AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 13/02018
UCARMAK
UNION DEPARTEMENTALE
DE LA CGT DE L'AIN
C/
SAS SCHOELLER ARCA SYSTEMS
SAS MANPOWER
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX
du 13 Février 2013
RG : F 11/00039
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 05 MARS 2015
APPELANTE :
[R] [G] épouse [P]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Karine THIEBAULT
de la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON
PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE :
UNION DEPARTEMENTALE DE LA CGT DE L'AIN
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Karine THIEBAULT
de la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉES :
SAS SCHOELLER ARCA SYSTEMS
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Eric TRIMOLET
de la SELAS YRÂMIS AVOCATS, avocat au barreau de LYON
SAS MANPOWER
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Alexandre KHANNA, avocat au barreau de PARIS
substitué par Me Alexis OSSIPOFF, avocat au barreau de PARIS
PARTIES CONVOQUÉES LE : 29 Juillet 2013
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Décembre 2014
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre
Christian RISS, Conseiller
Vincent NICOLAS, Conseiller
Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 05 Mars 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
Madame [R] [G] épouse [P] a été mise à disposition la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS S.A.S. exerçant une activité de fabrication de systèmes d'emballages plastiques en qualité de salariée intérimaire par la société MANPOWER dans le cadre de nombreux contrats de mission et a été affectée sur le poste d' « Opérateur Presse Plastique », mais pas exclusivement, pendant une période s'étendant du 31 juillet 2006 au 19 mars 2010.
Elle a ainsi fait l'objet pendant cette période de différents contrats de travail temporaires distincts avec la société MANPOWER motivés par l'accroissement temporaire de l'activité de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS ou le remplacement du personnel absent de cette entreprise.
Elle a saisi le 10 mars 2010 le conseil de prud'hommes d'Oyonnax de diverses demandes formulées tant à l'égard de la société utilisatrice SCHOELLER ARCA SYSTEMS que de la société MANPOWER afin de voir, au dernier état de ses prétentions :
Requalifier la relation de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 décembre 2005 et condamner la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS à lui verser une indemnité de requalification d'un montant de 1.199,20 € en application de l'article L. 1251-41 du code du travail ;
Dire et juger que la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamner in solidum la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS et la société MANPOWER à lui payer les sommes suivantes :
' 2.398,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
' 239,84 € au titre des congés payés afférents,
' 851,69 € à titre d'indemnité de licenciement,
' 345,60 € à titre de rappel de salaire sur prime d'ancienneté,
' 34,56 € au titre des congés payés afférents,
' 1.98,80 € à titre de rappel de salaire sur 13e mois,
' 179,88 € au titre des congés payés afférents,
' 1.902,45 € à titre de rappel de salaire sur prime de vacances,
' 190,24 € au titre des congés payés afférents,
' 1.260,00 € à titre de rappel de salaire sur prime fixe,
' 126,00 € au titre des congés payés afférents,
' 79,94 € à titre de rappel de prime de mariage,
' 7,99 € au titre des congés payés afférents,
' 5.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier du dispositif de participation applicable à l'entreprise,
' 1.923,63 € à titre de rappel de prime de transport,
' 192,36 € au titre des congés payés afférents,
' 10.800,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' 700,00 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier des avantages offerts aux salariés permanents par le Comité d'Entreprise,
' 2.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier de la mutuelle d'entreprise,
' 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Union Départementale CGT de l'Ain et le Syndicat CGT SCHOELLER ARCA SYSTEMS sont intervenus volontairement dans la procédure et ont demandé la condamnation in solidum de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS et de la société MANPOWER à verser à chacun d'eux la somme de 5.000,00 € à titre de dommages-intérêts et celle de 2.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société SCHOELLER ARCA SYSTEMS s'est opposée aux demandes ainsi présentées et a demandé reconventionnellement la condamnation de Madame [P] et de l'Union Départementale CGT de l'Ain à lui payer chacun la somme de 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle a conclu par ailleurs à l'irrecevabilité de l'action du Syndicat CGT SCHOELLER ARCA SYSTEMS en raison de sa création postérieure aux faits litigieux et à l'absence de démonstration que le salarié intérimaire aurait été adhérent à ce syndicat à la date des faits.
