AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 14/01687
Me [N] [G] - Mandataire liquidateur de SAS SIFELMET
C/
[P]
AGS CGEA ORLEANS
Arrêt sur renvoi de la cour de cassation :
jugement du conseil de prud'hommes de Chalon sur Saone du 28 avril 2011
RG : F 09/00632
arrêt du cour d'appel de DIJON du 7 juin 2012
RG : 12/00734
Cour de Cassation de PARIS
du 22 Janvier 2014
RG : R 12.23.660
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 03 FEVRIER 2015
APPELANTE :
Me [G] [N] - Mandataire liquidateur de SAS SIFELMET
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me DRAPIER, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE substitué par Me DUQUENNOY
INTIMÉES :
[E] [P]
[Adresse 2]
[Localité 2]
comparante en personne, assistée de M. Pierre PAGEOT (Délégué syndical ouvrier)
AGS CGEA ORLEANS
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Florence GAUDILLIERE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me DUQUENNOY
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Décembre 2014
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Didier JOLY, Président
Mireille SEMERIVA, Conseiller
Agnès THAUNAT, Conseiller
Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 03 Février 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DU LITIGE :
Le 30 juin 1994 la société SIFELMET a engagé Mme [E] [P] en qualité d'opératrice circuits imprimés.
En juillet 2009, elle a convoqué la délégation unique du personnel pour l'informer de son projet de réorganisation et de suppression de 32 postes.
Par courrier du 21 septembre 2009, elle a signifié à Mme [E] [P] son licenciement pour motif économique dans ce cadre.
Estimant que les mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi étaient insuffisantes et que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement, Mme [E] [P], avec 6 autres salariés, a saisi le Conseil de prud'hommes de Chalon sur Saône le 10 décembre 2009.
Par jugement du 3 août 2010, le tribunal de commerce d'Orléans a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SIFELMET.
La juridiction prud'homale, par jugement du 28 avril 2011, relevant la réalité du motif économique mais le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et au respect des critères d'ordre du licenciement, a :
- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société SIFELMET à lui verser la somme de 16 106,22 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes,
- déclaré le jugement opposable à l'AGS,
- ordonné le remboursement par la société SIFELMET aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à [E] [P] dans la limite de six mois d'indemnités perçues.
Le tribunal de commerce d'Orléans, par jugement du 8 septembre 2011, a arrêté un plan de redressement par cession du fonds de commerce de la société SIFELMET puis, par jugement du 4 janvier 2012, a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire et désigné Me [N] [G] en qualité de mandataire liquidateur.
La Cour d'appel de Dijon, saisie de l'appel formé par Me [C] ès qualités d'administrateur judiciaire et repris par le mandataire liquidateur, par arrêt du 7 juin 2012, a :
- infirmé le jugement dans toutes ses dispositions,
- débouté la salariée de ses demandes de communication de registre du personnel,
- dit la procédure de licenciement irrégulière,
- dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- fixé la créance de [E] [P] au passif de la société SIFELMET à la somme de 150 € à titre de dommages-intérêts pour procédure irrégulière,
- rejeté la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement abusif,
- dit la décision opposable à l'AGS
- débouté le mandataire liquidateur de sa demande tendant au paiement de frais irrépétibles.
Sur pourvoi formé par [E] [P], la Cour de cassation, par arrêt du 22 janvier 2014, au visa de l'article L 1233-5 du code du travail, a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour inobservation par l'employeur des critères d'ordre des licenciements, l'arrêt rendu le 17 juin 2012 entre les parties, par la cour d'appel de Dijon, remis en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Lyon
relevant que pour débouter la salariée de sa prétention relative au non respect des critères d'ordre des licenciements par l'employeur, l'arrêt retient que l'intéressée, en se portant volontaire pour être licenciée, ne peut ensuite de bonne foi contester les critères d'ordre utilisés,
qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses constatations que l'employeur a refusé de recourir à des départs volontaires et a prononcé le licenciement pour motif économique de la salariée, la cour d''appel a violé le texte susvisé.
Mme [E] [P] a saisi la cour d'appel de Lyon en sa qualité de cour de renvoi par déclaration du 19 février 2014.
Aux termes de ses conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 16 décembre 2014, indiquant qu'elle n'aurait jamais dû être licenciée et contestant l'application faite des critères d'ordre, elle demande à la Cour de condamner la société SIFELMET à lui payer la somme de 21 474,96 € à titre de dommages-intérêts pour inobservation par l'employeur des critères d'ordre des licenciements et du préjudice subi et 2 000 € au titre des frais irrépétibles.
Dans ses écritures régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 16 décembre 2014, Me [G] ès qualités, indiquant que l'employeur a scrupuleusement respecté les critères d'ordre, conclut au rejet des demandes présentées et à la condamnation de [E] [P] au paiement de la somme de 750 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses écritures régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 16 décembre 2014, le Centre de gestion et d'études AGS (le CGEA) d'Orléans, forme les demandes suivantes :
- constater que les critères d'ordre ont été correctement appliqués,
- débouter Mme [E] [P] de sa demande de dommages-intérêts pour inobservation par l'employeur des critères d'ordre des licenciements,
- constater qu'elle ne justifie d'aucun préjudice,
- la débouter de sa demande de dommages-intérêts,
- minorer en tout état de cause notoirement la demande formulée,
à titre infiniment subsidiaire,
- rappeler les limites de sa garantie.
MOTIFS DE LA DECISION
La cour n'est saisie que du non respect des critères d'ordre.
