CHOMIENNE

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Laétitia PEYRARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substitué par Me Chantal JULLIEN, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

SOCIETE SOFAM

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Anne-marie LARMANDE de la SELARL DELDON-LARMANDE & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 29 Septembre 2014

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Mars 2015

Présidée par Christine DEVALETTE, Président de chambre magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Christine DEVALETTE, président

- Isabelle BORDENAVE, conseiller

- Chantal THEUREY-PARISOT, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 30 Avril 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Christine DEVALETTE, Président et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [T] [L] a été embauché par la Société SOFAM le 8 décembre 1977 en qualité de régleur ; il occupait en dernier lieu la fonction d'opérateur régleur sur centre d'usinage coefficient 285 de la Convention collective de la Métallurgie de la [Localité 3] et d'[Localité 5].

Il a été placé en arrêt de travail le 4 avril 2011 en raison d'une maladie professionnelle.

À l'issue de deux visites de reprise des 14 et 29 février 2012 , le médecin du travail a déclaré M. [T] [L] inapte à son poste mais apte à un travail sur des pièces inférieures à 10 kg, à un travail de programmation, ou à un travail de type administratif.

La Société SOFAM a consulté les délégués du personnel le 15 mars 2012 et elle a adressé le 20 mars 2012 à M. [T] [L] une proposition de reclassement sur laquelle le médecin du travail avait donné son accord, à savoir sur un poste d'opérateur polyvalent, avec une baisse de qualification (coefficient 215) et de rémunération ; ce dernier a refusé cette proposition.

La Société SOFAM a en conséquence convoqué M. [T] [L] en entretien préalable et elle l'a licencié le 17 avril 2012 pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement.

Agissant selon requête du 7 mai 2013, M. [T] [L] a contesté ce licenciement devant le Conseil des prud'hommes de Saint-Étienne et sollicité paiement de dommages et intérêts à hauteur de 65.000 €.

Par jugement du 13 février 2014, le Conseil des prud'hommes de Saint-Étienne a :

- dit que le licenciement pour inaptitude de M. [T] [L] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- dit que la Société SOFAM a satisfait à ses obligations en matière de reclassement,

- dit qu'il n'y a pas eu de discrimination salariale pour le poste de reclassement proposé,

- débouté M. [T] [L] de l'intégralité de ses demandes.

M. [T] [L] a interjeté appel de ce jugement

Aux termes de ses écritures reprises oralement lors de l'audience, M. [T] [L] demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de condamner la Société SOFAM à lui verser la somme de 65.000 € net à titre de dommages et intérêts ; il réclame également paiement de la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir au soutien de son action :

- que l'obligation de reclassement doit être exécutée de bonne foi et que tel n'est pas le cas lorsque l'employeur fait, au salarié déclaré inapte, une unique proposition de poste impliquant une diminution substantielle de sa rémunération,

-que la proposition de poste d'opérateur polyvalent qui lui a été faite s'accompagnait d'un déclassement dans la grille conventionnelle du coefficient 285 au coefficient 215 et d'une baisse de rémunération de 313,96 € sur son salaire de base, soit une baisse réelle de plus de 400 € bruts par mois,

-que l'examen des fiches de paie de l'ensemble des salariés de l'entreprise pour le mois d'avril 2012 communiquées par la Société SOFAM à la demande du Conseil des prud'hommes, confirme qu'il n'existe aucun lien entre le coefficient attribué (dont dépend la rémunération) et le poste de travail réellement occupé, les opérateurs/régleurs sur centre d'usinage se voyant attribuer des coefficients variant entre 190 et 285,

- que son accession à des fonctions le conduisant à travailler sur des machines à commande numérique ne pouvait de surcroît conduire à une baisse de qualification alors qu'il devait en outre faire preuve de polyvalence sur 3 machines différentes,

-que la Société SOFAM s'est enfin abstenue de lui proposer tous les postes disponibles , puisque les délégués du personnel avaient suggéré de lui confier des tâches de programmation et de gestion des outils et plaquettes, dont le besoin se faisait réellement sentir ensuite du départ de M. [Q], chef d'atelier parti en retraite, et qu'il avait fait savoir qu'il acceptait une diminution de son temps de travail puisque cette activité ne représentait pas suffisamment d'heures,

- qu'enfin, peu de temps après son licenciement, M. [I] , chef de poste tournage centre d'usinage magasinier, a été nommé Responsable soudure et qu'il aurait parfaitement pu être affecté au poste ainsi libéré, les tâches correspondantes étant dans ses capacités et parfaitement compatibles avec ses problèmes de santé,

- qu'il a été licencié à 52 ans, après 35 ans d'ancienneté et une capacité de travail réduite et qu'il n'a pu retrouver rapidement un emploi alors qu'il a deux enfants à charge et un crédit à rembourser,

Aux termes de ses conclusions reprises oralement lors de l'audience, la Société SOFAM demande la confirmation du jugement déféré et le versement d'une somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en répliquant :

- qu'elle a pour activité la mécanique industrielle, qu'elle emploie 33 salariés et qu'il n'existe pas dans l'entreprise de machine spécifique permettant de travailler sur des pièces de moins de 10 kg, car ce type de pièces est rarement commandé,

-qu'elle n'a pas fait preuve de déloyauté en proposant une adaptation de son poste d'opérateur conforme aux capacités physiques de M. [T] [L] mais impliquant une classification et une rémunération moins élevées, puisqu'elle a simplement tenté de respecter les restrictions imposées par le médecin du travail et le principe d'égalité de traitement,

-qu'en effet, les machines qui permettent de travailler sur des pièces de moins de 10 kg sont basiques et moins complexes d'utilisation que les machines portant sur l'usinage de grosses pièces et que les délégués du personnel, informés et consultés sur la nouvelle classification proposée à M. [T] [L] n'ont pas émis la moindre contestation à ce sujet,

-qu'il n'existait pas de poste vacant ou en cours de création sur des poste administratifs à la date du licenciement de M. [T] [L], que les tâches de programmation des machines et de gestion des outils et plaquettes étaient à l'époque confiées au Responsable de production, ponctuellement suppléé par un salarié en cas de surcharge activité, et que si elle a pris la décision au mois de mars 2013, c'est-à-dire un an après le licenciement de l'appelant de créer un poste de Responsable des méthodes et de la programmation, statut agent de maîtrise, celui-ci nécessite la possession d'un BTS,

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Lorsqu'à l'issue d'une période de suspension du code du travail consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités et prenant en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.

La preuve de l'impossibilité de reclassement du salarié incombe à l'employeur dont les recherches doivent être menées loyalement et le refus du salarié d'une proposition de reclassement n'implique pas, à lui seul, le respect par son employeur de ses obligations contractuelles.

Il ressort de l'examen des pièces du dossier que la Société SOFAM a proposé le 20 mars 2012 à M. [T] [L], après consultation des délégués du personnel, une adaptation de son poste d'opérateur consistant à travailler sur différentes machines en fonction des besoins en pièces de moins de 10 kg ; cette proposition s'accompagnait d'un déclassement au coefficient 215 de la Convention collective et d'une diminution de sa rémunération de plus de 300 € par mois.

Il est inexact de soutenir que cette proposition aurait été faite pour respecter le principe d'égalité de traitement dans la mesure où M. [T] [L] se serait trouvé affecté à des machines moins complexes, puisqu'il ressort de l'examen des bulletins de paie des salariés de l'entreprise pour le mois d'avril 2012, dont la communication a été ordonnée par le Conseil de prud'hommes, qu'il n'existe pas de lien avéré entre le coefficient attribué (dont dépend la rémunération) et le poste de travail réellement occupé ; en effet, les opérateurs centre d'usinage se voient attribuer des coefficients variant entre 190 et 240, tandis que les opérateurs/régleurs centre d'usinage bénéficient de coefficient variant entre 190 et 285 ( M. [T] [L] bénéficiant du plus élevé) sans explication sur ce point dans les écritures de l'employeur ; les opérateurs sur commande numérique sont situés au coefficient 215 tandis que les opérateurs/régleurs sur commande numérique évoluent, sans plus d'explications, entre le coefficient 170 et le coefficient 285.