La société MANPOWER a pareillement conclu au rejet des demandes présentées à son encontre et a demandé la condamnation de Madame [P] à lui verser un montant de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 13 février 2013, le conseil de prud'hommes d'Oyonnax, section industrie, présidé par le juge départiteur, a :
- Débouté Madame [P] de toutes ses demandes en requalification dirigées contre la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS et à titre subsidiaire contre la société MANPOWER et liées à la requalification du contrat ;
- Débouté Madame [P] de ses demandes au titre des primes de vacances, de la prime d'ancienneté, de la prime de 13e mois, de la prime de naissance, de la prime fixe et de la prime de transport ;
- Débouté le Syndicat CGT SCHOELLER ARCA SYSTEMS et l'Union Départementale CGT de l'Ain de toutes leurs demandes ;
- Débouté Madame [P] de ses autres demandes indemnitaires ;
- Débouté Madame [P], la société MANPOWER et la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS, de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Madame [P] aux entiers dépens.
Par lettre recommandée en date du 12 mars 2013 enregistrée le lendemain au greffe, Madame [P] a interjeté appel de ce jugement dont elle demande l'infirmation par la cour en reprenant oralement à l'audience du 11 décembre 2014 par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'elle a fait déposer le 8 janvier 2014 et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de ses prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, et tendant à :
Requalifier la relation de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 31 juillet 2006 ;
Condamner en conséquence la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS à verser à Madame [P] la somme de 1.199,20 € à titre d'indemnité de requalification sur le fondement de l'article L. 1251-41 du code du travail, outre intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision à intervenir ;
Dire et juger que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée de Madame [P] intervenue le 19 mars 2010 en l'absence d'énonciation de motifs et sans respect de la procédure de licenciement s'analyse en un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse;
Condamner en conséquence in solidum les sociétés SCHOELLER ARCA SYSTEMS et MANPOWER à verser à Madame [P] les sommes suivantes :
outre intérêts au taux légal à compter de la demande :
' 2.398, 40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
' 239,84 € au titre des congés payés afférents,
' 851,69 € à titre d'indemnité de licenciement,
' 345,60 € à titre de rappel de salaire sur prime d'ancienneté,
' 34,56 € au titre des congés payés afférents,
' 1798,80 € à titre de rappel de salaire sur 13e mois,
' 179,88 € au titre des congés payés afférents,
' 1902,45 € à titre de rappel de salaire sur prime de vacances,
' 190,24 € au titre des congés payés afférents,
' 1.260,00 € à titre de rappel de salaire sur prime fixe,
' 126,00 € au titre des congés payés afférents,
' 79,94 € à titre d'indemnité compensatrice de congé de mariage,
' 7,99 € au titre des congés payés afférents,
' 1.747,34 € à titre de rappel de primes de transport,
' 174,73 € au titre des congés payés afférents,
outre intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision à intervenir:
' 5.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier du dispositif de participation applicable à l'entreprise,
' 10.800,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' 700,00 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier des avantages offerts aux salariés permanents par le Comité d'Entreprise,
' 2.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier de la mutuelle d'entreprise;
Condamner in solidum les sociétés SCHOELLER ARCA SYSTEMS et MANPOWER , outre aux entiers dépens de l'instance, au paiement de la somme de 2.000,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Union Départementale de la CGT de l'Ain est intervenue volontairement dans la procédure d'appel en demandant à la cour de :
Dire et juger son intervention recevable et bien fondée ;
Condamner in solidum les sociétés SCHOELLER ARCA SYSTEMS et MANPOWER à lui verser la somme de 5.000,00 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation des intérêts collectifs représentés par le syndicat ;
Condamner les mêmes et sous la même solidarité, outre aux entiers dépens de l'instance, à lui verser la somme de 2.000,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société SCHOELLER ARCA SYSTEMS a pour sa part fait reprendre à cette audience par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'elle a fait déposer le 5 novembre 2014 et auxquelles il est pareillement référé pour l'exposé de ses prétentions et moyens, aux fins de voir:
Dire et juger que le recours au travail temporaire s'est fait dans le respect des dispositions légales;
Considérer qu'il n'y a pas lieu à requalifier la relation de travail entre Madame [P] et la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS en relation de travail à durée indéterminée ;
En conséquence,
Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes d'Oyonnax ;
Débouter Madame [P] de l'ensemble de ses demandes ;
Condamner Madame [P] au paiement de la somme de 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Débouter l'Union Départementale de la CGT de l'Ain de l'ensemble de ses demandes;
Condamner l'Union Départementale de la CGT de l'Ain au paiement de la somme de 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société MANPOWE de R a développé cette audience les conclusions déposées en son nom le 9 décembre 2014 auxquelles il est pareillement référé et tendant à :
A titre liminaire,
Prendre acte de ce que le Syndicat CGT SCHOELLER ARCA SYSTEMS n'est pas intervenant volontaire en cause d'appel ;
Prendre acte de ce que l'Union Départementale CGT de l'Ain ne forme aucune demande à l'encontre de la société MANPOWER ;
Sur l'action en requalification,
Dire et juger que l'action en requalification de Madame [P] est irrecevable à l'encontre de la société MANPOWER par application de la loi, l'éventuelle violation des dispositions des articles L.1251-5, L. 1251-16 et L. 1251-17 du code du travail ne faisant pas parti de la liste exhaustive des hypothèses de requalification prévues par les articles L. 1251-39 et L. 1251-40 du code du travail ;
Dire et juger que l'éventuelle violation des dispositions de l'article L. 1251-5 du code du travail ne peut être opposée à une entreprise de travail temporaire ;
Dire et juger que la jurisprudence en date du 24 avril 2013 n'est nullement transposable aux faits de l'espèce, Madame [P] ne caractérisant nullement la réalité d'une entente entre la société MANPOWER et la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS ;
Dire et juger qu'il n'existe aucune obligation de contrôle, conseil ou surveillance pesant sur les entreprises de travail temporaire à l'égard des entreprises utilisatrices ;
Dire et juger que l'erreur dans la numérotation d'un contrat n'a jamais constitué un fondement juridique dans le cadre d'une action en requalification ;
Dire et juger que la transmission tardive, à la supposer caractérisée, n'a jamais constitué un fondement juridique dans le cadre d'une action en requalification;
Dire et juger que l'absence de mention de la qualification du salarié remplacé n'a jamais constitué, à elle seule, un fondement juridique dans le cadre d'une action en requalification, les jurisprudences mises en avant par Madame [P] n'étant nullement transposables aux faits de l'espèce ;
Constater que les singularités formelles mise en avant par Madame [P] ne constituent pas des manquements susceptibles de légitimer une action en requalification à l'encontre de la société MANPOWER ;
En conséquence,
Dire et juger l'action en requalification de Madame [P] irrecevable par application de la loi ;
Dire et juger l'action en requalification de Madame [P] en toute hypothèse mal fondée;
Débouter Madame [P] de l'intégralité de son argumentation, fins et prétentions;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [P] de l'intégralité des prétentions qu'elle opposait à la société MANPOWER ;
En tout état de cause,
Débouter Madame [P] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Madame [P] à régler à la société MANPOWER une somme de 1.500,00 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Madame [P] aux dépens et éventuels frais d'exécution de la présente instance.
