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03/04/2015 | FRANCE | N°13/00117

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 03 avril 2015, 13/00117


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 13/00117





[T]



C/

CARSAT [Localité 2]

M. LE PREFET DU RHONE MISSION NATIONALE DE CONTROL ET AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 21 Décembre 2012

RG : F 08/04182











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 03 AVRIL 2015








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APPELANTE :



[O] [T] épouse [L]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Murielle BOYER LEGOUET, avocat au barreau de LYON







INTIMÉES :



CAISSE D'ASSURANCE RETRAITE ET DE LA SANTÉ ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/00117

[T]

C/

CARSAT [Localité 2]

M. LE PREFET DU RHONE MISSION NATIONALE DE CONTROL ET AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 21 Décembre 2012

RG : F 08/04182

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 03 AVRIL 2015

APPELANTE :

[O] [T] épouse [L]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Murielle BOYER LEGOUET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

CAISSE D'ASSURANCE RETRAITE ET DE LA SANTÉ AU TRAVAIL [Localité 2] (CARSAT [Localité 2])

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON en la personne de Me Jean-philippe KLINZ, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Février 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Christine DEVALETTE, Président de chambre

Isabelle BORDENAVE, Conseiller

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 03 Avril 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Christine DEVALETTE, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [L] a été embauchée par la société Adecco et mise à disposition de la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail [Localité 2] en qualité de technicienne d'exploitation du 1er août au 29 décembre 2006.

Elle a ensuite été embauchée en contrat à durée indéterminée par la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail [Localité 2] le 2 janvier 2007 en qualité de gestionnaire de production niveau II B coefficient 250 et affectée au département production de la direction des systèmes d'information. Sa rémunération mensuelle brute s'élevait à 1902,75 euros.

Le 21 février 2008, l'employeur lui a notifié sa titularisation au poste de gestionnaire de production à effet rétroactif au 5 janvier 2007.

Mme [L] a été placée en arrêt de travail à compter du 17 avril 2008.

Par avis du 1er février 2011, elle a été reconnue « apte à la reprise du travail à mi-temps thérapeutique sous réserve d'un changement d'unité de travail » par le médecin du travail, celui-ci ayant précisé par lettre du 8 avril 2011 que « l'état de santé de Mme [L] permet d'envisager une affectation au premier étage de Flandin (administration Windows) à compter du lundi 11 avril 2011 ».

Par note du 20 avril 2011,la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail [Localité 2] a informé Mme [L] de son affectation au sein de ce département Windows à compter du 11 avril 2011 en qualité d'assistante exploitation du système informatique correspondant à son niveau de qualification et de ce que le directeur des systèmes d'information prenait toutes dispositions afin de lui confier des tâches relevant de la grille « information », tout en évitant une affectation à la production.

Le 14 septembre 2011 , Madame [L] a de nouveau fait l'objet d'un arrêt de travail et n'a pas repris son poste.

Antérieurement et le 21 octobre 2008, Madame [L] a souscrit une déclaration de maladie professionnelle au titre d'un état anxio-dépressif, déclaration renouvelée le 16 septembre 2010, et qui a donné lieu à un refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle.

La CPAM a également opposé un refus de prise en charge pour les faits de tentatives de suicide des 14 septembre 2011 et premier février 2012.Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon est saisi en contestation de ces décisions.

Entre-temps également, Madame [L] a saisi le conseil des prud'hommes de Lyon le 14 novembre 2008, aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts de son employeur pour harcèlement moral.

Par jugement du 21 décembre 2012, le conseil des prud'hommes de Lyon a :

- dit que Madame [L] n'établit pas de faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement,

- débouté Mme [L] de toutes ses demandes et la CARSAT de sa demande d'indemnité de procédure.

Par lettre recommandée du 7 janvier 2013, Madame [L] a interjeté appel du jugement.

Au terme de ses demandes écrites, intégralement reprises à l'audience, Madame [L] a renoncé expressément à demander la résiliation judiciaire du contrat de travail et a sollicité la condamnation de la CARSAT à lui verser diverses sommes au titre de l'indemnisation de frais médicaux de pertes de complément de salaire, d'indemnisation du préjudice de carrière, de pertes de primes de vacances, du préjudice moral pour harcèlement moral.

Par arrêt avant dire droit en date du 21 mars 2014, la cour a ordonné une expertise confiée au Professeur [R] avec mission de rechercher si l'état actuel ou passé de Madame [L] est lié à une situation de harcèlement subi dans un contexte professionnel et contemporain de son emploi au sein de la CARSAT, en indiquant si, par les composants de sa personnalité, le tableau qu' elle présente peut résulter d'une situation vécue à tort ou à raison comme des actes de harcèlement, décrire les conséquences psychiques et somatiques du harcèlement et donner son avis sur le préjudice moral, entendre Monsieur [P] [C] et Madame [F] [J] sur les faits de harcèlement allégués et sur les conditions de travail faites à Madame [L] , d'une manière générale, de faire toute recherche et constatation en rapport avec sa spécialité, permettant à la cour de statuer sur les demandes.

Le 8 décembre 2015, l'expert a déposé son rapport définitif.

Au terme de ses écritures intégralement reprises à l'audience, Madame [L] demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau :

- de dire qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral de la part de M. [C],

- de juger que la CARSAT n'a pas effectué d'enquête sérieuse à la suite de dénonciation de ces faits et a manqué à son obligation de sécurité concernant son état de santé,

- en conséquence de la condamner à lui payer les sommes suivantes :

. 386, 88 € pour l'indemnisation des frais médicaux non remboursés (sauf à parfaire),

. 5733, 76 € à titre d'indemnisation de la perte de complément de salaire (sauf à parfaire)

. 37'641,52 € d'indemnisation du préjudice de carrière,

. 457,28 € au titre de la perte de la prime de vacances (sauf à parfaire),

. 20'000 € au titre du préjudice moral,

. 3000 € d'indemnité de procédure.

Elle indique qu'au cours du stage probatoire, avant titularisation, elle travaillait en binôme avec Monsieur [C] qui était dans le même bureau qu'elle, en face-à-face, période difficile durant laquelle ce dernier a instauré un rapport de force, du fait de son ancienneté et de son expérience et où elle a subi une surcharge de travail en raison d'une répartition inéquitable des tâches à réaliser entre elle et M. [C] de la part de sa supérieure directe, Madame [J] .

Après sa titularisation en février 2008, elle a sollicité un entretien auprès de M. [Y] directeur des systèmes d'information et a évoqué au cours de cet entretien ses problèmes de travail avec '[P]' ([C]), ce qui l'a conduite à un arrêt de travail le 17 avril 2008 pour état anxio-dépressif réactionnel établi par les certificats médicaux des docteurs [S] et [A], qui ont été joints à la demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Cet arrêt de travail s'est poursuivi jusqu'au 1er octobre 2010, date à laquelle elle devait reprendre son travail dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, le médecin psychiatre ayant établi un certificat médical établissant qu'elle ne pouvait se présenter sur son ancien lieu de travail, [Adresse 2].

L'employeur l'a néanmoins convoquée pour une visite de reprise à cette adresse ce qui a provoqué une rechute dépressive avec idées suicidaires et une hospitalisation d'un mois, puis a fait état à l'occasion de la visite de reprise de l'enquête interne déclenchée sur les faits de harcèlement moral dénoncés et qui n'aurait pas confirmé d'acte de harcèlement, tout en lui proposant son affectation dans un autre service au rez-de-chaussée de l'immeuble dans l'attente d'une affectation définitive au secteur Windows.

Après une nouvelle hospitalisation du 13 au 16 février 2011, la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail [Localité 2] a confirmé son affectation au département administration Windows (situé au rez de chaussée), à compter du 11 avril 2011.

Plusieurs incidents se sont produits du fait de la venue de Mme [J] le 18 mai 2011 dans son bureau et le 14 septembre 2011, de la rencontre de celle-ci dans un couloir, ce qui a généré un nouvel arrêt de travail à cette date, sans que cet incident soit mentionné sur le registre d'infirmerie ni déclaré un accident travail, l'employeur n'ayant jamais accordé le moindre crédit aux difficultés rencontrées et s'étant même opposé à la reconnaissance de cet accident de travail mais aussi de celui du 2 février 2012 au cours duquel elle a fait une tentative de suicide avec hospitalisation et prise en charge psychiatrique spécialisée, à la suite duquel elle n'a toujours pas repris son poste.

Elle soutient qu'elle rapporte la preuve du comportement dominateur, impoli, s'apparentant à de l'emprise psychologique de M. [C] ce dont attestent plusieurs salariés (Monsieur [V], Madame [D] , Monsieur [H], Monsieur [X],Madame [E]) dont certains ont même refusé de témoigner en sa faveur par crainte de représailles.

Elle invoque également une surcharge de travail par répartition inégale des tâches entre elle et M. [C], ce qui a été rendu possible par le manque de réactivité de Mme [J], supérieure hiérarchique.

Elle réfute le caractère sérieux de l'enquête menée par l'employeur en septembre 2008 en raison de l'absence de consultation de cinq des 12 personnes travaillant avec elle. Elle soutient que le CHSCT a été mis à l'écart ou n'a pas fait son travail, qu'il n'a été donné aucune suite à l'alerte émise par M. [X] délégué du personnel par courrier du 2 mars 2012 ni transmission par le médecin du travail du certificat de son médecin traitant à la direction, ni réponse aux interrogations de l'inspection du travail.

Elle soutient que la dégradation de son état de santé est bien en lien direct avec sa souffrance au travail puisque son médecin traitant atteste qu'elle n'avait pas d'antécédents psychiatriques ou dépressifs identifiés, qu'elle s'adonnait à des activités sportives et que tous les certificats médicaux établissent un état dépressif réactionnel lié à l'activité professionnelle.

Concernant ses préjudices, elle indique que les frais de suivi par un psychiatre ne sont pas intégralement remboursés par la sécurité sociale, que sur toute la période de l'arrêt de travail, elle n'a pas perçu les compléments de sa rémunération et notamment les tickets restaurant, qu'elle a subi du fait du harcèlement une perte d'évolution de carrière et de rémunération, et un préjudice moral important du fait de son retentissement sur son psychisme et sur l'équilibre de sa famille .

Au terme de ses écritures, intégralement reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des faits et moyens invoqués, demande la confirmation du jugement entrepris et, au vu des constatations de l'expert, déboutant Madame [L] de ses demandes ,

- de dire et juger que si Madame [L] a pu 'présenter une souffrance au travail vécue comme du harcèlement ' la responsabilité des tensions ayant existé entre celle-ci et monsieur [C] , autre salarié, est , à tout le moins imputable à chacun d'entre eux et d'en déduire l'absence de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral' ;

- de dire et juger qu'elle justifie , en tout état de cause , d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que l'expert psychiatre a notamment retenu 'des difficultés d'adaptation de madame [L] à un travail complexe au regard de son niveau de qualification et de ses compétences 'qui a été' source de conflits avec son tuteur , conflits difficiles à gérer par sa supérieure hiérarchique'.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes des articles L1152-1 du code du travail 'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

Aux termes des dispositions de l'article L1154-1 du code du travail, et de l'interprétation qu'en a donnée le conseil constitutionnel , c'est au salarié qui invoque un harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral , l'employeur devant alors établir que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement , le juge formant sa conviction , après avoir ordonné , en cas de besoin, toute mesure d'instruction qu'il estime utiles.

Dans l'hypothèse d'un harcèlement moral opéré par un autre salarié , l'employeur ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant l'absence de faute de sa part , ce en vertu de son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs mentionnée à l'article L4121-1 , quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements.

Madame [L] soutient avoir été victime de harcèlement de la part Monsieur [C], son référent technique et collègue de bureau, dans un contexte où elle était en situation précaire, puisqu'en stage probatoire avant titularisation , lui reprochant d'avoir profité de son ancienneté et de son expérience pour prendre l'ascendant sur elle en ne lui communiquant pas les informations à sa disposition, en l'empêchant d'accomplir les tâches qui lui incombaient, pour garder une position avantageuse , en prenant par ailleurs beaucoup de congés , la mettant en situation de surcharge de travail , non correctement arbitrée par Madame [J] , leur supérieur hiérarchique commun .

Concernant le comportement , qu'elle a vécu comme du harcèlement moral à son égard, Madame [L] ne produit aucun élément caractérisant une surcharge de travail liée à l'absence de Monsieur [C] , dans le cadre du groupe CITRIX-BSP GED qui avait été confié à ces deux personnes . Les relevés de badgeuse qu'elle produit font bien état en 2007, d'heures supplémentaires accomplies mais , dans le cadre de l'option choisie (39h avec 20 jours de RTT) Madame [L] n'a de fait accompli que 5 heures supplémentaires sur toute l'année 2007 , soit 1minute 34 secondes par jour.

Cet élément ne suffit donc pas à caractériser une surcharge de travail imputable au comportement de Monsieur [C] , étant observé que les rapports d'activités du binôme [C]-[L] sur les années 2007 et 2008, produits par la CARSAT, démontrent que les tâches confiées à l'un et l'autre étaient différentes et non exclusivement quantifiables en nombre .

Les mails que produit Madame [L] émanant de Monsier [C] , ne contiennent pas de propos désobligeants .Ils sont strictement professionnels , et malgré leur laconisme, ils contiennent tutoiement et civilités d'usage.

La rétention d'information reprochée à Monsieur [C] ne repose sur aucun fait précis , étant observé que Madame [L] n'était pas une débutante en matière informatique et disposait de la notice relative au programme CITRIX qui lui avait été confié.

Les mails de salariés produits par Madame [L] , qui attesteraient du comportement de Monsieur [C] à son égard , sont des témoignages de soutien à l'occasion de ses arrêts de travail, certains faisant état du comportement dominateur de Monsieur [C], de calendriers de femmes nues dans son bureau ou sur son ordinateur, sans rapport avec le litige , mais ces personnes ont indiqué, toujours dans ces mails , ne pas souhaiter témoigner dans les formes , par crainte de représailles . Certaines de ces personnes , entendues dans le cadre de l'enquête de l'employeur , ont confirmé l'existence de relations tendues entre Madame [L] et Monsieur [C] , des critiques de ce dernier sur la qualité du travail de Madame [L] , mais n'ont fait état d'aucun fait précis et circonstancié, de nature à caractériser un harcèlement moral y compris madame [D] qui relate certes une attitude machiste de Monsieur [C] avec lequel elle n'aurait pas aimé travailler , ou le fait que celui-ci n'appelait pas Madame [L] par son prénom et la laissait chercher quand elle posait une question technique , mais ne donne pas d'exemples précis caractérisant des actes répétés de déstabilisation constitutifs d'une forme de harcèlement .

La seule attestation produite est établie par Madame [E] [N] , laquelle est une amie de Madame [L] ne travaillant pas à la CARSAT. Ce témoignage indirect sur les difficultés rencontrées par Madame [L] dans le cadre de son travail , n'est pas opérant .

Dans son rapport d'expertise , le Docteur [R] relève deux altercations qui se seraient produites entre Monsieur [C] et Madame [L] courant 2007 , au cours desquels Madame [L] a d'ailleurs manifesté son tempérament très réactif , mais ces difficultés ponctuelles , portant sur un problème technique ou sur le caractère prioritaire d'une tâche, sont inhérentes à une relation de travail, et n'ont pas pris de proportions particulièrement graves , sur lesquelles les autres personnes présentes dans le bureau auraient pu témoigner.

Les éléments produits ne sont donc pas de nature à caractériser un harcèlement moral de la part de Monsieur [C] et encore moins de Madame [J] qui a émis un avis favorable à sa titularisation , tout en relevant , dans les fiches d'évaluation dont c'est la raison d'être , des progrès à réaliser au plan technique et organisationnel , ce qui ne constitue pas un dénigrement de la personne de Madame [L] ou de ses compétences professionnelles, ni , de plus fort, un soutien implicite à Monsieur [C] dans des difficultés relationnelles, dont Madame [L] ne s'est d'ailleurs plainte que le 7 juillet 2008 auprès du DRH, Monsieur [K] .

A l'occasion de son entretien avec Monsieur [Y] le 16 avril 2008 , à propos de sa demande d'augmentation de salaire restée sans effet , Madame [L] mentionnait en effet des relations tendues avec Monsieur [C], mais se produisant de 'rares fois ' tout en la blessant profondément . Cependant, suite au premier arrêt maladie , qui a suivi cet entretien , elle n'a plus été en contact avec Monsieur [C], qui était d'ailleurs en congé à cette époque .

Elle explique cependant la persistance et l'aggravation sensible de son symptôme anxio dépressif réactionnel au comportement de son collègue , par l'absence de prise en compte par l'employeur de cette souffrance et de la phobie ensuite développée à l'égard des deux personnes en cause mais aussi par rapport aux lieux mêmes de travail , effectivement attestée par un certificat de son médecin psychiatre, voire à l'égard de son employeur CARSAT, à l'égard duquel elle sollicitait initialement la résiliation du contrat .

Or , il ressort de l'examen de l'ensemble des pièces produites, que l'employeur a assuré toutes les formations requises auprès de Madame [L] et a pris la mesure des difficultés rencontrées par Madame [L] et tenté d'y remédier , en répondant à ses courriers , en la recevant en entretien , en procédant à une enquête ayant porté sur onze personnes , dont Monsieur [C] et Madame [J] , en lui proposant pour sa reprise en janvier 2011 à mi-temps thérapeutique , conformément aux prescriptions de son médecin traitant, un poste dans un nouveau service ,au rez de chaussée de l'immeuble de la [Adresse 2] où sont réunis tous ses bureaux, ce qui ne la mettait certes pas à l'abri d'une rencontre occasionnelle avec Madame [J] , qui n'était toutefois pas identifiée comme son harceleur , puis , à compter du 11 avril 2011, date de sa nouvelle reprise , un poste au 1er étage , dans le département Windows , avec une formation adéquate , en désignant le chargé de santé au travail pour l'assister dans son installation .

La CARSAT a également répondu aux interrogations du médecin du travail , qui n'a relevé aucun harcèlement moral , et suite à l'alerte d'un délégué du personnel , elle a communiqué le rapport d'enquête au CHSCT , qui n'a émis aucune observation ni souhaité diligenter sa propre enquête .

Ainsi, même si les pièces médicales produites par Madame [L], ou le rapport d'expertise ordonné par la Cour , établissent que Madame [L] ne présentait pas d'antécédents identifiés de fragilités psychiques et que son état de santé actuel est bien lié à un vécu de harcèlement moral au travail, ce ressenti , médicalement établi , n'est pas confirmé par un ensemble de faits précis caractérisant des actes répétés de harcèlement de la part de l'employeur ou d'un de ses préposés , de sorte que le lien entre le comportement de ces derniers avec la dégradation de l'état de santé de Madame [L] n'est pas non plus établi.

Le jugement du 21 décembre 2012 qui a statué en ce sens et a débouté Madame [L] de toutes ses demandes , doit être confirmé .

PAR CES MOTIFS

La Cour , statuant contradictoirement , en audience publique,

Vu l'arrêt avant dire droit an date du 21 mars 2014 et le rapport d'expertise du Docteur [R],

Confirme le jugement entrepris,

Condamne Madame [O] [T] épouse [L] aux dépens d'appel , comprenant les frais d'expertise .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Christine DEVALETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 13/00117
Date de la décision : 03/04/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°13/00117 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-03;13.00117 ?
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