La proposition faite à M. [T] [L] d'un poste d'opérateur polyvalent coefficient 215, ce qui représente pour lui une déclassification importante, alors qu'aucune explication convaincante n'est fournie sur ce point par la Société SOFAM, apparaît donc déloyale et ne peut être retenue comme une offre sérieuse de reclassement.

Il apparaît ensuite que l'intimée n'a pas sérieusement examiné la possibilité de confier à M. [T] [L] des tâches de programmation, ainsi que l'avaient suggéré les délégués du personnel le 15 mars 2012, le fait pour ce salarié d'avoir accepté l'idée de travailler à temps partiel sur un tel poste ne pouvant être considéré comme contradictoire avec celui de refuser d'occuper un poste à temps complet avec un niveau de classification très en-deçà de sa qualification et de ses compétences acquises par l'effet de son expérience.

Il n'est pourtant pas contesté que M. [O], qui était à la fois Responsable d'atelier et Responsable de production ne parvenait pas à assumer l'ensemble de ses tâches, notamment celles relatives à la programmation des machines, lesquelles étaient réalisées, en cas de nécessité, par les ouvriers eux-mêmes dans le cadre d'heures supplémentaires ; or, la Société SOFAM, n'a pas sérieusement examiné cette possibilité de reclassement, compatible avec les aptitudes physiques de M. [T] [L] et elle ne démontre pas que ce salarié, qui bénéficiait d'une très grande ancienneté dans l'entreprise, ne disposait pas des compétences nécessaires pour assumer un tel poste.

La Société SOFAM ne communique enfin aucun élément sur la nomination de M. [I], en qualité de « Responsable soudure », intervenue peu de temps après le licenciement de M. [T] [L], ce qui a eu pour effet de libérer le poste de « chef de poste tournage centre d'usinage magasinier » ; elle ne contredit pas non plus les affirmations de ce dernier selon lesquelles il avait toutes les aptitudes nécessaires pour l'occuper, s'agissant d'encadrer une quinzaine d'ouvriers, de distribuer l'outillage, d'intervenir en cas de panne sur les machines ou de prendre la décision de faire intervenir des entreprises extérieures, de veiller à la bonne marche de l'atelier, de faire des petites programmations, de participer au réglage des machines et de contrôler les usinages.

Il résulte de l'ensemble de ces considérations que la Société SOFAM ne justifie pas avoir procédé à une recherche loyale et sérieuse de reclassement au profit de M. [T] [L] ; le licenciement pour inaptitude de ce dernier, en date du 17 avril 2012, doit donc être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

M. [T] [L] était âgé de 52 ans à la date de son licenciement intervenu après plus de 34 ans d'ancienneté, alors qu'il présentait des capacités physiques réduites par l'effet d'une maladie professionnelle ; il démontre qu'il est resté au chômage jusqu'au mois d'août 2013, qu'il a ensuite suivi un stage de formation jusqu'en avril 2014 et qu'il n'a retrouvé un emploi, dans le cadre d'un Contrat Unique d'Insertion à durée indéterminée que le 12 mai 2014.

Son préjudice sera en conséquence justement évalué à la somme de 50.000 €.

Il serait contraire à l'équité de laisser M. [T] [L] supporter seul l'entière charge de ses frais irrépétibles.

La Société SOFAM qui succombe dans la procédure, en supportera tous les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,

Réforme le jugement rendu le 13 février 2014 par le Conseil de prud'hommes de Saint-Étienne,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la Société SOFAM n'a pas loyalement rempli son obligation de reclassement,

Dit que le licenciement de M. [T] [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la Société SOFAM à verser à M. [T] [L] une somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts,

La condamne à verser à M. [T] [L] une somme de 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Christine DEVALETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 14/01893
Date de la décision : 30/04/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°14/01893 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-30;14.01893 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award