SUR CE,
La Cour,
Attendu qu'aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, « le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice » ;
que l'article L. 1251-6 du même code précise qu'il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dans des cas limitativement énumérés, dont l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ou le remplacement d'un salarié absent;
que l'article L. 1251-40 du code du travail dispose enfin :
« Lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12 , L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondants à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission » ;
Attendu que Madame [P] a été embauchée par la société MANPOWER afin d'être mise à disposition de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS dans le cadre de 144 contrats de mission successivement établis par la société de travail temporaire pendant une période de 3 ans 6 mois et se 19 jours du 31 juillet 2006 au 19 mars 2010 ;
que le salarié précise lui-même que les motifs de recours étaient variables en fonction des circonstances dans la mesure où les contrats visaient soit un surcroît temporaire d'activité soit le remplacement d'un salarié absent ;
qu'il est reconnu par la SCHOELLER ARCA SYSTEMS qu'elle était essentiellement, mais non exclusivement, affectée sur le poste d'« Opérateur Presse Plastique »;
Attendu que l'appelante, qui prétend illégitimes les motifs invoqués pour justifier la succession des contrats de travail temporaire dont elle a fait l'objet, soutient que la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS aurait en réalité eu recours à ses services dans le cadre de son activité permanente et habituelle en violation des dispositions de l'article L. 1251-5 du code du travail ;
Mais attendu qu'en application de l'article L. 1251-40 précité du code du travail, son action tendant à la requalification de ses contrats de missions successifs en un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 31 juillet 2006, date du premier contrat de mission, devait être dirigée à l'encontre de la seule entreprise utilisatrice, soit la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS, et non de l'entreprise de travail temporaire, sauf à démontrer l'existence d'une entente entre la société utilisatrice et la société de travail temporaire qui aurait contraint la salariée à rester de façon permanente à la disposition de l'entreprise utilisatrice ;
Attendu que Madame [P] ne verse à cet égard aux débats aucun élément de preuve de nature à établir que la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS et la société MANPOWER auraient agi de concert pour la contraindre à rester à la disposition permanente de l'entreprise utilisatrice ;
que la salarié disposait de la capacité juridique à pouvoir décider elle-même à tout moment de poursuivre ses missions au sein de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS si celle-ci en exprimait le besoin, ou au contraire d'arrêter d'adhérer aux missions qui lui étaient proposées par la société de travail temporaire, voire de solliciter de sa part son placement dans d'autres entreprises si des missions étaient alors disponibles, ou même de s'adresser à d'autres sociétés de travail temporaire
qu'à aucun moment Madame [P] ne s'est plainte de ses multiples délégations auprès de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS ni d'une prétendue entente entre cette dernière société et la société de travail temporaire pour l'empêcher de vaquer à d'autres aspirations professionnelles ;
qu'elle est dès lors mal fondé à invoquer l'existence d'une entente entre la société de travail temporaire MANPOWER et la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS qui l'aurait contrainte à rester en permanence à la disposition de la société utilisatrice ;
Attendu en outre que, dans les faits, Madame [P] n'est pas restée en permanence à la disposition de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS, ses périodes de délégation ayant alterné avec des périodes d'interruption parfois longues pendant lesquelles elle a pu être affectée dans d'autres entreprises, ainsi que l'a relevé le conseil de prud'hommes ; qu'elle n'a pas exercé de mission au sein de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS pendant les périodes suivantes :
En 2006,
- du 2 septembre au 27 octobre 2006,
- du 3 au 23 novembre 2006,
- du 25 novembre au 7 décembre 2006,
- du 21 au 31 décembre 2006;
En 2007,
- du 11 janvier au 11 février 2007,
- du 24 février au 6 mars 2007,
- du 28 juillet au 26 août 2007;
En 2008,
- du 10 mai au 1er juin 2008,
- du 23 octobre au 9 novembre 2008,
- du 6 au 31 décembre 2008;
En 2009,
- du 1er au 5 janvier puis du 10 au 18 janvier 2009,
- du 23 janvier au 26 février 2009,
- du 18 au 26 avril 2009,
- du 1er août au 12 octobre 2009,
- du 31 octobre au 6 décembre 2009,
- du 19 faut 31 décembre 2009 ;