SUR LE NON RESPECT DES CRITERES D'ORDRE
Selon l'article L.1233-7 du code du travail, lorsque l'employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères prévus à l'article L.1233-5 du même code, à savoir :
1° Les charges de famille, en particulier celle des parents isolés ;
2° l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;
3°la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur
réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes
handicapées et des salariés âgés ;
4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
L'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements n'a pas pour effet de
priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. Cette illégalité entraîne un préjudice, pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de l'emploi, qui doit être intégralement réparé, selon son étendue, par des dommages-intérêts.
Mme [E] [P], a indiqué par courrier remis en main propre le 10 septembre 2009 à la direction «'être candidate à un départ volontaires si celui-ci s'effectue dans les conditions du PSE et conduit donc à une rupture du contrat de travail pour motif économique'» précisant':'«'je souhaite bénéficier des différentes mesures du PSE auxquelles je pourrais être éligible dans le cadre de ce volontariat, une fois que le PSE aura été arrêté avec le CE'»'.
Le procès verbal de la troisième réunion extraordinaire du 14 septembre 2009 de la délégation unique du personnel agissant comme comité d'entreprise, indique que la direction ne souhaitait pas intégrer au PSE la notion de volontariat et qu'il serait «'pris en considération après établissement de critères'».
La SAS SIFELMET devait en conséquence respecter les critères d'ordre des licenciements en ce qui concerne les salariés qui s'étaient déclarés volontaires pour un départ de l'entreprise si celui-ci s'effectuait dans le cadre d'un PSE.
Il résulte du document intitulé «'projet de restructuration de la société avec adaptation des effectifs pour sauvegarder sa compétitivité'» en date du 8 juillet 2009 que sur 59 emplois, devaient être supprimés 32 emplois, dont 1 poste administratif et 26 postes d'opérateurs.
Mme [E] [P] appartenait à la catégorie des opérateurs , comprenant 46 salariés, dans laquelle 26 postes devaient être supprimés.
Outre les critères légaux sus-visés, avait été acceptés au titre des qualités professionnelles les critères suivants':
compétence techniques noté 10
esprit d'initiative noté 8
qualité du travail noté 8
polyvalence sur 2 postes et plus noté 9'.
Mme [E] [P] critique la pertinence du tableau récapitulatif des critères d'ordre versé aux débats par l'employeur au motif que les mentions qui y figurent relatives aux âges et à l'ancienneté sont augmentées de deux ans par rapport à la date du licenciement, ce qui prouve que ce document n'a été établi qu'en 2012.
La cour constate que s'il est exact que les mentions relatives aux âges et à l'ancienneté des salariés qui figurent sur ce document ont manifestement été calculés par rapport à l'année 2012, en revanche, les points attribués relatifs à ces critères, ont bien été calculés par rapport à l'année 2009, époque du licenciement.
C'est ainsi que ce tableau indique que Mme [E] [P]', née le [Date naissance 1] 1974', entrée dans l'entreprise le 1er juin 1994, était âgée de 38 ans et avait 17 ans d'ancienneté, alors qu'à l'époque du licenciement, elle était âgée de 35 ans et avait 15 ans d'ancienneté. Mais la cour relève que ce sont bien ces dernières données qui sont reprises dans ce tableau comparatif, puisqu'il est attribué à la salariée 10 points comme étant âgée de moins de 35 ans et 10 points pour avoir une ancienneté comprise entre 6ans et 15 ans.
Dans ces conditions, la date d'établissement de ce tableau récapitulatif, postérieure à la date du licenciement, n'invalide pas les données qui y sont reportées et qui, elles sont contemporaines du licenciement.
Mme [E] [P] critique également l'application des critères d'ordre par l'employeur au motif que dans les pièces communiquées ne figuraient que deux cadres MM. [Q] et [Z] , mais non Mme [M], laquelle aurait obtenu 80 points ce qui est impossible.
Il résulte du document intitulé «'projet de restructuration de la société avec adaptation des effectifs pour sauvegarder sa compétitivité'» en date du 8 juillet 2009 que sur 59 emplois, devaient être supprimés 32 emplois, dont 1 poste de cadre technique', devaient être conservés un poste de directeur et un poste de cadre technique. Mme [M], étant directrice de l'entreprise, elle n'appartenait pas à la même catégorie de salariés que les cadres techniques, et les critères d'ordre ne trouvaient à s'appliquer qu'entre les deux cadres techniques': MM. [Q] et M. [Z]'.
Il résulte du tableau récapitulatif des critères d'ordre produit aux débats par la SAS SIFELMET', que Mme [E] [P] a obtenu':
5 points comme ayant un enfant
10 points comme étant une salariée âgée de moins de 35 ans'
0 point au titre du handicap:
10 points ancienneté comprise entre 6 et 15 ans
10 points au titre de la compétence technique
8 points au titre de la qualité du travail
8 points au titre de l'esprit d'initiative
9 points au titre de la polyvalence
total': 60
Mme [P] qui a obtenu le maximum de points possible en ce qui concerne ses qualités professionnelles, ne peut se plaindre de la manière dont les points ont été attribués.
Selon le tableau comparatif produit aux débats par l'employeur 21 salariés de la catégorie opérateur totalisaient moins de 60 points'; deux avaient 60 points et 4 avaient 61 points. 26 salariés de cette catégorie devant être licenciés, Mme [P]', qui avait obtenu 60 points devait être licenciée par application des critères d'ordre.
En conséquence, aucun manquement ne peut reproché à l'employeur en ce qui concerne l'application des critères d'ordre en ce qui concerne Mme [E] [P].
SUR LES AUTRES DEMANDES
Mme [E] [P] succombant dans ses prétentions doit être condamnée aux dépens'. L'équité ne commande pas de mettre à sa charge une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
DIT que les critères d'ordre des licenciements ont été respectés en ce qui concerne Mme [E] [P]';
DEBOUTE Mme [E] [P] de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre';
y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [E] [P] aux entiers dépens.
Le greffierLe Président
S. MASCRIERD. JOLY