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23/02/2015 | FRANCE | N°14/02675

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 23 février 2015, 14/02675


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEURS





R.G : 14/02675





[I]



C/

SAS KUEHNE + NAGEL ROAD







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 19 Mars 2014

RG : R 13/00031











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 23 FEVRIER 2015







APPELANT :



[J] [I]

[Adresse 1]

[Localité 1]



représenté par Me Régis DURAND, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



SAS KUEHNE + NAGEL ROAD

Mme [F] [P], responsable des ressources humaines

[Adresse 2]

[Localité 2]



comparante en personne, assistée de Me Yves MERLE de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avoca...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEURS

R.G : 14/02675

[I]

C/

SAS KUEHNE + NAGEL ROAD

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 19 Mars 2014

RG : R 13/00031

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 23 FEVRIER 2015

APPELANT :

[J] [I]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Régis DURAND, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS KUEHNE + NAGEL ROAD

Mme [F] [P], responsable des ressources humaines

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Yves MERLE de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 05 Janvier 2015

Didier JOLY, Président présidant l'audience et Agnès THAUNAT, Conseiller, tous deux magistrats rapporteurs, (sans opposition des parties dûment avisées) en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Didier JOLY, président

- Michel BUSSIERE, président

- Agnès THAUNAT, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 Février 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

[J] [I] a été engagé par la S.A.S. ALLOIN TRANSPORTS en qualité d'agent de quai (ouvrier, groupe 4, coefficient 120M) suivant contrat écrit à durée indéterminée du 29 septembre 2008, soumis à la convention collective nationale des transports routiers, pour exercer les attributions suivantes :

manutention au chargement et déchargement des véhicules,

pointage des colis chargés et déchargés,

rangement et balayage du quai et du parking,

nettoyage des véhicules de la société,

cette énumération n'étant pas limitative.

Plusieurs avenants contractuels ont affecté temporairement [J] [I] à :

- un emploi de responsable camionnage du 16 au 20 février 2009,

- un emploi de chef de quai :

du 10 au 28 août 2009,

du 26 juin au 20 juillet 2010,

du 2 au 10 septembre 2010,

du 14 au 21 janvier 2011,

du 26 avril au 3 mai 2011,

du 18 juillet au 5 août 2011,

du 12 novembre au 17 décembre 2012,

du 18 au 28 décembre 2012,

du 8 au 14 janvier 2013,

du 26 août au 13 septembre 2013.

L'exécution du contrat de travail d'[J] [I] a été poursuivie, en application de l'article L 1224-1 du code du travail, par la S.A.S. KUEHNE + NAGEL ROAD avec laquelle le salarié a signé un nouveau contrat à durée indéterminée le 1er octobre 2013. Aux termes de ce contrat, ce dernier occupait un emploi de sous-chef de quai (agent de maîtrise, groupe 1, coefficient 150) avec les attributions suivantes :

Activités générales :

s'assurer de la préparation des aires de travail, démarrage du convoyeur, de la mise en place du matériel,

prendre en dompte les défaillances matériels remontées par son équipe et les transmettre aux personnes concernées,

organiser les arrivées et les départs navette de son quai selon le planning défini par le plan de transport et transmettre à sa hiérarchie les problèmes rencontrés,

affecter son équipe en fonction des différentes activités du quai,

assurer le traitement des travées SAV (LITI, SOUF, DISP) et de la travée AFFR,

s'assurer de la gestion des palettes EUROPE sur son quai (contrôle retour de tournée, stockage...),

tenir à jour le plan de quai et le panneautage,

gérer les avaries du frêt ADR,

réaliser le suivi des consommables de la fonction,

manager et former les membres de son équipe,

effectuer la gestion administrative de son équipe (heures, absences...),

s'assurer de l'ouverture ou fermeture de l'agence en respectant les consignes,

s'assurer de la réalisation du rangement et nettoyage du quai et de ses abords ;

Activités départ

superviser la réalisation du contrôle au retour de tournée des conducteurs distribution et de la mise en travée des retours (non livrés et enlèvements),

prendre en compte les enlèvements et en définir les priorités d'étiquetage,

s'assurer de la réalisation de l'étiquetage du fret,

assurer le traitement de la travée ADEP,

superviser les anomalies départs (manquant, avarie,...),

s'assurer de la réalisation de la palettisation navette et mono destinataire,

veiller à ce que le zonage du fret soit bien effectué,

identifier les modules par l'étiquette tronçon en correspondance avec le panneautage départ,

piloter et surveiller le chargement des navettes, affrétés et confrères conformément aux procédures,

veiller à la réalisation du plombage des véhicules et à la transmission des documents aux conducteurs navette,

vérifier la clôture des sessions de chargement,

s'assurer du respect des horaires de départ navette.

Activité Arrivée

piloter les équipes aux opérations de déchargement conformément à la procédure,

gérer les déchargements navette pour optimiser les horaires de départ des conducteurs distribution,

veiller à la prise en compte des réserves au déchargement,

veiller au défilmage et la ventilation des palettes groupages,

veiller au zonage du fret en travée distribution,

piloter et surveiller le chargement des conducteurs distribution et confrères,

s'assurer de l'optimisation des chargements et du non oubli des impératifs,

superviser la validation des listes de chargement des conducteurs distribution,

vérifier la clôture des sessions de déchargement,

superviser l'inventaire physique (lecture code barre) du quai,

remonter les difficultés de chargement au responsable camionnage,

assister le responsable camionnage dans le traitement des écarts de l'inventaire de quai,

cette énumération ayant un caractère illustratif et non limitatif.

Le salaire mensuel brut de base d'[J] [I] a été fixé à 1 646,83 € pour 35 heures hebdomadaires de travail.

Aux termes de l'article 24 du règlement intérieur, des tenues de travail sont fournies par la Direction au personnel de quai ainsi qu'aux chauffeurs. Obligation est faite de porter cette tenue pendant toute la durée effective du travail.

Le 13 décembre 2013, [J] [I] a saisi la formation de référé du Conseil de prud'hommes de Montbrison de demandes de rappels de primes d'habillage et de déshabillage et de primes d'entretien.

Le 19 mars 2014 est intervenue l'ordonnance dont appel.

* * *

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté le 2 avril 2014 par [J] [I] de l'ordonnance rendue le 19 mars 2014 par la formation de référé du Conseil de prud'hommes de MONTBRISON qui :

- a rejeté la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité sollicitée par la S.A.S. KUEHNE + NAGEL ROAD,

- s'est déclaré incompétent pour le surplus des demandes et a renvoyé les parties devant les juges du fond ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 8 janvier 2015 par [J] [I] qui demande à la Cour de :

A titre préliminaire :

- dire et juger que l'argumentation de la société KUEHNE + NAGEL ROAD ne constitue pas une contestation sérieuse,

- dire et juger que le non-paiement des temps d'habillage et de déshabillage, et le paiement partiel des frais d'entretien constitue une trouble manifestement illicite,

- dire et juger que les salariés sont en droit de demander un rappel de salaires et de remboursement de frais depuis novembre 2008 ;

A titre principal :

- dire et juger qu'[J] [I] est en droit de prétendre à une indemnisation au titre des temps d'habillage et de déshabillage,

En conséquence :

- condamner la société KUEHNE + NAGEL ROAD à verser l'indemnité suivante :

Pour Monsieur SAEZ762,21 €

- dire et juger qu'[J] [I] est en droit de prétendre à une indemnisation au titre des frais d'entretien,

En conséquence :

- condamner la société KUEHNE + NAGEL ROAD à verser l'indemnité suivante :

Pour Monsieur SAEZ138,00 €

A titre subsidiaire :

- dire et juger que le salarié rapporte la preuve du paiement des temps d'habillages et de déshabillage, ainsi que des frais d'entretien pour Monsieur [B],

- dire et juger que la société KUEHNE + NAGEL+ ROAD n'est pas en mesure de démontrer une cause légitime à cette différences de traitement,

En conséquence :

- condamner la société KUEHNE + NAGEL ROAD à verser les sommes visées ci-dessus ;

En tout état de cause :

- dire et juger que la résistance abusive de la société KUEHNE + NAGEL ROAD a nécessairement fait naître un préjudice,

En conséquence :

- condamner la société KUEHNE + NAGEL ROAD à verser à [J] [I] la somme de 1.000,00 € à titre de provision sur dommages et intérêts ;

- condamner la société KUEHNE + NAGEL ROAD à verser à [J] [I] la somme de 35 € au titre des droits de timbre,

- condamner la société KUEHNE + NAGEL ROAD à verser à [J] [I] la somme de 900,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 8 janvier 2015 par la S.A.S. KUEHNE + NAGEL ROAD qui demande à la Cour de :

- confirmer l'ordonnance rendue le 19 mars 2014 par la formation de référé du Conseil de prud'hommes de Montbrison,

- se déclarer incompétente pour statuer sur les demandes d'[J] [I],

- subsidiairement, constater qu'[J] [I] a été rempli de ses droits et le débouter de ses demandes,

- le condamner à la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur l'autorité de l'arrêt rendu le 29 novembre 2012 par la Cour d'appel de Versailles :

Attendu qu'aux termes de l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ;

Qu'en conséquence, l'arrêt rendu le 29 février 2012 par la Cour d'appel de Versailles entre la S.A.S. ALLOIN TRANSPORTS et [Q] [B], chef de quai à l'agence d'[Localité 4] et délégué syndical C.F.D.T., ne commande pas la solution du litige opposant le cessionnaire la S.A.S. KUEHNE + NAGEL ROAD à un salarié de l'agence d'[Localité 3] (Loire) ;

Attendu, ensuite, que lorsque la différence de traitement trouve son origine et sa justification dans l'effet relatif de la chose jugée, les autres salariés ne peuvent revendiquer un avantage sur le seul fondement des effets d'une décision rendue dans une instance où ils n'étaient ni parties ni représentés ; qu'il n'en résulte aucune atteinte au principe d'égalité de traitement ;

Sur la demande d'indemnisation au titre des temps d'habillage et de déshabillage :

Attendu que selon l'article L 3121-3 du code du travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties ; que ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, ces deux conditions étant cumulatives ;

Qu'en l'espèce, la première condition est remplie, le port d'une tenue de travail étant imposé par le règlement intérieur ; que celle-ci est composée d'un tee-shirt, d'un sweat-shirt et d'une polaire portant tous le sigle de l'entreprise, d'un pantalon et de chaussures de sécurité ;

Attendu, ensuite, que la réalisation de l'habillage et du déshabillage sur le lieu de travail doit résulter de contraintes inhérentes au poste occupé (résultant, par exemple, de tâches insalubres ou salissantes) ou d'instructions expresses de l'employeur, et non du choix individuel du salarié de ne pas afficher son appartenance à l'entreprise sur le trajet du domicile au lieu du travail ;

Qu'en l'espèce, un jeu de conclusions unique a été déposé à l'audience du 8 janvier 2015 par les douze salariés qui ont relevé appel d'ordonnances de référé similaires ; qu'il est soutenu, sans analyse des tâches confiées à ces salariés qui occupent des postes différents, que 'les fonctions des salariés sont pour partie salissantes' ; qu'aucune conclusion ne peut être tirée à cet égard de l'existence de vestiaires, qui résulte d'une obligation réglementaire (article R 4228-2 et s. du code du travail) ; que selon l'article R 4228-8 du code du travail, des douches sont mises à la disposition des travailleurs dans les établissements où sont réalisés certains travaux insalubres et salissants dont la liste est établie par arrêté ministériel ; que l'installation de douches dans l'établissement d'[Localité 3] n'implique pas que tous les salariés de cette agence, et a fortiori les douze appelants, effectuent de tels travaux ; que pour ce qui le concerne, [J] [I] ne précise pas laquelle ou lesquelles de ces tâches imposaient, occasionnellement ou quotidiennement, la prise d'une douche sur le site ; que les photos communiquées par la S.A.S. KUEHNE + NAGEL ROAD démontrent que les marchandises transportées sont emballées, étant d'ailleurs observé que les tâches de manutention n'ont pour [J] [I] qu'un caractère résiduel ;

Qu'il existe une contestation sérieuse sur le point de savoir si l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés par [J] [I] dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ;

Qu'il n'y a donc pas lieu à référé ;

Sur la demande d'indemnisation des frais d'entretien :

Attendu que les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l'employeur ;

Attendu que selon l'article 1er de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions ;

Qu'il en résulte que dans les entreprises où le port d'un vêtement de travail est obligatoire et inhérent à l'emploi, l'employeur doit assumer la charge de l'entretien de cette tenue chaque fois que la fréquence ou la difficulté de son nettoyage représente une dépense supplémentaire que le salarié n'a pas à supporter ;

Qu'en l'espèce, la tenue de travail imposée à [J] [I] ne présente aucun caractère particulier autre que sa couleur et le sigle de la société ; qu'elle ne se distingue pas autrement des vêtements de ville que le salarié aurait portés en l'absence de clause contraire du règlement intérieur, et dont il a retardé la vétusté, et par conséquent le renouvellement, en utilisant une tenue de travail plusieurs heures par jour ; que l'appelant, qui ne s'explique pas sur les modalités et la fréquence de l'entretien dont il poursuit la prise en charge par la S.A.S. KUEHNE + NAGEL ROAD, ne communique aucun élément de nature à révéler l'existence d'une charge à caractère spécial que la société intimée serait tenue d'assumer à la place du salarié, selon des modalités définies par elle ;

Qu'en conséquence, il n'y a pas lieu à référé ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme l'ordonnance rendue le 19 mars 2014 par la formation de référé du Conseil de prud'hommes de Montbrison,

Y ajoutant :

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [J] [I] aux dépens d'appel.

Le greffierLe Président

S. MASCRIERD. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 14/02675
Date de la décision : 23/02/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-23;14.02675 ?
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