Attendu enfin qu'aucune obligation de conseil, de contrôle ou de surveillance ne pèse sur les entreprises de travail temporaire à l'égard des entreprises utilisatrices dans la mesure où les premières ne font qu'exécuter les demandes qui leur sont présentées par les entreprises utilisatrices ;
que les irrégularités relevées par Madame [P] dans la rédaction de certains contrats, et tenant notamment à la numérotation de deux d'entre eux ainsi qu'à une erreur de date ne sont pas de nature à justifier une action en requalification à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire, ni même à engager sa responsabilité en l'absence de tout préjudice pour la salariée ;
que la seule omission de la mention de la qualification du salarié remplacé sur un contrat ne constitue pas davantage une irrégularité permettant de mettre en cause l'entreprise utilisatrice ou la société de travail temporaire, voire de permettre la requalification de l'ensemble des contrats de mission ;
qu'ainsi, aucun manquement propre à ses obligations ne pouvant légitimement être reproché par la salariée à la société MANPOWER, les demandes dirigées à son encontre sont irrecevables ;
que la société MANPOWER doit en conséquence être mise hors de cause ;
Attendu que la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS intervient, outre la France, dans 28 pays et sur l'ensemble des continents à l'exception de l'Océanie ; que son activité se répartit en neuf pôles d'activité très différents, l'amenant à devoir honorer des commandes tant pour le secteur automobile, que pour l'industrie alimentaire ou l'agriculture ;
que cette diversification requiert de sa part une forte capacité d'adaptation et de réaction dans des délais brefs ;
qu'elle rapporte la preuve de pics de production et d'une activité agricole cyclique, notamment au cours des mois de juin et juillet, entraînant une irrégularité de son chiffre d'affaires tenant au cycle des saisons agricoles et aux variations climatiques d'une année sur l'autre ;
que cette irrégularité est encore accentuée par son carnet de commandes imprévisible, et l'écart constaté entre les commandes enregistrées en début de mois et le chiffre d'affaires finalement réalisé en fin de mois ;
Attendu que Madame [P] soutient qu'il n'existerait aucune corrélation entre les surcroît ponctuel d'activité invoqués et le recours aux salariés intérimaires, dont le volume demeure constant ;
Attendu cependant que la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS verse aux débats les justificatifs du recours à l'intérim pour accroissement temporaire d'activité pour chacune des périodes où Madame [P] a bénéficié pour ce motif de contrats de missions ;
qu'il s'agit de commandes supplémentaires intervenues ponctuellement et qui n'avaient pas été prévues initialement au planning, de commandes devant être satisfaites à bref délai, de commandes exceptionnelles, de retards par rapport aux dates de livraisons impératives nécessitant des personnels supplémentaires et temporaires pour pouvoir les combler, du démarrage d'une nouvelle production de moules nécessitant pareillement du personnel temporaire pour une activité non permanente ;
que l'ensemble de ces éléments démontre l'imprévisibilité de l'activité de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS qui ne dispose d'aucun carnet de commandes déterminé à l'avance et qui doit en permanence ajuster ses besoins en effectifs à la hausse comme à la baisse pour faire face à des surcroîts temporaires et non durables d'activité ;
Attendu en conséquence que les contrats de mission dont bénéficiait Madame [P] pour accroissement temporaire de l'activité de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS étaient justifiés au regard de l'article L. 1251-6 du code du travail pour être destinés à satisfaire un besoin de l'entreprise ne relevant pas de son activité normale mais de variations importantes de production liées à des circonstances imprévisibles excluant toute planification ;
Attendu en outre que les pics d'activité imprévisibles et cycliques de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS étaient encore accentués par les absences imprévisibles de salariés permanents de l'entreprise qui ont nécessairement une forte incidence sur la régularité de l'activité de la société ;
que si le pourcentage d'absence est resté stable depuis 2008 pour correspondre à environ 4 % de l'effectif, les dates et durées de ces absences sont par nature imprévisibles et justifient, à certaines périodes, l'embauche de plusieurs salariés intérimaires avec pour mission de résorber les retards puis d'assumer les tâches du salarié remplacé ;
que l'activité d'une ligne de production nécessitant la présence indispensable de personnel à chaque poste pour assurer la continuité de la production, toute absence imprévue doit être immédiatement remplacée à défaut de quoi l'ensemble de la ligne de production est arrêtée; qu'ainsi, la charge de travail d'un salarié absent ne peut être repoussée jusqu'à son retour ou prise en charge par un de ses collègues ;
que la SCHOELLER ARCA SYSTEMS se trouvait dans ces conditions dans l'obligation de recourir de façon importante à du personnel intérimaire pour assurer le remplacement de ses salariés permanents absents et permettre la poursuite des fabrications ;
Attendu que tous les remplacements effectués par Madame [P] l'ont été dans le respect des dispositions légales précitées, la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS ayant communiqué les bulletins de salaire des salariés remplacés faisant apparaître les jours d'absence de ces salariés ainsi que le motif de chaque absence ;
que l'appelante est dès lors encore mal fondée à prétendre avoir été employée de façon illégale par la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS alors même que tous les motifs de recours étaient parfaitement justifiés ;
Attendu qu'il convient en conséquence de débouter Madame [P] de sa demande tendant à la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et de ses demandes en paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis majorée des congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de confirmer ainsi le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Oyonnax ;
Attendu que Madame [P] prétend encore avoir été exclue des avantages servis aux salariés permanents de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS du fait de sa qualité de travailleur temporaire en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1251-43 du code du travail ; qu'il sollicite à ce titre des rappels de salaires pour prime d'ancienneté, prime de 13e mois, primes de vacances et prime mariage ;
Attendu cependant que si les salariés temporaires bénéficient en application de l'article précité des accessoires du salaire au même titre que les salariés permanents de l'entreprise utilisatrice, ils sont soumis comme eux aux conditions restrictives fixées pour leur attribution ;
Attendu que les primes dont Madame [P] réclame le paiement ont pour critères d'attribution commun une ancienneté minimale acquise par le salarié pour pouvoir en bénéficier de 6 mois pour la prime de vacances et la prime de mariage, de 2 ans pour le 13e mois et de 3 ans pour la prime d'ancienneté ainsi qu'en justifient tant la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS que la salariée elle-même par les notes internes et accords d'entreprise qu'elles versent aux débats ;
que Madame [P] ne remplissait pas les conditions d'ancienneté nécessaires à leur obtention pour n'avoir jamais été affectée au sein de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS pour une durée continue au moins égale à six mois, alors même que l'article 11 de la convention collective nationale de la Plasturgie ne prévoit pas que des périodes d'emploi non continues dans le cadre de contrats de travail temporaire ou de contrats à durée déterminée puissent se cumuler pour apprécier l'ancienneté d'un salarié dans l'entreprise ;
qu'il importe dès lors de confirmer encore le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a considéré que Madame [P] ne pouvait justifier d'une ancienneté suffisante pour obtenir le paiement des primes qu'il sollicitait et l'a débouté de ce chef de demande ;
Attendu que Madame [P] soutient encore qu'une prime fixe lui serait due comme elle a été versée à différents opérateurs injection permanents de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS dont il produit aux débats les bulletins de salaire ;
que les bulletins de salaire ainsi produits sont cependant ceux de salariés ayant obtenu le coefficient 710, alors que lui-même ayant travaillé sur des postes d'opérateur coefficient 700 ne pouvait bénéficier de cette prime destinée à valoriser les personnes dites « polyvalentes » classées au coefficient 710 ;
que la SCHOELLER ARCA SYSTEMS justifie à cet égard par les bulletins de salaire d'opérateurs classés au coefficient 700 qu'aucune prime fixe ne leur était attribuée ;
que le jugement rendu par le conseil de prud'hommes doit ainsi être encore confirmé pour avoir considéré que Madame [P] n'avait pas occupé d'emploi permettant le versement de cette prime et qu'elle devait dès lors être déboutée de ce chef de demande ;
Attendu que l'appelante demande encore que lui soit accordé un rappel de prime de transport; que si l'usage du versement d'une telle prime est reconnu par la SCHOELLER ARCA SYSTEMS au bénéfice de ses salariés permanents, celle-ci leur demande de produire un justificatif de leur domicile permettant de déterminer la zone géographique concernée nécessaire au calcul de la prime ;
qu'en l'espèce, Madame [P] n'a produit aucun justificatif de domicile pour la totalité des périodes où elle a travaillé au service de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS ;
qu'elle a finalement produit un justificatif de domicile au 31 décembre 2010, soit postérieurement à son dernier contrat de mission qui s'est terminé le 19 mars 2010, mais que celui-ci ne peut être retenu pour émaner de sa mère attestant qu'elle serait domiciliée depuis sa naissance à [Localité 4], alors qu'aucune pièce d'identité n'est jointe à ce document dont l'identité de l'auteur ne peut être vérifiée ; qu'en outre Madame [P] n'a produit aucun document justifiant du lieu de son domicile personnel en 2006, 2007,2008 et 2010 ;
que son nombre de jours prétendument travaillés au service de l'entreprise ainsi que le montant de la prime sollicitée sont erronés ;
qu'enfin les dépenses de transport de Madame [P] ont été des plus réduites
dans la mesure où son père, qui est salarié permanent de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS, l'amenait au travail à bord de son propre véhicule ;
qu'il convient dès lors de confirmer encore le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande ;
Attendu que Madame [P] sollicite également des dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier des avantages offerts par le comité d'entreprise de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS ainsi que de la mutuelle souscrite par cette dernière société ;
qu'elle n'a cependant jamais été salariée de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS mais seulement de la société de travail temporaire MANPOWER ;
qu'il n'existe aucune disposition légale ouvrant droit au profit des salariés intérimaires des avantages du comité d'entreprise ou de la mutuelle de l'entreprise utilisatrice, ceux-ci étant réservés aux salariés permanents de l'entreprise ;
que la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS ayant eu recours au travail temporaire dans des conditions parfaitement légales, et la demande de requalification de la relation de travail de Madame [P] en contrat de travail à durée indéterminée ayant été rejetée, cette dernière ne peut qu'être déboutée de ce chef de demande ;
qu'elle est en outre mal fondé à invoquer l'existence d'un préjudice alors même qu'elle bénéficiait des avantages offerts par le comités d'entreprise de la société de travail temporaire qui l'a employée ainsi que des avantages de sa mutuelle ;
que le jugement rendu par le conseil de prud'hommes mérite encore confirmation en ce qu'il a rejeté ces chefs de demande ;
Attendu que Madame [P] demande enfin que lui soient alloués des dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier du système de participation applicable dans l'entreprise utilisatrice ;
qu'il n'existe encore aucun texte prévoyant au profit des salariés intérimaires le bénéfice de l'accord de participation qui pourrait exister au sein de l'entreprise utilisatrice ;
qu'il doit à cet égard être rappelé que Madame [P] n'était pas salariée de la société SCHOELLER ARCA SYSTEMS mais de l'entreprise de travail temporaire et qu'elle a été déboutée de sa demande tendant à la requalification de la relation de travail en un contrat de travail à durée indéterminée ;
qu'elle peut en revanche bénéficier de cet avantage au sein de l'entreprise de travail temporaire qui l'a employée ;
que le jugement déféré la déboutant de ce chef de demande doit dès lors être encore confirmé ;
Attendu par ailleurs que le recours aux contrats de mission de Madame [P] étant intervenu dans les conditions parfaitement justifiées, les sociétés SCHOELLER ARCA SYSTEMS et MANPOWER n'ont commis aucune faute de nature à porter atteinte aux intérêts collectifs de la profession ;
que l'Union Départementale de la CGT de l'Ain doit en conséquence être déboutée de sa demande de dommages-intérêts présentée à ce titre ;
Attendu que, pour assurer la défense de leurs intérêts devant la cour, les sociétés intimées ont été contraintes d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de l'appelante ;
qu'il convient dès lors de condamner Madame [P] à verser à chacune des sociétés SCHOELLER ARCA SYSTEMS et MANPOWER une indemnité de 350,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu enfin que Madame [P] et l'Union Départementale de la CGT de l'Ain, qui ne voient pas aboutir leurs prétentions devant la cour, ne peuvent obtenir l'indemnité qu'elles sollicitent sur le fondement du même article ;
que Madame [P] supporte enfin la charge des entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement par arrêt rendu public par mise à disposition des parties, après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
MET HORS DE CAUSE la sociétés MANPOWER ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 février 2013 par le conseil de prud'hommes d'Oyonnax ;
DÉBOUTE Madame [R] [G] épouse [P] et l'Union Départementale de la CGT de l'Ain de l'intégralité de leurs demandes ;
CONDAMNE Madame [R] [G] épouse [P] en cause d'appel à verser à chacune des sociétés SCHOELLER ARCA SYSTEMS et MANPOWER la somme de 350,00 € (TROIS CENT CINQUANTE EUROS) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE Madame [R] [G] épouse [P] et l'Union Départementale de la CGT de l'Ain de leurs demandes présentées sur le fondement du même article ;
CONDAMNE enfin Madame [R] [G] épouse [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel .
Le Greffier, Le Président,
Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS