AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 13/04292
SAS ELECTROPOLI CENTER
C/
[Q]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX
du 18 Avril 2013
RG : F 12/00053
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 25 MARS 2015
APPELANTE :
S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Joseph AGUERA
de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
substituée par Me Jean-baptiste TRAN-MINH
de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[W] [Q]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparant en personne,
assisté de Me Mathieu FATREZ de la SCPA RSDA - SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
PARTIES CONVOQUÉES LE : 29 Novembre 2013
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Février 2015
Présidée par Marie-Claude REVOL, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Jean-Charles GOUILHERS, président
- Vincent NICOLAS, conseiller
- Marie-Claude REVOL, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 Mars 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Le 1er septembre 2003, [W] [Q] a été embauché par la S.N.C. ELECTROPOLI SERVICES en qualité d'adjoint du responsable du bureau d'études clients, statut cadre ; au dernier état de la collaboration il occupait le poste de directeur technique au sein de la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER ; le 7 décembre 2011, il a été licencié pour motif économique.
[W] [Q] a contesté son licenciement devant le conseil des prud'hommes d'OYONNAX ; il a réclamé des dommages et intérêts pour licenciement sans cause, des dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauche, un rappel de jours de réduction de temps de travail, les intérêts, la remise sous astreinte des documents de rupture et une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 18 avril 2013, le conseil des prud'hommes a :
- condamné la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER à verser à [W] [Q] la somme de 120.222 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles,
- rejeté les autres demandes,
- condamné la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER aux dépens.
Le jugement a été notifié le 7 mai 2013 à la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 25 mai 2013.
L'affaire a été appelée à l'audience du 18 juin 2014 et renvoyée à l'audience du 10 septembre 2014 et renvoyée à l'audience du 25 février 2015.
Par conclusions visées au greffe le 25 février 2015 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER :
- expose qu'elle regroupe les services centraux du groupe ELECTROPOLI, que la situation économique du groupe s'est dégradée, qu'elle a dû se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité, qu'elle a supprimé le poste du salarié et qu'elle n'a pas pu reclasser le salarié malgré ses recherches en interne et en externe,
- soutient que les difficultés économiques doivent s'apprécier au niveau du groupe,
- précise que le salarié n'a pas accepté le principe d'un reclassement à l'étranger,
- estime que le licenciement est bien fondé,
- affirme qu'elle a communiqué au salarié les critères d'ordre des licenciements et les a suivis,
- observe qu'elle a respecté la priorité de réembauche,
- note que le salarié a été rempli de ses droits en matière de réduction du temps de travail,
- est au rejet des prétentions du salarié, et, subsidiairement, à la minoration du montant des dommages et intérêts,
- sollicite la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation du salarié aux dépens.
Par conclusions visées au greffe le 25 février 2015 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [W] [Q] qui interjette appel incident :
- dénie que la société a connu des difficultés économiques et souligne que les difficultés économiques doivent s'apprécier au sein du même secteur d'activité,
- prétend que son poste n'a pas été supprimé et qu'il a été remplacé par le fils du dirigeant embauché peu avant son licenciement,
- reproche à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de reclassement dans la mesure où les recherches n'ont pas été étendues à l'ensemble des sociétés et des sites du groupe et où il ne lui a jamais été remis le questionnaire de mobilité à l'étranger,
- fait valoir que les critères d'ordre des licenciements n'ont pas été portés à sa connaissance et que l'employeur ne les a pas suivis,
- considère que le licenciement est dénué de cause et réclame la somme de 120.222 euros à titre de dommages et intérêts,
- fait valoir que l'employeur a violé la priorité de réembauche en engageant un salarié sans lui offrir le poste et réclame la somme de 20.037 euros à titre de dommages et intérêts,
- observe que la société lui doit trois jours de réduction de temps de travail et réclame la somme de 1.343,07 euros,
- souhaite les intérêts sur les sommes précitées à compter de la saisine du conseil des prud'hommes,
- demande la remise de l'attestation POLE EMPLOI, du solde de tout compte, du certificat de travail, des bulletins de salaire rectifiés, et, ce, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter de la présente décision,
- sollicite, en cause d'appel, la somme complémentaire de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'employeur aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement :
L'article L. 1233-3 du code du travail autorise le licenciement économique d'un salarié lorsque des difficultés économiques rendent nécessaire la réorganisation de l'entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité et imposent la suppression du poste du salarié. Lorsque la société appartient à un groupe, les difficultés économiques doivent s'apprécier dans la limite du secteur d'activité du groupe dont relève la société. Les difficultés économiques ne se confondent pas avec les fluctuations normales du marché.
La lettre de licenciement fait état du recul des résultats des sites en FRANCE, des engagements pris par le groupe dans le cadre du redressement judiciaire, du non respect des engagements, d'un fort endettement, d'une dégradation de la trésorerie, de la nécessité de se réorganiser, de la suppression du poste de directeur technique et des vaines recherches de reclassement.
Au 31 décembre 2011, le groupe ELECTROPOLI englobait la société mère qui est la S.A. ELECTROPOLI, holding, et des sociétés filiales qui sont la société ELECTROPOLI SERVICES, la société ELECTROPOLI PRODUCTION, la société ELECTRO-RECHERCHE, la société ELECTROPOLI CENTER, la société ELECTROPOLI EUROPE, la société ELECTROPOLI GALVIA et la société ELECTROPOLI GALWANOTECHNIKA.
Le groupe exerce une activité industrielle dans le domaine du traitement des surfaces dans le secteur de l'automobile. La société ELECTROPOLI CENTER et la société ELECTROPOLI SERVICES assurent la direction fonctionnelle et centrale des départements achats et logistique, commercial, licence, finance, ressources humaines. Ainsi, la société ELECTROPOLI CENTER ne relève pas de l'activité production.
Les résultats consolidés du groupe ELECTROPOLI font état :
* d'un chiffre d'affaires total de 55.987 fin 2009, de 70.664 fin 2010 et de 66.076 fin octobre 2011,
* d'un chiffre d'affaires prestation de 48.845 fin 2009, de 60.853 fin 2010 et de 56.801 fin octobre 2011,
* d'un résultat net déficitaire de 1.116.528 euros pour la période du 1er janvier au 30 juin 2011 et de 1.585.427 euros au 31 décembre 2011.
Les comptes de la société ELECTROPOLI CENTER font état :
* d'un chiffre d'affaires de 6.080.412 euros au 31 décembre 2009, de 5.867.385 euros au 31 décembre 2010 et de 5.697.959 euros au 31 décembre 2011,
* d'un résultat net bénéficiaire de 503.856 euros au 31 décembre 2009, de 863.394 euros au 31 décembre 2010 et de 945.607 euros au 31 décembre 2011.
La société ELECTROPOLI CENTER a procédé à la distribution de dividendes à hauteur de 863.393,86 euros au 31 décembre 2010 et de 945.606,96 euros au 31 décembre 2011.
Ces chiffres démontrent que le secteur d'activité dont relève la société ELECTROPOLI CENTER ne connaissait pas de difficultés économiques.
L'article L. 1233-4 du code du travail subordonne la validité d'un licenciement pour motif économique à des recherches préalables de reclassement du salarié licencié ; les recherches doivent être effectuées au sein de l'entreprise et au sein du groupe auquel elle appartient et elles doivent être loyales, personnalisées et sérieuses.
Par lettre du 3 novembre 2011, l'employeur a demandé à [W] [Q] s'il acceptait des postes à l'étranger et plus précisément en POLOGNE et en REPUBLIQUE TCHEQUE ; [W] [Q] n'a pas répondu ; à cette lettre était joint le questionnaire de feuille de mobilité qu'[W] [Q] prétend ne pas avoir reçu ; cependant, la lettre du 3 novembre 2011 lui a été remise en main propre. L'employeur justifie qu'il a envoyé des demandes aux responsables des sociétés ELECTROPOLI SERVICES et ELECTROPOLI PRODUCTION et qu'il a adressé une demande à la chambre syndicale de la métallurgie de l'Ain, commission paritaire territoriale, en vue du reclassement. D'une part, la lettre en vue du reclassement se bornait à indiquer que la société cherchait à reclasser un directeur technique et un responsable projet bureau d'études, sans plus de précision, et, d'autre part, les recherches n'ont pas été étendues à toutes les sociétés du groupe implantées en FRANCE et notamment pas aux sociétés ELECTRO-RECHERCHE et ELECTROPOLI EUROPE .
Dans ces conditions, la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER a failli à son obligation de reclassement.
En conséquence de l'absence de difficultés économiques du secteur d'activité de l'employeur et de l'absence de recherches sérieuses de reclassement, le licenciement se trouve dénué de cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris doit être confirmé.
[W] [Q] bénéficiait d'une ancienneté supérieure à deux ans et la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER emploie plus de onze personnes.
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, [W] [Q] a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la rémunération des six derniers mois, soit au vu de l'attestation POLE EMPLOI à la somme de 60.111 euros ; il avait 8 ans d'ancienneté ; il a été embauché à compter du 4 avril 2013 par la société MICHELIN moyennant un salaire annuel de 75.010 euros, outre une part variable ; au vu des éléments de la cause, les premiers juges ont justement chiffré les dommages et intérêts à la somme de 120.222 euros.
En conséquence, la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER doit être condamnée à verser à [W] [Q] la somme de 120.222 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause.
Le jugement entrepris doit être confirmé.
La S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER doit être condamnée à remettre à [W] [Q] l'attestation POLE EMPLOI, le solde de tout compte, le certificat de travail et le bulletin de salaire rectifiés. Une astreinte n'est pas nécessaire et [W] [Q] doit être débouté de ce chef de demande.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER doit être condamnée d'office à rembourser aux organismes concernés les allocations chômage versées à [W] [Q] du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnités.
Sur les jours de réduction du temps de travail :
Le contrat de travail stipulait un forfait annuel de 218 jours.
Le solde de tout compte et la fiche de paie de mars 2012 mentionnent le paiement de la somme de 2.686,14 euros en règlement du solde de six jours de réduction du temps de travail.
L'employeur explique que le salarié a droit à 10 jours de réduction du temps de travail par an, qu'il a pris le 2 janvier 2012 en jour de réduction du temps de travail, qu'il lui restait 9 jours sur l'année 2012, que la proratisation sur la période travaillée lui permettait d'obtenir seulement 6 jours de réduction du temps de travail qui lui ont été payés ; l'employeur se fonde sur l'accord de réduction du temps de travail.
[W] [Q] réplique qu'il lui restait, au vu de sa fiche de paie de février 2012, 10 jours de réduction de temps de travail.
La fiche de paie de février 2012 mentionne effectivement 10 jours de réduction de temps de travail. Cependant, il ne s'agit pas des jours non pris et restant puisqu'à cette période il lui restait 9 jours de réduction de temps de travail mais des jours attribués sur l'année.
Dès lors que le contrat de travail a expiré le 7 mars 2012, [W] [Q] ne peut pas venir réclamer l'intégralité des jours de réduction du temps de travail de toute l'année 2012.
En conséquence, [W] [Q] doit être débouté de sa demande en paiement de jours de réduction du temps de travail.
Le jugement entrepris doit être confirmé.
Sur la priorité de réembauche :
La lettre de licenciement a informé le salarié sur sa priorité de réembauche. Par lettre du 4 janvier 2012, [W] [Q] a répondu qu'il entendait bénéficier de cette priorité.
En application de l'article L. 1233-45 du code du travail, [W] [Q] bénéficiait de la priorité de réembauche durant un an à compter de la rupture du contrat de travail, soit jusqu'au 7 mars 2013.
Le registre du personnel montre que la société a embauché [N] [C] le 16 janvier 2012 par contrat à durée déterminée puis le 16 avril 2012 en qualité de chargé de mission ; la société reconnaît que le poste n'a pas été proposé à [W] [Q].
L'embauche initiale de [N] [C] est postérieure au courrier par lequel [W] [Q] informait l'employeur de son désir de bénéficier de sa priorité de réembauche ; la société qui ne justifie pas en quoi le poste de chargé de mission n'était pas compatible avec la qualification d'[W] [Q] devait lui proposer ce poste.
Dans ces conditions, la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER a violé la priorité de réembauche.
En application de l'article L. 1235-13 du code du travail, [W] [Q] a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire.
[W] [Q] percevait un salaire mensuel brut en incluant l'avantage en nature de 10.018,50 euros.
En conséquence, la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER doit être condamnée à verser à [W] [Q] la somme de 20.037 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
Sur les intérêts :
En application de l'article 1153-1 du code civil, les intérêts courent au taux légal jusqu'à parfait paiement sur les dommages et intérêts à compter de la décision qui les a prononcés.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de condamner la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER à verser à [W] [Q] en cause d'appel la somme complémentaire de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel et le jugement entrepris doit être confirmé.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le licenciement se trouve dénué de cause réelle et sérieuse, a condamné la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER à verser à [W] [Q] la somme de 120.222 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause, a débouté [W] [Q] de sa demande en paiement de jours de réduction du temps de travail et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,
Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER à verser à [W] [Q] la somme de 20.037 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche,
Condamne la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER à remettre à [W] [Q] l'attestation POLE EMPLOI, le solde de tout compte, le certificat de travail et le bulletin de salaire rectifiés,
Déboute [W] [Q] de sa demande d'astreinte,
Ajoutant,
Condamne d'office la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER à rembourser aux organismes concernés les allocations chômage versées à [W] [Q] du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnités,
Invite le greffe à notifier le présent arrêt à POLE EMPLOI,
Juge que les intérêts courent au taux légal jusqu'à parfait paiement sur les dommages et intérêts à compter de la décision qui les a prononcés,
Condamne la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER à verser à [W] [Q] en cause d'appel la somme complémentaire de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la S.A.S.U. ELECTROPOLI CENTER aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,
Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS