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23/01/2015 | FRANCE | N°14/03755

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 23 janvier 2015, 14/03755


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/03755





[H]



C/

SAS JEAN MOOS







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 31 Mars 2014

RG : F 12/00086











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 23 JANVIER 2015













APPELANT :



Jean Michel BERTHELIER

né le [Date naissance 1] 1969


[Adresse 2]

[Localité 1]



représenté par Me Pierre Yves LUCCHIARI de la SELARL LUCCHIARI, avocat au barreau de ROANNE







INTIMÉE :



SAS JEAN MOOS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Frédéric RENAUD de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat au bar...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/03755

[H]

C/

SAS JEAN MOOS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 31 Mars 2014

RG : F 12/00086

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 23 JANVIER 2015

APPELANT :

Jean Michel BERTHELIER

né le [Date naissance 1] 1969

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Pierre Yves LUCCHIARI de la SELARL LUCCHIARI, avocat au barreau de ROANNE

INTIMÉE :

SAS JEAN MOOS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Frédéric RENAUD de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 15 Mai 2014

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 12 Décembre 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Christine DEVALETTE, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 Janvier 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Christine DEVALETTE, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 11 décembre 1989, [U] [H] a été embauché par la S.A.S. Jean MOOS en qualité d'électricien sans contrat de travail écrit ; il a été en arrêt maladie du 21 décembre 2012 au 18 mai 2013 ; à l'issue des visites de reprise du 21 mai et du 4 juin 2013, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste de travail ; le 30 juillet 2013, il a été licencié pour inaptitude.

[U] [H] a saisi le conseil des prud'hommes de ROANNE ; il a querellé sa classification, a allégué une discrimination, a invoqué un harcèlement moral à l'origine de l'inaptitude, a soulevé la nullité du licenciement, subsidiairement son absence de cause et a réclamé des rappels de salaire, des rappels de prime, l'indemnité compensatrice de préavis, des dommages et intérêts, la remise sous astreinte des documents sociaux et une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 31 mars 2014, le conseil des prud'hommes a :

- condamné la S.A.S. Jean MOOS à verser à [U] [H] la somme de 2.500 euros à titre de rappel de salaire pour la période de 2007 à 2012, outre 250 euros de congés payés afférents, la somme de 2.350 euros à titre de rappel de prime exceptionnelle pour les années 2011 à 2013, outre 235 euros de congés payés afférents, la somme de 1.785,60 euros à titre de dommages et intérêts pour refus injustifié de formation et la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné la S.A.S. Jean MOOS à remettre à [U] [H] les bulletins de salaire, le certificat de travail et l'attestation POLE EMPLOI conformes, et, ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai d'un mois de la notification de la décision, se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté les autres demandes,

- condamné la S.A.S. Jean MOOS aux dépens y compris les frais éventuels d'exécution.

Le jugement a été notifié le 8 avril 2014 à [U] [H] qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 5 mai 2014.

Par conclusions visées au greffe le 12 décembre 2014 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [U] [H] :

- explique que les relations de travail se sont dégradées lors du changement de dirigeant de la société,

- indique qu'il percevait régulièrement depuis 5 ans une prime exceptionnelle de 950 euros, la fonde sur un usage, regrette la diminution du montant de la prime en 2011 et sa suppression en 2012 et réclame la somme de 2.350 euros à titre de rappel de prime exceptionnelle pour les années 2011 à 2013, outre 235 euros de congés payés afférents,

- note qu'il est le seul salarié qui s'est vu privé de la prime, en déduit une discrimination et réclame la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- indique qu'il a été classé au niveau 4 position 2 en février 2012, revendique cette classification pour une période antérieure, constate que la reclassification ne s'est accompagnée d'aucune augmentation du salaire et réclame, dans la limite de la prescription, la somme de 2.500 euros à titre de rappel de salaire pour les années 2007 à 2012, outre 250 euros de congés payés afférents,

- accuse l'employeur de harcèlement moral, caractérise le harcèlement par des brimades, des mesures discriminatoires et coercitives, des sanctions injustifiées et des mesures de rétrogradation vexatoires et abusives qui ont provoqué un état dépressif et réclame la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- relie l'inaptitude au harcèlement moral, en déduit la nullité du licenciement prononcé en raison de l'inaptitude et réclame la somme de 4.513,76 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 451,37 euros de congés payés afférents, et la somme de 58.824 euros à titre de dommages et intérêts,

- subsidiairement, argue d'une défaillance de l'employeur qui fait partie d'un groupe à son obligation de reclassement, estime le licenciement privé de cause et réclame la somme de 58.824 euros à titre de dommages et intérêts,

- reproche à l'employeur le refus de lui faire suivre des formations et réclame la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- souhaite la remise des bulletins de paie, du certificat de travail, du solde de tout compte et de l'attestation POLE EMPLOI rectifiés, et, ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement (sic),

- sollicite en cause d'appel la somme complémentaire de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'employeur aux dépens.

Par conclusions visées au greffe le 12 décembre 2014 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. Jean MOOS qui interjette appel incident :

- objecte à la demande de rappel de salaire que la classification du salarié correspondait aux tâches qu'il accomplissait et que le salarié percevait une rémunération supérieure aux minima conventionnels,

- explique la diminution du montant de la prime exceptionnelle laquelle a affecté tous les salariés par la baisse de ses résultats financiers,

- justifie l'annulation de la formation 'habilitation électrique' en octobre 2011 par le fait que le salarié avait suivi cette formation en septembre 2011,

- s'estime légitime à avoir refusé au salarié dans le cadre du droit individuel à la formation une formation relative à la tenue des débits de boisson car elle était sans lien avec le travail,

- dément tout harcèlement moral et observe que la qualité du travail du salarié s'était dégradée,

- soutient que le licenciement est bien fondé car elle a effectué des recherches de reclassement au sein de son groupe et a proposé un poste au salarié qui l'a refusé,

- souhaite le rejet des prétentions du salarié et subsidiairement la minoration des indemnités réclamées,

- sollicite la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation du salarié aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prime :

Les feuilles de paie montrent que [U] [H] a perçu une prime exceptionnelle de 920 euros en juillet 2007, de 950 euros en juillet 2008, de 950 euros en juillet 2009, de 950 euros en juillet 2010, de 500 euros en juillet 2011 et n'a plus touché de prime ensuite.

Les pièces produites par l'employeur démontrent que les autres salariés bénéficiaient également de primes ; la société justifie qu'un électricien a perçu une prime exceptionnelle de 950 euros en juillet 2010 et de 350 euros en juillet 2011, un électricien a perçu une prime exceptionnelle de 1.400 euros en juillet 2010 et de 700 euros en juillet 2011, un électricien a perçu une prime exceptionnelle de 800 euros en juillet 2010 et de 400 euros en juillet 2011, un électricien a perçu une prime exceptionnelle de 500 euros en juillet 2010 et de 250 euros en juillet 2011, un électricien a perçu une prime exceptionnelle de 800 euros en juillet 2010 et de 400 euros en juillet 2011, un plombier a perçu une prime exceptionnelle de 100 euros en juillet 2011 et n'a rien touché en juillet 2012, un électricien a perçu une prime exceptionnelle de 500 euros en juillet 2011 et de 250 euros en juillet 2012, un électricien a perçu une prime exceptionnelle de 850 euros en juillet 2011 et de 700 euros en juillet 2012, une assistante commerciale a perçu une prime exceptionnelle de 400 euros en juillet 2012 et n'a rien touché en juillet 2013, un plombier a perçu une prime exceptionnelle de 150 euros en juillet 2012 et n'a rien touché en juillet 2013, un magasinier a perçu une prime exceptionnelle de 150 euros en juillet 2012 et n'a rien touché en juillet 2013, un magasinier a perçu une prime exceptionnelle de 200 euros en juillet 2012 et n'a rien touché en juillet 2013.

La société argue de difficultés économiques ; elle a obtenu l'autorisation de recourir au chômage partiel au cours de l'année 2010 ; elle verse son compte résultat de mars 2010 qui fait apparaître un chiffre d'affaires net de 14.814.656 euros et un bénéfice de 1.310.191 euros et son compte résultat de mars 2011 qui fait apparaître un chiffre d'affaires net de 16.007.390 euros et un bénéfice de 600.984 euros.

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que :

1) le versement de la prime revêtait un caractère de généralité, de fixité et de constance lui conférant la nature d'usage,

2) la société ne rencontrait pas de difficultés économiques pour la période en cause,

3) d'autres salariés ont vu leur prime diminuée voire supprimée.

Dans ces conditions, [U] [H] a droit à la prime exceptionnelle de 950 euros pour les mois de juillet 2011, juillet 2012 et juillet 2013 mais n'a pas subi une discrimination.

Le rappel de prime se monte à 450 euros en juillet 2011, à 950 euros en juillet 2012 et à 950 euros en juillet 2013, soit la somme totale de 2.350 euros.

En conséquence, la S.A.S. Jean MOOS doit être condamnée à verser à [U] [H] la somme de 2.350 euros à titre de rappel de prime pour les années 2011 à 2013, outre 235 euros de congés payés afférents.

Le jugement entrepris doit être confirmé.

[U] [H] doit être débouté de sa demande nouvelle de dommages et intérêts pour discrimination.

Sur le rappel de salaire :

La convention collective nationale des ouvriers du bâtiment applicable à la cause classe au niveau 4, position 2, coefficient 270 les salariés qui soit réalisent avec une large autonomie les travaux les plus délicats de leur métier, soit assurent de manière permanente la conduite et l'animation d'une équipe, qui peuvent assumer des responsabilités dans la réalisation des travaux et assurer des missions de représentation auprès des tiers, qui possèdent la parfaite maîtrise de leur métier et des connaissances de techniques connexes, qui s'adaptent aux techniques et équipements nouveaux et qui peuvent être appelés à transmettre leur expérience.

[U] [H] et l'employeur ont échangé plusieurs courriers à compter d'août 2011 sur la question de la classification, le premier revendiquant le niveau 4, position 2 et le second le lui refusant ; [U] [H] a décrit ses fonctions comme suit : dépannage, installation antenne et parabole, gestion des achats de matériel pour le site de [Localité 4], organisation du planning, préparation et suivi de chantiers, réunion avec les clients, contact avec les clients pour établir les devis dont le chiffrage est effectué à [Localité 3], facturation mensuelle avec la secrétaire d'[Localité 3], rédaction des papiers administratifs (bon de livraison, facture, bon de commande, arrêt maladie, accident de travail, demande de congés, feuille de paye) pour l'effectif de [Localité 4], informatique pour contact mail ; l'employeur a répliqué que le salarié ne gérait pas les emplois du temps des deux autres salariés du site de [Localité 4], ne développait pas le portefeuille client, ne gérait pas la charge de travail de l'agence et travaillait du mardi au vendredi et ne pouvait donc pas prétendre à être responsable d'agence.

Le 16 décembre 2011, l'employeur a offert à [U] [H] un poste de chef d'équipe à [Localité 3] ; le 9 février 2012, l'employeur a proposé à [U] [H] la classification niveau 4 position 2 sur un poste de dépanneur à [Localité 4] ; [U] [H] a accepté.

Un gérant de société et deux particuliers attestent que [U] [H] était leur seul interlocuteur. Le 21 mars 2008, [U] [H] en sa qualité de responsable de l'agence de [Localité 4] a délivré une attestation de conformité de l'installation électrique et de l'alarme incendie du groupe artistique de ST JUST LA PENDUE. La société a embauché [L] [M] en qualité de chargé d'affaires en électricité seulement à compter du 25 juillet 2011.

Les feuilles de paie montrent que [U] [H] :

* était classé au niveau 3 position 2, coefficient 230 et percevait un salaire de base de 2.005,49 euros en juillet 2007,

* était classé au niveau 3 position 2, coefficient 230 et percevait un salaire de base de 2.066,32 euros en juillet 2008,

* était classé au niveau 3 position 2, coefficient 230 et percevait un salaire de base de 2.098,06 euros en juillet 2009,

* était classé au niveau 3 position 2, coefficient 230 et percevait un salaire de base de 2.119,22 euros en juillet 2010,

* était classé au niveau 3 position 2, coefficient 230 et percevait un salaire de base de 2.150,95 euros en juillet 2011,

* était classé au niveau 3 position 2, coefficient 230 et percevait un salaire de base de 2.166,01 euros en août 2012,

* était classé au niveau 3 position 2, coefficient 230 et percevait un salaire de base de 2.166,01 euros en juillet 2013.

Les salaires minimaux conventionnels se montaient pour le niveau 4 position 2 à :

* 2.021,10 euros en 2007,

* 2.083,20 euros en 2008,

* 2.115,60 euros en 2009,

* 2.137,20 euros en 2010,

* 2.169,60 euros en 2011,

* 2.215,50 euros en 2012,

* 2.250,60 euros en 2013.

[U] [H] doit rapporter la preuve qu'il effectuait les fonctions décrites par la convention collective et correspondant à la classification revendiquée ; en l'espèce, il ne démontre pas qu'il réalisait les travaux les plus délicats de son métier ni qu'il assurait de manière permanente la conduite et l'animation d'une équipe.

En conséquence, [U] [H] doit être débouté de sa demande de reclassification pour la période antérieure à février 2012.

Le 9 février 2012, l'employeur a proposé la classification niveau 4 position 2 à [U] [H] qui l'a acceptée ; à compter de cette date, [U] [H] doit donc être classé niveau 4 position 2.

Les feuilles de paie postérieures à février 2012 mentionnent toujours le niveau 3 et le salaire mensuel de 2012 et 2013 est inférieur au minimum conventionnel.

Il s'ensuit un rappel de salaire conventionnel qui se monte à la somme de 1.136,52 euros se calculant comme suit : 49,49 euros multipliés par 11 mois en 2012 plus 84,59 euros multipliés par 7 mois en 2013.

En conséquence, la S.A.S. Jean MOOS doit être condamnée à verser à [U] [H] la somme de 1.136,52 euros à titre de rappel de salaire conventionnel pour les années 2012 et 2013, outre 113,65 euros de congés payés afférents.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur la formation :

[U] [H] a suivi un stage 'habilitation électrique niveau 1 et supérieur' le 27 septembre 2011. Par lettre du 19 octobre 2011, l'employeur a annulé la participation de [U] [H] au stage habilitation électrique des 20 et 21 octobre 2011. Le 8 avril 2012, [U] [H] a demandé à son employeur de suivre une formation licence 4 dans le cadre du droit individuel à la formation ce que l'employeur a refusé.

L'employeur était légitime à s'opposer à ce que le salarié suive les formations précitées, la première se déroulant trois semaines après celle suivie sur le même thème et la seconde étant dépourvue de tout lien avec le travail.

En conséquence, [U] [H] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour refus de formation.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur le harcèlement moral :

L'article L.1152-1 du code du travail prohibe les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droit ou à la dignité du salarié ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; en application de l'article L.1154-1 du code du travail et de la réserve émise par le Conseil Constitutionnel, il appartient au salarié qui allègue d'un harcèlement d'établir la matérialité des éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence du harcèlement et il appartient à l'employeur de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs.

Il a été relevé précédemment que l'employeur a annulé la participation de [U] [H] à une formation la veille du jour fixé et ne lui a pas réglé le salaire conventionnel.

Par lettre du 7 novembre 2011, l'employeur a convoqué [U] [H] car il lui reprochait de dépasser très largement les temps de réalisation du travail et il a usé du terme 'saboter'. Par lettre du 31 mai 2012, l'employeur a reproché à [U] [H] la mauvaise qualité de son travail, l'absence de réponse aux messages des chargés d'affaires, le défaut d'information sur son emploi du temps et il l'a menacé de sanctions. Le 23 juillet 2012, l'employeur a organisé une contre-visite médicale de [U] [H] ; le médecin a validé l'arrêt de travail. Le 26 septembre 2012, l'employeur a demandé à [U] [H] le planning de ses travaux pour le restant de la semaine et pour la semaine suivante. Le lundi 10 décembre 2012 à 14 heures 51, [L] [M] a envoyé à [U] [H] un courrier électronique pour se plaindre qu'il n'avait pas répondu à son message du vendredi à 17 heures 45 ; il indiquait 'je n'apprécie pas cette façon de faire' ; or, l'employeur avait précédemment admis que [U] [H] ne travaillait pas le lundi et la lettre d'embauche faisait s'achever le travail à 16 heures le vendredi. Par lettre du 11 décembre 2012, l'employeur a infligé un avertissement à [U] [H] en raison de la mauvaise qualité de son travail et de l'absence de réponse aux messages des autres salariés. Par lettre du 19 décembre 2012, l'employeur a signifié à [U] [H] qu'il serait supervisé directement par [L] [M], chargé d'affaires, vers qui il devra diriger tout client et toute demande de client, qu'il serait libéré du suivi commercial des clients de NEULISE au profit de [L] [M], que le stock de NEULISE sera basculé sur le site d'[Localité 3], qu'à compter du 2 janvier 2013, il sera rattaché au site d'[Localité 3] et travaillera du lundi au vendredi à partir de 7 heures du matin et qu'il devait prévoir son planning d'intervention pour la semaine du 31 décembre 2012 au 4 janvier 2013. La lettre d'embauche faisait débuter la journée de travail à 7 heures 30 et non à 7 heures et les parties dans leurs courriers respectifs antérieurs ont indiqué que [U] [H] travaillait du mardi au vendredi.

[U] [H] a été en arrêt maladie le 21 décembre 2012 pour syndrome dépressif aigüe.

L'employeur a continué à envoyer au salarié des courriers de doléance. L'employeur a requis un huissier de justice pour contrôler [U] [H] ; l'huissier s'est rendu dans le bar de l'épouse de [U] [H] le 19 janvier 2013 ; les époux [H] étaient partis faire du ski ; une employée a déclaré à l'huissier de justice que le fonds de commerce était exploité par l'épouse de [U] [H] et un employé a déclaré que le fonds était exploité par [U] [H]. Lors d'un autre constat effectué le 18 juillet 2013, l'huissier de justice a vu que [U] [H] se trouvait derrière le comptoir du bar.

De la confrontation de ces éléments pris dans leur ensemble, la Cour tire la conviction, sans qu'il soit nécessaire d'organiser une mesure d'expertise que les parties ne sollicitent d'ailleurs pas, que [U] [H] a été victime de harcèlement moral.

Les éléments de la cause justifient de chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 3.000 euros.

En conséquence, la S.A.S. Jean MOOS doit être condamnée à verser à [U] [H] la somme de 3.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur le licenciement :

[U] [H] a été déclaré inapte à son poste de travail et à tout poste dans la société et ses différents établissements et licencié pour inaptitude.

La reconnaissance d'un harcèlement moral conduit à déclarer le licenciement nul.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

En application de l'article L. 1234-1-3°, [U] [H] dont l'ancienneté est supérieure à deux ans a droit à une indemnité compensant un préavis de deux mois ; le salaire mensuel conventionnel auquel il avait droit se monte à la somme de 2.250,60 euros ; il s'ensuit une indemnité compensatrice de préavis de 4.501,20 euros.

En conséquence, la S.A.S. Jean MOOS doit être condamnée à verser à [U] [H] la somme de 4.501,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 450,01 euros de congés payés afférents.

[U] [H] comptabilisait une ancienneté supérieure à deux ans et la S.A.S. Jean MOOS employait plus de onze salariés.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, [U] [H] a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la rémunération des six derniers mois travaillés ; il bénéficiait d'une ancienneté de 23 ans ; il aide son épouse à tenir un bar ; les éléments de la cause justifient de chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 54.000 euros.

En conséquence, la S.A.S. Jean MOOS doit être condamnée à verser à [U] [H] la somme de 54.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Sur la remise des documents :

Il doit être enjoint à la S.A.S. Jean MOOS de remettre à [U] [H] le bulletin de paie, le certificat de travail, le solde de tout compte et l'attestation POLE EMPLOI conformes au présent arrêt.

Aucun élément ne permettant de supposer une résistance de la société à satisfaire à cette injonction, une astreinte n'est pas nécessaire et [U] [H] doit être débouté de ce chef de demande.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de condamner la S.A.S. Jean MOOS à verser à [U] [H] en cause d'appel la somme complémentaire de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.A.S. Jean MOOS qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel et le jugement entrepris doit être confirmé.

Les frais d'exécution forcée ne rentrent pas dans les dépens, sont futurs et éventuels et la question de leur charge relève de la compétence du juge de l'exécution ; en conséquence, la S.A.S. Jean MOOS ne doit pas être, en l'état, condamnée aux frais d'exécution forcée et le jugement entrepris doit être infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la S.A.S. Jean MOOS à verser à [U] [H] la somme de 2.350 euros à titre de rappel de prime pour les années 2011 à 2013, outre 235 euros de congés payés afférents, et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,

Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

Déboute [U] [H] de sa demande de reclassification pour la période antérieure à février 2012,

Condamne la S.A.S. Jean MOOS à verser à [U] [H] la somme de 1.136,52 euros à titre de rappel de salaire conventionnel pour les années 2012 et 2013, outre 113,65 euros de congés payés afférents,

Déboute [U] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour refus de formation,

Juge que [U] [H] a été victime de harcèlement moral,

Condamne la S.A.S. Jean MOOS à verser à [U] [H] la somme de 3.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

Déclare le licenciement nul,

Condamne la S.A.S. Jean MOOS à verser à [U] [H] la somme de 4.501,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 450,01 euros de congés payés afférents,

Condamne la S.A.S. Jean MOOS à verser à [U] [H] la somme de 54.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Juge n'y avoir lieu en l'état de condamner la S.A.S. Jean MOOS aux frais d'exécution forcée,

Ajoutant,

Déboute [U] [H] de sa demande nouvelle de dommages et intérêts pour discrimination,

Enjoint à la S.A.S. Jean MOOS de remettre à [U] [H] le bulletin de paie, le certificat de travail, le solde de tout compte et l'attestation POLE EMPLOI conformes au présent arrêt,

Déboute [U] [H] de sa demande d'astreinte,

Condamne la S.A.S. Jean MOOS à verser à [U] [H] en cause d'appel la somme complémentaire de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.S. Jean MOOS aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Christine DEVALETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 14/03755
Date de la décision : 23/01/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°14/03755 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-23;14.03755 ?
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