AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE
COLLÉGIALE
RG : 14/05142
SA OGF (AT de Mme [B] [E]
C/
CPAM DU RHÔNE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de [Localité 2]
du 28 Mai 2014
RG : 20111845
COUR D'APPEL DE LYON
Sécurité sociale
ARRÊT DU 28 AVRIL 2015
APPELANTE :
SA OGF
[Adresse 1]
[Localité 1]
Accident du travail de madame [E] [B]
représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES, de la SCP Michel LEDOUX & ASSOCIES , avocats au barreau de PARIS
INTIMÉE :
CPAM DU RHÔNE
Service contentieux
[Localité 2]
représentée par madame [V] [I], munie d'un pouvoir
PARTIES CONVOQUÉES LE : 25 juillet 2014
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Mars 2015
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Christine DEVALETTE, Président de chambre
Isabelle BORDENAVE, Conseiller
Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller
Assistées pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 28 Avril 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Christine DEVALETTE, Président de chambre et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 26 juillet 2011, la société OGF a établi une déclaration d'accident du travail assortie de réserves, relatives à un accident survenu le 25 juillet 2011, à madame [E] [B], employée en qualité d'agent d'entretien, accident ainsi décrit ' en nettoyant le vestiaire des porteurs madame [B] a glissé sur le sol humide ' et précisant en ce qui concerne le siège des lésions ' membre supérieur poignet gauche'.
Le 12 août 2011, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a notifié à la société OGF la prise en charge de cet accident.
La commission de recours amiable de la caisse a été saisie par la société OGF le 14 octobre 2011,d'une demande d'inopposabilité, à son égard, de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 25 juillet 2011.
À défaut de réponse dans le délai d'un mois, la société OGF a, par lettre recommandée avec accusé de réception, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'un recours.
Le 6 mars 2013, la commission de recours amiable a confirmé l'opposabilité de la prise en charge de l'accident du 25 juillet 2011.
À réception d'un certificat médical du 19 octobre 2011, constatant un syndrome réactionnel du canal carpien, la caisse a, par décision du 25 novembre 2011, pris en charge de nouvelles lésions, au titre de l'accident du travail ; la société a saisi le 22 décembre 2011 la commission de recours amiable d'une demande d'inopposabilité à son égard de la prise en charge, puis, à défaut de réponse dans un délai d'un mois, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale.
Au cours de la séance du 6 mars 2013, la commission de recours amiable a confirmé l'opposabilité de la prise en charge.
Par jugement du 28 mai 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 2] a ordonné la jonction des deux procédures, a donné acte à la société OGF de ce qu'elle renonçait à ses demandes relatives à la nouvelle lésion du 19 octobre 2011, lui a déclaré opposable la décision de prise en charge, par la caisse, de l'accident de travail du 25 juillet 2011.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 juin 2014, la société OGF a relevé appel de cette décision.
Par conclusions additionnelles et récapitulatives, maintenues et soutenues à l'audience, elle sollicite l'infirmation du jugement.
A titre principal, en ce qui concerne l'accident du 25 juillet 2011, elle demande qu'il soit dit que la décision de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de reconnaître le caractère professionnel de l'accident, dont prétend avoir été victime madame [B] le 25 juillet 2011, lui soit déclarée inopposable, la caisse n'ayant pas respecté les dispositions de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale et, à titre subsidiaire, qu'il soit dit que cette décision lui soit déclarée inopposable, la matérialité du fait accidentel n'étant pas établie.
En ce qui concerne la nouvelle lésion, survenue le 19 octobre 2011, la société OGF demande qu'il soit dit également que la décision de reconnaître le caractère professionnel de celle-ci lui soit déclarée inopposable, le caractère professionnel de l'accident du 25 juillet 2011 lui étant inopposable.
La société rappelle que madame [B] est salariée depuis le 17 mars 1997, en qualité d'agent d'entretien, avec pour horaire de travail 13 heures 30 /15 heures 30, qu'elle a indiqué, le 25 juillet 2011, à 14 heures 00 avoir été victime d'un accident de travail, la déclaration étant alors établie conformément à ses seules indications.
La société OGF précise qu'elle a adressé celle-ci avec une lettre de réserves, mentionnant le fait qu'il n'existe aucun témoin de cet accident, la déclaration étant établie selon les seuls dires de la salariée, que nonobstant ses réserves, la caisse a reconnu d'emblée le caractère professionnel de l'accident, sans avoir au préalable mis en oeuvre d'enquête ou recueilli d'éléments complémentaires.
La société indique que la décision prise par la caisse méconnaît les dispositions de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale, lesquels imposent à la caisse de procéder à une enquête ou d'adresser un questionnaire simultanément à l'employeur et à la victime, préalablement à sa décision, chaque fois que l'employeur a émis des réserves sur le caractère professionnel de l'accident.
Elle indique qu'aux termes du décret du 29 juillet 2009, les réserves doivent être motivées, et doivent porter sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident, ou sur une cause totalement étrangère au travail, ainsi que cela ressort de la circulaire du 21 août 2009.
Elle soutient qu'en l'espèce, la caisse n'a pas respecté l'obligation qui lui incombait malgré les réserves émises par elle, qui étaient bien motivées, portant précisément sur les circonstances de temps et de lieu, dès lors qu'elle avait précisé qu'il n'existait aucune preuve que les lésions déclarées par la salariée aient été contractées au temps et lieu du travail.
À titre subsidiaire, la société soutient que la matérialité de l'accident invoqué par la salariée n'est pas établie.
Par conclusions visées au greffe, maintenues et soutenues à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 2] sollicite confirmation du jugement, en indiquant que les réserves émises par l'employeur doivent être motivées, et porter sur des faits précis, de nature à priver l'accident de son caractère professionnel, ne pouvant porter que sur les circonstances de temps et lieu de l'accident, ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.
La caisse soutient qu'en l'espèce les réserves émises ne portaient que sur le seul fait qu' aucun témoin n'avait assisté à cet accident.
Elle indique qu'elle avait retenu pour sa part une constatation par l'employeur du fait accidentel, et de lésions consécutives 9 minutes après leur survenance, un certificat médical établi par le groupement hospitalier, constatant les lésions le jour même des faits, et corroborant les déclarations de l'assuré.
Elle rappelle que le poste d'agent d'entretien, occupé au nettoyage des vestiaires lors du fait accidentel, est tout à fait compatible avec le constat d'absence de témoins mis en avant par l'employeur.
La caisse dispose que le travailleur qui sollicite le bénéfice de la législation sur les accidents du travail doit rapporter la preuve de la réalisation d'un fait accidentel au temps et au lieu du travail, qu'il existe un régime de présomption simple, découlant des dispositions de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale, et qu'au cas particulier il existe un fait accidentel précis, pour lequel la salariée s'est rendue aux urgences médicales, un certificat médical initial faisant état le même jour d'un traumatisme du poignet.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale répute accident du travail, qu'elle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail.
Que l'accident se définit par une action soudaine, à l'origine d'une lésion corporelle, et appartient à la caisse primaire d'assurance maladie, qui a pris en charge l'accident du travail, d'en démontrer la matérialité, les seules allégations du salarié ne suffisant pas, et devant être corroborées par des éléments objectifs.
Que la preuve de l'accident peut résulter de présomptions de fait sérieuses, graves et concordantes.
Attendu par ailleurs qu'en application des dispositions de l'article R 441-11 III du code de la sécurité sociale, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur, ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie, avant décision, à l'employeur et à la victime d'un accident du travail, un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident, ou procède à une enquête auprès des intéressés.
Attendu en l'espèce que le 26 juillet 2011, la société OGF a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie une déclaration d'accident du travail concernant madame [B], comportant les informations suivantes :
-Circonstances : ' En nettoyant le vestiaire des porteurs, madame [B] a glissé sur le sol humide. Lettre de réserves jointe. '
-Siège des lésions : ' Membres supérieurs - poignet gauche.'
Attendu que l''employeur, qui indique dans cette déclaration avoir constaté les faits le jour même à 14h09, a joint à celle ci un courrier libellé comme suit :
' Nous souhaitons vous faire part de nos réserves quant à cet accident du travail qui serait survenu le 25 juillet 2011. En effet, nous attirons votre attention sur le fait qu'il n'existe aucun témoin de cet accident, et que par conséquent nous avons établi la déclaration d'accident du travail selon les seuls dires de la salariée. Il n'existe donc aucune preuve que les lésions décrites par la salariée aient été contractées au temps et lieu du travail. Dans ses conditions, il nous apparaît souhaitable qu'une enquête soit effectuée par vos services afin de vérifier que les lésions déclarées ont bien été contractées au lieu et au temps du travail et que celles-ci n'ont pas une origine extra professionnelle'.
Attendu que le certificat médical initial, établi le 25 juillet 2011 par le service des Urgences du groupement hospitalier mutualiste des [1], fait état d'un 'traumatisme du poignet gauche' et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 14 août 2011.
Attendu par ailleurs que, par certificat médical du 19 octobre 2011, le docteur [N] [O], du groupement hospitalier mutualiste des [1], a constaté une nouvelle lésion, à savoir 'un syndrome réactionnel du canal carpien', pris en charge après avis favorable du service du contrôle médical, au titre de la législation professionnelle.
Attendu qu'il apparaît qu'à réception de ces éléments, la caisse primaire d'assurance maladie a pris en charge d'emblée l 'accident au titre de la législation professionnelle, sans diligenter d'enquête ou interroger les intéressés, ce que conteste la société OGF au regard de la lettre de réserves jointe par elle à la déclaration.
Attendu que la notion de réserves motivées doit s'entendre comme la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur, celles ci ne pouvant porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci, ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.
Attendu qu'il apparaît en l'espèce que la lettre jointe à la déclaration ne saurait caractériser des réserves motivées, alors que l'employeur, qui a été avisé des faits quelques minutes après leur survenance, se limite à contester ceux ci aux motifs qu'aucun témoin n'a assisté à l'accident, et que de ce fait la déclaration a été établie sur les seuls dires de la salariée.
Qu'en l'absence de réserves motivées, la caisse primaire d'assurance maladie n'avait pas à procéder à une enquête préalable avant de reconnaître le caractère professionnel de l'accident.
Attendu par ailleurs que la matérialité de l'accident ne saurait être utilement contestée alors qu'il apparaît :
-que l'employeur a constaté les faits, intervenus 30 minutes après le début de travail de la salariée, moins de 10 minutes après leur survenance, ainsi que mentionné dans la déclaration transmise,
-que madame [B], qui occupait le poste d'agent d'entretien et était en train de nettoyer des vestiaires, situation de nature à exclure l'absence de tout témoin, a alors indiqué avoir glissé sur le sol humide qu'elle était en train de nettoyer,
-qu' un certificat médical a été établi le jour même par le service des urgences, et a relevé des lésions compatibles avec la relation de l'accident faite par la salarié, faisant état d'un traumatisme du poignet gauche.
Que ces divers éléments, et leur enchaînement chronologique, constituent des présomptions graves, précises et concordantes, permettant de retenir la survenance d'un fait accidentel au temps et lieu du travail.
Attendu que dès lors la décision déférée sera confirmée en toutes ses dispositions, y compris sur l'opposabilité à la société OGF de la prise en charge de la nouvelle lésion du 19 octobre 2011 qu'elle avait renoncé à contester.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré.
LA GREFFIÈRELA PRESIDENTE
Malika CHINOUNE Christine DEVALETTE